L'Heure des Pros (Émission du 04/10/2023)

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Pascal Praud et ses invités débattent des grands thèmes de l'actualité dans #HDPros

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00:00:00 Bonjour à tous et bienvenue à l'heure des pros ce matin, à 7h du matin, quand on entrait dans son bureau,
00:00:06 qu'il préparait son interview d'8h15, il y avait des stabilos roses, jaunes, bleus et des fiches cartonnées format A5.
00:00:14 Il était concentré, penché sur ses notes, ses questions, qu'il relisait, qu'il surlignait inlassablement.
00:00:21 Il n'était pas question de le déranger et c'est pourquoi précisément je le dérangeais.
00:00:25 Il maugrait, il bougonnait, je voulais savoir ce qu'il allait traiter le matin,
00:00:30 "c'est pas le moment" me disait-il et nous échangeons tout de même quelques secondes.
00:00:35 Comme tous les gens de ma génération, j'avais une affection, une tendresse et aussi une admiration immense pour lui.
00:00:41 Il a tout fait, il a tout inventé, il a interrogé le monde entier, 63 ans de carrière.
00:00:46 Je lui disais souvent que nous étions des microbes au regard de ce qu'il avait couvert, réalisé, imaginé,
00:00:53 à France Inter, à l'ORTF, à Europ1, à Antenne 2, à Public Sénat, enfin à CNews, puisqu'il était au départ de notre aventure.
00:01:02 Quand je suis arrivé à Paris en 1986, je le voyais au Café Flore, entrant tel un prince de la ville,
00:01:09 avec une écharpe de couleur vive qui n'en finissait plus pour un petit déjeuner avec un ministre ou un chef de parti.
00:01:15 Il était une star de notre métier, il le savait, il aimait ça.
00:01:19 Il incarne un journalisme d'antan, quand son micro était le rendez-vous des puissants,
00:01:23 qu'il n'existait que 3 ou 4 radios le matin et encore moins de télévision le soir.
00:01:27 Jean-Pierre Elgabache est une légende, sa curiosité, son énergie, sa détermination, son sens de l'info,
00:01:34 son carnet d'adresse et tant de choses qui l'habitaient en font la référence numéro 1 en matière de journalisme.
00:01:41 Si quelqu'un en France incarne ce métier, c'est lui.
00:01:44 Et je n'oublierai pas cet enthousiasme intact, cet enthousiasme qui me sidérait à 80 ans passés,
00:01:51 quand il venait me voir entre 8h30 et 9h, avant l'heure des pros et juste après son interview.
00:01:58 "Alors", me disait-il, "tu as écouté ? Tu reprends quoi ? C'est fort ce qu'il a dit.
00:02:03 Je serai toi, je commencerai par ça."
00:02:05 À l'entendre, chaque matin, je devais tout rediffuser.
00:02:09 C'était chaque matin l'interview du siècle et de continuer à m'interroger sur le programme du jour.
00:02:15 J'avais toujours connu Jean-Pierre Elgabache.
00:02:17 Je l'avais découvert dans le salon de mes parents quand j'avais 10 ans et j'étais fier, fier de travailler avec lui.
00:02:23 Ces derniers temps, nous savions tous combien il était malade.
00:02:26 Sa voix au téléphone avait faibli, mais son instinct professionnel n'avait pas changé.
00:02:31 Nous pensons ce matin à Nicole, nous pensons à Emmanuel et moi je pensais à lui pour une raison toute simple,
00:02:36 je l'aimais beaucoup.
00:02:38 Il est 9h02, Somaïa Labidi, et on va rendre hommage à Jean-Pierre Elgabache.
00:02:42 Un monstre sacré du journalisme français, ce sont les mots d'Emmanuel Macron,
00:02:51 qui lui aussi a tenu à rendre hommage à Jean-Pierre Elgabache.
00:02:54 Le vétéran du journalisme politique s'est éteint hier à l'âge de 86 ans,
00:02:59 suscitant une pluie d'hommages chez ses pairs, mais aussi chez les politiques.
00:03:04 Face à la multiplication des signalements des cas de punaise de lit,
00:03:07 Clément Bohn réunit ce matin à 11h30 les principaux opérateurs de transport
00:03:11 et les associations d'usagers pour tenter de répondre à la psychose.
00:03:16 La prolifération de ces nuisibles sera même au programme d'une réunion interministérielle ce vendredi.
00:03:23 Et puis au moins 21 morts dans un accident de bus à Venise hier.
00:03:26 On attend encore l'identification définitive de la nationalité des victimes.
00:03:31 Toutefois, parmi la vingtaine de personnes blessées, au moins un Français a été identifié.
00:03:36 L'accident s'est produit peu après 19h30, hors local.
00:03:40 Le bus faisait la navette entre le centre historique de la cité des Doges et un camping.
00:03:46 - Catherine Nenet, Sonia Mabrouk, Gérard Carreyrou, des parents ou des enfants d'Europe 1,
00:03:52 Georges Fenech, Dominique Jamais, Éric Nolot, nous allons rendre hommage ce matin à Jean-Pierre.
00:03:59 Catherine, vous connaissiez Jean-Pierre Elgabache depuis combien de temps ?
00:04:03 - Depuis que je suis née dans le journalisme pratiquement,
00:04:06 puisqu'il suivait déjà le général de Gaulle avant nous.
00:04:11 Enfin, il fait partie du paysage et puis j'ai eu la chance de travailler avec lui à Europe longtemps.
00:04:18 Et quand j'ai pensé à lui hier soir, je me souviens, il m'a postrophé toujours pareil.
00:04:24 Vous savez, vous connaissez cette voix qui était à la fois ample et un poil nasiarde.
00:04:28 Il me disait "poil neuf". Voilà.
00:04:30 Alors il fallait lui raconter quelque chose pour alimenter son...
00:04:33 "Donne-moi des idées, des gens".
00:04:35 Alors je lui donnais, d'ailleurs il n'a jamais suivi mes conseils.
00:04:38 Et puis de temps en temps, il me disait "Viens me voir".
00:04:39 Alors j'arrivais, bon, alors il était sur ces fiches que vous avez très bien décrites, des livres partout.
00:04:44 Il me dit "Au fait, t'as lu ce livre là ?"
00:04:46 Alors je lui disais "Non, faut le lire".
00:04:47 Et puis il m'appelait après et puis il l'a lu.
00:04:49 Donc il avait cette curiosité insassiable, je l'ai dit, vous avez compris.
00:04:55 Et dans le fond, c'est quelqu'un qui a fait du travail la valeur capitale de sa vie.
00:05:02 Voilà, c'est quelqu'un qui travaillait tout le temps, qui...
00:05:04 Alors je ne dis pas qu'il ne s'autorisait pas quelques récréations,
00:05:07 mais il travaillait tout le temps, lisait beaucoup,
00:05:11 et préparait cette émission formidable de Bibliothèque Médicis.
00:05:15 - Exceptionnelle émission. - Exceptionnelle.
00:05:16 - Exceptionnelle.
00:05:17 - Donc c'était quand même un modèle pour nous.
00:05:19 C'était quelqu'un, mais l'envers du décor, c'est que, comme vous l'avez dit, il conspirait.
00:05:24 Il cherchait le meilleur pour Europe, mais le meilleur pour lui.
00:05:27 Il conspirait à sa propre gloire.
00:05:29 Il pensait que ce qu'il avait fait le matin, ça surpassait tout le reste.
00:05:32 Vous voyez, moi, je l'ai entendu appeler un ministre pour lui dire
00:05:35 qu'il avait temps d'aller dans une radio concurrente le lendemain,
00:05:38 qu'il perdait son temps et qu'il fallait venir chez lui.
00:05:40 Donc il pouvait passer la nuit à essayer de...
00:05:42 Vous voyez, donc c'est quelqu'un qui, à la fois, que l'on admirait,
00:05:48 avec lequel on ne pouvait pas avoir un lien très personnel
00:05:53 parce qu'il n'avait pas de small talk.
00:05:54 Ce n'était pas quelqu'un qui dit "tiens, on déjeune ensemble,
00:05:56 puis on parle de tout, de rien".
00:05:57 Non, non, ce n'est pas possible.
00:05:59 Donc c'était agréable de déjeuner avec lui, mais avec un invité.
00:06:02 Et les seuls moments où il se relâchait, puis après j'aurai fini,
00:06:05 c'est quand je suis allée interviewer avec lui le président Bouteflika en Algérie,
00:06:10 où il était chez lui en Algérie, je peux vous dire,
00:06:12 dès qu'il arrivait à Algérie, on lui portait ses bagages,
00:06:15 on le mettait en première classe, moi je restais en plus...
00:06:17 Enfin voilà, il était très traité comme un prince, vous voyez.
00:06:19 Et puis le président Omar Bangou.
00:06:22 Alors là, et dans ces moments-là, il était très chaleureux, très convivial,
00:06:28 on parlait de lui, mais dès qu'on avait, je pense qu'il a intervenu en France,
00:06:31 c'était fini, alors quoi de neuf ?
00:06:35 Sonia Mabrouk, vous avez alors ces deux générations différentes,
00:06:39 vous, vous avez été un bébé Europe,
00:06:42 vous avez commencé à travailler et sans doute appris avec lui dans l'interview.
00:06:47 Et je trouve qu'il y a chez vous une parenté dans les interviews,
00:06:52 dans ce sens qu'elles sont ciselées, extrêmement préparées, extrêmement écrites,
00:06:58 contrairement par exemple aux émissions où on a plus de temps,
00:07:01 comme l'heure des pros où on peut s'étaler.
00:07:03 Mais plus c'est court, plus sans doute on doit travailler et être d'une grande précision.
00:07:09 Plus c'est court et puis c'est un exercice solitaire, en fait, l'interview.
00:07:14 Et Jean-Pierre, même s'il était entouré, très entouré des responsables politiques de nous tous,
00:07:20 je pense que c'était aussi un grand solitaire dans le travail.
00:07:24 Et ça, c'est très important pour comprendre aussi la mécanique de l'interview.
00:07:27 C'est-à-dire, c'est vrai qu'il sortait de là en disant, voilà,
00:07:30 il faut reprendre toute l'interview, mais il était pétri de doutes.
00:07:33 Est-ce que j'ai fait ? Est-ce que j'ai bien fait, mal fait ?
00:07:36 Moi, il m'a téléphoné souvent il y a quelques années pour me dire,
00:07:38 mais est-ce que tu aurais ? Non, pas pour demander conseil, absolument pas.
00:07:41 Mais est-ce que je dois commencer comme ci, comme ça ?
00:07:44 Et cette obsession, en réalité, de la mécanique de l'interview,
00:07:47 c'est un véritable horloger, un orfèvre.
00:07:50 Véritablement, c'était la dentelle.
00:07:52 Je trouve, moi, que ça montrait que c'était un monstre sacré pétri de doutes.
00:07:55 C'est ce que je retiendrais davantage.
00:07:57 Moi, je retiens surtout les fragilités, les faiblesses qui font un grand,
00:08:01 un grand seigneur du journalisme.
00:08:03 Plus que ce côté, c'est vrai, qu'on voyait tous un peu bagarreur pour avoir le meilleur invité.
00:08:09 Je trouve que derrière, et on l'a tous connu, derrière cette façade-là,
00:08:13 que l'on voyait peut-être de prime abord, il y avait cette grande fragilité.
00:08:16 Et je pense que c'est ça, le véritable signe des grands.
00:08:19 C'est quand vous arrivez à un moment de votre vie à vous découvrir,
00:08:22 à mettre votre cœur et vos tripes sur la table.
00:08:24 C'est comme ça qu'il y a un lien continu transgénérationnel, quand même, avec les Français.
00:08:29 Et voyez-vous, moi, je me pose souvent la question,
00:08:32 pas évidemment pour ma petite et toute petite personne, mais je me dis,
00:08:34 qui aujourd'hui, dans la sphère médiatique et politique, pourra,
00:08:38 même s'il reste une longévité exceptionnelle dans nos métiers, parfois,
00:08:42 pourra avoir ce lien.
00:08:43 C'est très, très rare. Et arriver à tisser ce lien, c'est quand même...
00:08:46 Et rentrer non pas dans le salon des Français, ce que nous arrivons à faire,
00:08:50 mais dans le cœur, avoir cette clé-là, ce n'est pas évident.
00:08:53 Aimer ou détester, parfois.
00:08:55 C'est vrai que les réseaux sont différents.
00:08:57 À l'époque, il y a trois télés, il y a quatre radios.
00:09:01 Et c'est une génération, d'ailleurs, qui s'en va.
00:09:03 Mais c'est vrai aussi pour des chanteurs, pour des artistes,
00:09:06 pour des hommes politiques, pour des journalistes qui ont tissé ce lien
00:09:09 parce qu'il y avait moins de supports et que tout le monde avait les mêmes.
00:09:12 - Oui, vous avez raison, Pascal.
00:09:14 Je pense qu'il y avait aussi cette force-là.
00:09:17 Quand on arrive à marier, et c'est ça l'exercice de l'interview,
00:09:21 la force, la pugnacité, la tendresse.
00:09:23 Récemment, presque son frère dans le métier,
00:09:26 parce qu'ici, nous avons Gérard Carrérault et Catherine,
00:09:28 et moi, j'ai commencé avec les Grandes Voix.
00:09:30 Son frère, c'est aussi Alain Duhamel, avait dit sur l'interview,
00:09:33 mais aujourd'hui, il y a peut-être plus de pugnacité,
00:09:37 on va vers les sujets d'actualité, pas les sujets de fond.
00:09:40 Moi, je crois qu'il arrivait à marier quand même,
00:09:43 j'allais dire sujets d'actualité et sujets de fond,
00:09:45 avec beaucoup de tendresse et de pugnacité.
00:09:48 Et y arriver, c'est un grand écart assez exceptionnel.
00:09:50 - Alors, j'ai écouté Alain Duhamel hier soir sur une chaîne concurrente.
00:09:54 J'ai rarement vu Alain Duhamel qui n'exprime assez peu ses sentiments
00:09:59 et qui est souvent fermé et souvent pudique et toujours pudique.
00:10:03 On sentait hier soir, dans chaque mot qu'il disait,
00:10:07 combien il était ému,
00:10:09 combien il connaissait Jean-Pierre Elkabache avec ses qualités et ses défauts,
00:10:11 qu'il ne niait pas d'ailleurs.
00:10:13 Mais effectivement, c'est une génération forcément qui s'en va.
00:10:18 Europe 1, Europe 1 et Europe 1 aussi avec Gérard,
00:10:21 évidemment, puisque tous les trois, vous avez travaillé à Europe 1.
00:10:26 Cette détermination, cette capacité à appeler à 4 heures du matin
00:10:30 un Premier ministre et le sortir de son lit,
00:10:33 effectivement, c'est assez rare dans le métier.
00:10:36 - Oui, c'est le mot qui correspond à mon avis le mieux à Jean-Pierre,
00:10:40 c'était le professionnel.
00:10:42 Il y a un film comme ça avec Belmondo.
00:10:44 C'est le professionnel, Jean-Pierre.
00:10:46 Pour tous ceux qui, comme nous, Catherine et Sonia et beaucoup d'autres,
00:10:51 ont travaillé avec lui.
00:10:53 Moi, j'ai vécu 50 ans, si vous voulez, où il y avait du Elkabache sur la scène,
00:11:00 puisque je l'ai connu quand il était journaliste à France Inter,
00:11:03 jeune journaliste, nous étions jeunes à ce moment-là,
00:11:06 et moi, j'étais à Europe et Catherine était à Europe, etc.
00:11:11 On s'est connu dans un petit monde, comme vous dites.
00:11:14 Mais ce qui me frappe ce matin, j'ai connu beaucoup de grands journalistes.
00:11:19 Malheureusement, beaucoup ont disparu depuis quelques années.
