• il y a 2 ans
25 morts cet été à Marseille, la plupart liés au trafic de drogue. Comment expliquer cette série noire de règlements de compte d'une rare violence qui ensanglante les cités des quartiers Nord ? Pourquoi de jeunes adolescents se retrouvent-ils en première ligne dans cette guerre de la drogue ? Dans ce grand reportage BFMTV, vous allez découvrir des images rarement filmées. Les journalistes de Ligne Rouge ont partagé le quotidien de jeunes guetteurs, qui alertent les trafiquants de l'arrivée de la police. Ils ont aussi assisté sans aucun filtre aux face-à-face tendus entre les petites mains du trafic et les forces de l'ordre. Et ils ont recueilli le témoignage édifiant d'une victime d'un règlement de compte qui a retourné l'arme contre son agresseur. Une enquête de Benoit Sarrade, Baptiste Keita, Hugues Dugué, avec Amélie Rosique et Elodie Noiret.

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Amusant
Transcription
00:00 [Musique]
00:05 6 morts par balle en 2 semaines à Marseille et ses environs.
00:08 [Bruits de tirs]
00:09 Marseille sous le choc d'un nouveau règlement de comptes, c'est le 11ème.
00:14 C'est surtout l'âge qui choque et qui interpelle, 14 ans.
00:17 [Bruits de tirs]
00:17 Tout de suite nouvelle nuit meurtrière à Marseille, 3 hommes sont morts hier soir.
00:21 En l'espace de 2 mois, on dépasse le bilan de 2020.
00:26 La police essaye de comprendre ce qui se passe.
00:30 La difficulté de la tâche aujourd'hui c'est qu'il y en a trop.
00:32 Il y a des règlements de comptes quasiment tous les 3 jours.
00:34 [Bruits de tirs]
00:37 Son nom a bien failli s'ajouter à celui des victimes de règlements de comptes cet été à Marseille.
00:43 Youssef est un miraculé.
00:45 Ses amis l'appellent d'ailleurs l'immortel.
00:49 En août 2021, il a été victime d'une attaque à la Kalachnikov.
00:56 - Je me suis reçu une balle de Kalachnikov.
00:58 Bon elle n'est pas rentrée, j'ai eu de la chance tu vois.
01:00 Mais voilà, il pouvait me péter la colonne vertébrale, je pouvais rester handicapé tu vois.
01:06 Youssef a déjà été condamné pour trafic de stupéfiants.
01:09 Il sait qu'il a des ennemis.
01:12 Malgré tout, ce soir du 11 août 2021, il décide de sortir pour faire la fête.
01:18 - Parce que je suis sorti mais avec une boule d'angoisse de chez moi.
01:21 Et je vois une moto un peu bizarre tu sais, bizarre, que j'ai jamais vu dans ma résidence tu vois.
01:29 Que le mec je vois pas son visage, là avec une vitrine fumée tu vois.
01:33 Et je me dirige au bar.
01:36 30 minutes après, t'as eu un mec armé d'une Kalachnikov qui est rentré dans le bar.
01:42 Il me croise et il me dit "qu'est-ce que je te fais maintenant, je t'ai chopé".
01:50 J'étais devant le comptoir, il m'a mis une balle dans le dos.
01:54 Et je me suis dit "il faut pas que je tombe par terre tu sais, sinon il va me finir".
01:59 Ca veut dire que j'ai eu un coup d'adrénaline.
02:01 Je lance mon tabouret dessus.
02:03 Et au moment où il estive, je lui saute dessus, j'essaie de lui enlever la Kalachnikov de la main tu sais.
02:09 Et je me bats, je me bats avec lui tu sais.
02:13 Et il va pour un moment, il prend le dessus sur moi pour me mettre une cartouche dans la tête tu sais.
02:18 Et je retourne directement le canon vers lui.
02:20 Et il s'est tiré dessus avec sa propre arme tu vois.
02:24 Son assaillant est à l'agonie.
02:27 Youssef aussi.
02:29 Il titube, tente de fuir, mais s'écroule à la sortie du café.
02:34 Là, le conducteur de la moto va chercher à l'achever.
02:38 Il a mis la moto sur le béquet, il est venu vers moi et il m'a ressorti un calibre.
02:43 Et il m'a mis 3 balles de 9mm sur le thorax droit.
02:46 Il m'a mis une balle ici, une balle ici, une balle ici tu vois.
02:50 Youssef passera plusieurs jours en réanimation.
02:54 Son premier agresseur a succombé à ses blessures.
02:58 Celui qui a essayé de l'achever est toujours en fuite.
03:02 L'enquête est en cours.
03:04 Tous les jours, chaque heure, chaque minute qui passe, je pense à ça.
03:09 J'arrive pas à passer un moment sans penser à ça.
03:11 Il a survécu miraculeusement et veut sortir de la spirale des règlements de comptes.
03:17 Venger non. La vengeance, ça va m'apporter à quoi ?
03:21 Quand je gamberge avec du recul tu vois.
03:23 Toute la merde que désembrouille avec la justice, avec l'état, avec tout le monde, avec des mecs dehors.
03:28 Donc je préfère même pas me venger.
03:30 Il y a un bon Dieu pour ça, il y a la justice.
03:33 Je continue ma vie de mon côté.
03:35 J'essaie un peu de recommencer un nouveau truc, mais il faut que je parte de Marseille.
