Déposition sous serment des témoins entendus par le juge d’instruction
Lien vers la décision :
https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2023/20231072QPC.htm
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00:00 ...
00:16 -Bien. Bonjour à tous.
00:17 Nous avons aujourd'hui 2 questions prioritaires
00:21 de constitutionnalité à notre ordre du jour.
00:23 Nous allons commencer avec la question n°2023-1072.
00:28 Elle porte sur les articles 103 et 108
00:30 du Code de procédure pénale.
00:32 Mme la greffière, nous sommes toutes ouïes.
00:35 -Merci, M. le président.
00:37 Le Conseil constitutionnel a été saisi le 6 octobre 2023
00:41 par un arrêt de la Chambre criminelle
00:42 de la Cour de cassation.
00:44 Une question prioritaire de constitutionnalité
00:46 posée par M. Adel Mouachim,
00:48 portant sur la conformité aux droits et libertés
00:51 que la Constitution garantit
00:53 des articles 103 et 108 du Code de procédure pénale.
00:57 Cette question relative à la déposition sous serment
00:59 des témoins entendus par le juge d'instruction
01:01 a été enregistrée au secrétariat général
01:03 du Conseil constitutionnel
01:05 sous le numéro 2023-1072-QPC.
01:09 La Première ministre a produit des observations
01:10 le 25 octobre 2023.
01:12 Ne sera entendu aujourd'hui
01:14 que le représentant de la Première ministre.
01:17 -Très bien. Alors, M. Canguillem,
01:20 puisque vous êtes le seul orateur,
01:23 au nom de la Première ministre, nous vous écoutons.
01:26 -Merci, M. le président, mesdames et messieurs
01:27 les membres du Conseil constitutionnel.
01:30 Par la présente question prioritaire
01:31 de constitutionnalité, le requérant soutient
01:33 que le fait pour le législateur d'avoir prévu
01:35 que les personnes dispensées de prêter serment
01:37 dans les juridictions de jugement
01:39 devaient en revanche, à l'exception des mineurs de 16 ans,
01:42 prêter serment au cours de l'instruction
01:44 méconnaît les droits et libertés que la Constitution garantit.
01:48 L'article 108 du Code de procédure pénale
01:50 disposait, dans sa version applicable à l'espèce
01:52 et issue de la loi du 15 juin 2000,
01:55 de prévoir que seuls les enfants au-dessous de l'âge de 16 ans
01:57 étaient entendus sans prestation de serment.
02:00 Il convient toutefois, d'ores et déjà,
02:02 de relever que l'article 6
02:04 de la loi d'orientation et de programmation de la justice
02:07 du 20 novembre 2023,
02:09 et donc publié au dernier journal officiel,
02:11 a ajouté une seconde phrase à cet article 108
02:14 du Code de procédure pénale, qui prévoit désormais
02:17 que les personnes représentant avec la personne mise en examen
02:20 ou avec le témoin assisté, une des relations prévues
02:23 au 1er à 5e mois de l'article 335 du Code de procédure pénale,
02:28 sont dorénavant également dispensées du serment
02:31 au stade de l'instruction.
02:33 Les personnes ainsi visées, par référence à l'article 335
02:35 du Code de procédure pénale, sont les ascendants et descendants,
02:38 les frères et sœurs, les alliés au même degré,
02:40 le conjoint ou l'ex-conjoint de l'accusé.
02:43 Cette extension aux auditions de témoins
02:45 pendant l'instruction des dispenses applicables
02:47 devant les juridictions de jugement
02:49 résulte d'un amendement des rapporteurs de la loi
02:52 déposé le 19 juin 2023.
02:54 Cette extension répond à un souci d'harmonisation
02:57 des règles de la comparution des témoins non soupçonnés
03:00 entre les différents cadres d'investigation,
03:03 et n'était pas commandée par le souci
03:04 de remédier à une inconstitutionnalité.
03:07 En effet, les dispositions de l'article 108
03:08 du Code de procédure pénale,
03:09 dans sa version aujourd'hui soumise à votre contrôle,
03:12 ne méconnaissent aucun droit ou liberté
03:14 que la Constitution garantit.
03:16 Elles ne méconnaissent pas le droit à un procès équitable
03:18 ni les droits de la défense, que votre jurisprudence rattache
03:20 à l'article 16 de la déclaration 1789.
