SMART TECH - Emission du mardi 3 octobre

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Mardi 3 octobre 2023, SMART TECH reçoit Ralph Roggenbuck (juriste, Centre Européen des Consommateurs France) , Véronique Reille Soult (cofondatrice et présidente, Backbone Consulting) et Lilie Boizumault (Analyste scientifique, Bioxegy)
Transcript
00:00 Bonjour à tous. L'ultime pour voir la vérité sur l'impact des réseaux sociaux. C'est un ouvrage
00:13 que nous allons commenter aujourd'hui dans Smartech largement puisque mon invité s'appelle Véronique
00:17 Rey-Sout, la directrice fondatrice de Backbone Consulting. C'est une experte dans le domaine
00:23 de l'opinion et c'est l'autrice de cet ouvrage. Et puis nous aurons rendez-vous avec le biomimétisme.
00:29 On va s'intéresser cette fois aux ventouses des pieuvres qui ont permis de penser différemment
00:33 la création d'un adhésif. Mais d'abord je vais poser trois questions au centre européen des
00:38 consommateurs sur ces règlements DSA, DMA sont-ils véritablement des alliés des consommateurs
00:45 européens et français en particulier ? C'est parti pour Smartech.
00:48 Bonjour Ralf Roggenbück, nous sommes connectés à distance tous les deux. Merci beaucoup.
00:57 Vous êtes juriste au centre européen des consommateurs pour la partie française. Alors
01:03 ce centre il a été créé par la commission européenne en 2005. Il est cofinancé par le ministère de
01:09 l'économie et il est là en fait pour répondre aux consommateurs sur des questions de droits de la
01:14 consommation mais aussi sur des points de litige dans le domaine du commerce
01:21 transfrontalier et en particulier les sujets qui vous intéressent vous c'est dans le domaine du
01:26 e-commerce. Alors ma première question c'est que représentent ces litiges aujourd'hui en matière
01:31 d'e-commerce ? Tous ces litiges que vous voyez arriver sur votre bureau ? Il y en a beaucoup,
01:39 ils sont divers et nombreux. Après s'il fallait maintenant résumer en gros les catégories de
01:46 litiges qu'on rencontre, qu'on réceptionne en matière d'e-commerce ce sont essentiellement
01:50 les non livraisons de produits et services, les non conformités des produits que reçoivent
01:55 les consommateurs, le droit de rétractation par exemple qui n'est pas respecté, les consommateurs
02:00 victimes de sites de contrefaçon par exemple aussi. Donc voilà après on pourrait citer
02:08 énormément d'autres exemples mais en matière d'e-commerce ce sont essentiellement ce genre
02:12 de cas de figure. Et une difficulté qu'on rencontre beaucoup aussi ce sont tous ces
02:17 consommateurs qui finalement achètent des produits et services via des plateformes,
02:21 des plateformes en ligne, ne se rendent pas forcément compte qu'elles contractent avec
02:25 un vendeur qui est quelqu'un d'autre que cette plateforme là et qui parfois voilà n'ont même
02:30 pas les coordonnées, ne savent même pas à qui ils ont affaire, qui est le vendeur professionnel,
02:34 qui est le prestateur de services lorsqu'ils passent via ces plateformes là. Alors est-ce
02:39 qu'il vous semble évident que les règlements européens qui arrivent, ça y est qui sont là
02:44 même, le DSA et puis le DMA vont permettre d'adresser ces problématiques que rencontrent
02:51 les consommateurs ? Quels sont selon vous déjà les points les plus importants à retenir de ces
02:54 deux règlements pour les consommateurs français ? Eh bien déjà le DSA, le Digital Services Act,
03:00 dont on peut parler en premier lieu, va déjà réglementer pas mal de choses, c'est un règlement
03:06 déjà, alors qu'avant il y avait une directive, directive dite du commerce électronique datée
03:11 de juin 2000, qui était donc tout à fait désuète par rapport à l'évolution maintenant du marché
03:15 numérique. Et justement à propos de ce que je disais avant avec les plateformes, les marketplaces
03:21 où finalement les consommateurs ne sont pas toujours informés de l'identité réelle du vendeur
03:25 ou du prestataire, eh bien le DSA justement maintenant va imposer à ces plateformes de
03:32 tracer les vendeurs, c'est-à-dire de vérifier qui sont les vendeurs, demander leurs coordonnées,
03:36 vérifier l'exactitude des informations qui sont fournies par ces vendeurs ou prestataires
03:41 professionnels, demander leur numéro de registre, leurs coordonnées, faire même des contrôles
03:46 aléatoires sur la conformité des produits ou services qu'ils distribuent en vérifiant si les
03:51 produits ou services ne sont pas blacklistés par exemple. Donc là c'est vraiment des obligations
03:55 accrues maintenant sur les plateformes et c'est vrai que nous, voilà, au centre européen des
04:00 consommateurs, on a très souvent ce problème-là, les consommateurs qui se retrouvent un peu sans