03:41 Pour essayer de reconstruire une nouvelle vie.
03:44 Le suicide de Jean-Michel Leprince
03:48 De juin à septembre 2021, à Marseille, il y a eu 25 homicides volontaires,
04:00 dont la plupart liés au trafic de drogue.
04:03 Certains dans des conditions atroces.
04:10 Un homme a été embarqué de force, il était dans une voiture, et brûlé vif.
04:14 On est dans la sauvagerie la plus totale.
04:17 Pour l'été, sur une courte période, c'est certainement le plus sanglant.
04:20 C'est une guerre. Tout le monde va mourir. Pas tout le monde, mais il y aura beaucoup de morts.
04:24 Beaucoup, beaucoup, beaucoup. Là, à la fin de l'année.
04:27 Tous ces assassinats ont eu lieu dans ou à proximité des quartiers Nord.
04:34 Situés au nord de Marseille, ils regroupent le 13e, 14e, 15e et 16e arrondissements.
04:43 Environ 250 000 personnes y vivent, un tiers des Marseillais.
04:48 Des quartiers parmi les plus pauvres et difficiles de France,
04:52 où les assassinats et la violence sur fond de trafic de drogue font presque partie du décor depuis 20 ans.
05:00 Même pour les plus jeunes.
05:07 C'est l'habitude. Je sais pas, c'est une habitude. C'est tout le temps comme ça. Donc c'est vrai.
05:15 T'as l'habitude à 12 ans d'entendre ça ?
05:19 Tout le temps, il y a des morts.
05:22 Même habituée, la plupart des habitants des quartiers Nord craquent.
05:27 Désormais, ces règlements de compte ont lieu partout et n'importe quand.
05:31 On vit dans la peur entre des hommes, des barques cagoulées, qui font feu sur des petits jeunes.
05:40 Comment les jeunes des quartiers Nord se sont-ils retrouvés en première ligne dans cette guerre de la drogue ?
05:52 Les quartiers Nord de Marseille, c'est plus de 100 points de deal.
05:56 Certains sont ouverts 24h/24, 7j/7.
06:01 Les 5 plus gros génèrent entre 50 000 et 80 000 euros par jour, selon la police.
06:08 La partie visible de ce trafic, ce sont eux.
06:13 Les guetteurs, les policiers, les policiers de la police.
06:18 Les plus gros des morts de ce trafic, ce sont eux.
06:21 Les guetteurs, des silhouettes cachées sous une capuche, une cagoule ou des lunettes de soleil.
06:27 Ils sont les yeux et les oreilles du réseau.
06:31 Comme Kassim, 16 ans, qui fait le chouffe, le guetteur dans leur jargon à la cité Bassens.
06:38 1800 habitants, situés dans le 15e arrondissement.
06:42 On va arriver vers le charbon. Moi je suis guetteur.
06:45 Et ça consiste à quoi votre job ?
06:47 Assis, debout, ce que vous voulez.
06:49 Tant que tu es à ton poste, tu restes à la fuite, tu cries quand il y a la police, c'est bon.
06:52 Et ça vous arrive des fois qu'ils rentrent sans que vous les voyez ?
06:55 Après, ça c'est quand le guetteur il rate.
06:59 Après sinon ils viennent à pied, sinon c'est tout. Sinon on les voit tout le temps.
07:04 Kassim est mineur, comme son ami Ryan, qui fait le chouffe depuis ses 14 ans.
07:11 Là c'est l'entrée du quartier.
07:15 Les clients ils rentrent par là, c'est la seule entrée en voiture possible.
07:18 Comme tous les jeunes, on a besoin d'argent, on a besoin de s'acheter des habits.
07:22 On voit les autres qui s'habillent bien, on a envie de s'habiller bien.
07:25 Voilà, c'est pour ça. Et nos parents, ils font ce qu'ils peuvent, mais ils ne peuvent pas tout nous acheter.
07:30 On ne va pas devenir millionnaire en faisant ça.
07:32 Parce que je vois les policiers, même les BFMTV, les journalistes, ils mettent qu'un guetteur ça gagne 5000 euros par mois.
07:39 C'est rien à voir. Un guetteur, les gens pensent que c'est facile, mais c'est dur.
07:43 Tu es là de 10h du matin à minuit, tu ne fais rien, tu t'es assis sur une chaise, tu t'ennuies.
07:48 Des fois il y a le soleil, il y a la pluie, tu travailles, tout ça pour 100 euros par jour.
07:52 Un job difficile, mais où l'argent sert d'appât.
07:57 Ryan et Kassim sont entrés dans le réseau pour les gains.
08:01 Ils y ont pris goût. Le piège s'est maintenant refermé.
08:05 Nous on a arrêté l'école pour avoir de l'argent.
08:08 Parce que nous on n'aime pas l'école.
08:10 On est venus pour travailler, pour aider nos familles.
08:13 Mais on n'est pas des délinquants, on n'est pas des voyous, on n'est pas des voleurs.
08:17 Après nous on travaille comme tout le monde.
08:20 Des mineurs qui ont juste l'impression de travailler, de jobber comme ils disent.
08:27 Sans avoir conscience d'être en marge de la loi, selon Karine Sabourin, vice-présidente du tribunal de Marseille.
08:35 Il nous arrive d'avoir des jeunes qui croient bien faire en s'insérant dans un réseau de trafic de stupéfiants.
