Code général de la fonction publique
Article L.134-4
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01:22Bien, bonjour à tous. L'audience est ouverte pour une séance qui ne sera pas longue, probablement, puisque nous n'avons qu'une QPC à l'ordre du jour.
01:36C'est la question numéro 2024-1098 et elle porte sur l'article L134-4 du Code général de la fonction publique.
01:47Madame la Gréfière, dites-nous où nous en sommes du point de vue de la procédure d'instruction.
01:52Merci, M. le Président. Le Conseil constitutionnel a été saisi le 26 avril 2024 par une décision du Conseil d'État d'une question prioritaire de constitutionnalité
02:02posée par M. Sébastien Lemarchand portant sur la conformité aux droits et libertés que la Constitution garantit de l'article L134-4 du Code général de la fonction publique.
02:13Dans sa rédaction issue de l'ordonnance numéro 2021-1574 du 24 novembre 2021 portant partie législative du Code général de la fonction publique.
02:24Cette question relative à la protection fonctionnelle des agents publics mis en cause pénalement a été enregistrée au secrétariat général du Conseil constitutionnel sous le numéro 2024-1098 QPC.
02:36Maître Clément Cavelier a produit des observations dans l'intérêt de la partie requérante les 21 et 28 mai 2024.
02:43Le Premier ministre a produit des observations le 21 mai 2024 et ne sera entendu aujourd'hui que le représentant du Premier ministre.
02:51Très bien. Alors Maître Cavelier qui représente la partie requérante a fait savoir, vous l'indiquiez Madame, qu'il s'en remettait à ses écritures.
03:01Et donc nous allons écouter seulement Monsieur Canguilhem qui parle pour le Premier ministre.
03:09Merci Monsieur le Président. Mesdames et Messieurs les membres du Conseil constitutionnel, la protection fonctionnelle est due aux fonctionnaires contre les menaces, violences, voies de fait, injures, diffamations ou outrages dont ils peuvent être victimes.
03:20Outre ces hypothèses, l'article 11 de la loi du 13 juillet 1983 limitait initialement cette protection en cas de condamnation civile prononcée à l'encontre du fonctionnaire en l'absence de fautes personnelles détachables de ses fonctions.
03:34Et l'extension du bénéfice de la protection fonctionnelle à la sphère pénale s'est réalisée en deux étapes.
03:40La première étape de cette extension est le fait de la loi du 16 décembre 1996 qui a étendu le bénéfice de la protection fonctionnelle aux poursuites pénales à raison du fait qu'ils n'ont pas le caractère d'une faute personnelle.
03:51Et au terme de la jurisprudence du Conseil d'Etat la mieux établie depuis un arrêt de section védraine du 19 novembre 1993, cette expression poursuite pénale s'entend de la mise en mouvement de l'action publique.
04:03Et la seconde étape de cette extension à la sphère pénale de la protection fonctionnelle est l'oeuvre de la loi du 20 avril 2016 qui prévoit que la protection du service doit également bénéficier à l'agent placé en garde à vue, à celui qui est entendu en qualité de témoin assisté et ainsi qu'à celui qui se voit proposer une mesure de composition pénale.
04:22Et ce qui est ici reproché aux législateurs par les auteurs de la QPC c'est de s'être arrêté au cours de cette seconde étape et de ne pas avoir prévu de troisième étape qui prévoitrait à l'article L134-4 du code général de la fonction publique qui fait l'objet de la présente QPC que cet article ne prévoit pas le bénéfice de la protection fonctionnelle pour les agents entendus au stade de l'audition libre.
04:46L'audition libre qui existait auparavant dans les faits et que votre jurisprudence avait eu alors à connaître n'a vu son existence consacrée dans le code de procédure pénale que par la loi du 27 mai 2014 elle est aujourd'hui prévue à l'article 61-1 du code de procédure pénale.
05:04Il résulte de ces dispositions que la personne à l'égard de laquelle il existe des raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction peut être entendue librement à condition toutefois que lui a été notifié la qualité de l'infraction reprochée ainsi que les lieux et dates de sa commission que lui a été notifié son droit de se taire ainsi que son droit de quitter à tout moment les locaux où elle est entendue.
05:28L'audition libre est donc un acte d'investigation sans contrainte antérieure à toute poursuite pénale qui place la personne qui en fait l'objet dans une situation objectivement différente de celle des agents placés en garde à vue qui ont la qualité de témoin assisté ou auquel une composition pénale a été proposée.
05:48La situation est différente par rapport à la garde à vue dès lors qu'au cours de l'audition libre aucune contrainte ne s'exerce évidemment sur la personne entendue libre de se rendre sur les lieux de l'audition libre de l'équité à tout moment et d'ailleurs le dernier alinéa de l'article 61-1 du code de procédure pénale relative à l'audition libre précise que l'audition libre est impossible si la personne a été amenée sous la contrainte.
06:14Contrairement à la garde à vue, l'audition libre n'est pas une mesure de contrainte portant atteinte à la liberté individuelle.
06:20La situation est également différente par rapport au statut de témoin assisté. Contrairement à l'audition libre, le statut de témoin assisté n'est pas un acte d'enquête mais se rapporte à l'information judiciaire dans un statut que le législateur a conçu en lien étroit avec celui de la mise en examen.