00:11:23 Ça défile très vite, mais c'est quelqu'un qui est un solitaire.
00:11:28 Je crois que c'est Sonia qui a dit solitaire.
00:11:31 Je crois que c'est le mot le plus…
00:11:32 C'était un grand professionnel, mais un grand solitaire dans notre métier.
00:11:37 Prenons une comparaison.
00:11:39 Il y a eu, on a dit, la bande à Mougeotte, par exemple.
00:11:41 Étienne Mougeotte était un grand journaliste
00:11:44 parce qu'il avait su toujours rassembler autour de lui des rédactions,
00:11:48 des équipes, si vous voulez, le travail en équipe.
00:11:51 Elkabache, c'était l'homme qui travaillait seul,
00:11:54 mais extraordinaire dans sa capacité à aller chercher l'info,
00:11:59 à aller chercher le bon invité, etc.
00:12:01 Mais seul, il ne partageait rien, si vous voulez, il ne partageait pas.
00:12:05 Mougeotte partageait, c'est pour ça qu'on disait,
00:12:08 il y a l'équipe, les lieutenants d'Étienne Mougeotte,
00:12:11 dont nous parlons… – Les capitaines portugais.
00:12:13 – Les capitaines, peu importe.
00:12:14 – En référence à ce qui s'était passé dans les années 70.
00:12:17 – Et d'ailleurs, on s'est tous plus ou moins,
00:12:19 enfin presque tous, retrouvés après à la télé, à Témin.
00:12:22 Elkabache, si vous voulez, c'était le contre-exemple,
00:12:25 mais c'était le grand professionnel solitaire.
00:12:29 – Alors évidemment, il y a beaucoup d'extraits qu'on va montrer,
00:12:31 puis après on donnera la parole autour de cette table à vous tous.
00:12:35 On est ensemble d'ailleurs jusqu'à 10h30,
00:12:36 je pense qu'on ne va parler que de Jean-Pierre Elkabache,
00:12:38 parce que d'abord, il y a beaucoup d'images, beaucoup d'interviews,
00:12:41 et parmi toutes les interviews,
00:12:42 moi j'ai revu cette interview avec François Mitterrand,
00:12:46 on la voit régulièrement, elle est repassée.
00:12:48 Cette interview est exceptionnelle.
00:12:50 – C'est historique.
00:12:50 – Historique.
00:12:53 Ce que dit Mitterrand ce jour-là,
00:12:54 et la manière dont Elkabache pose les questions,
00:12:56 il pose toutes les questions avec une dureté, disons-le,
00:13:01 qui n'est pas si fréquente.
00:13:02 Alors voyez ce premier extrait.
00:13:05 – Vous allez après à Vichy ? – Oui.
00:13:10 – Et pourquoi, alors qu'il y a le gouvernement de capitulation,
00:13:12 qu'il y a eu les lois anti-juives, vous allez à Vichy ?
00:13:16 Pourquoi vous n'allez pas à Londres ?
00:13:17 Je vous pose la question.
00:13:18 – Vous me dites les lois anti-juives.
00:13:20 Il s'agissait des lois anti-juives, ce qui ne corrige rien,
00:13:24 en effet, et ne pardonne rien.
00:13:26 C'était une législation contre les Juifs étrangers,
00:13:29 donc j'ignorais tout.
00:13:31 Car dans tout ce que je vois, dans tous les commentaires qui sont faits,
00:13:35 on oublie toujours que pendant toute cette période-là,
00:13:38 j'étais prisonnier en Allemagne,
00:13:40 et que m'étant évalué deux fois en vain,
00:13:43 j'avais fait pas mal de stages en prison,
00:13:45 pas simplement prisonnier de guerre, mais en prison tout court.
00:13:48 J'étais à 100 lieux de connaître ces choses-là.
00:13:51 Et quand je me suis trouvé chez les Lévis d'Espa,
00:13:54 au début de 1942, ils ne m'en ont pas parlé.
00:13:58 – Mais alors quand avez-vous appris l'existence de ce statut,
00:14:02 l'existence des camps de concentration,
00:14:05 les camps d'extermination, sans la supplutation ?
00:14:07 – Pour les camps de concentration,
00:14:09 j'étais comme tous les Français informés,
00:14:11 je veux dire, je ne savais pas grand-chose.
00:14:13 – En 1942 ?
00:14:14 – Non, mais beaucoup ont appris tout cela,
00:14:17 vous pourrez lire ça dans des textes de très grands résistants,
00:14:22 et aujourd'hui même, dans la bouche de quelques très importants résistants,
00:14:28 gaullistes, dirigeants du RPR, j'ai là quelques citations,
00:14:33 mais vous voyez, je n'ai rien apporté, comme ça,
00:14:36 mais vous les retrouvez facilement,
00:14:38 donc ils disaient, moi j'ai appris ça en 1944.
00:14:42 Ce degré de sauvagerie,
00:14:45 cette barbarie qui était inimaginable.
00:14:49 – Alors on continue ?
00:14:50 – Oui, on continue.
00:14:51 – A Vichy, vous entrez…
00:14:52 – Si vous avez le temps.
00:14:53 – Oui, oui, moi j'ai le temps,
00:14:55 on va pas passer la nuit parce qu'il y a Jean-Luc Delarue
00:14:57 qui nous attend tout à l'heure,
00:14:58 mais vous entrez dans un service de documentation,
00:15:01 et on raconte que vous faites des fiches,
00:15:02 vous les rédigez vous-même, je ne sais pas ?
00:15:04 – Non, c'était…
00:15:05 – Des fiches sur, on dit les communistes, les francs-maçons, les gaullistes, c'est ça ?
00:15:12 – C'est un sujet de plaisanterie, ça.
00:15:14 Si c'était un sujet sérieux, je comprendrais bien.
00:15:17 Le responsable de ce service était un personnage haut en couleur,
00:15:22 qui a commencé par me dire,
00:15:24 surtout si vous venez chez moi, il faut faire tout le contraire.
00:15:28 Et son nom, Favre de Thérens,
00:15:33 qui un peu plus tard s'est retiré dans son pays près de Nîmes,
00:15:38 où il est devenu un peintre très estimé
00:15:42 et un résistant très respecté.
00:15:46 – Mais à ce moment-là…
00:15:46 – Mais oui, à ce moment-là…
00:15:48 – Vous ne faites pas de la résistance encore,
00:15:49 ce n'est pas le début du bon jour du sang ?
00:15:53 – La résistance à cette époque,
00:15:55 il faut avoir de la chance pour rencontrer des résistants,
00:15:57 il y en a quand même.
00:15:59 – Vous disiez historique, c'est peut-être une des plus grandes interviews
00:16:03 de la télévision française des 5 ans de dernière.
00:16:05 – C'est comme ça qu'il faut compléter le portrait de Jean-Pierre Elkabbach,
00:16:07 parce que vous avez parlé de génération,
00:16:09 effectivement pour des gens de mon âge,
00:16:11 quand on entendait "interview politique", on pensait à Elkabbach,
00:16:14 et quand on entendait le nom d'Elkabbach, on pensait à "interview politique".
00:16:16 Mais ce qu'on dit moins, c'est qu'en face de lui,
00:16:19 il y avait la plus belle distribution qu'on ait eue pendant un moment.
00:16:24 C'est-à-dire que les échanges avec Mitterrand, celui-là est historique,
00:16:27 les passes d'armes avec Marchais,
00:16:28 Marchais était d'un niveau exceptionnel.
00:16:31 – On va voir ça.
00:16:32 – Chirac, c'était aussi du sport.
00:16:34 Donc en fait, si vous êtes Djokovic,
00:16:35 mais qu'en face vous avez des gens qui ne savent pas renvoyer la balle,
00:16:38 vous pouvez avoir tout le talent du monde,
00:16:39 ça ne donnera pas un bon spectacle.
00:16:40 Mais là, le spectacle était des deux côtés.
00:16:42 Donc c'est une sorte d'âge d'or de l'entretien politique
00:16:47 qu'incarnait Jean-Pierre Elkabbach.
00:16:48 C'est d'ailleurs drôle qu'on lui rende hommage avec quelques petites réserves,
00:16:52 c'est marrant parce que ça arrive assez peu.
00:16:54 D'habitude, les morts sont des braves gens
00:16:56 et on n'entend que des choses extrêmement positives.
00:16:59 Les uns et les autres, ceux qui l'ont connu, approché de près,
00:17:02 soulignent un peu ses défauts,
00:17:04 mais je pense que ses défauts faisaient aussi ses qualités.
00:17:06 Parce qu'il faut avoir du culot pour s'adresser à Mitterrand de cette manière-là,
00:17:10 c'est non seulement François Mitterrand,
00:17:11 il est aux portes de la mort, ce que personne n'ignore dans le milieu.
00:17:15 Donc il faut avoir quand même cette confiance en soi,
00:17:17 qui était peut-être un peu excessive parfois chez Elkabbach,
00:17:19 pour s'adresser à Mitterrand de cette manière
00:17:21 et obtenir les réponses qu'il a obtenues.
00:17:23 Mais il y a une tendresse chez Jean-Pierre,
00:17:25 c'est pour ça qu'au-delà des défauts que chacun a vus,
00:17:29 il y a une tendresse, une gentillesse
00:17:31 et une capacité à reconnaître aussi qui est qui, d'une certaine manière,
00:17:36 et de lier à travers le métier un lien précisément.
00:17:42 Demi, que jamais ?
00:17:43 – Écoutez, vous savez, j'ai fait l'essentiel de mon parcours dans la presse écrite
00:17:47 et donc je n'ai côtoyé Jean-Pierre Elkabbach
00:17:51 que passagèrement au club de la presse d'Europe n°1, notamment.
00:17:57 Mais pour moi, au-delà des engagements,
00:17:59 au-delà des incidents nombreux de sa carrière,
00:18:03 au-delà de la personne même dont on a parlé,
00:18:05 il est l'incarnation même du journaliste.
00:18:09 C'est-à-dire que le journaliste, pour moi et pour lui,
00:18:13 c'est quelqu'un qui ne pense pas que la semaine a 5 jours + 2, elle a 7 jours.
00:18:18 Il ne pense pas que la journée de travail a 8 heures ou 12 heures,
00:18:23 puis ensuite c'est fini, la journée de travail a 24 heures.
00:18:26 C'est-à-dire que pour un journaliste, un vrai, comme Jean-Pierre Elkabbach,
00:18:30 l'incarnation même du journalisme, il n'y a pas de congé, il n'y a pas de retraite,
00:18:34 parce que l'actualité ne prend pas de congé et l'actualité ne prend pas sa retraite.
00:18:39 Donc on est comme un prêtre, sacerdocie in aeternum, prêtre pour toujours.
00:18:44 Quand on est journaliste, on est journaliste,
00:18:46 et il vient de le montrer, du début à la fin de sa carrière.
00:18:49 – Mais parce que dans cette génération, ce n'est pas un effort, c'est naturel.
00:18:53 – C'est également un plaisir.
00:18:54 – C'est un bain, l'actualité est sérieuse.
00:18:57 Moi, quand j'entends parfois des journalistes qui reviennent de vacances,
00:19:00 c'est que j'ai décroché, je n'ai pas écouté les journaux.
00:19:04 – Vous l'avez compris.
00:19:05 – D'abord, ça me surprend, c'est pas un effort, a priori pour Jean-Pierre Elkabach,
00:19:10 c'était pas un effort de lire la presse, c'est le contraire qui aurait été, pas possible.
00:19:14 Ça aurait été un manque absolu.
00:19:16 – Est-ce que vous me permettrez cependant une petite remarque
00:19:18 sur l'interview historique, en effet, de François Mitterrand par Jean-Pierre Elkabach,
00:19:23 interview célèbre, interview qui reste, etc.
00:19:26 Et elle faisait sentir, cette interview quand même,
00:19:29 le décalage qui existe souvent pour le journaliste par rapport à l'interview ouverte,
00:19:34 le décalage entre quelqu'un qui a vécu et quelqu'un qui demande.
00:19:38 Il y avait 20 ans de différence entre François Mitterrand et Jean-Pierre Elkabach,
00:19:42 et ces 20 ans suffisaient pour que Mitterrand, comme il lui a fait remarquer sèchement,
00:19:47 il lui a fait remarquer qu'il ne comprenait pas et il ne savait pas de quoi il parlait.
00:19:51 – Et c'est la célèbre phrase de François Mitterrand,
00:19:53 "jeune homme, vous ne savez pas de quoi vous parlez",
00:19:55 c'est la différence qu'il y a aujourd'hui quand on prend des lunettes de 2023
00:19:58 pour juger 1942, 1943, on en a parlé 10 millions de fois.
00:20:01 – À 50°, on essaie de les transformer en noir et blanc, donc effectivement…
00:20:05 – Georges Marchais, deux séquences de Georges Marchais,
00:20:08 on doit être en 1981, carte sur table avec ce studio,
00:20:14 la boîte à chaussures où tu es à hauteur de baffe, si j'ose dire,
00:20:18 Georges Marchais interrogé par Alain Duhamel et Jean-Pierre Elkabach.
00:20:23 – Si vous êtes élu président de la République, M. Marchais,
00:20:26 est-ce que vous refuserez de parler avec ceux qui ne sont pas d'accord avec vous
00:20:28 parce que vous les critiquez, parce qu'il y a une tentative de dialogue,
00:20:31 qu'on appelle républicain ou pas, mais de dialogue ?
00:20:34 – Ce que vous critiquez en parlant du consensus ?
00:20:35 – C'est autre chose, c'est autre chose.
00:20:40 – Ah !
00:20:40 – Ah oui, ah oui, le dialogue, la discussion,
00:20:46 mais à partir du moment où un homme est élu président de la République,
00:20:49 où une majorité est élue à l'Assemblée nationale,
00:20:53 il faut bien que les élus de l'opposition discutent avec…
00:20:58 – C'est ce qui passait pour Pierre Mouroir, ça, alors.
00:21:00 – Mais écoutez, vous êtes terrible.
00:21:02 – On essaie de comprendre.
00:21:03 – Ah, ben, vous avez du mal.
00:21:04 – Non, on comprend vite.
00:21:06 – Ça dépend des moments, il y a des moments où vous nous expliquez
00:21:08 qu'au contraire, on comprenait très bien.
00:21:10 – Mais il faut dire que vous comprenez quand vous voulez.
00:21:12 – C'est-à-dire que dans deux ans, vous nous direz qu'aujourd'hui,
00:21:13 on avait raison, on n'est pas pressés.
00:21:16 – Mais oui, quand vous voulez.
00:21:20 Ce qu'il faut, le dialogue, la discussion, mais nous l'avons…
00:21:26 D'ailleurs, c'est moi qui pourrais faire reproche au président de la République.
00:21:31 Je lui ai écrit deux fois pour le puits d'Estival,
00:21:34 il n'a jamais répondu pour les mineurs de l'Estival.
00:21:38 Et voilà un homme qui vient vous parler de dialogue républicain,
00:21:40 je vous fais d'abord observer qu'il choisit ses interlocuteurs.
00:21:43 – Je crois que "Carte sur table" passait le lundi soir,
00:21:47 comme l'heure de vérité d'ailleurs.
00:21:49 Et Éric Nolot disait "distribution aussi exceptionnelle d'hommes politiques".
00:21:53 – Voilà, permettez-moi.
00:21:55 – Que vous avez connus, vous-même, vous êtes entre deux générations.
00:21:57 – Oui, moi je suis particulièrement impressionné d'être sur votre plateau aujourd'hui,
00:22:01 parce que je crois que je suis le seul à ne pas être journaliste, disons.
00:22:05 Et je vais prendre un peu ma casquette d'ancien politique.
00:22:08 Je suis impressionné aussi parce que vous avez sur votre plateau
00:22:11 des grands témoins, des grands journalistes d'une époque, effectivement.
00:22:15 Vous avez connu ce que les journalistes ont appelé d'ailleurs les fauves en politique.