08:41 Parce que finalement ils ont un emploi, ils ont des horaires de travail, ils se lèvent le matin, ils ramènent de l'argent.
08:48 Pour eux c'est les valeurs dominantes dans la cité, c'est le trafic de stupéfiants, c'est l'entreprise qui marche dans la cité.
08:53 Alors, le guetteur qui rentre dans le trafic de stupéfiants sans avoir conscience qu'il est dans l'illégalité,
08:58 et il se normalise, donc pour lui c'est normal.
09:01 Et pour lui c'est aussi normal d'avoir de l'argent pour s'acheter des chaussures de marque, une casquette de marque, un t-shirt de marque.
09:07 Le but de ces achats est de ressembler à tous les ados de leur âge.
09:12 Dans ces enquêtes dans les quartiers nord, Philippe Hujol raconte que les trafiquants ont même donné un nom à ce phénomène.
09:21 Être des Frédéric pour certains, ils vont te dire.
09:24 Être des Frédéric pour eux c'est être intégré dans la société française.
09:28 Ça veut dire, parce que pour eux Frédéric c'est un prénom français, et pour eux être des Frédéric c'est le but.
09:32 Ça veut dire avoir une femme tranquille, une maison, un crédit, une bagnole, et une petite vie où tu vas travailler,
09:40 tu vas un peu au stade vélodrome, tu regardes Netflix.
09:43 Une vie presque banale, sauf qu'avant d'en arriver là, ces petites mains du trafic risquent la prison, dans le meilleur des cas.
09:55 Pendant notre tournage dans la cité Bassins, une brigade spécialisée dans la lutte contre le trafic de drogue vient d'interpeller un vendeur.
10:03 Un face à face entre policiers et guetteurs s'engage alors.
10:07 Qu'est-ce qui se passe ?
10:24 On vient péter le point stup et...
10:26 Ils ont peur.
10:28 Pourquoi ils ont peur ?
10:31 Ils ont peur qu'on les attrape, avec du stupéfiant, de la matière.
10:36 Et là vous avez attrapé quelqu'un ?
10:38 On est en vérification là pour le moment.
10:40 Et vous n'avez pas peur de venir sur les points de deal ?
10:44 Non, jamais. Il faut qu'ils comprennent qu'en fait force doit rester à la loi. C'est ça qui est important en fait.
10:49 C'est ça qui est important, il faut qu'ils comprennent qu'ils ne sont pas tous puissants en fait.
10:53 Comme je dis, c'est un jeu de chaleur souris.
10:55 La personne avec qui dialogue le policier, c'est Mohamed Ben Medour, un éducateur des quartiers nord.
11:02 Et si j'essaye d'en prendre une, vous le ramenez, vous êtes prêt à dialoguer ?
11:06 Non, ça ne sert à rien. Vous pouvez le ramener, mais ça ne servira à rien.
11:09 Rien comme ça, mais...
11:10 Essayez, essayez.
11:11 Allons, on va essayer.
11:12 Mohamed tente de réinsérer les jeunes à travers le sport, mais aussi en déconstruisant les clichés qu'ils peuvent avoir, notamment envers les policiers.
11:23 Mohamed, qu'est-ce que vous essayez de faire ?
11:25 D'établir un dialogue entre les jeunes et les policiers.
11:30 Non, mais les gars, les gars, les faits de groupe, non.
11:33 Depuis un an, la police pilonne sans arrêt les points de deal.
11:37 Les petites mains du réseau, les guetteurs sont en première ligne.
11:41 Mohamed tente d'apaiser les tensions.
11:44 Au lieu de se faire insulter, de crier, de machiner...
11:48 Mais non, mais qu'est-ce qui se passe ?
11:50 Vous pouvez enlever vos masques.
11:52 Je vous ai déjà interpellé ici.
11:55 On ne discute pas avec eux, parce que...
12:00 Ils n'arrivent pas à dire le mot, ils nous rappellent les jeunes.
12:02 Ils vous respectent.
12:03 Non, ils ne nous respectent pas.
12:04 Finalement, d'échanges, il n'y en aura pas vraiment.
12:08 Les gars, on va y aller, par contre.
12:09 On va prendre un petit travail.
12:10 Vous ne voulez pas déposer le collègue, Miss Guilou ?
12:12 Non, non, les gars, soit ils respectent, soit ils ne veulent pas.
12:14 Il n'a rien fait, il n'a rien fait.
12:15 Qu'est-ce qu'il n'a rien fait ? Tu ne sais pas ce qu'on a sur lui.
12:17 Habitués aux gardes à vue, les guetteurs indiquent à leurs copains interpellés...
12:21 Qu'on n'y est pas si mal traité.
12:23 Notamment qu'on y mange bien.
12:25 On va manger à la gamelle, t'inquiète, tu vas à l'hôtel gratuit, tu ne payes pas.
12:28 T'inquiète, il va sortir le sopin.
12:29 Le cordon bleu, il est bon, à ce qu'il me...
12:31 Allez les gars.
12:32 T'inquiète, tu as vu les biscuits du petit matin, avec la petite brique de jus, c'est bon.
12:36 C'est léger, c'est léger, t'inquiète.
12:38 T'inquiète, fais le signe du l'an, c'est l'île.
12:41 Allez, dis son prof.
12:43 Ça va bien se passer mon poteau.
12:45 Les jeunes se moquent ouvertement d'un policier.