03:23 En effet, contrairement à ce qui est soutenu,
03:25 le champ très restreint des personnes
03:27 qui n'étaient pas entendues sous serment
03:28 au stade de l'instruction
03:29 ne privait pas la personne mise en examen
03:32 de la possibilité de contester les faits
03:33 invoqués par le témoin.
03:36 En effet, la déposition effectuée sans serment
03:38 n'a pas juridiquement de valeur moindre
03:40 que celle effectuée sous la foi du serment.
03:43 Cela a été rappelé notamment dans le commentaire
03:45 de votre décision 828-829 QPC.
03:49 L'objectivité et la sincérité du témoignage
03:51 peuvent être contestés de la même manière
03:53 que les témoignages aient été recueillis ou non
03:55 sous la foi du serment.
03:56 Il ne résulte d'aucune disposition
03:58 du code de procédure pénale ni d'aucun principe
04:01 que le contenu d'un témoignage sous serment
04:04 ne pourrait être contesté.
04:08 Les dispositions contestées ne méconnaissent pas davantage
04:10 le principe constitutionnel d'égalité
04:12 dont la méconnaissance est alléguée
04:14 en 2 branches distinctes.
04:15 Selon la 1re branche du grief,
04:17 il existerait une rupture d'égalité
04:18 entre les personnes mises en examen
04:20 selon que la victime se soit constituée partie civile,
04:23 ce qui interdit son audition comme témoin,
04:25 ou qu'elle ne l'ait pas fait.
04:27 Mais le choix opéré par une personne
04:28 de se constituer partie civile
04:30 et le statut qui s'y attache
04:32 place objectivement cette personne
04:34 dans une situation différente
04:35 de celle d'un simple témoin,
04:37 encore une fois, ces 2 situations,
04:38 ces 2 qualités étant incompatibles.
04:40 Le législateur s'est ainsi borné
04:42 à prévoir des règles procédurables différentes
04:45 pour le justiciable selon qu'il soit ou non partie civile,
04:48 mais il n'a instauré aucune différence de traitement
04:51 entre les personnes mises en examen
04:52 selon que les victimes se soient ou non constituées
04:56 partie civile. La 1re partie du grief
04:58 pourra donc être écartée comme étant inopérante.
05:01 Il est également soutenu que le régime d'exemption du serment,
05:05 tel qu'il existait,
05:06 entraînait une rupture d'égalité injustifiée
05:09 dès lors que les déclarations de la victime
05:11 ayant la qualité de conjoint ou d'ex-conjoint
05:13 de la personne mise en cause
05:14 n'étaient pas recueillies sous la foi du serment
05:16 au stade du jugement alors qu'elle était
05:18 au stade de l'instruction.
05:21 Mais ainsi que cela a déjà été exposé,
05:23 la différence de traitement qui résulte
05:24 de l'obligation de serment est nulle
05:27 quant à la valeur des éléments recueillis
05:30 et ne tient en réalité qu'à la possibilité
05:32 pour le témoin entendu sous la foi du serment
05:33 d'être poursuivi pour le délit de témoignage mensonger
05:36 prévu par les dispositions de l'article 434-13
05:39 du Code pénal.
05:41 La différence de règles procédurales
05:42 entre une personne entendue dans le cadre de l'instruction
05:44 et une personne entendue devant la cour d'assises
05:47 ne procède donc pas d'une discrimination injustifiée.
05:50 Le grief tiré de la méconnaissance
05:51 du principe d'égalité pourra donc être écarté
05:54 dans ces 2 branches.
05:55 Aucune exigence consignale n'ayant été méconnue.
05:57 Je vous invite ainsi à déclarer les dispositions
05:59 de l'article 108 du Code de procédure pénale
06:02 dans sa version applicable à l'espèce
06:03 conforme à la Constitution.
06:06 -Merci, M. Ganguillem.
06:07 Alors, est-ce que de ce côté-ci,
06:11 il y a des questions à poser ?
06:13 Non. Vous êtes...
06:15 Vous me récupérez très bien.
06:16 Alors, nous allons examiner tout cela.
06:20 Et nous sommes aujourd'hui le 21 novembre.
06:22 Nous rendrons notre décision publique
06:24 le 30 novembre prochain.