00:22:18 Vous les avez connus et vous avez grandi aussi avec eux.
00:22:21 Je reviens totalement à ce qu'a dit Éric Nolot tout à l'heure.
00:22:24 C'est parce qu'en face, vous aviez des grands personnages politiques.
00:22:26 Et la politique, c'était autre chose, cette époque-là.
00:22:28 Ça n'est plus la même chose.
00:22:30 Vous voyez, je ressens vraiment un peu le vent de l'histoire en vous…
00:22:35 Oui, parce qu'ils ont été témoins de cette époque qui n'est plus…
00:22:40 On va peut-être rester quand même au vent de l'histoire, mais j'entends.
00:22:43 L'histoire du journalisme politique, très modestement.
00:22:46 L'histoire du journalisme politique qui n'est plus…
00:22:48 Mais nous avons de nouveaux talents, bien entendu, aujourd'hui.
00:22:50 Mais la politique n'est plus ce qu'elle était à cette époque-là, voyez-vous.
00:22:53 Et je voudrais simplement dire un petit mot sur Jean-Pierre Ecabache
00:22:56 parce que j'ai eu l'occasion aussi d'être interviewé dans son fameux 8h20 d'Europe 1.
00:23:01 Et qui était sur CNews ensuite, et dont Sonia, évidemment, est l'héritière aujourd'hui.
00:23:06 La fin des années 90.
00:23:08 Voilà. Et moi, ce dont je me souviens, c'est un sujet un peu douloureux ce matin-là,
00:23:12 d'une très, très grande bienveillance.
00:23:14 Avant l'antenne, le café, les questions qu'il allait me poser,
00:23:19 me demandant d'être concis, clair.
00:23:21 J'étais en confiance, quoi. Et je me souviens très bien de cette interview.
00:23:25 Bon, et ça s'était bien passé ?
00:23:27 Ça s'était très, très, très bien passé.
00:23:29 Autre séquence avec Georges Marchais.
00:23:31 Alors, ça, c'est une séquence célèbre, c'est 40 secondes de réflexion de Georges Marchais
00:23:37 à qui on interroge sur son rapport avec François Mitterrand.
00:23:42 Mitterrand depuis 12 ans.
00:23:45 Vous espérez gouverner l'an prochain avec lui.
00:23:47 Est-ce que vous, vous le considérez, M. Mitterrand, comme un allié totalement loyal ?
00:23:51 Moi,
00:24:02 je pense que
00:24:05 je réfléchis, je ne m'attendais pas à cette question.
00:24:07 Je pense que depuis que nous avons des rapports,
00:24:12 depuis que j'ai, hélas, remplacé Valdec, Rocher, qui est tombé malade, dans les conditions que vous savez,
00:24:21 si je fais le bilan de nos rapports, je pense qu'on peut dire
00:24:25 que nous avons coopéré
00:24:30 que nous avons coopéré dans de bonnes conditions.
00:24:36 Quel charisme !
00:24:40 Le silence qu'il joue, il nous en avait beaucoup parlé, il avait dit la force, la puissance du silence.
00:24:45 Aujourd'hui, nous aurions peur parfois du silence.
00:24:48 On essaye de l'habiter, de le combler, de le meubler.
00:24:50 Or, le silence, c'était pour Jean-Pierre un personnage dans l'interview.
00:24:54 Et je pense qu'il faut vraiment, et c'est pour ça, c'est un journaliste, oui,
00:24:57 mais je pense que c'est d'abord un personnage.
00:24:59 Pourquoi je dis ça ? C'est presque un personnage de scène.
00:25:03 Je m'excuse auprès de sa famille, peut-être d'entendre cette phrase, c'est un peu dur.
00:25:06 Il aurait presque voulu mourir sur scène, si je puis dire, dans un studio,
00:25:10 pas évidemment au sens physique du terme, mais véritablement, jusqu'au bout du bout,
00:25:15 il est resté quelque part, puisque voilà, nous sommes les continuateurs officiels ou officieux de ce qu'il avait voulu être.
00:25:21 Mais je pense que c'est un personnage capable de beaucoup de tendresse féminine,
00:25:25 non pas que les hommes n'en soient pas capables,
00:25:27 mais il avait quelque chose de très féminin en lui, Jean-Pierre, dans cette capacité d'écoute.
00:25:31 Non pas que les hommes ne soient pas du tout dotés de cette capacité,
00:25:33 mais je trouve qu'il avait cette chose en plus, capable d'écouter, de charmer,
00:25:37 de séduire, homme ou femme, dans une interview, mais pour mieux, après, poser la question qui parfois tue symboliquement.
00:25:44 C'est très, très juste ce que vous dites.
00:25:46 Moi, j'ai appelé une des dernières fois lorsque nous avons fait l'interview du 28 août
00:25:52 avec Nicolas Sarkozy, du 29 août sur Europe 1.
00:25:55 Et je voulais qu'il intervienne à Nantel, vraiment, parce qu'il avait une proximité avec Nicolas Sarkozy.
00:26:00 Nicolas Sarkozy avait eu sa première interview chez lui.
00:26:04 Et puis, il était affaibli. Il n'a pas voulu prendre la parole, mais il m'avait envoyé des textos.
00:26:11 Il m'avait écouté l'émission. Il m'avait fait un rapport derrière.
00:26:14 Il m'avait dit comment je pourrais dire les choses, etc.
00:26:17 Et c'était un rapport professionnel de toujours donner son avis, de toujours être présent dans cette information.
00:26:26 - Et vous savez quel est le premier adjectif qui me vient à l'esprit quand je vous fais des interviews ?
00:26:29 Je trouve ça loyal. - Oui, bien sûr.
00:26:31 - En réalité, il n'y a pas de coup fourré. Il n'y a pas la volonté de provoquer un clash.
00:26:35 Il n'y a pas la volonté de brutaliser. C'est dit avec franchise, mais avec loyauté.
00:26:39 Ça, c'est un peu perdu, quoi. Mais vous prenez vraiment l'héritier.
00:26:42 - En complément aussi, il a eu... C'est de la gourmandise.
00:26:45 Parce que son métier, il le concevait comme une gourmandise. Il ne voulait pas que ça s'arrête.
00:26:49 Mais c'est vrai qu'il s'intéressait aux plus grands.
00:26:53 Mais si on lui signalait qu'on avait décelé un talent à l'Assemblée nationale,
00:26:58 quelqu'un qui venait d'éclore, aussitôt, il voulait absolument le connaître.
00:27:02 Il a révélé des talents de journaliste, comme Sonia. Enfin, il aimait que les autres réussissent aussi.
00:27:08 - Comme Delarue, à qui il a promu sur France Télévisions.
00:27:13 - Il n'était pas jaloux de la réussite professionnelle des autres, s'il pensait que c'était justifié.
00:27:18 - Oui. - Quand on n'était pas un professionnel, ça, il le contestait.
00:27:23 Parce qu'il était comme François Giroud. Il faisait la différence entre le succès qui peut être éphémère
00:27:29 et la réussite qui demande la longue durée.
00:27:32 - Alors, on a marqué une pause. Et je crois que Olivier Marchais est avec nous tout de suite après.
00:27:37 Donc, on pourra l'interroger. Parce que c'est vrai que c'est... Bonjour, Monsieur Marchais.
00:27:41 Et lorsqu'on vous voit, évidemment, c'est toujours sidérant, là aussi,
00:27:45 puisque vous avez reçu sur ce plateau et vous ressemblez beaucoup à votre père, bien sûr.
00:27:52 Et vous incarnez aussi une époque, quoi. Votre père incarne une époque.
00:27:56 Des grandes stars politiques et ses émissions sont restées dans la mémoire des Français.
00:28:01 Donc, on va pouvoir vous interroger dans une seconde. La pause à tout de suite.
00:28:04 Il est 9h33. On est en retard. Somaïa Labidi.
00:28:10 [Musique]
00:28:13 - Fermeture temporaire du site universitaire Colbert à Marseille.
00:28:17 En cause, le trafic de drogue sévi à proximité de l'établissement.
00:28:22 Les cours seront assurés en distanciel, a annoncé le président de l'université d'Aix-Marseille.
00:28:27 Au total, 1 500 étudiants et une cinquantaine de personnels
00:28:30 fréquentent cette antenne de la faculté d'économie et de gestion.
00:28:35 Le projet de loi pour sécuriser Internet arrive à l'Assemblée.
00:28:38 Parmi les principales mesures, filtre anti-arnaque, lutte contre le cyberharcèlement
00:28:43 ou l'accès des mineurs au porno.
00:28:45 Objectif pour le gouvernement, sécuriser et réguler Internet.
00:28:50 Et puis, lancement officiel du Synode des évêques au Vatican,
00:28:53 fruit d'une consultation des catholiques du monde entier.
00:28:56 Pendant deux ans, jusqu'au 29 octobre, 365 membres et une centaine d'experts
00:29:01 débattront chaque jour à huis clos pour livrer des propositions au pape François
00:29:06 sur des thèmes comme l'ordination des femmes ou encore la place des laïcs
00:29:10 aux côtés des prêtres.
00:29:12 - Olivier Marchais est avec nous, je le remercie grandement.
00:29:14 Bonjour, monsieur Marchais.
00:29:17 Avant de vous interroger, nous allons voir un extrait célébrissime
00:29:20 parce que depuis près de 50 ans, Liliane, votre mère, fait toujours ses valises.
00:29:26 - Quand il a dit, c'est Georges Marchais qui en 1977,
00:29:34 le premier sur la question de politique extérieure,
00:29:38 a remis en cause le programme...
00:29:39 - Oui, oui, c'est une question.
00:29:40 - Eh bien, messieurs, le 30... Non, ça s'est passé le 28 juillet.
00:29:45 J'étais en Corse avec ma femme devant la télévision
00:29:48 et quand j'ai entendu François Mitterrand, c'était à 13 heures,
00:29:52 quand j'ai entendu François Mitterrand refuser de s'engager
00:29:56 sur l'existence d'une défense nationale indépendante,
00:30:00 j'ai dit à ma femme, François Mitterrand a décidé
00:30:04 d'abandonner le programme de la gauche, fait les valises, on rentre à Paris.
00:30:08 Et nous sommes rentrés à Paris, et nous sommes rentrés à Paris,
00:30:12 et c'est au début d'août qu'à la télévision,
00:30:16 je me suis expliqué sur cette question-là.
00:30:19 - Alors, c'est une autre époque d'abord, parce que le mot "août",
00:30:22 personne ne le dit comme ça.
00:30:24 D'abord, je remarque qu'il ne dit pas "Liliane fait les valises"
00:30:26 et c'est Thierry Leluron qui a dû dire "Liliane fait les valises"
00:30:29 comme Thierry Leluron a inventé "taisez-vous El Khabache",
00:30:32 parce que ces deux phrases-là n'ont jamais été dites
00:30:35 par votre père, Olivier Marchais.
00:30:38 - Non, jamais. D'ailleurs, le "taisez-vous El Khabache",
00:30:43 il en a fait un livre, Jean-Pierre El Khabache, avec ce titre,
00:30:48 et il y a une anecdote sympathique.
00:30:51 D'abord, permettez-moi de rendre hommage à Jean-Pierre El Khabache,
00:30:55 saluer sa famille et ses proches dans ce moment de tristesse,
00:31:00 sur le livre "Taisez-vous El Khabache".
00:31:03 Il a écrit ce livre, donc Georges Marchais,
00:31:06 lors d'un échange avec lui, lui, il lui rappelle qu'il va gagner de l'argent
00:31:10 avec un livre et avec une formule qu'il n'a jamais prononcée,
00:31:14 et qu'à ce titre, peut-être il pourrait lui payer un bon restaurant.
00:31:17 Donc, ils sont allés manger au restaurant,
00:31:19 et au restaurant, mon père a pu choisir la bouteille de vin
00:31:24 et c'est Jean-Pierre El Khabache qui m'a raconté cette anecdote.
00:31:27 Et évidemment, il a choisi la bouteille de vin rouge la plus chère de la carte.
00:31:31 Et quand il rentrait après les émissions, Georges Marchais,
00:31:34 que disait-il de Jean-Pierre El Khabache ?
00:31:37 Il y avait beaucoup de respect pour les émissions à cette époque.
00:31:44 L'enjeu était peut-être un petit peu différent.
00:31:48 C'est des émissions qui drainaient entre 10 et 15 millions de téléspectateurs.
00:31:52 On en parlait le matin, on disait ce soir à la télé, il y a telle émission.
00:31:57 Le lendemain, on faisait le débriefing.
00:31:59 À l'époque, il n'y avait que trois chaînes de télévision.
00:32:03 Donc, beaucoup de gens regardaient.
00:32:04 On était sur des audiences entre 10 et 15 millions de téléspectateurs.
00:32:08 Et puis, c'était des émissions politiques avec beaucoup d'enjeux.
00:32:13 Ça débattait fort.
00:32:14 D'ailleurs, le titre des émissions était quand même révélateur.
00:32:17 C'était À armes égales, cartes sur table, l'heure de vérité.
00:32:21 Donc, il y avait de l'engagement des deux côtés.
00:32:23 Il y avait de l'engagement à la fois du côté de Jean-Pierre Elkabache,
00:32:27 parce que c'était un interviewer hors pair, un grand professionnel qui se préparait beaucoup.
00:32:31 Et puis, du côté de Georges Marchais, il y avait un engagement fort.
00:32:36 Moi, il me disait toujours, parce qu'il préparait minutieusement ses émissions,
00:32:40 en une soirée, c'était l'équivalent de 2000 meetings avec 5000 personnes dedans.
00:32:46 Donc, tout ce contexte montrait qu'effectivement, c'était des émissions avec des gros enjeux.
00:32:52 Et les deux se préparaient très bien.
00:32:55 Merci beaucoup Olivier Marchais.
00:32:57 Merci aussi à Olivier Dartigold qui nous a permis d'entrer en contact avec vous.
00:33:00 Je sais que vous êtes aujourd'hui toujours très proche du Parti communiste, bien évidemment, M. Marchais.
00:33:05 Oui.
00:33:07 Bon sang ne saurait mentir.
00:33:09 Non, non. Vous avez des bonnes informations.
00:33:12 Bon, merci en tout cas. Et c'est toujours un plaisir de vous recevoir sur ce plateau.
00:33:17 Merci beaucoup. Autre séquence avec Jacques Chirac.
00:33:19 On doit être en 78, je pense, on est à 77, avant le fameux vote des législatives 78
00:33:29 qui sont annoncées perdantes pour la droite.
00:33:32 C'est le discours de Verdin sur le Doubs, le bon choix,
00:33:35 où le président Giscard d'Estaing avait dit d'ailleurs qu'il irait à rambouiller, je crois, s'il perdait les législatives.
00:33:43 Écoutons cet extrait.
00:33:45 On disait tout à l'heure à propos de M. Pompidou et à propos des présidents de la 5ème République
00:33:50 qu'il ne s'agit pas de révéler à l'avance sa stratégie.
00:33:53 Pourquoi ne pas penser que le président Giscard d'Estaing ne révélera pas à l'avance toute sa stratégie
00:33:58 étant donné qu'il a tout de même dit qu'il indiquera le moment venu ce qu'il appelle le bon choix pour le pays.
00:34:03 – Oui, c'est-à-dire ? – Donc c'est une sorte d'engagement.
00:34:06 – M. Elgamache, le président de la République a été parfaitement clair.
00:34:09 Il a dit effectivement qu'avant les élections, il indiquerait le bon choix,
00:34:13 c'est-à-dire ce qui lui semblait souhaitable.
00:34:16 Et on ne peut pas douter du fait qu'il se prononcera contre le choix du programme commun.
00:34:21 Mais il a indiqué aussi de la façon la plus claire que, en cas de victoire de la gauche,
00:34:26 il maintiendrait les institutions et resterait à l'Élysée.