04:04 droit parce qu'ils ne savent même pas à qui ils ont affaire réellement. Donc pour exercer un droit
04:08 de rétractation ou pour réclamer en application d'une garantie parce que vous avez reçu un produit
04:14 défectueux, si vous ne savez pas qui est le professionnel, c'est très très compliqué et
04:17 c'est pas entendable du tout de nos jours de ne pas avoir ce type de recours. Donc du coup c'est
04:22 très important et ce règlement répond vraiment à cette question-là. Donc il impose vraiment les
04:29 plateformes d'informer les consommateurs sur l'identité des vendeurs. Après le DSA prévoit
04:35 encore beaucoup d'autres choses, il encadre la publicité, par exemple il va interdire les dark
04:42 patterns aussi, c'est-à-dire les techniques manipulatrices qui consistent finalement à
04:45 rendre des désabonnements beaucoup plus difficiles que des abonnements, à vous forcer à accepter des
04:50 cookies, ce genre de choses. Et il va aussi encore, comment dire, renforcer les obligations des
04:58 plateformes en matière de, comment dire, rendre les conditions générales des plateformes plus
05:04 claires et intelligibles et de permettre des moyens de contester et les modérations de contenus,
05:08 c'est-à-dire si maintenant votre compte est bloqué de manière abusive, de vraiment avoir des recours.
05:13 Donc si je comprends bien, pour vous c'est très vaste mais c'est aussi très concret et là on a
05:22 affaire vraiment à des règlements qui sont des alliés dans le domaine du droit à la consommation.
05:26 Et ce qui reste quand même, alors très rapidement c'est ma dernière question,
05:29 est-ce qu'il reste quand même des sujets sur lesquels on attend toujours une réponse,
05:33 selon vous une réponse politique, qui devrait être plus forte ou différente ?
05:37 Alors je n'ai pas eu le temps de parler juste du DMA qui complète le DSA et qui vise plutôt
05:42 à limiter la position concurrentielle des GAFAM, des grands groupes. Voilà,
05:47 je voulais juste préciser qu'il y a encore ce DMA qui complète le DSA. Et nous on salue tout à
05:51 fait ces deux textes parce que ce sont des règlements, c'est très important, c'est-à-dire
05:54 qu'ils sont contraignants pour tous les États membres. Par contre, voilà, maintenant là où
05:58 il va falloir une volonté politique forte, c'est d'imposer des sanctions, d'appliquer clairement
06:04 les sanctions qui sont prévues dans les règlements. Par exemple le DSA, s'il n'est pas respecté par
06:08 les grands services, les grandes plateformes en ligne, il peut y avoir une sanction financière
06:12 qui peut aller jusqu'à 6% du chiffre d'affaires annuel mondial. Mais pour ça, il faut vraiment
06:16 que les autorités qui sont nommées dans chaque pays pour faire respecter ce règlement, donc en
06:20 France c'est l'ARCOM, c'est l'Autorité de Régulation de la Communication Audiovisuelle et Numérique,
06:24 qui s'en charge, il va falloir vraiment que ces autorités-là fassent appliquer les règlements
06:29 de manière claire avec des sanctions dissuasives. Donc c'est ça ce qu'il faudra, une volonté
06:32 politique, etc. - Et oui l'application. Merci beaucoup Ralf Roggenbueck, vous avez été très
06:37 clair sur vos réponses à mes trois questions, je rappelle que vous êtes juriste au Centre
06:41 Européen des Consommateurs pour la France. Merci encore. On enchaîne avec notre grande
06:46 interview, on va s'intéresser cette fois aux réseaux sociaux comme un ultime pouvoir.
06:49 Les réseaux sociaux, l'ultime pouvoir, la vérité sur leur impact, c'est le sujet d'un ouvrage qui a
07:02 été publié par mon invité aujourd'hui, c'est la grande interview de Véronique Reil-Sout. Bonjour,
07:07 merci d'être avec nous. Vous êtes la cofondatrice et présidente du cabinet Backbone Consulting,
07:12 vous êtes enseignante au CELSA Sorbonne, maître de conférences à Sciences Po Paris, une experte
07:17 en stratégie de l'opinion. C'est un sujet de l'opinion, de la réputation, tous ces sujets de
07:22 communication qu'on connaît bien aujourd'hui, mais vous c'est un sujet que vous traitez depuis
07:26 de longues années. Vous avez vu ces réseaux sociaux émerger, grandir et qui ont profondément
07:31 finalement changé la manière dont on communique aujourd'hui ? - Oui, fondamentalement changé,
07:36 alors d'abord parce que maintenant on peut s'exprimer, parce que votre voix peut compter,
07:40 que vous n'êtes pas obligé d'être un influenceur très connu pour pouvoir faire en sorte que les
07:45 choses bougent. Et puis le nombre des réseaux sociaux a grandi, le nombre des personnes qui
07:51 sont présentes dessus aussi, le nombre de réseaux sur lesquels on est présent aussi d'ailleurs,
07:56 et donc globalement aujourd'hui vous avez près de 80% de la population qui est sur les réseaux
08:00 sociaux. Tout le monde ne s'exprime pas tout le temps, mais tout le monde en tout cas...