06:37Il s'agit donc d'actes de nature distinctes dans la procédure pénale et qui ne peuvent être comparés.
06:44Enfin, la situation est radicalement différente par rapport à la composition pénale prévue à l'article 41-2 du code de procédure pénale qui proposait à une personne reconnaissant avoir commis un délit.
06:58Il s'agit là d'une réponse pénale qui ne peut être apportée tant que l'action publique n'a pas été mise en mouvement, la personne qui en bénéficie ou qui en fait l'objet est donc alors nécessairement dans une situation différente, elle a reconnu sa culpabilité, de celle qui est entendue sous le régime de l'audition libre justement dans le cadre d'une enquête pour déterminer si elle a ou non commis ou tenté de commettre une infraction.
07:22L'ensemble de ces différences de situation sont en lien direct avec l'objet de la loi par laquelle la collectivité publique accorde sa protection aux fonctionnaires.
07:32En son principe, la protection fonctionnelle est justifiée par la nature particulière des missions confiées aux agents publics et aux risques auxquels ils sont de ce fait exposés.
07:44La gravité de la situation dans laquelle est placé le fonctionnaire en raison de ces risques particuliers est donc le paramètre essentiel permettant de déterminer les hypothèses dans lesquelles la protection fonctionnelle lui est due.
07:58Dans les hypothèses prévues au deuxième et troisième malinéa de l'article 134-4 du code général de la fonction publique et qui ont déjà été largement évoquées, les agents se trouvent dans une situation dont la gravité justifie la protection des services.
08:12L'agent garde à vue est privé de liberté, l'information judiciaire est ouverte en cas de l'agent placé sous le statut de témoin assisté et celui qui fait l'objet d'une mesure de composition pénale a même reconnu sa culpabilité.
08:26A l'inverse, entendu dans le cadre de l'audition libre, l'agent n'est alors pas encore dans une situation d'une gravité telle qu'elle justifie la protection du service.
08:38Elle peut le devenir et si l'audition libre déboue sur un placement en garde à vue, alors l'agent rentrera dans le champ actuel de l'article 134-4 et sera dans une situation qui justifie le bénéfice de la protection fonctionnelle.
08:52Dans ces conditions, le fait que l'agent entendu en audition libre ne puisse pas bénéficier de la protection fonctionnelle est en lien direct avec l'objet de la loi et ne méconnaît donc pas les exigences du principe constitutionnel d'égalité.
09:06Un mot rapidement sur les conséquences éventuelles si vous deviez toutefois déclarer ces dispositions contraires à la Constitution.
09:16Il vous serait alors demandé de reporter les effets de votre décision dès lors qu'une abrogation immédiate entraînerait des conséquences manifestement excessives,
09:26car alors il n'y aurait plus de fondement légal permettant aux agents entendus en qualité de témoin assisté, placé en garde à vue ou faisant l'objet d'une mesure de composition pénale de bénéficier de la protection fonctionnelle.
09:40Il y aurait ainsi lieu, s'il était décidé une censure de ces dispositions, de reporter leur abrogation et d'accorder au législateur un délai suffisant lui permettant d'y remédier.
09:50Aucune exigence constitutionnelle n'ayant été méconnue. Je vous invite à déclarer les dispositions de l'article 134-4 du Code général de la fonction publique.
09:57Merci M. Canguilhem. Alors, nous avons entendu M. Canguilhem, nous avons lu les écritures de la partie requérante, en partant de son avocat.
10:08Est-ce qu'il y a des questions que vous voulez poser l'un ou l'autre ? Oui, Mme la conseillère Malbec.
10:14Oui, merci M. Canguilhem. L'audition de libre est possible aussi sur commissariat obligatoire alors qu'une information judiciaire a été ouverte.
10:24Il n'y a pas que le statut de témoin assisté. Donc comment vous mettez en musique un peu tout ça alors même qu'il y a une information d'ouverte ?
10:32Merci M. Canguilhem. Alors, pour être sûr de bien comprendre votre question, dans ce cas-là, le bénéfice de la protection conventionnelle n'est pas davantage permis par les dispositions contestées.
10:44On est d'accord, mais vous disiez tout à l'heure que l'action publique, il n'y avait pas de mise en mouvement de l'action publique. Le statut possible de l'audition libre existe.
10:55Le juge d'instruction ayant délivré une commission obligatoire, les services d'enquête peuvent procéder à une audition libre alors même que l'information ouverte et que l'action publique a été mise en marche.
11:06Donc je voulais savoir comment vous articuliez ça avec les propos que vous teniez tout à l'heure ?
11:12Et on est encore dans le cadre d'une enquête.
11:16On est quand même dans le cadre d'une ouverture d'information. Ce n'est pas la même chose. On n'est pas en enquête préliminaire, c'est ça que je veux dire.
11:26Oui ?
11:28Oui. Je n'ai pas de réponse particulière à te rapporter.
11:32Merci. Est-ce qu'il y a d'autres questions ? Non ? Vous êtes informés ? Parfait. Alors nous allons nous plonger dans tout cela davantage et nous rendrons notre décision publique le 4 juillet prochain.
11:51Donc dans quelques jours. Et vous pourrez en prendre connaissance en vous connectant sur notre site internet. L'audience est levée dans cette belle journée.
12:00Bonne journée.