12:49 C'est un stagiaire.
12:51 C'est un stagiaire les gars.
12:55 Voilà, c'est un stagiaire, il vient de commencer les gars.
12:57 Tu es débutant mon frère.
12:59 Sur la personne interpellée, les policiers n'ont en fait retrouvé aucune substance.
13:04 J'espère qu'avec le temps, en faisant ce rapprochement jeune police,
13:10 qu'il y ait un dialogue et qu'à la fin, la plupart des jeunes comprennent
13:15 qu'en fait, le jeu n'en vaut pas la chandelle.
13:18 Un combat dans lequel Mohamed se sent un peu seul.
13:23 Alors, en septembre 2021, lors de la venue du président de la République à Marseille,
13:29 pour annoncer son grand plan pour la ville, Mohamed a tenté de l'interpeller.
13:34 Monsieur le président, deux minutes.
13:37 Oui.
13:38 Je m'appelle Mohamed, je suis un chantier de la République.
13:41 Je suis le président de la République.
13:44 Comme tout le monde est ici, ici, on va faire un petit appel.
13:48 Apparemment, vous allez débloquer des fonds pour ces quartiers du sensible.
13:57 Et l'éducation c'est primordial.
13:59 C'est primordial.
14:00 L'âge de l'apprentissage c'est à 12 ans.
14:02 Donc, l'éducation, il faut miser dessus pour pas que ces jeunes dérivent.
14:06 Donc, on compte sur vous, et un suivi.
14:09 Et un suivi, exactement.
14:11 On est vraiment en situation d'urgence.
14:13 Il y a un cri d'alerte à faire entendre, monsieur le président de la République.
14:18 La population des quartiers Nord qui est vraiment à bout de souffle.
14:22 Notre jeunesse est à la dérive.
14:26 La seule personne à qui on peut se retourner, c'est le président de la République, je pense.
14:34 Mohamed vient du quartier des Marronniers.
14:37 Quartier endeuillé au cœur de l'été par la mort de Ryan, 14 ans.
14:41 Le 18 août 2021, vers 22h,
14:59 deux individus équipés de fusils d'assaut
15:02 entrent dans la cité des Marronniers en scooter et ouvrent le feu.
15:06 Ryan est abattu dans le dos et décédera à l'hôpital.
15:10 Un drame pour la famille de l'adolescent.
15:15 On peut pas accepter l'inacceptable.
15:18 On peut pas nous dire "il est pas mort d'une maladie, il a pas un cancer, on peut se préparer à la chose".
15:23 Non. Là, il y a quelqu'un qui sciemment est venu lui prendre sa vie.
15:27 On l'a atterri dessus, on l'a criblé de balles en sachant que derrière, il allait mourir.
15:33 Selon la procureure de la République de Marseille, Ryan est une victime collatérale.
15:41 Sa famille est formelle, il ne participait à aucun trafic de drogue.
15:47 La police est venue, ils ont filé les boîtes de chaussures, ils ont filé les trucs sur mon carte-table pour l'école.
15:54 Ils ont rien trouvé, il est vide, il y a rien, là, toutes ces affaires.
15:57 L'erreur de Ryan, avoir mangé un sandwich près d'un point de deal avec un copain guetteur.
16:06 Ce dernier a aussi été atteint de plusieurs projectiles, mais il est en vie.
16:12 Avec ce drame, l'opinion a réalisé que des mineurs pouvaient être pris pour cible dans cette guerre de territoire entre réseaux.
16:23 En fait, quand aujourd'hui, souvent, quand c'est des jeunes qui sont tués, comme par exemple au Marogné,
16:28 c'est que ce n'est pas lui qui était visé en tant qu'individu, mais en tant que membre de tel réseau.
16:33 Et donc, on va envoyer un message au réseau.
16:35 Comme on ne peut plus tuer les têtes de réseau qui ne sont souvent pas à Marseille,
16:39 quand elles sont à Marseille, elles sont dans des hôtels de luxe, avec des voitures assez protégées, avec des gardes du corps.
16:46 Eh bien, eux, ils sont assez durs à tuer.
16:48 Et donc, on va envoyer un message au réseau et donc on tue ce qu'on trouve devant.
16:52 On tire dans la vitrine, quoi, et meurt celui qui est à la vitrine.
16:55 Depuis 2010, une dizaine de mineurs sont ainsi morts.
17:00 Avant, seuls les têtes de réseau étaient assassinées.
17:05 Maintenant, on tue à tous les niveaux de la hiérarchie.
17:13 Le message, c'est "je suis impitoyable, j'ai peur de rien et tu vas me laisser le territoire".
17:21 En clair, on vide le terrain à l'arme lourde pour installer ses propres hommes.
17:26 De toute façon, il y a deux fins. C'est la règle des quatre, entre quatre murs.
17:30 C'est la prison, entre quatre planches, c'est le cercueil, le règlement de compte, la mort.
17:34 Malgré les risques, Kassim, pour protéger le réseau, se dit être prêt au sacrifice.
17:40 Le règlement de compte, ça ne fait pas peur. Peut-être pour certains, ça fait peur, mais c'est les risques.
17:45 Tu travailles, tu as des risques de te faire tuer, c'est ça, c'est la vie.
17:48 Par exemple, moi, à cette heure-ci, je suis là, je parle avec vous, peut-être après, ça va venir tirer, ça me met une balle, je meurs.