00:34:31 Ce qui a pour conséquence qu'il n'assume pas politiquement sa majorité actuelle
00:34:36 et donc qu'il ne peut pas, et d'ailleurs il n'a pas exprimé le désir de le faire,
00:34:39 la conduire au combat politique.
00:34:41 Et s'il ne le fait pas contrairement à ce qu'on fait, c'est prédécesseur,
00:34:44 personne ne peut le faire par délégation.
00:34:46 Et nous en venons à la nécessité de trouver entre les différents partis et mouvements de la majorité,
00:34:52 les moyens que nous trouverons car nos divergences de vues sont très modestes.
00:34:56 – Mais vous qui êtes profondément angoliste, ça ne vous choque pas de voir
00:34:59 que les leaders des partis, même s'ils aient la majorité,
00:35:02 auront à définir eux-mêmes et entre qui conduire.
00:35:04 Est-ce qu'on n'en revient pas un peu à un système des passés que vous avez souvent critiqué ?
00:35:08 – Non, je ne suis pas favorable au système des partis.
00:35:11 Je ne considère plus qu'aujourd'hui nous soyons dans le système de la Vème République
00:35:16 tel que nous l'avons connu dans le passé.
00:35:19 Mais en revanche, je ne me permettrai certainement pas de critiquer
00:35:22 l'interprétation que donne de la Constitution le Président de la République.
00:35:25 Il est seul à même de le faire et je ne me permettrai aucune critique sur ce point.
00:35:30 – On a oublié ce Chirac des années 70 qui est très séduisant.
00:35:34 – Oui.
00:35:35 – Et qui est très offensif et qui est assez direct dans l'expression.
00:35:40 – Oui, le quinquennat, le septennat de Valéry Giscard d'Estaing, c'était un western.
00:35:46 Moi pendant 7 ans j'ai fait le même papier, voyez, Europe, voyez.
00:35:50 C'était toujours les rapports Giscard-Chirac.
00:35:52 Il y avait tous les jours quelque chose qui alimentait leurs mésententes.
00:35:56 Moi j'ai fait le même papier, c'était le western.
00:35:58 Et là donc, et c'était tantôt de manière frontale, plus subtile, un peu embrouillé,
00:36:02 là, vous voyez, je n'ai pas très bien suivi ce qu'il a dit.
00:36:04 Mais enfin voilà, c'était…
00:36:05 – Parce qu'il avait été le Premier ministre de Giscard, il part en août 76,
00:36:09 il monte le RPR sans doute en 76 ou 77.
00:36:12 – Décembre 76.
00:36:13 – Et il se présente contre Giscard et sans doute est-il pour quelque chose
00:36:17 dans la défaite de Giscard en 81.
00:36:18 – Oui, vous voyez là…
00:36:19 – Ça c'est bien documenté.
00:36:20 – Oui, mais là il se prononce envers contre la cohabitation.
00:36:24 – Oui, bien sûr.
00:36:25 – Donc il sera le premier bénéficiaire.
00:36:27 – Bien sûr.
00:36:28 Bon, regardez les fiches, il y a Hugo Ken, c'est un jeune journaliste
00:36:31 qui travaillait avec Jean-Pierre Elkabach.
00:36:33 Hugo Ken, il nous a fait parvenir les fiches tabilo aussi de Jean-Pierre Elkabach.
00:36:39 Donc j'ai vu, effectivement, c'est…
00:36:41 – C'est les paperolles de Proust quoi.
00:36:43 – Voilà, c'est les… j'ai vu.
00:36:45 Alors je lui disais, mais pourquoi c'est en rose et pourquoi c'est en vert ?
00:36:49 Et j'ai jamais eu de réponse à cette question.
00:36:51 Je lui disais pourquoi il y a différentes couleurs ?
00:36:53 Parce qu'on pourrait imaginer qu'il y avait une raison à ces couleurs différentes.
00:36:57 Eh bien, je n'ai jamais eu de réponse à cette question.
00:36:59 Alors, moi je lui disais souvent, parce que j'aime bien les archives
00:37:02 et j'ai accès à des émissions scènes, je lui disais mais c'est fou
00:37:05 ce que vous avez fait Jean-Pierre, c'est fou, fou, fou,
00:37:08 ce que vous avez inventé comme concept, les interviews, etc.
00:37:11 Et il y a eu une interview avec Brigitte Bardot qui l'avait fait,
00:37:13 mais qui est d'une modernité.
00:37:15 Il y a Claude Sarraute sur le plateau, il y a Barjavel
00:37:17 qui est sur le plateau.
00:37:19 Vous allez voir cet extrait, Brigitte Bardot est magnifique.
00:37:22 Et c'était à 20h30, ça passait, c'était INF2, à l'époque c'était l'ORTF,
00:37:27 ce n'est pas TF1, Antenne 2.
00:37:29 Et voyez cette séquence parce qu'elle est formidable.
00:37:32 Je pense que j'étais en tout cas dans le monde cinématographique
00:37:36 la première à être comme ça, dépouillée de tout artifice naturel,
00:37:41 bon ou mauvais selon les cas, mais en tout cas absolument...
00:37:45 - Et il y a eu une rupture avec votre milieu familial et social ?
00:37:49 - Non. Oui, enfin oui et non, parce qu'il est certain que la façon
00:37:54 dont j'ai été élevée était très différente de la vie que j'ai vécue par la suite.
00:37:59 J'étais élevée dans un milieu extrêmement bourgeois,
00:38:02 mais ça se retrouve un petit peu, je ne l'ai pas complètement oubliée.
00:38:06 - Oui, moi ce qui m'intéresse beaucoup, c'est votre attitude
00:38:10 par rapport au formidable mouvement d'émancipation de la femme
00:38:15 que vous n'avez pas évidemment suscité, mais dont vous avez été un peu une pionnière,
00:38:19 si vous voulez, par votre façon d'être, votre façon de vivre en garçon,
00:38:23 en faire qu'à votre tête, suivre votre bon plaisir,
00:38:26 tout à fait en dehors de toutes les conventions bourgeoises, sociales
00:38:29 et de toutes les traditions.
00:38:31 Et j'aurais voulu connaître votre sentiment sur le mouvement de libération de la femme
00:38:35 tel qu'il s'articule maintenant en Amérique et puis un petit peu partout
00:38:38 dans les pays d'Europe. J'ai l'impression, il me semble avoir lu quelque part,
00:38:41 que vous étiez très contre.
00:38:43 - Oui, enfin, je ne suis pas vraiment contre.
00:38:45 Je trouve que c'est très bien que les femmes se libèrent,
00:38:48 mais pourquoi faire un mouvement pour ça ?
00:38:50 On peut se libérer sans devenir suffragette et porte-drapeau d'un mouvement.
00:38:56 Je trouve qu'une femme doit rester une femme avant tout.
00:39:00 Qu'elle se libère, c'est très bien, mais avant tout,
00:39:03 elle doit se dire que la femme, c'est quand même la chose la plus belle du monde.
00:39:07 Si elle reste vraiment une vraie femme.
00:39:10 Le fait de se libérer, c'est de plus supporter le jou de l'homme
00:39:13 qui ne veut pas vous donner tant d'argent.
00:39:15 C'est de pouvoir vivre et gagner sa vie sans dépendre de personne.
00:39:19 C'est très, très bien.
00:39:20 Mais d'un autre côté, je crois que les femmes, en voulant trop se libérer,
00:39:23 vont devenir de plus en plus malheureuses.
00:39:26 - Ce que dit Bordeaux est absolument incroyable.
00:39:28 Mais j'ai parlé avec Jean-Pierre de ce plateau.
00:39:31 Et il avait fait venir Claude Sarotte, qui était incroyablement militante
00:39:35 sur le plateau pour créer...
00:39:38 C'est là qu'il met en scène, et c'était d'une modernité incroyable,
00:39:41 de faire venir en 1973, dans cette télévision-là,
00:39:44 Claude Sarotte, qui était féministe, militante,
00:39:48 et qui peut apporter la contradiction.
00:39:50 - On peut faire la liste de tout ce qui n'est plus possible.
00:39:52 On voit passer de la fumée de cigarette à deux reprises.
00:39:54 Donc ça, c'est déjà plus possible.
00:39:55 Tenir un discours nuancé sur le féminisme n'est plus possible.
00:39:59 Quant à la qualité d'élocution et d'argumentation de Brigitte Bordeaux,
00:40:03 c'est devenu assez rare.
00:40:05 On parlait du personnel politique, mais la manière dont elle s'exprime,
00:40:09 la clarté des idées, la clarté...
00:40:11 - Ce qu'elle dit nous paraît...
00:40:13 - Elle est de 50 ans pile.
00:40:14 - Quelle belle femme.
00:40:15 - C'est d'une modernité, d'une actualité incroyable.
00:40:17 Il y a beaucoup de leçons à retenir.
00:40:19 Et là, vous montrez les différentes palettes et nuances de Jean-Pierre.
00:40:22 On a en tête le Jean-Pierre incisif, pugnace,
00:40:26 mais vous avez le Jean-Pierre confesseur, accoucheur,
00:40:29 avec des yeux d'une expression assez incroyable,
00:40:32 qui est capable de vous regarder et de vous soutirer quelque chose
00:40:35 que vous n'avez pas envie de dire.
00:40:37 Parce que je pense que pendant ces moments-là,
00:40:39 il comprenait l'autre.
00:40:40 Je ne sais pas s'il le faisait dans sa vie de tous les jours,
00:40:42 c'est autre chose, mais dans ces moments-là,
00:40:44 il avait une sorte de laser dans les yeux.
00:40:46 Et il était une sorte de confesseur.
00:40:48 Il aimait beaucoup parler de l'autre.
00:40:49 Par exemple, je sais que vous êtes trop modeste pour le dire,
00:40:52 cher Pascal, mais je me rappelle d'une conversation,
00:40:54 il m'avait appelé, il m'a dit "Mais est-ce que tu connais bien Pascal ?"
00:40:57 J'ai dit "Oui, je le crois, je le croise quand même tous les jours."
00:40:59 "Mais est-ce que tu sais qu'il est capable de te citer des vers, des poèmes ?"
00:41:03 Il m'a dit "C'est quand même", ce sont ses mots, pardonnez-moi de vous le dire,
00:41:06 de vous faire rougir, il m'a dit "C'est quand même un intellectuel un peu méconnu,
00:41:09 et c'est dommage."
00:41:11 Et je crois qu'il n'aimait pas cette injustice,
00:41:13 il aimait bien que nous ayons l'image qui colle à la réalité.
00:41:16 C'est important de le dire.
00:41:17 Et je pense qu'aujourd'hui, son image à lui,
00:41:19 et c'est ça qu'il a réussi, colle à la réalité.
00:41:21 Pugnace, mais quand même on lui reconnaît ces moments-là.
00:41:23 - J'aurais attendu 59 ans pour que quelqu'un me dise que je suis trop modeste.
00:41:26 Et vraiment, je vous en remercie énormément.
00:41:29 - Intellectuel méconnu ?
00:41:30 - Intellectuel méconnu, évidemment, mais c'est évidemment pas vrai.
00:41:33 Je ne suis pas un intellectuel méconnu du tout.
00:41:36 Oui, mais je suis simplement un journaliste.
00:41:38 Voilà, un journaliste.
00:41:40 Et je me reconnais dans ce qu'il fait avec cette curiosité-là, tout asile.
00:41:44 - Il aimait la littérature, il aimait les livres.
00:41:45 - Oui, mais on aime tout quand t'es journaliste.
00:41:47 - Mais bien sûr, mais le flou des journalistes, ça ne peut pas l'être.
00:41:49 - Comment dire ?
00:41:50 Un journaliste, c'est une culture triviale poursuite.
00:41:52 C'est de connaître un peu tout.
00:41:54 De s'intéresser à un peu tout.
00:41:56 Mais peu de choses, finalement, en profondeur.
00:41:58 Mais on a une curiosité insatiable, surtout.
00:42:01 Et c'est ça que j'aime chez lui.
00:42:03 Parce que ça, ce qu'on a vu là, c'est un extrait sociétal.
00:42:05 Ce n'est pas que politique, c'est sociétal.
00:42:07 Et là-dessus, effectivement, il a fait des émissions absolument formidables.
00:42:10 Alors, il était venu, c'était en novembre dernier.
00:42:12 Et il avait parlé de cette curiosité, parce que je l'avais reçu.
00:42:16 Moi, j'avais adoré le recevoir.
00:42:17 Voyez ce premier passage.
00:42:18 Les gens se trompent sur vous parce que vous êtes,
00:42:21 quoi qu'il arrive, d'abord et avant tout, un journaliste.
00:42:25 Et qui va vers la curiosité, qui va vers les choses nouvelles,
00:42:30 qui est intéressé.
00:42:31 Je l'ai vu, vous étiez dans mon bureau, et tout ça.
00:42:33 Au-delà de l'homme du pouvoir, d'influence.
00:42:35 Et j'ai l'impression que les gens ne...
00:42:37 Il y a quelque chose d'intact chez vous,
00:42:39 et d'enthousiasme chez vous, qui est tout à fait sidérant.
00:42:41 Merci, ça c'est vrai, et ça continue.
00:42:43 Mais je vous reprends quand vous parlez d'homme de pouvoir.
00:42:48 Ce qui m'intéresse, c'est la conquête et l'exercice du pouvoir.
00:42:51 Qui décide ? Comment on décide ?
00:42:53 Est-ce qu'on écoute ce qu'il conseille ?
00:42:56 À quel moment un homme d'État peut décider ?
00:42:59 Comment on fait face à des crises, quand elles sont multiples ?
00:43:02 Vous n'êtes pas préparé à ça, vous êtes chef d'État,
00:43:04 tout vous tombe sur la figure.
00:43:05 Deuxièmement, comment on répond à des menaces de guerre ?
00:43:08 Ça oui, c'est le pouvoir qui fonctionne.
00:43:11 Mais je m'intéresse beaucoup plus, contrairement à ce qu'on croit,
00:43:17 je consacre plus de temps à ceux qui ont perdu le pouvoir dont ils disposaient,
00:43:23 et que l'on a complètement abandonné quand les lumières s'éteignent.
00:43:27 Qu'est-ce qu'ils deviennent ? Ils ont disparu à la trappe.
00:43:29 Moi ce qui m'intéresse, c'est l'homme.
00:43:31 Avant, après.
00:43:33 Et vous aujourd'hui, que la lumière est moins sur vous,
00:43:35 vous trouvez qu'il y a des gens qui se sont détournés de vous ?
00:43:38 Non, c'était en 81.
00:43:41 Oui, en 81, vous êtes revenu.
00:43:43 Ils se sont détournés, j'étais mort. C'est pas la même chose.
00:43:45 Oui, mais aujourd'hui, vous êtes forcément moins au centre de l'actu que vous l'étiez.
00:43:49 Il y a quelques années, quand vous faisiez cette grande interview à Europe 1,
00:43:56 est-ce qu'il y a des gens qui aujourd'hui, vous regardent moins, vous appellent moins ?
00:44:00 Pas du tout.
00:44:01 Est-ce que le téléphone s'envoie ?
00:44:02 Au contraire, j'ai l'impression d'être devenu une statue, ou un monument.
00:44:06 Ça me surprend. Non, au contraire, j'ai continué les batailles.
00:44:10 Et vous avez vu ce qu'il se passe là ?
00:44:12 Il pose une question, il n'y répond pas. Il regarde ces fiches qu'il a écrites,
00:44:15 c'est ça qui m'avait sidéré pour une interview.
00:44:17 Il voulait dire des choses et il fait passer les messages qu'il veut passer.
00:44:21 Gérard Carréon, on est en train de vous appeler.
00:44:23 Ça doit être consécutif à votre émission.
00:44:26 Oui, il va j'imagine.