08:03 - Mais est-ce qu'on les maîtrise ces réseaux sociaux ? Parce que l'objet de votre livre,
08:06 c'est de dire, il faut qu'on explique un petit peu de quoi il s'agit, quel est leur pouvoir,
08:12 leur puissance, comment maîtriser en fait ces nouvelles plateformes d'expression ?
08:16 - Alors on va dire qu'on ne peut pas vraiment maîtriser, mais on peut essayer de comprendre,
08:21 et si globalement on est dans une logique de bon sens, si on s'exprime de façon à peu près claire
08:26 et transparente et cohérente, on peut à peu près arriver à s'en sortir, mais le meilleur et le pire
08:32 se côtoient sur les réseaux sociaux. Le meilleur parce que ça a été un moyen de libération de la
08:37 parole sur plein de sujets, à commencer par MeToo par exemple, mais il y a eu beaucoup de sujets,
08:41 et puis après le pire parce que c'est aussi des sujets de harcèlement, de cyberharcèlement,
08:46 des sujets de haine et d'expression en meute en ligne qui sont plus que désagréables,
08:52 et effectivement je pense que l'une des solutions, elle passe par la transparence,
08:56 et par la transparence, et la transparence entre autres sur des algorithmes. Pourquoi je parle des
09:00 algorithmes ? C'est que vous avez besoin d'algorithmes. Pourquoi ? Parce qu'il y a tellement de volume qu'il
09:05 faut bien avoir une logique de tri. Ce qui est compliqué, c'est qu'on ne sait pas toujours
09:08 quel est le critère et quel est l'algorithme qui est utilisé pour vous pousser des contenus. Donc
09:13 déjà la première des choses serait de pouvoir savoir quels sont les critères. Est-ce qu'on
09:17 vous pousse plutôt des contenus de gens que vous connaissez ou plutôt de gens qui ont les mêmes
09:21 avis que vous ou des gens qui utilisent les mêmes options ? Il y a plein de raisons.
09:27 Alors ça serait dans l'idéal parce qu'aujourd'hui ce n'est pas vraiment le cas.
09:30 Non, non.
09:31 Mais pour autant, on pressent effectivement la puissance que ça représente. Certains groupes
09:38 savent très bien s'en emparer mieux que d'autres. Mais donc il y a une façon de les appréhender qui
09:43 fonctionne. Vous en parlez comme d'un cinquième pouvoir.
09:46 Oui parce que c'est le pouvoir de l'opinion. Alors l'opinion a toujours été un pouvoir mais c'était
09:50 un pouvoir souvent silencieux ou qui avait du mal à se faire entendre. Aujourd'hui, les réseaux
09:55 sociaux c'est une forme de porte-voix. Donc l'opinion peut s'exprimer. On est obligé de
10:00 l'entendre et de l'écouter. L'opinion peut s'organiser, peut faire en sorte qu'elle sorte
10:04 des réseaux pour se retrouver dans la rue. On a vu ce que ça a pu donner en France sur certains
10:09 mouvements sociaux par exemple. On a vu ce que ça peut donner aussi à l'étranger, en Afrique. Dans
10:14 certains pays, les peuples se sont organisés et l'opinion s'est exprimée et est descendue dans la
10:22 rue. Est-ce que c'est vraiment l'opinion publique ? Tout le monde n'est pas sur l'ensemble des
10:26 plateformes sociales aujourd'hui. Non mais vous avez 80% des gens qui y sont en moyenne sur
10:30 l'ensemble des pays et sur ces gens qui sont sur les réseaux, il y a une petite partie qui s'exprime
10:35 mais une très grande partie qui écoute, regarde, s'informe sur les réseaux sociaux. Donc on va dire
10:41 que l'opinion, même si c'est une petite partie de la population, elle compte. Elle compte parce
10:46 qu'on appelle ça les "lurkers". Ce sont les gens qui rodent, les gens qui regardent et qui s'informent
10:51 sur ces espaces. Donc oui, l'opinion, même quand c'est un petit nombre, et un petit nombre ça reste
10:58 quand même un grand nombre, mais si ça n'est pas représentatif, c'est toujours significatif et en tout
11:04 cas ça a une influence certaine sur l'opinion. Alors on voit la couverture de votre ouvrage qui
11:09 s'affichait juste avant, "Une petite fille avec un casque de réalité virtuelle". C'est pour nous
11:13 montrer à quel point on peut être immergé, submergé même parfois, par ces réseaux sociaux. Et y compris
11:22 la nouvelle génération, c'est la nouvelle génération qui vous préoccupe davantage ? C'est ceux qui sont
11:28 les plus préoccupants parce qu'on part souvent d'un principe qu'ils sont réseaux sociaux natifs.