17:54 C'est les règles. C'est soit tu meurs, soit tu vas en prison.
17:58 Outre le très jeune âge de certaines victimes, c'est l'ultra-violence des assassinats de l'été 2021 qui a frappé l'opinion.
18:08 Le résultat de la lutte contre la violence, c'est que les victimes ont été arrêtées.
18:13 Les victimes ont été arrêtées.
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23:35 Les victimes ont été arrêtées.
23:37 Les victimes ont été arrêtées.
23:39 Les victimes ont été arrêtées.
23:41 Les victimes ont été arrêtées.
23:43 Les victimes ont été arrêtées.
23:45 - Une convocation chez le juge des enfants.
23:47 Capitaliste, ces PME de la drogue
23:49 cherchent à minimiser leurs risques
23:51 et maximiser leurs gains.
23:53 ...
23:55 ...
23:57 ...
23:59 ...
24:01 ...
24:03 ...
24:05 A chaque fois que ces réseaux s'implantent,
24:07 ils utilisent les mêmes procédés.
24:09 ...
24:11 - Les stupéfiants, c'est une petite entreprise,
24:13 une entreprise de quartier,
24:15 une entreprise territoriale,
24:17 avec tout simplement des guetteurs
24:19 qui sont à l'entrée d'une cité.
24:21 Et derrière, il y a l'un qu'on appelle le charbonneur
24:23 qui porte la sacoche.
24:25 Dans sa sacoche, il a le charbon,
24:27 c'est-à-dire le shit,
24:29 mais aussi un peu de cocaïne.
24:31 Et on a le chef de plan.
24:33 Et puis après, derrière, qu'on ne voit jamais,
24:35 il y a les coupeurs.
24:37 Et après, il y a le chef de réseau
24:39 qui organise le tout avec ses adjoints.
24:41 C'est une petite organisation par militaires,
24:43 armées, avec des prises de décision.
24:45 - Toute une structure
24:47 à laquelle Arkani a participé.
24:49 - Pas de balance,
24:51 aller-retour en prison, je ressors gérant.
24:53 Je gère les pays, je mettais en place
24:55 les petits et les grands.
24:57 - Jusqu'en 2007, le rappeur de 33 ans
24:59 gérait un réseau
25:01 où chacun avait un rôle bien précis.
25:03 - Ouais, il y avait plusieurs équipes.
25:05 Il y avait l'équipe du jour,
25:07 l'équipe de la nuit.
25:09 L'équipe du matin, de midi,
25:11 jusqu'à 18h. Je descendais à 11h30,
25:13 je leur donnais ce qu'ils avaient à faire.
25:15 Après, le soir, quand on fermait boutique,
25:17 je faisais les comptes de ceux du soir.
25:19 Je donnais la paie, pareil.
25:21 Et le lendemain, rebelote, j'attendais 11h,
25:23 je redescendais, pareil.
25:25 - C'est aussi Arkani
25:27 qui recrutait les petites mains du réseau.
25:29 - Ils viennent, ils posent leur candidature.
25:31 Ça fonctionne comme ça.
25:33 Je dis, voilà, moi, j'ai fait ça là-bas,
25:35 j'étais là-bas, j'étais là-bas.
25:37 Les véhicules qui tournent dans le secteur,
25:39 c'est souvent les mêmes, des flics.
25:41 Donc, du coup, on va t'interroger,
25:43 tu connais quelle plaque, comment il est,
25:45 est-ce que c'est un rasier, c'est un chauve, le candidat,
25:47 tu arrives à le reconnaître,
25:49 comment il se fait appeler, c'est quoi son surnom.
25:51 Il y a des questions qui se posent.
25:53 Une fois que les questions sont posées, c'est bon, il est validé.
25:55 - Une activité très lucrative.
25:57 Pour son travail de gérant,
25:59 Arkani pouvait toucher
26:01 jusqu'à 700 euros par jour.
26:03 Des sommes considérables.
26:05 Mais Arkani a tout dépensé.
26:07 Aujourd'hui,
26:09 il travaille dans le bâtiment.
26:11 (sonnerie)
26:13 Kader, lui, est loin d'avoir tourné la page.
26:15 Il est actuellement en détention provisoire.
26:17 - Ça va ?
26:19 - Et risque une lourde peine.
26:21 Nous l'avons joint depuis sa cellule,
26:23 où il attend son procès
26:25 après avoir été interpellé
26:27 en possession de plus de 100 kg de cannabis.
26:29 Pour maximiser leur vente,
26:31 il raconte que les réseaux
26:33 ont une vraie stratégie commerciale.
26:35 - C'est hiérarchisé, structuré.
26:37 Il faut être ponctuel,
26:39 il faut être courtois.
26:41 C'est une relation
26:43 avec des clients.
26:45 C'est comme dans tout commerce.
26:47 Le client arrive
26:49 sur le point de vente,
26:51 il est reçu,
26:53 on lui parle poliment.
26:55 Un jour, il choisit ce qu'il veut,
26:57 il paye,
26:59 il peut avoir des petits cadeaux,
27:01 un briquet, des feuilles,
27:03 il peut aggrater.
27:05 C'est une fidélisation du client.
27:07 Le but, c'est qu'il se sente en sécurité,
27:09 qu'il soit le plus à l'aise,
27:11 qu'il n'ait pas honte,
27:13 qu'il ne tente pas agresser,
27:15 dévisager, juger.