00:44:27 Là, je crois qu'Athènes, Gérard et nous tous, on l'a remarqué,
00:44:31 il appelait toujours, il restait en contact avec ce qu'on appelait les guerriers blessés à terre,
00:44:37 ceux qui mettaient un genou à terre de la politique,
00:44:39 c'est-à-dire ceux qu'on écartait, ceux qui, à l'aune d'une polémique ou d'une affaire,
00:44:43 étaient mis de côté, il restait en contact avec eux.
00:44:46 Alors, je crois à 5 % pour mieux les avoir ensuite en interview,
00:44:50 parce qu'il avait une forme de fidélité, mais à 95 % parce qu'il pensait
00:44:54 qu'il ne fallait pas rejoindre la meute et être aux côtés de ceux qu'on met à l'écart.
00:44:59 Oui, quand il sentait qu'il pouvait y avoir une injustice,
00:45:02 quand un ministre était viré ou quelque chose, il nous disait "Vite, on l'appelle,
00:45:05 il faut déjeuner avec lui".
00:45:06 Ou quand il était accablé, comme l'avait pu l'être Éric Woerth,
00:45:09 qui a défendu la première réforme sur les retraites,
00:45:13 avec une bagarre formidable, la gauche qui était contre et Mediapart.
00:45:18 Plein d'exemples.
00:45:19 Ça a été épouvantable, ça a été un calvaire.
00:45:21 Et donc Jean-Pierre l'a énormément soutenu et l'a encouragé à écrire.
00:45:26 Simplement une remarque, dans l'extrait de l'émission que vous venez de passer,
00:45:31 j'ai trouvé qu'il y avait, pour des raisons évidentes d'ailleurs,
00:45:34 une ressemblance singulière et émouvante avec Mitterrand,
00:45:38 quand El-Khabache l'avait interviewé.
00:45:41 Il y a beaucoup de réactions, évidemment.
00:45:43 Nicolas Sarkozy qui a dit "Tristesse de voir partir ce soir un grand du journalisme,
00:45:49 passionné de polémiques, boulimiques, d'informations, intervieweur pugnace
00:45:52 et sans concession, directeur de médias exigeant et visionnaire,
00:45:55 Jean-Pierre El-Khabache a marqué de son emprunt de toute une génération,
00:45:58 j'en fais partie pour avoir tant espéré, alors jeune élu,
00:46:01 d'être son invité au micro d'Europe 1 jusqu'à ce qu'il me donne ma chance,
00:46:04 jamais je ne l'oublierai, je pense ce soir à ceux qui comme moi l'ont aimé et admiré.
00:46:08 Anne Hidalgo, Jean-Pierre El-Khabache nous a quittés,
00:46:11 l'interview politique est en deuil, je salue la mémoire de ce monument du journalisme.
00:46:15 Xavier Bertrand, Bernard Cazel, Jack Lang, combien de répliques célèbres,
00:46:19 combien d'émissions, combien de saillies diverses.
00:46:22 Le président Macron, bien sûr, Jean-Pierre El-Khabache,
00:46:24 fut pendant cinq décennies une voix et un visage si familier
00:46:27 que son nom suffit à ressusciter tout un pont de notre histoire.
00:46:29 L'annonce des résultats de l'élection présidentielle de 1981,
00:46:32 un débat houleux avec Georges Marchais à carte sur table
00:46:34 ou une relance sarcastique au micro d'Europe 1.
00:46:36 Ces moments appartiennent à notre mémoire collective
00:46:38 et aux grandes heures de la politique française.
00:46:40 Je voudrais qu'on l'écoute une deuxième fois,
00:46:42 c'était l'exergue de son livre que j'avais souligné lorsqu'il était venu.
00:46:46 Ce qui est intéressant aussi dans un bouquin, c'est l'exergue,
00:46:48 parce que l'exergue, elle en dit beaucoup finalement.
00:46:51 Et l'exergue, ce qui me frapperait plutôt quand je considère ma vie,
00:46:54 c'est la disproportion entre les moyens dont j'ai disposé au départ
00:46:58 et ceux que j'ai obtenus.
00:47:00 Le gain me paraît énorme si je considère la mise.
00:47:03 C'est François Mauriac qui écrit ça.
00:47:06 "Je ne me plais pas moi-même, je ne me déteste pas non plus
00:47:10 et serais plutôt porté à me prendre en pitié
00:47:12 quand la nuit je sens sous ma main battre ce cœur fatigué.
00:47:15 J'ai été aimé et haï, plus aimé qu'haï, plus haï qu'aimé.
00:47:19 Qui le sait ? C'est vous ?
00:47:22 - Oui, c'est Mauriac, mais ça correspondait tout à fait à moi et à mon destin.
00:47:27 D'où je viens avec la petite mise juive d'Oran, Fauché, etc.
00:47:32 qui peu à peu arrive à Paris, se bat, prend des coups, en rend quelquefois
00:47:38 et arrive à avoir un destin exceptionnel avec des rencontres,
00:47:44 avec des émotions et en même temps on voit tout le chemin qui est parcouru.
00:47:52 Et oui, il y avait peu de mise au départ, mais en même temps...
00:47:57 - Peu de mise, sauf que vous avez une détermination folle,
00:48:00 une intelligence quand même qui est capable de vous permettre...
00:48:03 - Mais d'autres intelligences.
00:48:04 Vous savez ce que me disait Henry Kissinger, puis il a écrit aussi à l'oeuvre,
00:48:07 je lui disais "un chef d'État c'est l'intelligence, mais non, l'intelligence c'est la performance,
00:48:11 le caractère et le courage, c'est tout.
00:48:13 - Et la chance ?
00:48:14 - Oui, mais il faut aller à la rencontre de l'oeuvre.
00:48:16 - Vous avez plus de caractère ou plus de courage ?
00:48:18 - Ça va ensemble.
00:48:19 - Hop !
00:48:20 - Les lâches n'ont jamais de caractère.
00:48:22 - C'est marrant votre réponse.
00:48:25 Non, on peut avoir une forte détermination pour soi et puis être d'un cynisme absolu...
00:48:29 - Non, non, absolument, non, non.
00:48:31 Mais le cynisme c'est dans les rapports entre les forces, entre les chefs d'État, etc.
00:48:36 Le sentimentalisme qui dégouline.
00:48:39 Souvent on n'amène pas les grands résultats ou les grandes paix ou les grands compromis.
00:48:45 - Mais c'est aussi une histoire française qu'il raconte.
00:48:48 Il y a un parallèle avec Mitterrand parce que d'où il vient et ce qu'il deviendra,
00:48:53 c'est précisément une histoire française.
00:48:55 - Georges, si ça ne vous ennuie pas de nous laisser pendant la dernière partie de l'émission
00:49:03 parce qu'on va être avec Marie-Estelle Dupont,
00:49:05 ce sera la seule chose avec qui nous parlerons également de Bernadette qui sort aujourd'hui.
00:49:10 Autrement, nous continuerons de parler bien sûr de Jean-Pierre Elkabache.
00:49:14 Mais je voulais vraiment que Marie-Estelle soit avec nous ce matin
00:49:17 parce qu'il y a une loi pour protéger les mineurs du porno qui arrive à l'Assemblée.
00:49:23 C'est un sujet essentiel et Marie-Estelle Dupont est particulièrement pertinente sur ce sujet.
00:49:30 Donc je lui ai demandé de venir nous voir ce matin.
00:49:32 Merci, nous revenons dans une seconde.
00:49:35 Marie-Estelle Dupont est avec nous.
00:49:39 Je la remercie grandement.
00:49:40 Le projet de loi de sécurisation de l'espace numérique arrive aujourd'hui sur la table des débats à l'Assemblée nationale.
00:49:44 Parmi les mesures, le gouvernement souhaite interdire l'accès des mineurs aux sites pornographiques.
00:49:48 C'est un sujet que vous connaissez extrêmement bien.
00:49:50 Et vraiment, on prendra le temps pour vous écouter parce que c'est primordial dans la société d'aujourd'hui.
00:49:57 Nous avons inventé le journal des Bonnes Nouvelles et ça c'est absolument une idée formidable.
00:50:01 Et nous avons le présentateur qui est souriant chaque matin.
00:50:05 J'allais dire, c'est le présentateur qui va avec.
00:50:08 C'est gentil, Pascal. Merci.
00:50:09 Merci pour ce compliment.
00:50:11 Et Simon Guélin, le journal des Bonnes Nouvelles.
00:50:14 Si vous êtes passionné par le secteur médical, j'ai une bonne nouvelle pour vous ce matin.
00:50:20 Puisque l'industrie pharmaceutique recrute.
00:50:22 10 000 postes sont à pourvoir depuis le début de la semaine.
00:50:25 De la production numérique en passant par la recherche.
00:50:28 Soyez bien attentifs cette semaine puisque de nombreux événements auront lieu sur tout le territoire pour présenter la filière et ses métiers.
00:50:35 Une bonne nouvelle concernant le sport français.
00:50:38 L'exploit du Racine Club de Lens.
00:50:40 Hier soir face à Arsenal au stade Bollard en Ligue des Champions.
00:50:43 Une ambiance totalement incroyable.
00:50:45 Hier soir les 100 ailleurs étaient menés un but à zéro.
00:50:47 Mais ils ont renversé le match et se sont imposés deux buts à un.
00:50:50 Lens prend seule la tête de ce groupe B.
00:50:52 Cela faisait 21 ans que les Lensois n'avaient pas joué la Ligue des Champions.
00:50:55 Et enfin, regardez bien ces images.
00:50:57 J'ai un autre exploit pour vous ce matin.
00:50:59 A 104 ans, elle n'a peur de rien.
00:51:01 Elle s'appelle Dorothée Hoffner.
00:51:03 Elle habite à Chicago.
00:51:04 Elle pète la forme puisque Dorothée Hoffner a effectué un saut à 4 km en parachute au-dessus du sol.
00:51:09 A Ottawa, dans l'Illinois.
00:51:11 Une fois les pieds sur terre, elle a été applaudie par des dizaines de personnes.
00:51:14 C'était merveilleux. J'ai apprécié.
00:51:16 Et je ne comprenais pas pourquoi ces gens étaient là.
00:51:18 Elle était assez surprise de se faire applaudir alors qu'elle a 104 ans.
00:51:21 Et qu'elle saute en parachute.
00:51:23 Dorothée Hoffner fêtera ses 105 ans au mois de décembre.
00:51:25 Et son prochain objectif, c'est un tour en Montgolfière.
00:51:28 - Écoutez, bravo à elle.
00:51:30 Jean-Pierre Elkabach, nous lui rendons hommage ce matin.
00:51:33 Il était dans l'Eurodépro il y a un an quasiment.
00:51:36 Il nous parle de l'importance du livre.
00:51:38 - J'ai toujours aimé le livre.
00:51:41 Le livre m'a sauvé depuis l'adolescence.
00:51:44 La solitude, les conditions modestes dans lesquelles je vivais.
00:51:48 Les perspectives que ça donnait pour venir en France.
00:51:52 Et puis j'ai grandi.
00:51:54 J'ai continué à regarder les livres, à m'y intéresser.
00:51:57 J'en ai volé quelques fois.
00:51:59 A l'époque, je n'avais pas d'argent.
00:52:01 Aux presses universitaires, à chaque fois que je passe devant, j'en dis merci.
00:52:04 Et puis j'ai quand même créé le prix France Inter,
00:52:09 le prix France Télévision de littérature.
00:52:12 Et j'ai fait Bibliothèque Médicis.
00:52:14 - C'était formidable.
00:52:15 - Pendant 17 ans, je l'ai créé, je l'ai animé.
00:52:18 J'ai un respect formidable pour les auteurs, les scientifiques, l'art, etc.
00:52:23 Et là, quand j'ai fait le geste, je me disais, malgré les livres,
00:52:30 quelle est l'immensité de mon inculture.
00:52:33 Il y a tellement de choses à lire.
00:52:34 Et plus vous lisez, plus vous vous rendez compte.
00:52:36 C'est le vide.
00:52:38 - Et c'est Sonia qui disait tout à l'heure, il y a une part de féminité.
00:52:42 C'est vrai.
00:52:44 Et on le voit, c'est très émouvant, parfois, la manière dont il s'exprime,
00:52:48 une sensibilité.
00:52:51 - Oui, mais une fragilité, en effet, qui était assez perceptive,
00:52:54 parce qu'il était toujours inquiet.
00:52:57 Il portait en lui une inquiétude.
00:52:59 Et il fallait le rassurer tout le temps.
00:53:02 Cette inquiétude était sûrement plus profonde.
00:53:05 Mais après chaque interview, quand il allait faire de la gymnastique,
00:53:08 il me rappelait pour me dire, alors, quoi de neuf ?
00:53:10 C'est parce qu'il disait, tu m'as entendu ce matin, comment c'était.
00:53:12 Alors si je lui disais, mais tu sais, tu coupes trop la parole.
00:53:14 Comment ? Comment ? Il ne supportait pas.
00:53:17 C'est-à-dire que j'avais l'obligation de dire que c'était toujours formidable.
00:53:20 - Oui, c'est ça.
00:53:21 Tout le monde quelque chose, mais il faut toujours dire que c'est bien.
00:53:23 - La veille, il m'avait dit, donne-moi des questions.
00:53:25 Tu le connais.
00:53:26 Donne-moi des questions.
00:53:27 Et je lui donnais des questions.
00:53:28 Il n'en reprenait aucune.
00:53:29 Alors je lui dis, moi, je trouve que tu n'as pas repris mes questions.
00:53:32 Voilà, donc c'était…
00:53:34 Moi, c'est ça.
00:53:36 Je ne sais pas si c'était la féminité,
00:53:38 c'était cette non-tranquillité profonde qu'il portait en lui, peut-être,
00:53:42 qui remonte à l'enfance.
00:53:43 - Ce qui lui permettait de rester, effectivement, Catherine,
00:53:45 sur le fil du rasoir pendant un entretien.
00:53:47 C'est ce que je disais tout à l'heure.
00:53:48 C'est-à-dire, on dit l'époque a changé.
00:53:50 Alors, je ne suis plus très sûre, évidemment, l'époque avec les réseaux sociaux.
00:53:53 Mais je pense qu'il avait une forme de générosité de l'instinct,
00:53:57 de l'instant et du moment.
00:53:59 C'est-à-dire qu'il était capable, ça se voyait dans ses yeux,
00:54:01 en fonction de l'interlocuteur,
00:54:03 parce qu'il avait des responsables politiques, mais pas seulement.
00:54:05 Il était capable d'avoir, on a vu tout à l'heure Brigitte Bardot,
00:54:08 mais il était capable d'avoir face à lui de très nombreux interlocuteurs
00:54:11 et d'avoir parfois un regard voilé,
00:54:14 une voix qui commençait un petit peu à casser,
00:54:17 par l'émotion et de la montrer.
00:54:19 Donc, être capable, je trouve, à l'antenne,
00:54:21 de montrer son émotion, parce que vous êtes saisi par un moment.
00:54:24 Il m'avait raconté un jour qu'il avait une très grande émotion.
00:54:29 Je ne sais pas avec quel invité, qu'il parlait de son père.
00:54:31 Jean-Pierre a perdu son père très tôt,
00:54:33 durant l'enfance, l'adolescence, je crois.
00:54:36 Et ça a été évidemment...
00:54:38 - Il avait 12 ans, je crois.
00:54:39 - Voilà, exactement.
00:54:40 - Il avait 12 ans.
00:54:41 - Il avait une cassure dont il parlait très peu,
00:54:43 mais c'était ce qu'il avait fondé.
00:54:44 Et quand cet interlocuteur lui parlait de ça,
00:54:46 eh bien, peu de gens ont vu, à ce moment-là, nous étions à la radio,
00:54:49 que sa voix commençait à casser,
00:54:51 qu'il avait ce voile et ce regard humide.