11:32 C'est ce que j'allais dire finalement, eux ils connaissent peut-être un peu mieux les règles du jeu.
11:35 Ils ne connaissent pas forcément les règles du jeu, ils ont des nouvelles règles qu'ils ne maîtrisent pas
11:39 toujours. Il y a une règle par exemple qui est sur Instagram, c'est un bon exemple de ce qu'on
11:45 appelle l'extimité, c'est que vous mettez votre intimité en scène et vous racontez une vie rêvée.
11:50 Mais cette vie rêvée, elle est rêvée, tout le monde ne se réveille pas, pim pam, avec un décor
11:55 incroyable et une vie incroyable. Donc il y a une espèce de décalage, on voit que ça fait beaucoup de
12:00 dégâts en particulier sur les adolescents et les jeunes adolescentes, parce que vous avez aussi
12:04 un sujet de votre image qui vous est renvoyé constamment, des sujets sur les critères de
12:09 beauté et sur ce qu'il faut faire pour être bien. Et puis on voit que la réputation, ça a toujours
12:15 été un sujet, mais chez les jeunes c'est un vrai sujet, en particulier chez les jeunes adolescents.
12:19 Donc oui ils sont natifs, oui la popularité c'est extrêmement important, si personne ne vous suit,
12:26 si vous dites quelque chose et que personne ne like, c'est un sujet. Donc oui ils savent s'en
12:32 servir, disons qu'ils s'en servent beaucoup. Est-ce qu'ils savent vraiment s'en servir ? Pas
12:36 évident. Et puis la transparence dont on parlait, ils n'en bénéficient pas plus que nous, donc
12:40 c'est pas si simple que ça. Je voulais vous entendre sur ces sujets de réglementation,
12:45 puisqu'en Europe on est en train de légiférer, de resserrer la vis autour des plateformes. Quel
12:50 est votre regard sur le DSA ? Juste avant on a parlé de la partie consommateur, le droit à la
12:56 consommation, comment ce DSA va protéger davantage les consommateurs, mais sur la partie justement
13:01 plus sociétale, qu'en pensez-vous ? Alors on va dire droit aux consommateurs, c'est très bien,
13:05 et il faut, il y a des choses nouvelles et intéressantes sur les produits qui sont vendus
13:10 de façon illégitime ou les arnaques. Par contre sur le droit social, on va dire que c'est toujours
13:16 bien d'avoir une intention et d'avoir un propos clair et ferme et de démontrer qu'on a envie de
13:23 réguler. Pour autant, est-ce que c'est si simple que ça ? Non, c'est beaucoup plus compliqué que
13:27 ça. D'abord parce qu'il va falloir s'appuyer sur l'intelligence artificielle. Qui dit intelligence
13:32 artificielle dit artificielle. Et dit, on va devoir partir sur un certain nombre de mots clés,
13:37 sur un certain nombre de paramètres que l'on va poser. Ces paramètres ne sont pas si simples que
13:42 ça. Par exemple, les propos, quand ce sont des propos, l'incitation à la haine ou du terrorisme,
13:48 on peut les identifier, mais quand ce sont des insultes et des insultes qui sont utilisées avec
13:54 des mots où finalement tout le monde les utilise, je ne vais pas les dire là parce que ce sont des
13:59 gros mots, mais ce n'est pas nécessaire, mais on voit bien que c'est compliqué. Ce n'est pas si
14:02 simple que ça. C'est-à-dire qui a commencé, qui est l'agresseur, qui est l'agressé. C'est
14:06 compliqué. Il y a des promesses de boutons, de mode de signalement, mais là aussi le signalement,
14:12 c'est plus complexe que ça dans l'alerte parce que signaler, il faut savoir pourquoi vous signalez,
14:19 pouvoir suivre le signalement, pouvoir comprendre ce qu'il en est. Vous avez signalé un contenu,
14:24 n'y partirez pas, essayez de comprendre pourquoi. Vous avez un contenu qui a été signalé et on le
14:30 retire, il faut aussi qu'on puisse vous en informer parce qu'il y a souvent des gens qui vont le faire
14:33 en toute bonne foi sans forcément se rendre compte que ce qu'ils sont en train de faire
14:37 contrevient à la réalité du bon sens. Bref, ce n'est pas si simple que ça. Donc l'intention,