27:17 Le but, c'est de satisfaire
27:19 le point de client.
27:21 - Des consignes appliquées à la lettre
27:23 sur le terrain par les petites mains du réseau.
27:25 Même quand parmi les clients
27:27 figurent, selon Kassim,
27:29 des policiers.
27:31 - Il y a des profs qui viennent toucher,
27:33 qui prennent de l'armage, du shit,
27:35 de la beuh, ils prennent.
27:37 Il y a des policiers qui fument le shit,
27:39 il faut être poli avec eux
27:41 et leur donner de bons morceaux
27:43 pour qu'ils reviennent.
27:45 - Certains points de deal
27:47 attirent plus de 2000 clients par jour.
27:49 C'est le cas à la Castellane.
27:51 Un succès qui rapporte gros.
27:53 Une opération de police
27:55 a permis de se rendre compte
27:57 des gains générés.
27:59 En janvier 2013,
28:01 28 personnes, des armes
28:03 et plus de 100 kg de drogue
28:05 sont ainsi saisies.
28:07 Mais une autre scène
28:09 va marquer les esprits.
28:11 Karine Sabourin dirigeait l'enquête.
28:13 - Les policiers envahissent la cité.
28:15 Les valises de billets
28:17 valent des fenêtres.
28:19 - Les trafiquants,
28:23 avant d'être interpellés,
28:25 jettent littéralement l'argent par les fenêtres.
28:27 L'expression prend alors
28:29 tout son sens.
28:31 Mais les policiers parviennent
28:33 à mettre la main sur ces valises.
28:35 - 1,3 million d'argent liquide.
28:39 Les policiers m'appellent
28:41 en me disant
28:43 qu'on a les compteuses à billets
28:45 des trafiquants, est-ce qu'on a le droit
28:47 de les utiliser ?
28:49 J'étais embêtée,
28:51 car il y avait les empreintes
28:53 sur les compteuses à billets.
28:55 J'ai dit que j'allais les retirer.
28:57 Je me suis dit que j'allais prendre
28:59 les compteuses à billets des trafiquants.
29:01 C'est comme ça qu'on a compté les billets.
29:03 - Les enquêteurs vont saisir
29:05 quelque chose d'encore plus rare.
29:07 Des carnets de comptes.
29:09 Le budget quotidien du réseau
29:11 sous forme de centaines de feuilles volantes.
29:13 Ces documents
29:15 offrent une plongée inédite
29:17 dans le fonctionnement du réseau.
29:19 On voit la marchandise
29:21 vendue au jour le jour.
29:23 Une plaque de 400 grammes
29:25 pour 8400 euros.
29:27 Ou la paie quotidienne des employés.
29:29 250 euros
29:31 pour un certain CV.
29:33 Ou encore 300 euros pour patate.
29:35 Partant de ces
29:37 centaines de feuilles volantes,
29:39 le chercheur David Weinberger
29:41 a pu extrapoler
29:43 et recréer la comptabilité de l'entreprise
29:45 sur une année complète.
29:47 Les chiffres sont vertigineux.
29:51 - On avait vraiment
29:53 quasiment 2 mois plein
29:55 où on pouvait identifier avec précision
29:57 le volume de vente.
29:59 Et donc on arrivait sur ces 80 jours
30:01 à un volume qui était lié
30:03 en chiffre d'affaires à 3,8 millions.
30:05 Et donc on l'a projeté
30:07 sur une vente qui aurait duré une année
30:09 pour avoir un chiffre d'affaires annuel.
30:11 Et là on est autour de
30:13 17 millions, 17 millions et demi
30:15 de chiffre d'affaires par an.
30:17 A la tête du réseau,
30:19 il y a un autre homme,
30:21 Nordin Achouri.
30:23 Si les petites mains gagnent à peine le SMIC,
30:25 lui menait la grande vie.
30:27 - Nordin Achouri,
30:29 c'est quelqu'un d'assez extraordinaire.
30:31 Il avait un cheval de course,
30:33 il allait dans des hôtels à Monaco,
30:35 il menait vraiment un grand train.
30:37 Et moi je me souviens encore
30:39 de l'interrogateur en cabinet.
30:41 Je lui disais bien sûr, c'est vous qui payez tout ça,
30:43 qui financez tout ça.
30:45 Et notamment quand il était avec une de ses petites copines,
30:47 vous payez tout ça, vous allez dans des hôtels,
30:49 vous allez jouer, vous l'amenez au casino à Monaco, etc.
30:51 Et lui, ben grand seigneur,
30:53 bien sûr madame.
30:55 Donc si vous voulez,
30:57 il est tombé dans le dossier aussi
30:59 à cause de son train de vie.
31:01 Et de son incapacité à nous dire,
31:03 à mentir
31:05 sur son train de vie.
31:07 Il était fier de lui,
31:09 et c'était une belle organisation.
31:11 Sauf qu'elle était du mauvais côté.
31:13 [Musique]
31:15 Selon les estimations des autorités,
31:21 le trafic de drogue
31:23 génère 700 millions d'euros sur Marseille.
31:25 Des sommes colossales,
31:27 au cœur de la guerre
31:29 que se livrent les réseaux.
31:31 Lorsqu'il y a des cités
31:33 qui génèrent 50, 60, 70, 80 000 euros
31:35 par jour de bénéfices,
31:37 forcément ça attire des convoitises,
31:39 il y a des jalousies,
31:41 il y a des travaux qui sont mis en place
31:43 pour les territoires.