00:54:54 Et être capable de montrer ça à l'antenne,
00:54:56 c'est faire preuve d'une grande générosité.
00:54:58 En fait, c'est ça qui manque aujourd'hui.
00:54:59 Peut-être qu'on est asséché,
00:55:01 parce qu'on n'ose pas montrer toutes ces émotions,
00:55:03 et que ces émotions font partie, non pas seulement du journalisme,
00:55:06 mais du personnage.
00:55:07 Alors, parfois, on est admiré et haï pour ça,
00:55:10 parce qu'on va rappeler aussi que Jean-Pierre, quand même,
00:55:12 a eu contre lui beaucoup de...
00:55:14 Et je le rappelle, parce qu'il a tenu face à ça, des polémiques.
00:55:17 Il y a eu des moments assez...
00:55:19 - À France Télévisions, notamment, où ça a été assez injuste.
00:55:21 - Mais il a réussi à dépasser tout ça.
00:55:24 - C'est vrai que la place du père, c'est toujours intéressant
00:55:26 de voir la place du père dans les réussites exceptionnelles.
00:55:28 Et quand vous voyez la place du père chez Nicolas Sarkozy,
00:55:31 chez Bernard Tapie, chez Jean-Pierre Elkabach,
00:55:34 chez Jean-Claude Darmon,
00:55:36 des gens qui ont eu des destapes, je suis pas incroyable,
00:55:38 souvent, vous remarquez que le père est assez peu présent.
00:55:41 Donc je n'en tire aucune conclusion.
00:55:44 Johnny Hallyday, Michel Sardou, etc.
00:55:46 Je ne pourrais vraiment pas en dire Patrick Bruel.
00:55:48 Et je n'en tire aucune conclusion, c'est empirique.
00:55:52 La psychologue que vous êtes, en aura peut-être une conclusion,
00:55:55 mais je m'aperçois comme si le père empêchait, parfois.
00:55:58 - Non, pas du tout.
00:55:59 C'est pas ça.
00:56:00 C'est qu'en fait, nous, on voit la minorité de gens
00:56:02 qui vont tirer de cette fragilité, de cette faille,
00:56:04 et de ce manque, une sorte d'énergie
00:56:08 pour remplir, en fait, ce manque de sécurité interne.
00:56:12 Ils vont aller chercher à se sécuriser
00:56:14 en allant chercher des réussites exceptionnelles.
00:56:16 Mais en fait, il y a tous ceux qu'on ne voit pas.
00:56:18 Et que ce manque de père, en fait, a fragilisé,
00:56:22 parce que c'est quand même, on a deux jambes,
00:56:24 un enfant a deux jambes, un père et une mère,
00:56:26 et qu'il n'arrive pas à se dépasser
00:56:27 et qu'il reste avec un vide narcissique.
00:56:29 - Autre passage, je disais qu'il a rencontré tout le monde,
00:56:32 et il y a des interviews où affleurent l'émotion.
00:56:36 C'est le cas avec Robert Badinter.
00:56:39 - Mais en période de campagne électorale ou de pré-campagne,
00:56:43 vous voyez monter l'envie d'un retour de la peine capitale
00:56:49 contre les trafiquants, contre les grands récidivistes,
00:56:52 contre les terroristes.
00:56:54 Il y a des terroristes qui sont en ce moment jugés
00:56:56 après leur tuerie de masse du Bataclan.
00:57:00 Et on entend une nouvelle fois des voix
00:57:02 qui s'élèvent pour rétablir la guillotine.
00:57:05 - Mais chacun est libre de ses convictions en France.
00:57:10 - Précisément parce que nous sommes une démocratie.
00:57:13 Si nous étions dans un régime totalitaire,
00:57:16 les voix minoritaires ou d'opposition seraient.
00:57:20 Évidemment, ça se tairait.
00:57:23 Mais je ne veux pas discuter de ça.
00:57:26 Je dis, rappelez-vous une chose.
00:57:29 Après l'abolition voulue et votée par le Parlement
00:57:33 à l'initiative de François Mitterrand,
00:57:36 vous avez eu la constitutionnalisation
00:57:39 de l'abolition par Jacques Chirac.
00:57:41 - En 2016.
00:57:42 - Et je tiens toujours à le rappeler.
00:57:44 Par conséquent, c'est un principe constitutionnel.
00:57:47 Je ne cesse de répéter,
00:57:49 le seul objectif, c'est l'abolition universelle.
00:57:55 Les progrès, dans ce sens, sont immenses.
00:57:58 Alors au lieu de me dire,
00:58:00 "Ah mais il y a des démagogues qui..."
00:58:02 Je préférerais vous entendre me dire
00:58:04 "Quels sont aujourd'hui les progrès effectifs
00:58:07 depuis 40 ans de l'abolition ?"
00:58:09 - Il y a eu des progrès partout.
00:58:11 - Mais considérablement.
00:58:13 - Sauf dans les pays qui sont encore des dictatures,
00:58:16 la Chine, l'Arabie Saoudite, l'Iran, etc.
00:58:19 - Je vais vous donner des trucs.
00:58:21 - Donc débat sur le fond et débat haut de gamme,
00:58:24 j'ai envie de dire.
00:58:25 Et puis parfois, il y a effectivement un côté gag.
00:58:28 Chez Jean-Pierre Elkabbage, c'est la première question,
00:58:31 et il y a un extrait célèbre avec Marine Le Pen.
00:58:34 - Bonjour Marine Le Pen.
00:58:36 - Bonjour.
00:58:37 - Vous n'avez pas honte ?
00:58:38 - Pardon ?
00:58:39 - Vous n'avez pas honte ?
00:58:40 - Honte de quoi ?
00:58:41 - Vous n'avez pas de regrets ?
00:58:43 - Non mais de quoi me parlez-vous, monsieur Elkabbage ?
00:58:45 - Vous n'étiez pas hier...
00:58:46 - Je vous reconnais bien là, dans la provocation.
00:58:49 - Le monde entier était à Paris hier.
00:58:52 C'était au-delà de l'Union Nationale,
00:58:54 l'Union Européenne, l'Union Planétaire,
00:58:58 pour lutter contre le terrorisme, etc.
00:59:00 Une sorte de rassemblement,
00:59:01 et les démocrates se sont passés de vous,
00:59:03 parce que vous n'y étiez pas.
00:59:04 - Bon, et pareil, la première question,
00:59:07 avec André Vallini, qu'on a reçu,
00:59:09 et qu'on va recevoir régulièrement,
00:59:11 qui est également maintenant dans la légende,
00:59:13 cette première question.
00:59:14 - Quelle couleur vous préférez pour le mur ?
00:59:18 - Pour le mur, quel mur ?
00:59:20 - Comment, quel mur ?
00:59:22 Le mur sur lequel votre réforme territoriale va se fracasser.
00:59:26 - D'abord, elle ne va pas se fracasser.
00:59:29 Je pense qu'on peut réussir cette réforme,
00:59:31 même si les résistances sont nombreuses.
00:59:33 Les Français attendent cette réforme.
00:59:35 Il y a trop longtemps qu'on en parle,
00:59:36 il faut maintenant agir.
00:59:37 - Jean-Pierre Alcabache, vous l'avez déjà dit d'ailleurs,
00:59:39 travaillait beaucoup.
00:59:40 Et quand on arrivait au studio,
00:59:42 il fallait arriver à 8h15,
00:59:44 pour une interview à 8h20,
00:59:45 il connaissait déjà très bien son sujet.
00:59:47 Il avait des fiches Bristol, je me souviens,
00:59:49 avec son stabilo boss,
00:59:50 il avait suraligné beaucoup de choses,
00:59:52 il avait des coupures de presse,
00:59:53 il connaissait très bien, très très bien son sujet.
00:59:55 Et donc, je ne m'attendais pas du tout
00:59:57 à ce qu'il me parle d'un mur,
00:59:58 j'ai tout imaginé en quelques dixièmes de seconde,
01:00:02 je me suis demandé de quel mur il parlait,
01:00:04 et puis c'est lui qui m'a dit ensuite,
01:00:06 "le mur sur lequel va se fracasser
01:00:08 votre réforme territoriale",
01:00:09 donc là j'ai compris,
01:00:10 l'interview s'est engagée à ce moment-là.
01:00:12 Mais au début, ça m'a surpris,
01:00:13 ça m'a même décontenancé, oui c'est vrai.
01:00:15 - Demain, je ne sais pas qui vous recevez,
01:00:18 demain matin à 8h15 ?
01:00:19 - Je ne sais pas encore.
01:00:20 - Ah bon ?
01:00:21 - Parfois c'est d'ici le dernier moment.
01:00:22 - Vous pourriez lui rendre hommage,
01:00:25 avec la question Alcabache,
01:00:27 en commençant l'interview.
01:00:29 - Alors je l'ai faite, il m'avait dit,
01:00:31 je l'ai faite mais pas avec d'abord,
01:00:33 parce qu'il ne faut jamais imiter,
01:00:35 puisqu'on n'est jamais à ce niveau-là,
01:00:37 il est inimitable,
01:00:39 on l'a quelquefois fait pour décontenancer,
01:00:41 mais il m'avait dit,
01:00:42 "attention, il ne faut pas que ça devienne Pavlovien,
01:00:45 ce n'est pas une technique,
01:00:46 ce n'est pas une arme,
01:00:47 il faut décontenancer,
01:00:48 mais il ne faut pas que ça devienne attendu."
01:00:50 - Ça peut devenir un gimmick,
01:00:51 une caricature.
01:00:52 - Dans les couloirs d'Europe 1 dans les années 70,
01:00:56 Étienne Moujeune, Jean-Claude Dacier,
01:00:59 Gérard Carrérou, Anne Sinclair,
01:01:02 Yvan Levaille, Catherine Ney.
01:01:05 - Mais il n'y avait pas Alcabache à ce moment-là.
01:01:08 - Quelle génération, j'ai dit Jean-Claude Dacier.
01:01:10 - Non, non, en fait, si vous voulez,
01:01:12 il est arrivé,
01:01:13 les années européennes d'Alcabache
01:01:15 commencent effectivement avec le retour.
01:01:17 - Avec Découvert.
01:01:18 - Avec Découvert, exactement.
01:01:19 - Oui, parce que c'est important de parler,
01:01:20 il est viré en 80.
01:01:21 - 80, je crois d'ailleurs qu'on en parlait pendant la...
01:01:25 - Et il revient avec Découvert.
01:01:26 - 80, il est éclipsé par le système, le VIH.
01:01:30 Et il revient, grâce d'ailleurs à un directeur d'Europe 1
01:01:33 de l'époque, qui s'appelait Jacques Abergel,
01:01:35 qui lui confie une émission qui s'appelle Découvert,
01:01:38 deux heures, si vous voulez, en début d'après-midi.
01:01:40 Il y a très peu d'auditeurs,
01:01:41 mais ça permet au travailleur infatigable qu'il est
01:01:45 de faire venir, grâce au bouquin d'ailleurs,
01:01:47 on parlait de la littérature tout à l'heure,
01:01:49 grâce au livre, il fait venir un certain nombre,
01:01:51 de plus en plus de gens, et c'est intéressant.
01:01:54 Et peu à peu, il refait, c'est ça qui est formidable,
01:01:58 il refait le terrain jusqu'à redevenir un des dirigeants.
01:02:02 - Mais à l'époque, l'interview du matin était faite
01:02:04 en duo Gérard et moi, et il a quand même beaucoup œuvré
01:02:09 pour nous remplacer, d'ailleurs...
01:02:10 - Ah oui ?
01:02:11 - Ah oui, oui, oui, oui.
01:02:13 - Oui, mais ça c'était...
01:02:14 - Un mémoire chanteur.
01:02:15 - C'est Mélick Abbach, si vous voulez,
01:02:16 le club de la presse.
01:02:17 J'ai fondé le club de la presse avec Duhamel.
01:02:20 Pendant 15 ans, nous avons présenté cette émission.
01:02:22 - C'est 75, 76 ?
01:02:23 - Voilà, 75.
01:02:25 Quand El Khabach est arrivé à un niveau de responsabilité
01:02:30 européen, il disait beaucoup de mal du club de la presse,
01:02:33 de l'émission, il y a eu des vieux cons, etc.,
01:02:35 parce qu'il y avait effectivement toutes les signatures
01:02:37 importantes de la presse de cette époque, et j'en suis fier.
01:02:40 Mais qu'est-ce qu'il a fait ?
01:02:43 Dès qu'il nous a...
01:02:44 Bon, il l'a fait pour l'émission avec Catherine,
01:02:47 il a... "Pousse-toi de là que je m'y mette".
01:02:49 Ça, c'était aussi...
01:02:50 Non, mais c'est bien de dire les choses.
01:02:53 - C'est bien de dire les choses.
01:02:55 - En général, on ne dit pas ces choses-là.
01:02:58 Ça n'empêche pas l'immense...
01:03:01 Vraiment, je le dis, vraiment, l'immense admiration...
01:03:04 - Oui, et puis même tendresse sur le plan humain.
01:03:06 - Oui.
01:03:07 - Il n'y a pas que...
01:03:08 - Mais il considérait qu'il était meilleur.
01:03:10 - Il avait apprécié sa tendresse.
01:03:11 - Oui, il considérait qu'il était meilleur.
01:03:13 - Est-ce que la tendresse était réciproque ?
01:03:15 - Bien sûr, mais bon...
01:03:19 - C'était à quelle heure le...
01:03:21 C'était le dimanche soir ?
01:03:23 - Après, c'est la première émission...
01:03:24 - Dimanche à 18h, c'était ?
01:03:25 - Le dimanche à 18h.
01:03:27 C'est la première émission en France
01:03:29 où on s'était inspiré de l'exemple américain
01:03:31 et ça a fait florès depuis.
01:03:33 - Pascal, puisqu'on est dans le moment tendresse,
01:03:35 moi, je suis très émue d'abord,
01:03:36 à l'aune de tout ce qui a été dit,
01:03:38 mais aussi de me retrouver en plateau
01:03:39 avec Catherine et Gérard Carreiro.
01:03:41 C'est vrai que Jean-Pierre m'a mis le pied à l'étrier
01:03:43 il y a une quinzaine d'années
01:03:44 et ils m'ont accueillie.
01:03:45 C'était ma première émission de radio à Europe 1.
01:03:48 Catherine Né, Gérard Carreiro, Michel Cotta, Charles Villeneuve
01:03:52 et Jean-Pierre m'a beaucoup encouragée.
01:03:54 Donc quand on a des faits comme ça
01:03:55 qui se penchent sur votre berceau,
01:03:56 vous avez intérêt à foncer.
01:03:58 - C'est vrai qu'en plus, Europe était et le sera,
01:04:02 j'imagine, une école exceptionnelle.
01:04:04 C'est qu'à la dernière, tous les journalistes de France,
01:04:06 beaucoup en tout cas, parmi les meilleurs,
01:04:09 sont sortis d'Europe.
01:04:11 C'est une école et même ceux qui sont aujourd'hui sur RTL,
01:04:13 je pense à Yves Calvi, à Parisot,
01:04:16 je pense à beaucoup de gens qui sont aujourd'hui sur RTL,
01:04:19 ont grandi à Europe.
01:04:21 Et chez nous, nous avons Noémie Schultz
01:04:22 qui a grandi à Europe, qui a eu le prix d'OGA,
01:04:26 ça s'appelle, la bourse...
01:04:27 - L'OGA.
01:04:28 - L'OGA, la bourse de l'OGA,
01:04:29 qui chaque année permettait à un étudiant
01:04:32 d'une école de journalisme
01:04:34 qui avait réussi le meilleur reportage de l'année
01:04:36 dans un jury, présenté par les écoles,
01:04:39 d'intégrer pendant un an Europe 1.
01:04:41 - Alors, dernier passage,
01:04:43 c'est avec le président Macron.