14:43 elle est bonne, la réalisation est un peu plus complexe que ça. Alors, quelles seraient les
14:47 pistes selon vous pour assainir, peut-être calmer même un petit peu les propos sur les réseaux
14:53 sociaux ? Je ne sais pas si c'est parce que je suis une éternelle utopiste, mais ou en tout cas
14:59 quelqu'un qui essaye de rester positif dans un monde compliqué. Mais je pense que si on fait
15:03 confiance à l'intelligence collective, c'est-à-dire si on se dit qu'on donne les moyens aux internautes
15:09 de pouvoir signaler, de pouvoir contrôler, de pouvoir réguler, de pouvoir modérer, non pas
15:14 censurer, on peut avoir sans doute une solution. C'est ce modèle de modération qu'essaye d'intégrer
15:21 Elon Musk dans son nouveau Twitter, la plateforme X par exemple ? Oui, on va dire que c'est l'esprit
15:27 qu'il raconte, la réalité est un peu plus complexe. Je prendrais plus comme exemple Reddit. Reddit est
15:32 un réseau social qui fonctionne très bien aux Etats-Unis, moins connu en France et qui fonctionne
15:36 sur ce modèle. Il a pas mal de vertus. Le premier, c'est qu'effectivement les règles sont posées,
15:41 vous les respectez ou vous ne les respectez pas, que vous avez des internautes qui sont sur ces
15:45 espaces et qui essayent de modérer. Et puis les choses sont claires, vous avez des chambres,
15:50 enfin des espèces de forums, parce que ça fonctionne ainsi, où vous savez, vous êtes en
15:55 train de mettre les pieds. Ce ne sont pas forcément des endroits qui sont formidablement ouverts et
15:59 positifs, mais vous savez où vous mettez les pieds, ou en tout cas les doigts ou vos yeux,
16:05 mais c'est une réalité qui est plus claire, plus simple, plus transparente. Vous ne pouvez pas
16:09 empêcher les gens de s'exprimer, en revanche c'est intéressant de savoir où ils s'expriment,
16:13 comment ils s'expriment, de poser quelques règles et de savoir exactement la réalité de ce que vous
16:19 êtes en train de dire. Alors je voulais qu'on parle aussi un petit peu du monde politique,
16:22 vous intéressez beaucoup à la manière dont Donald Trump s'est emparé des réseaux sociaux.
16:27 On attaque souvent la classe politique en disant qu'elle est déconnectée complètement de la
16:33 réalité, des préoccupations des citoyens, pourtant ils sont quand même très présents sur les réseaux
16:37 sociaux. Alors ils sont très présents, mais ça ne veut pas dire qu'ils savent forcément s'en servir.
16:41 Ils sont très présents parce qu'ils sont dans une logique assez habituelle pour les politiques,
16:44 qui est "je vous donne ma parole, écoutez ma parole, je vais vous convaincre et ce que je
16:49 vous dis c'est pour votre bien". Et d'ailleurs on a souvent, et on entend souvent les politiques
16:53 qui disent "je ne comprends pas, il faut qu'on fasse plus de pédagogie ou qu'on explique mieux
16:56 parce que les gens ne comprennent pas". Non, c'est que peut-être ça ne les intéresse pas ou que les
17:00 arguments ne sont pas les bons ou que c'est pas ainsi qu'ils ont envie d'être convaincus. Donc
17:05 en fait ils sont toujours dans une logique descendante et puis l'une des caractéristiques
17:09 quand même des réseaux sociaux c'est le lâcher prise parce que vous ne pouvez pas tout maîtriser
17:12 et les politiques et le lâcher prise c'est pas toujours si simple que ça. Et pourquoi est-ce que
17:17 je parle, enfin je prends souvent comme exemple Donald Trump, c'est que d'abord c'est assez
17:22 intemporel finalement et l'idée était quand même de rester un peu intemporel et l'autre chose c'est
17:28 que c'est sans doute un des politiques qui a utilisé le mieux les réseaux sociaux même si
17:33 Barack Obama les a très bien utilisés en son temps pour convaincre, pour aller, pour utiliser la
17:38 réalité du ciblage, pour parler là où étaient les gens et parler des sujets qui les intéressaient.