31:45 Et c'est là où on commence
31:47 à régler des comptes
31:49 avec ceux qui ne veulent pas lâcher
31:51 leur territoire.
31:53 Il y a trop d'argent.
31:55 Il y a peu de quartiers
31:57 qui génèrent de l'argent.
31:59 Les personnes, elles veulent prendre
32:01 le peu de quartiers qui génèrent l'argent.
32:03 Et vu qu'il y a plus d'équipes,
32:05 il y a plus de morts.
32:07 Il y a des équipes qui sont créées
32:09 pour les plus de morts, logiquement.
32:11 De source policière,
32:15 la vingtaine d'homicides volontaires
32:17 de cet été 2021
32:19 auraient pour toile de fond au moins deux conflits.
32:21 Le premier opposerait
32:23 deux gangs,
32:25 les blacks contre les gitans.
32:27 Le phénomène des gitans,
32:29 par le passé, a entraîné
32:31 beaucoup de règlements de comptes.
32:33 Ça a été une cinquantaine
32:35 de décès, de morts, d'homicides
32:37 qui ont été enregistrés entre 2005 et 2015.
32:39 Ici, au terme d'une course-poursuite,
32:41 dans le tunnel du Prado,
32:43 entre les deux bandes,
32:45 deux membres des gitans
32:47 ont été abattus.
32:49 Maître Lott
32:55 est l'un des avocats du camp adverse,
32:57 le camp des blacks,
32:59 des trafiquants d'origine comorienne.
33:01 Je pense que c'est une réalité,
33:03 c'est une guerre qui est ancienne,
33:05 c'est une guerre de territoire,
33:07 c'est une guerre pour l'argent,
33:09 c'est une guerre fratricide,
33:11 c'est une guerre sans merci.
33:13 On va vous frapper, non pas parce que vous participez
33:15 à une activité de délinquant,
33:17 mais parce que vous êtes,
33:19 quelque part, le cousin
33:21 d'un agent d'un autre réseau
33:23 qui veut vous faire du mal.
33:25 Je lance un coup de semence.
33:27 Selon des sources policières,
33:33 le camp des blacks se serait affronté cet été.
33:35 Notamment pour le contrôle des Oliviers A,
33:37 dans le 13e arrondissement,
33:39 un gros point de deal.
33:41 Les descentes policières
33:47 contribuent aussi à l'accélération
33:49 des règlements de compte.
33:51 Quand un réseau est ciblé par la police
33:53 et donc affaibli,
33:55 la bande adverse tente d'en profiter.
33:57 Situé en face du plus grand
33:59 commissariat des quartiers nord,
34:01 le point de deal de la cité bassins
34:03 est dans le collimateur des forces de l'ordre.
34:05 Pendant notre tournage,
34:11 un chouf lance l'alerte.
34:13 Ce cri, "Ara",
34:17 alerte de l'arrivée des policiers.
34:19 En direct, des témoins commentent la course poursuite.
34:23 "Va le bloquer, va le bloquer, va le bloquer."
34:25 Les taux se resserrent.
34:33 En interpellant un des trafiquants,
34:35 un policier lui porte un coup.
34:37 A droite de l'écran,
34:45 le dealer tente de renverser un policier.
34:51 La tension monte.
34:53 Mohamed, l'édicateur,
34:55 tente de s'interposer.
34:57 "Pas d'animosité, les gars, on rentre pas dans le...
34:59 Vous faites votre travail. Voilà.
35:01 C'est pas des méchants jeunes, vous faites votre travail,
35:03 y a pas de soucis. Les gars, les gars,
35:05 c'est bon, ne rentrez pas, laissez-le, il veut filmer, laissez-le."
35:07 "Les gars, les gars, les gars, c'est bon, oh, oh,
35:19 doucement, doucement, doucement."
35:21 Des projectiles volent.
35:27 La situation devient explosive.
35:29 Un policier fait usage de son LBD.
35:33 "Il vous parle, il vous parle, il n'arrive pas à respirer.
35:37 Les gars, les gars, allez, c'est bon, vous l'avez pris."
35:47 "C'est bon, les gars, lâchez rien."
35:49 "Tiens, tiens, tiens, tiens ta casquette.
35:59 Chut, calme-toi, calme-toi, calme-toi, ça sert à rien,
36:01 t'en prie, calme-toi, calme-toi, calme-toi,
36:03 calme-toi, les gars, les gars, les gars."
36:05 "Arrêtez, arrêtez, arrêtez.
36:13 Les gars, arrêtez.
36:15 C'est bon, c'est bon, c'est bon.
36:17 Oh, il y a des moments. Stop, arrêtez."
36:19 "J'ai rien dit, mais ne rentrez pas dans le jeu."
36:23 "C'est pas un mauvais jeune, couteau sorti quand j'interpelle.
36:25 Donc c'est pas un mauvais jeune."
36:27 "C'est ce qui vous emmène à attraper le vendeur,
36:29 sauf que les mecs, ils se rapprochent,
36:31 ils veulent récupérer le mec, comme dans toutes les cités."
36:33 "Allez, allez, c'est bon, l'attention,
36:35 elle va redescendre, là,
36:37 mais ne compte rien, s'il vous plaît."