01:04:45 Je crois que c'est une des rares interviews qu'il a faites,
01:04:47 parce que depuis qu'il est président de la République,
01:04:49 je pense qu'il n'y a pas eu d'interview El Khabache-Macron.
01:04:52 - Il ne voulait plus venir.
01:04:53 - Comment ?
01:04:54 - Non, non, non, non, il ne voulait plus venir à Europe,
01:04:56 le candidat Macron.
01:04:58 - Oui, alors là, c'est une interview qu'on va voir
01:05:01 entre Jean-Pierre El Khabache et sur...
01:05:04 C'est avant qu'il soit élu.
01:05:06 - Dire en disant le pouvoir, c'est l'indifférence.
01:05:08 - Il faut être...
01:05:09 - Déjà l'indifférence aux critiques, etc.
01:05:12 - L'indifférence.
01:05:13 Il ne faut pas chercher à vivre dans le regard des autres.
01:05:17 Ça rend à la fois sage et heureux.
01:05:19 - Et vous avez même imaginé que vous pourriez perdre ?
01:05:21 - Mais d'abord, je ne partage pas...
01:05:23 - Au nom de cette indifférence.
01:05:25 - Je ne partage pas mon imaginaire.
01:05:27 Et ensuite, l'indifférence n'empêche pas
01:05:30 l'extrême détermination.
01:05:32 - Merci de ce moment avec vous.
01:05:34 Il y en aura d'autres, sans doute, sur CNews.
01:05:36 - Il y en aura d'autres.
01:05:37 - Il y en aura d'autres.
01:05:38 - Merci à vous.
01:05:39 - Merci à vous.
01:05:40 - Il y en aura d'autres sur CNews.
01:05:42 C'est ce que dit Jean-Pierre.
01:05:44 - C'est une promesse.
01:05:45 - Sa fidélité.
01:05:46 Peut-être nous écoutons du côté de l'Elysée.
01:05:49 Il y en aura d'autres sur CNews.
01:05:51 C'est ce qu'a dit le président de la République.
01:05:53 Le président de la République doit respecter ses promesses.
01:05:55 - Vous pensez qu'on devrait faire oeuvre de candidature ensemble ?
01:05:57 - Je pense également à notre ami Laurence Ferrari.
01:06:01 - Évidemment.
01:06:02 - Et nous pourrions bien évidemment proposer
01:06:05 au président de la République qu'il vienne.
01:06:07 On parlera de Bernadette tout à l'heure.
01:06:10 Chirac, c'est aussi le dossier politique,
01:06:12 puisque ça sort ce matin.
01:06:13 Mais j'ai demandé vraiment à Marie-Estelle Dupont de venir.
01:06:15 On avait calé l'émission hier avant la mort de Jean-Pierre.
01:06:19 J'ai vraiment voulu que vous soyez là ce matin.
01:06:21 Parce que c'est extrêmement important.
01:06:24 C'est le projet de loi de sécurisation de l'espace numérique
01:06:27 qui arrive aujourd'hui sur la table des débats à l'Assemblée nationale.
01:06:29 Parmi les mesures, le gouvernement souhaite interdire
01:06:31 l'accès des mineurs aux sites pornographiques.
01:06:33 Je ne vois pas comment on peut le faire aujourd'hui.
01:06:35 Je ne vois pas comment c'est possible.
01:06:36 Je pense qu'aujourd'hui, avec tous les réseaux, avec Internet,
01:06:40 les gosses ont accès à ça.
01:06:42 Je ne vois pas où les parents piquent les portables.
01:06:45 En fait, ce n'est même pas possible, parce qu'ils vont aller à l'école.
01:06:48 Je ne vois pas comment un gosse de 12 ans ou 13 ans aujourd'hui,
01:06:51 peut-être même avant, peut ne pas voir une image pornographique.
01:06:55 L'âge moyen du contact avec la première image porno, c'est 9 ans.
01:06:59 La plupart du temps, de manière accidentelle.
01:07:03 Quand je dis de manière accidentelle, c'est dans la cour du collège,
01:07:06 un plus grand qui montre une image et qui dit "Viens voir, viens voir,
01:07:09 c'est des Pokémon, il attire un plus petit".
01:07:11 En fait, il lui montre une image porno sur le portable des parents,
01:07:14 qui parfois regardent du porno sans mettre de contrôle parental.
01:07:17 Et là, c'est tout de suite quelque chose de traumatique.
01:07:20 80 % quand même des 8-16 ans ont déjà vu,
01:07:24 entre 80 et 90 % des 8-16 ans ont déjà regardé un film porno.
01:07:29 Et 80 % des 13-15 ans garçons en regardent régulièrement.
01:07:34 Le porno, c'est pas… peut-être que les gens ne savent pas exactement
01:07:37 ce que c'est que le porno, parce qu'ils font référence à du porno d'il y a longtemps.
01:07:40 Aujourd'hui, le porno est quasiment systématiquement associé
01:07:45 à des activités délictueuses, de barbarie, de sadisme,
01:07:49 de strangulation, d'étouffement, etc.
01:07:51 Donc, sur le plan légal, il y a des choses à faire,
01:07:54 puisque finalement c'est la propagande du viol.
01:07:56 Donc, il est tout à fait possible, avec un travail main dans la main
01:08:00 de l'État qui joue sa partie, des parents qui jouent leur partie,
01:08:02 parce qu'on a un rôle à jouer, sur lequel je reviendrai,
01:08:05 de demander une vérification très stricte de l'identité de celui qui se connecte.
01:08:11 Moi, je pense qu'il faut même faire payer l'accès aux sites pornos.
01:08:14 Alors, les sites pornos vont dire « Ah ben non, parce que nous,
01:08:16 on est subventionnés par la pub, donc on aura moins de…
01:08:18 on fera payer moins cher les annonceurs, etc. »
01:08:20 Ben, c'est pas grave et je pense qu'il y a moyen de faire pression.
01:08:23 Et puis, évidemment, les parents, de leur côté,
01:08:25 ils doivent établir un couvre-feu numérique et former l'enfant
01:08:28 à l'éducation sexuelle et affective tout au long de sa croissance
01:08:32 pour lui expliquer que le porno, c'est l'antisexualité.
01:08:35 Mais comment on mesure les conséquences pour un enfant
01:08:39 d'avoir vu des films pornos sur sa vie intime et personnelle ?
01:08:44 Alors, de manière très simple, par des expériences neurobiologiques,
01:08:47 vous faites visionner des images porno à des mineurs
01:08:50 avec des capteurs sur le cerveau,
01:08:52 et vous verrez que les réactions neurobiologiques
01:08:54 sont les mêmes que dans un trauma.
01:08:56 Pourquoi ? Parce qu'on a des neurones miroirs.
01:08:58 Alors, les neurones miroirs, c'est très, très bien.
01:09:00 Parce que ça veut dire que quand vous aimez le tennis
01:09:02 et que vous regardez Roger Federer jouer au tennis,
01:09:04 vos neurones miroirs vont faire progresser l'échéma moteur.
01:09:07 Mais quand vous regardez une scène de crime,
01:09:09 une scène de viol, une scène de torture,
01:09:12 vous avez des traces mnésiques.
01:09:14 Elles font une empreinte mnésique.
01:09:16 Donc, chez un mineur qui ne peut pas prendre de distance
01:09:18 parce qu'il n'a pas la maturité pour cela,
01:09:20 ça va s'engrammer.
01:09:21 Et ça explique qu'ensuite, quand on fait des enquêtes,
01:09:23 il y a 46 % des jeunes qui nous disent
01:09:25 qu'ils ont des pratiques violentes.
01:09:27 97 % du temps, c'est des garçons vers les filles, évidemment,
01:09:30 puisque dans le porno, on retourne à quelque chose
01:09:32 de très archaïque, où en fait,
01:09:34 ce n'est pas la dimension du plaisir qui compte,
01:09:36 c'est la dimension de la domination et de la destructivité.
01:09:39 Et donc, on les reproduit sur leurs petits amis, ceux-là.
01:09:42 Mais en fait, il faut vraiment comprendre
01:09:43 que le porno, c'est l'antisexualité,
01:09:45 parce que la sexualité, c'est du lien.
01:09:47 La sexualité, c'est un rapport de plaisir
01:09:50 avec toute une gamme d'émotions, de narrations,
01:09:52 de récits, d'imaginaires érotiques,
01:09:54 de plaisir, de rire,
01:09:57 entre deux individus consentants.
01:09:59 Et donc, ça augmente la confiance en soi.
01:10:01 Le porno, c'est l'antilien, c'est l'anti-émotion,
01:10:05 c'est la fragmentation du corps,
01:10:06 c'est la perte de confiance en soi pour les garçons.
01:10:08 Aujourd'hui, en consultation, on a quelque chose
01:10:10 que moi, je n'avais pas quand j'ai commencé ma pratique,
01:10:11 il y a 15 ans.
01:10:12 C'est-à-dire qu'on a des jeunes de 25-30 ans
01:10:14 qui me disent "J'ai des grosses angoisses d'érection,
01:10:16 j'ai peur de ne pas bander suffisamment, etc."
01:10:19 parce que j'ai regardé du porno,
01:10:21 donc j'imagine que moi, pour être virile,
01:10:23 je dois être comme un hardeur.
01:10:25 Voilà.
01:10:26 Et ils n'arrivent même plus à se dire
01:10:28 qu'ils peuvent communiquer avec leurs petits amis
01:10:29 sur la notion de plaisir.
01:10:31 Et les filles se sentent obligées d'accepter des pratiques
01:10:34 parce qu'il y a une réputation sexuelle
01:10:36 dans la cour du lycée.
01:10:37 À notre âge, pour être cool, on fumait une cigarette,
01:10:39 enfin, à nos générations.
01:10:41 Et puis dans le lycée, il y avait beaucoup de gens
01:10:43 qui n'avaient pas eu un rapport sexuel dans le lycée.
01:10:45 Il y a une réputation sexuelle
01:10:47 où si les filles ne se soumettent pas à très très jeune
01:10:49 à certaines pratiques,
01:10:50 elles ont peur d'être harcelées
01:10:52 et qu'il y ait un espèce d'effet de délation
01:10:55 de celles qui ne veulent pas.
01:10:56 Mais vous pensez que les mesures que vous avez proposées,
01:10:58 c'est-à-dire faire payer les sites,
01:11:00 le contrôle des parents...
01:11:02 Le contrôle de l'identité.
01:11:04 Vous pensez que ça peut être efficace ?
01:11:07 Non mais c'est toujours pareil,
01:11:08 dans une société, tout le monde joue son rôle.
01:11:10 Déjà, si l'État pense que c'est en donnant
01:11:12 trois heures de cours d'éducation sexuelle à l'école
01:11:14 où on pré-traumatise les enfants,
01:11:16 parce que moi je peux vous montrer des images
01:11:17 de cours de biologie,
01:11:19 où en fait c'est des images porno très moches
01:11:21 qu'on montre aux enfants sous prétexte
01:11:23 de leur montrer l'éducation sexuelle,
01:11:24 c'est pas comme ça qu'on fait l'éducation sexuelle,
01:11:26 ça ne fonctionnera pas.
01:11:28 Si l'État s'occupe de poser des règles,
01:11:30 de mettre une limite au lobby,
01:11:32 de se faire aider d'avocats pénalistes,
01:11:34 d'une manière très claire,
01:11:36 il jouera sa partie.
01:11:37 Les parents ne doivent jamais se déresponsabiliser
01:11:39 sur l'école ou sur l'État.
01:11:41 Et donc l'éducation affective et sexuelle de l'enfant,
01:11:43 elle se fait dès le bain à deux ans.
01:11:45 On explique à un enfant que personne n'a le droit
01:11:47 de toucher son corps sans son accord,
01:11:49 y compris maman, y compris papa.
01:11:52 On l'accompagne chez le docteur quand il est petit,
01:11:54 on ne le laisse pas seul avec un médecin,
01:11:56 on lui fait comprendre que son corps
01:11:57 ne peut être touché que dans certaines conditions,
01:11:59 etc., etc.
01:12:01 Et surtout on lui explique en fait que la sexualité,
01:12:03 c'est d'abord du lien affectif,
01:12:05 parce que la virtualisation de la sexualité,
01:12:07 en fait, elle coupe l'enfant de son corps.
01:12:09 C'est-à-dire que face à l'écran
01:12:10 qui lui envoie cette image porno,
01:12:12 l'enfant ne pouvant pas la métaboliser
01:12:15 parce que son image du corps est immature,
01:12:17 il va être sidéré.
01:12:19 Sidéré, ça veut dire qu'il va être coupé de ses affects
01:12:21 et c'est le corps la boussole de la pensée.
01:12:23 C'est-à-dire que c'est quand vous avez des émotions
01:12:24 positives ou négatives que vous savez
01:12:26 si une situation est bonne ou mauvaise pour vous.
01:12:28 Il se coupe de ses affects,
01:12:29 mais par contre il sait très bien qu'il vaut mieux
01:12:31 s'identifier au bourreau qu'à la victime dans le film.
01:12:33 Et le bourreau en général, c'est l'homme.
01:12:35 Voilà.
01:12:36 Bon, je voulais vraiment que vous soyez là ce matin,
01:12:38 parce que ça me paraît un sujet extrêmement important.
01:12:40 Et puis pour terminer cette émission,
01:12:42 puisque vous aviez prévu aussi d'être là, Catherine,
01:12:45 c'était pour parler de Madame Chirac.
01:12:47 Oui, donc elle lie avec ce que nous venons d'évoquer.
01:12:50 Bien évidemment.
01:12:51 Et vous aviez prévu d'être là
01:12:53 parce qu'il y a ce film Bernadette qui sort.
01:12:55 Je ne sais pas si vous l'avez vu.
01:12:56 Oui, bien sûr.
01:12:57 D'ailleurs, si vous l'avez aimée.
01:12:58 C'est une comédie, ce n'est pas un biopic.
01:13:01 Je trouve qu'il y a des personnages un peu traités
01:13:03 de manière caricaturale,
01:13:05 mais Catherine Deneuve joue très bien
01:13:07 et je pense que Bernadette, qui était une reine finalement à l'Élysée,
01:13:11 c'était la "the queen".
01:13:13 Elle est bon à être jouée par son rôle,
01:13:17 jouée par Catherine Deneuve, ça ne doit pas lui déplaire.
01:13:19 Alors c'est aussi une histoire française, Bernadette Chirac,
01:13:22 parce que c'est une histoire de femme française,
01:13:25 telle que je pense qu'elle n'existerait plus aujourd'hui.
01:13:28 Oui, parce que d'abord, il faut dire Bernadette Chirac,
01:13:31 il faut dire les Chirac.
01:13:32 Quand ils se rencontrent, ils ont 18 ans à Sciences Po
01:13:36 et elle, qui est une jeune fille, mais très timide,
01:13:39 avec un grand front, pas la plus jolie, pas la plus...
01:13:43 Et Chirac, lui au contraire, c'est le plus beau mec,
01:13:46 le plus beau mec à Sciences Po.
01:13:48 Il est dans les couloirs, toutes les filles le badent,
01:13:50 et voilà, tout le monde, enfin, c'est Gary Cooper, je ne sais pas.
01:13:53 Elle disait Cary Grant.
01:13:55 Cary Grant, oui c'est vrai.
01:13:57 Elle disait "mon mari, c'est Cary Grant".
01:13:59 Il y avait un essaim autour et il était surnommé par ailleurs "l'hélicoptère".
01:14:03 Et pendant que vous parlez, je pense qu'on va voir des images.
01:14:05 Et donc, première séance de Sciences Po, première conférence,
01:14:10 un professeur demande "qui veut faire des fiches sur des lectures ?"
01:14:13 Et tout de suite, elle a levé le doigt, parce qu'on lui avait dit
01:14:15 "il faut montrer que tu n'es pas timide".
01:14:16 Et donc, elle prend la charge.