17:42 Mais Donald Trump ce qu'il a fait lui et que maintenant à peu près tous les politiques
17:46 américains font c'est qu'il écoute. C'est-à-dire que les réseaux sociaux c'est donc là où s'exprime
17:50 l'opinion. La première des choses c'est écouter ce qu'ils disent, essayer de comprendre leurs
17:54 préoccupations, quels sont les sujets qui sont importants pour eux. Donc par exemple Donald
17:57 Trump ce qu'il faisait quand il faisait ses meetings, admettons qu'il avait prévu dans une
18:02 ville de parler, je ne sais pas moi, de santé, il regardait de quoi parlaient les uns et les autres
18:06 sur les réseaux dans le lieu où il allait faire sa conférence, dans son meeting. Et si le sujet
18:14 était l'éducation, eh bien il allait changer son discours pour parler éducation. Ce qui donnait
18:19 l'impression aux gens qu'effectivement il les comprenait, qu'il parlait des sujets qui les
18:22 préoccupaient. Donc c'est pas forcément être dans la démagogie, c'est se dire je vais parler des
18:28 sujets qui intéressent les gens et je vais m'adapter à la réalité de ce qui les concerne.
18:32 Donc le premier des points intéressants sur les réseaux sociaux pour un politique c'est déjà
18:36 écouter et comprendre comment l'opinion se positionne. C'est un conseil qui fonctionne aussi
18:41 dans la communication plus institutionnelle des entreprises sur les réseaux sociaux ? Bien sûr,
18:46 alors on oppose souvent l'analyse de l'opinion par les réseaux et les sondages, ce sont deux
18:51 choses qui sont parfaitement complémentaires. Il y a d'un côté effectivement une représentativité
18:55 et on pose des questions et de l'autre côté c'est de l'observation. L'observation ça permet de savoir
18:59 peut-être que ce sont des sujets qui n'intéressent pas l'opinion, si vous leur posez la question ils
19:03 vont se positionner mais qu'ils ne les intéressent pas forcément. Et donc pour une entreprise,
19:07 pour un dirigeant c'est intéressant de regarder quels sont les sujets de vos publics et par public
19:12 j'entends tous les publics parce que souvent on dit "ah bah oui mais moi je suis une entreprise
19:16 B2B donc je ne suis pas concernée". Tous les publics s'expriment, pas dans les mêmes proportions,
19:21 pas sur les mêmes volumes mais les chefs d'entreprise s'expriment, vos fournisseurs
19:27 s'expriment, vos clients B2B s'expriment aussi. C'est pas sur les mêmes réseaux sociaux que le
19:32 grand public ou en tout cas pas de la même façon mais ils s'expriment donc vous pouvez les écouter,
19:36 vous pouvez essayer de comprendre ce qu'ils veulent, vous pouvez essayer de comprendre la réalité de
19:40 leurs attentes, leur compréhension de votre communication, est-ce que vos messages passent,
19:45 est-ce que vous êtes en face, c'est toujours extrêmement important et instructif.
19:49 Véronique Raissoud, je voudrais qu'on joue ensemble au jeu de l'interview express.
19:53 Oui.
19:53 Ce sont des questions très binaires.
19:55 Allez.
19:55 Les réponses sont libres. Alors vrai ou faux, les réseaux sociaux sont représentatifs de
20:00 l'opinion publique ?
20:01 Significatifs.
20:03 Pas exactement pareil.
20:04 Non.
20:04 Bon. Est-ce que c'est un rêve ou un cauchemar les réseaux sociaux pour la démocratie ?
20:09 On va dire que c'est un rêve qui peut se transformer en cauchemar et on va dire que quand on ferme les yeux,
20:17 donc si c'est, lorsque nous sommes en train de dormir c'est un cauchemar mais ne fermons pas les yeux,
20:21 ça sera un rêve.
20:23 Oui ou non, on devrait imposer l'anonymat, la fin du pseudonyma sur les réseaux sociaux ?
20:28 Vous répondre en deux mots c'est compliqué mais on va dire que…
20:31 Non. Vous pouvez dire que vous le pratiquez.
20:33 Oui et non. C'est-à-dire qu'en fait on pense souvent que c'est l'anonymat qui fait que les gens se sentent protégés.
20:37 Oui c'est vrai mais c'est plus l'impression de protection parce que vous êtes à travers un écran
20:42 et que vous ne voyez pas la personne, vous ne vous exprimeriez pas de la même façon si vous avez la personne en face.
20:47 Mais quand on regarde les expressions par exemple sur Facebook, où là il y a moins d'anonymat,
20:52 souvent parce que vous avez commencé à prendre une position radicale, vous allez aller très loin pour expliquer
20:57 et pour justifier votre position donc l'anonymat et la levée de l'anonymat n'est pas…
21:01 On n'a pas la preuve en tout cas, ça fonctionne, c'est ça que vous nous dites, voire même l'inverse peut-être.
21:05 Oui, ce n'est pas si simple que ça.
21:07 Intéressant. J'aime ou j'aime pas ceux qui achètent de la visibilité pour doper leur communication ?
21:12 Je n'aime pas.
21:14 Disons que le maître mot c'est quand même la sincérité, la transparence, la cohérence et l'alignement.
21:21 C'est d'ailleurs pour ça qu'on s'appelle Backbone.
21:24 Il y a quand même très peu d'entreprises qui n'achètent pas de visibilité.
21:27 Oui, il y en a. Je trouve que l'engagement sincère par vos consommateurs et vos clients, c'est plus intéressant que de la visibilité achetée.
21:35 C'est ce que vous recommandez. J'y crois ou j'y crois pas, c'est nécessaire de communiquer en temps de crise sur les réseaux sociaux ?
21:41 C'est indispensable. Il y a quelque chose qui a changé dans la gestion de crise, c'est qu'on ne peut plus ne pas parler.
21:50 On ne peut pas rester dans le silence. Après, on ne peut pas tout dire, on peut expliquer les choses, mais c'est indispensable de s'exprimer.
21:56 Si vous ne vous exprimez pas, quelqu'un d'autre va le faire à votre place.
21:59 Vous avez plutôt intérêt à communiquer et plutôt sur les réseaux sociaux.
22:03 Maintenant, en fonction des sujets et du type de crise, on ne va pas le faire de la même façon.
22:08 Mais oui, bien sûr, il faut s'exprimer.
22:10 Le réseau social X, c'est mieux ou moins bien que Twitter ?
22:13 C'est décevant. C'est décevant parce qu'on aurait pu imaginer qu'il y avait des tas de choses qui auraient pu être faites.
22:17 Pour le moment, c'est compliqué. Il y a une sorte de versatilité dans les décisions qui est complexe à suivre.
22:23 Mais on va dire qu'il y a quelques petites innovations qui sont intéressantes et qui peuvent dire qu'il y a un petit espoir.
22:30 Je prendrais par exemple les fameux Vue.
22:32 Vous n'êtes pas partie des gens qui s'inquiètent de ce que fait Elon Musk sur la plateforme X ?
22:36 Ce qui est inquiétant, c'est que globalement, on a des plateformes qui sont extrêmement puissantes et qui ne sont pas détenues par des gens qui sont très raisonnables.
22:44 Mais pas plus X que d'autres en soi.
22:49 Allez, une dernière question. Non, ce n'est pas vrai. J'en ai encore un petit peu.
22:52 Pour ou contre la réalité mixte qui va, on nous dit, modifier la manière dont on interagit entre nous ?
22:58 Déjà, on interagit à travers des réseaux sociaux, mais demain, dans une réalité qui mélange plus le virtuel et le réel ?
23:04 Il y a deux visions qui s'opposent, celle de Musk et celle de Zuckerberg.
23:08 Dans tous les cas, ils ont en commun quelque chose qui est assez inquiétant, qui est que notre monde va mal.
23:13 Et ça ne va pas bien se terminer. Dans un cas, il faut partir en espace et aller conquérir d'autres planètes.
23:19 Dans l'autre cas, il faut se résoudre à un monde virtuel. On va dire que ce n'est pas forcément toujours jouissant.
23:25 Et que le virtuel, s'il est fait avec une réalité, une connexion avec le monde réel, oui.
23:32 Si ce n'est que du virtuel, moi, je trouve ça assez angoissant.
23:34 Donc le mixe, pourquoi pas ? Allez, je termine avec une dernière question, mais très rapidement.
23:37 Est-ce que vous êtes accro aux réseaux sociaux ?
23:39 Oui et non. Je suis sur les réseaux sociaux, bien sûr, mais je m'exprime peu sur les réseaux sociaux.
23:46 Et en tout cas très mal, parce que je m'occupe plus des autres.
23:50 Et comme j'ai des outils de massification pour se rendre compte de ce qui se dit et comment on le dit,
23:55 oui, je suis accro à une chose, c'est que j'aime bien aller regarder comment l'opinion s'exprime, ce qu'il dit, ce qu'il pense.
24:01 Et je le fais de façon professionnelle, mais aussi, finalement, à titre personnel.
24:05 Merci beaucoup. C'était la grande interview de Véronique Reissout.
24:08 Vous êtes l'autrice de "L'Ultime Pouvoir" parue aux éditions du CERF et la fondatrice de Backbone Consulting.
24:16 À suivre dans Smartech, on part un peu dans la nature. Regardez ce qui se passe du côté du biomimétisme.
24:21 On termine cette édition de Smartech avec Lily Boisumo, analyste scientifique chez Bioxegy,
24:32 qui nous offre ce regard sur ce qu'on fait en matière de biomimétisme. Bonjour Lily.
24:37 Bonjour.