01:14:18 Et Jacques Chirac, tout de suite, l'a remarqué,
01:14:20 parce qu'il voulait briller devant ses professeurs
01:14:24 et il avait décidé de faire un groupe de travail chez lui,
01:14:27 comme faisait beaucoup d'élèves d'ailleurs.
01:14:28 Et il a demandé à Bernadette de venir faire des fiches de lecture
01:14:32 parce qu'une fois qu'elles seraient bien faites,
01:14:33 il pourrait en parler, parler du livre devant le professeur
01:14:35 sans avoir lu le livre, mais en étant, comme disait Bernadette,
01:14:38 très très très très très très brillant.
01:14:41 Donc, d'emblée, il l'a choisi comme collaborateur.
01:14:46 D'ailleurs, Chirac en politique qui tutoie tout le monde
01:14:49 n'a jamais tutoyé Juppé et tout le monde qui étaient des collaborateurs.
01:14:52 Il n'a jamais, vous voyez, il n'a jamais tutoyé Bernadette.
01:14:56 Bon, à partir de là, vous savez, je pense que ce sont les mères
01:15:00 qui ont fait les fiançailles.
01:15:02 Bon, il appelait beaucoup Bernadette chez elle,
01:15:04 il occupait le téléphone.
01:15:06 Elle, elle était évidemment très vite folle amoureuse de lui
01:15:08 parce que c'était quand même elle qui est allée peut-être attirer à elle
01:15:12 le mec le plus beau.
01:15:13 C'est déjà une conquête de sa part.
01:15:15 - Qui était d'une beauté dans les années 60.
01:15:17 - Ah oui, bon, super, bon.
01:15:18 Et lui, il part en vacances aux États-Unis,
01:15:21 il tombe amoureux d'une fille, il envoie des photos à ses parents,
01:15:23 elle conduit une Cadillac blanche et la mère,
01:15:25 qui croit qu'elle va perdre son fils chéri,
01:15:27 appelle Mlle Chaudron de Fourcelles,
01:15:29 elle disait "Aidez-moi, aidez-moi, aidez-moi,
01:15:32 je ne veux pas que mon fils épouse une femme
01:15:34 qui conduit une voiture décapotable".
01:15:37 Et donc, ce sont les mères qui ont arrangé les fiançailles
01:15:42 et Mme Chirac disait à Mme Chaudron de Fourcelles
01:15:46 "Mais mon fils aurait pu épouser n'importe qui d'ailleurs,
01:15:49 de dire on épouse la petite Chaudron
01:15:51 parce qu'il faut le calmer qu'il reste là, quoi, c'est ça".
01:15:53 Et donc, ils se fiancent à 21 ans et ils se marient à 23
01:15:57 quand ils terminent Sciences Po.
01:15:59 Vous vous rendez compte donc ?
01:16:00 C'est quelqu'un, elle, sa vie ça a été Chirac.
01:16:03 Alors justement, la vie de couple, c'est toujours délicat
01:16:06 d'aborder ce sujet.
01:16:07 Pourquoi ? Parce que Mme Chirac est toujours de ce monde,
01:16:10 parce que Claude Chirac, elle n'a peut-être pas envie,
01:16:13 et je la comprends qu'on parle de cette vie de couple,
01:16:16 c'est son père, c'est sa mère,
01:16:18 mais c'est vrai que pour Mme Chirac,
01:16:21 c'est difficile dans les années 60 ou 70
01:16:25 de connaître précisément Mme Chirac
01:16:27 parce que beaucoup de femmes regardent son mari.
01:16:29 Oui, c'est venu un peu plus tard,
01:16:31 c'est des années 70, quand Chirac a commencé,
01:16:34 après 1974, ça s'est vraiment installé.
01:16:38 À cette époque-là, au début des années 70,
01:16:40 on parlait assez peu de Mme Chirac.
01:16:42 Vous la rencontriez, Mme Chirac, j'imagine.
01:16:44 Est-ce que c'était une femme meurtrie ?
01:16:46 Oui, mais quand je la rencontrais,
01:16:48 c'était à la fin des années 80, début 90,
01:16:50 où elle était déjà un personnage quand même formidable.
01:16:54 Vous le voyez, entre-temps,
01:16:56 elle était devenue conseillère générale de Corrèze,
01:16:59 elle s'occupait déjà des pièces jaunes,
01:17:01 et donc elle avait installé un personnage.
01:17:04 Donc elle pouvait faire de l'humour sur sa situation,
01:17:06 parce qu'elle disait toujours "Jacques me trompe",
01:17:08 elle me racontait toujours "Jacques, ben oui".
01:17:10 Moi, j'ai dit un jour "Bernadette, prenez un amant".
01:17:13 Franchement, elle était très malheureuse.
01:17:15 Et qu'est-ce que vous avez répondu ?
01:17:16 Elle disait "Ah, M. Pompidou, j'aurais quand même..."
01:17:18 Non, mais j'ai écrit, alors je peux le dire.
01:17:21 Non, elle dit "Ah, je trouve que M. Bouygues est très bien".
01:17:23 M. Bouygues ?
01:17:24 M. Bouygues !
01:17:25 M. Bouygues !
01:17:26 Mais Francis !
01:17:28 Ah oui, Francis Bouygues !
01:17:30 Donc voilà, elle se plaignait,
01:17:33 elle m'avait dit un jour "Chez le coiffeur, je les connais toutes,
01:17:35 et ce qui me fait plaisir aujourd'hui, c'est qu'elles sont aussi laides que moi".
01:17:37 Donc elle en a quand même bavé.
01:17:39 Elle en a bavé, mais par moment,
01:17:41 non mais elle a souffert, et elle a surmonté,
01:17:44 elle a surmonté, et elle s'est imposée.
01:17:47 Comme une conseillère qui disait des choses dans la salle de bain,
01:17:50 à Jacques Chirac, qui pouvait lui dire "Vous êtes la mouche du coche",
01:17:53 mais elle lui avait annoncé des choses que lui-même ne percevait plus
01:17:56 quand une fois qu'il était à l'Élysée,
01:17:58 parce qu'elle disait "Moi je suis sur le terrain, en Corée,
01:18:01 je peux vous dire que le Front National va faire un grand score,
01:18:04 je peux vous dire que si vous faites la dissolution, vous allez perdre".
01:18:08 Elle disait des choses, elle avait un grand, grand sens politique.
01:18:11 Alors, il ne l'écoutait pas, mais il l'a bluffée.
01:18:13 Et moi je crois que Bernadette,
01:18:15 qui a été écartée par sa fille en 95,
01:18:18 parce qu'elle disait "Maman a beaucoup forci,
01:18:20 elle trouvait qu'elle ne faisait pas moderne",
01:18:22 alors que le Figaro magazine avait titré un truc "La jeunesse revient à l'Élysée",
01:18:26 parce que c'est vrai que Jacques Chirac, par rapport à la fin de Mitterrand,
01:18:30 évidemment c'était le président, un gambe et bon garçon.
01:18:34 Donc elle voulait cacher sa mère,
01:18:36 et moi je me souviens, je l'avais,
01:18:39 elle l'avait écartée, tout le monde le sait,
01:18:42 d'un déjeuner à l'Élysée avec des jeunes,
01:18:45 et c'était en juillet,
01:18:48 et je lui avais dit "écoutez, je prépare pour le mois d'août
01:18:51 une interview de femmes, enfin voilà, un peu au-dessus du lot,
01:18:54 est-ce que vous accepteriez à me le dire ?"
01:18:56 "Mais oui, ça m'intéresse."
01:18:57 Alors, elle m'avait donné rendez-vous à l'Élysée,
01:18:59 j'étais arrivée, je lui ai dit "je vais voir Mme Chirac",
01:19:01 et les gardes m'avaient conduite chez Claude.
01:19:03 Alors, j'ai dit "non, Mme Chirac",
01:19:06 alors donc je suis arrivée en retard.
01:19:08 Alors je lui ai dit "voilà, je suis en retard parce que..."
01:19:10 Elle m'a dit "mais enfin, vous ne saviez pas que le président était veuf ?"
01:19:13 Alors, donc elle était très contente de lui parler,
01:19:17 elle était très contente de venir me parler,
01:19:19 parce qu'enfin, elle allait me faire passer des messages.
01:19:22 Donc j'avais dit "interview au diable".
01:19:24 - Mais c'est la tata fringueuse, c'est du haut-diable !
01:19:26 - Catherine, ce que vous dites est exceptionnel.
01:19:30 - Mais non, mais je l'ai écrit dans mes souvenirs.
01:19:32 - Mais bien sûr, mais vous devriez...
01:19:34 On devrait vous donner un espace encore plus important
01:19:37 sur notre chaîne,
01:19:39 pour que vous puissiez raconter les coulisses de la Ve République.
01:19:44 - Non, mais vous n'avez pas écrit, Catherine.
01:19:46 Il y a des choses que vous n'avez sans doute pas écrites.
01:19:48 - Si, sur votre blog, si.
01:19:50 - Non, mais peut-être des choses que vous avez gardées pour vous.
01:19:52 - Ah oui, oui, non, non, oui, oui. Non, non, voilà.
01:19:54 Non, mais c'était une femme...
01:19:56 C'est une femme qui avait, moi, je trouvais que du trio,
01:20:00 c'était peut-être celle qui était la plus originale.
01:20:03 D'abord, elle avait un caractère très, très difficile.
01:20:06 Donc tout le monde était victime,
01:20:08 parce que les jours, dans ses bons jours,
01:20:10 quand elle faisait de l'humour, qu'elle était drôle,
01:20:12 qu'elle saluait, qu'elle était aimable, elle était formidable.
01:20:14 Et puis le lendemain, vous la rencontriez,
01:20:16 elle ne vous regardait pas, vous disiez bonjour,
01:20:18 elle ne répondait pas.
01:20:20 Donc elle était...
01:20:22 Elle avait quand même, vous voyez, des nuages qui passaient.
01:20:24 Elle avait mal au caractère, vous voyez, quelques fois.
01:20:26 - Elle avait mal au caractère.
01:20:28 En tout cas, merci, merci, Catherine.
01:20:30 Cette génération, Sonia,
01:20:32 c'est une génération de journalistes exceptionnelles.
01:20:34 Jean-Pierre, Catherine...
01:20:36 - C'est un peu la manière de dire aussi,
01:20:38 la manière de raconter les journalistes.
01:20:40 On est tous en vie, voilà, de vivre.
01:20:42 - Vous êtes... Il y a un âge d'or de votre génération.
01:20:44 - Je ne sais pas, mais oui, mais...
01:20:46 - Vraiment, je le dis...
01:20:48 - Mais pour pouvoir compter, il faut avoir un sujet.
01:20:50 Or, Bernadette était quand même quelqu'un de très inspirant.
01:20:52 Bon, et puis, je veux dire, c'est une femme
01:20:54 qui a complètement fait la réélection de Chirac en 2002.
01:20:56 - Mais c'est vrai que votre génération,
01:20:58 d'abord, qui a pris le pouvoir
01:21:00 au milieu des années 70,
01:21:02 en fait, vous avez pris le pouvoir
01:21:04 après ceux qui sortaient de la guerre.
01:21:06 - Exactement.
01:21:08 - De 45, en gros, jusqu'à 70,
01:21:10 avaient fait la presse en France.
01:21:12 Et puis vous, vous arrivez tous...
01:21:14 Et vous êtes incroyablement jeunes.
01:21:16 Mais je pense à des gens comme Philippe Labreau aussi,
01:21:18 qu'on pourrait citer, etc.,
01:21:20 qui... Vous avez des réussites, évidemment, Moujotte.
01:21:22 Moujotte, il est directeur à 35 ans sur Europe.
01:21:24 J'ai déjà parlé de lui tout à l'heure.
01:21:26 - Oui, oui, oui. Gildas.
01:21:28 - Philippe Gildas, qui est peut-être
01:21:30 le meilleur anchorman
01:21:32 de tous les temps.
01:21:34 Une synthèse entre la proximité
01:21:36 et puis être capable de parler de tout,
01:21:38 de connaître tout, et en même temps
01:21:40 de parler aux gens. Pivot, Chancel,
01:21:42 tous ces gens-là. C'est un âge d'or,
01:21:44 je trouve, du journalisme,
01:21:46 de la télévision, et nous, on a grandi avec vous.
01:21:48 J'aurais pu citer Marcel Gilian aussi.
01:21:50 - Oui, mais vous voyez que c'était aussi un temps où on pouvait,
01:21:52 on avait une liberté de dire des choses,
01:21:54 d'avoir une conversation libre.
01:21:56 - Je suis d'accord. Alors, du coup, Sobaya et
01:21:58 Labidi, qui vous écoutent,
01:22:00 vous êtes suspendus à vos paroles,
01:22:02 mais il faut qu'on rende l'antenne.
01:22:04 Donc, Sobaya, vous nous rappelez les titres.
01:22:06 ...
01:22:08 - Les ventes
01:22:10 de billets de train pour Noël
01:22:12 ont débuté. Toutefois,
01:22:14 l'afflux de connexions met à mal l'application,
01:22:16 mais aussi le site Internet
01:22:18 de la SNCF. Il faudra donc vous armer
01:22:20 de patience pour acheter vos billets
01:22:22 pour les fêtes de fin d'année.
01:22:24 L'entrée des urgences de l'hôpital de Perpignan
01:22:26 bloquée par des brancards ce week-end.
01:22:28 Le syndicat CGT 1066
01:22:30 a décidé de tirer la sonnette
01:22:32 d'alarme sur la situation en
01:22:34 publiant une vidéo sur les réseaux sociaux
01:22:36 montrant la cacophonie
01:22:38 qui règne dans ces urgences.
01:22:40 Une vidéo de 20 secondes dans laquelle
01:22:42 des pompiers, mais aussi des patients
01:22:44 sont exaspérés par le temps d'attente.
01:22:46 Et puis, Yael Brone-Pivet
01:22:48 veut dynamiser les traditionnelles
01:22:50 questions au gouvernement en cause
01:22:52 le désintérêt des députés comme du public
01:22:54 pour cet exercice.
01:22:56 La présidente de l'Assemblée nationale
01:22:58 a adressé au groupe politique des pistes
01:23:00 de réforme en ce sens, comme
01:23:02 diminuer la durée de chaque question par exemple.
01:23:04 - Merci beaucoup
01:23:06 vraiment d'avoir participé à cette émission
01:23:08 hommage de Jean-Pierre. C'est vrai que
01:23:10 ces deux dernières années
01:23:12 ont été dures pour lui parce qu'il a souffert
01:23:14 et s'est battu. Et effectivement
01:23:16 ces maladies sont souvent
01:23:18 terribles. On pense
01:23:20 à Nicole, son épouse.
01:23:22 On pense à Emmanuel, sa fille. On pense à lui.
01:23:24 Bien évidemment, je vous remercie beaucoup
01:23:26 d'avoir participé à cette émission.
01:23:28 Emeric était à la réalisation aujourd'hui.
01:23:30 Raphaël était au son. Alice Maillet
01:23:32 était à la vision. Merci
01:23:34 à Marine Lanson, à Justine
01:23:36 Carquera. Je salue Dominique Grimault
01:23:38 qui nous écoute et qui dit "Quel casting !
01:23:40 Ces vieux sont si jeunes !" D'abord, ils sont pas
01:23:42 vieux, bien évidemment.
01:23:44 Mais c'est vrai que c'est une génération
01:23:46 une génération
01:23:48 et c'est vrai, on l'a dit en chanson
01:23:50 en artiste, en comédien, en journaliste.
01:23:52 Les années 70.
01:23:54 Je ne sais pas si c'est
01:23:56 une parenthèse enchantée dans l'humanité.
01:23:58 J'embarque
01:24:00 Morandini dans une seconde
01:24:02 et nous on sera là ce soir.
01:24:04 Merci d'avoir regardé cette vidéo !