24:38 Alors aujourd'hui, on va s'intéresser aux pieuvres, enfin plus précisément d'ailleurs aux ventouses des pieuvres.
24:42 Que sait-on à ce sujet ? Qu'est-ce qu'il y a d'intéressant à repérer là ?
24:46 Alors il y a beaucoup, beaucoup de choses intéressantes.
24:49 D'abord sur les pieuvres, sachez que, juste pour information, elles vivent dans tous les océans,
24:55 donc sur toute la planète, mais jamais en eau douce.
24:58 Et ce sont des animaux qui sont carnivores.
25:01 Et on a également plus de 200 espèces différentes de pieuvres.
25:05 Donc en fait, une pieuvre, ce n'est pas seulement un animal, c'est plus de 200 espèces.
25:09 Aujourd'hui, on va plutôt s'intéresser à leurs ventouses.
25:13 Et pourquoi est-ce qu'on s'intéresse à leurs ventouses ?
25:16 Eh bien, pour des problématiques d'adhésion, qui sont extrêmement nombreuses en fait,
25:20 et répandues dans un grand, grand nombre d'industries, de l'automobile au médical,
25:24 en passant par les secteurs de l'énergie du ferroviaire, etc.
25:28 On a beaucoup, beaucoup d'industries qui s'intéressent en fait à la problématique
25:31 de faire adhérer deux surfaces l'une sur l'autre.
25:35 Et aujourd'hui, la grande majorité des adhésifs contiennent une substance collante,
25:40 donc de la colle, qui va être plus ou moins toxique en fonction de la nature de cette colle,
25:45 et qui est aussi assez rarement durable.
25:48 Par exemple, elles sont très rarement réutilisables.
25:51 Par exemple, vos dépensements, une fois qu'ils sont décollés, on ne peut plus les recoller.
25:57 Donc, on doit les jeter, ce qui pose des soucis de gestion des ressources, etc.
26:01 On a aussi plein d'autres problématiques, comme par exemple le fait que ces adhésifs
26:06 ne résistent pas forcément bien à l'eau.
26:08 En tout cas, ces problématiques d'adhésion sont multiples dans l'industrie,
26:13 et aujourd'hui, on va s'intéresser à un ruban adhésif transparent,
26:18 qui lui est réutilisable et qui n'utilise aucune colle,
26:22 le tout inspiré des ventouses de la pieuvre.
26:25 Alors, comment ça fonctionne ?
26:27 Pourquoi s'intéresser aux ventouses de la pieuvre ?
26:30 D'abord, parce qu'elles sont extrêmement performantes.
26:32 Elles vont permettre à la pieuvre de s'accrocher très fortement sous l'eau et sous différentes surfaces.
26:39 Alors, où est-ce qu'on les trouve d'abord, ces ventouses ?
26:41 On les trouve sur les bras des pieuvres, on les trouve tout au long du bras.
26:46 Et ce qui est intéressant, c'est qu'elles sont constituées de plusieurs couches de cellules
26:51 qui vont jouer des rôles différents.
26:53 Donc, si on zoom sur une ventouse, on a d'abord l'anneau extérieur qui est souple
27:00 et qui va donc pouvoir s'adapter à la forme de l'objet.
27:03 Donc, ça veut dire que la ventouse de la pieuvre peut adhérer à à peu près toutes les formes qui existent dans le vivant.
27:10 Et le deuxième mécanisme qui est intéressant, c'est que cette ventouse est constituée de muscles
27:15 et que ces muscles vont se contracter pour engendrer ce qu'on appelle l'effet sussion,
27:22 l'effet ventouse que l'on connaît bien puisque c'est exactement le principe des ventouses qu'on utilise dans la vie de tous les jours.
27:30 Alors, de façon simplifiée, qu'est-ce qui se passe dans cet effet ventouse ?
27:36 Eh bien, les muscles de la ventouse vont se contracter, ce qui va chasser l'air qui est sous la ventouse.
27:43 Et en chassant l'air, on va créer ce qu'on appelle une dépression à l'intérieur de cette ventouse,
27:49 donc une baisse de pression et donc une différence de pression entre l'intérieur de la ventouse et l'air extérieur.
27:56 Et c'est cette différence de pression qui fait que la ventouse adhère à la surface.
28:01 Merci beaucoup, Lily Boisumo. On en a appris beaucoup grâce à vous sur l'effet ventouse des pieuvres.
28:08 Lily Boisumo, je rappelle que vous êtes analyse scientifique chez Bioxigie.
28:11 Merci à vous de nous suivre avec une grande fidélité dans Smartex, sur Bismarck et sur nos réseaux et également en podcast.
28:18 On se retrouve très vite pour une nouvelle discussion sur la tech dans Smartex.
28:22 [Musique]

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