36:39 Le vendeur a été interpellé
36:43 par 15 grammes de cannabis,
36:45 2 grammes de cocaïne et un couteau.
36:47 Trois autres individus
36:49 ont été ramenés au poste
36:51 pour outrage et rébellion.
36:53 "Ah, c'est fermé, les gars."
36:55 "Ouais, c'est fermé."
36:57 "On va passer dans une petite alpiniste."
36:59 Mais déjà, le point de deal s'apprête à rouvrir.
37:01 Pour ce policier,
37:07 ces interventions ne permettent pas
37:09 de faire reculer le trafic.
37:11 "Vous n'avez aucun point de deal
37:13 qui a été fermé.
37:15 J'emploie ce terme-là.
37:17 On a fait tomber des trafiquants,
37:19 on a fait tomber des guetteurs, des dealers,
37:21 mais les points de deal existent toujours.
37:23 À partir du moment où vous en prenez un,
37:25 vous le mettez en prison, il est remplacé."
37:27 Depuis l'implantation de cette stratégie
37:31 dite du pilonnage, en 2020,
37:33 le nombre de points de deal à Marseille
37:35 est même passé de 156
37:37 à 160,
37:39 selon la brigade des stupéfiants.
37:41 "Ce phénomène ne sera pas résolu
37:43 exclusivement par la police
37:45 et par la justice. Nous en détenons
37:47 une bonne partie. C'est une réponse
37:49 bien plus importante, bien plus globale
37:51 qui doit être faite pour que
37:53 ces jeunes aient aussi
37:55 un autre modèle social,
37:57 un autre avenir que celui
37:59 de se retrouver en train
38:01 d'attendre sur un canapé
38:03 que les gens arrivent pour leur livrer des stupéfiants.
38:05 Je pense qu'il y a d'autres modèles
38:07 qui sont plus intéressants,
38:09 plus positifs,
38:11 comme vie sociale et professionnelle."
38:13 Pour l'instant,
38:21 les quartiers nord offrent peu d'horizon
38:23 aux plus jeunes.
38:25 A la cité des Bourrelli-Perrin,
38:27 longtemps considérée comme l'une des plus tranquilles
38:29 des quartiers nord,
38:31 là aussi, un réseau est en train de tisser sa toile.
38:35 Les jeunes se sentent abandonnés.
38:37 "Qu'est-ce que tu as fait cet été ?"
38:39 "Moi, bref, moi, je suis resté
38:41 plus au quartier, j'allais vite faire la merde."
38:43 "T'es pas parti en vacances ?"
38:45 "Non. Moi, rien de spécial.
38:47 J'ai fait rien de spécial."
38:49 "En 2018,
38:51 on allait encore s'amuser,
38:53 mais depuis qu'ils ont enlevé le centre,
38:55 y a plus rien à faire au quartier.
38:57 À part rester, jouer au foot, mais encore."
38:59 Comme la majorité des jeunes des quartiers nord,
39:03 Iliès, Dévone,
39:05 Réda, Chahir
39:07 ne participent pas au trafic de drogue.
39:09 Mais depuis près de deux ans et demi,
39:11 leur refuge,
39:13 le centre social historique des Bourrelli,
39:15 est fermé pour mauvaise gestion.
39:17 Abdellali Louafi
39:19 est le dernier
39:21 à avoir dirigé cette structure,
39:23 implantée au cœur du quartier.
39:25 "C'est
39:27 le couloir de l'ancien
39:29 centre social."
39:31 Les anciens locaux sont aujourd'hui
39:33 à l'abandon.
39:35 "Je regarde parce que
39:39 franchement, c'est désespérant."
39:41 Il ne reste que les vestiges
39:45 d'une époque qu'Abdellali regrette.
39:47 "Il y avait de la vie.
39:49 Il y avait de la vie.
39:51 Les gens pouvaient entrer,
39:53 sortir, bien sûr, en passant par l'accueil,
39:55 mais c'était leur lieu.
39:57 Leur lieu d'activité, leur lieu
39:59 d'échange, leur lieu
40:01 de parole, etc."
40:03 Bénévole pendant 40 ans ici,
40:05 il se souvient des visages des jeunes
40:07 qu'il a accompagnés.
40:09 "Il y avait un atelier cuisine
40:11 qui se faisait souvent ici avec
40:13 une maman bénévole.
40:15 Là, on a le groupe de jeunes
40:17 avec beaucoup de mixité. On travaillait sur la mixité.
40:19 Là, je reconnais trois ou quatre
40:21 gamins, là,
40:23 qui ne sont plus des gamins. Maintenant, ils ont une belle taille,
40:25 ils font 1,80 m."
40:27 Leur avenir est devenu aujourd'hui.
40:29 Quel avenir pour eux dans un quartier qui se dégrade ?
40:31 C'est ce qui inquiète l'ancien
40:33 président du Centre Social.
40:35 "C'est une génération perdue,
40:39 une génération
40:41 d'ados
40:43 qui
40:45 était avec l'ancienne équipe
40:47 du Centre Social
40:49 et qui s'est fondue dans l'air,
40:51 qui est sur le quartier,
40:53 qui est
40:55 par-ci, par-là, mais qui ne peut plus
40:57 aujourd'hui bénéficier
40:59 d'un accompagnement
41:01 ou d'une écoute
41:03 d'animateurs qui sont
41:05 qui étaient là à l'époque pour eux.
41:07 C'est ce qui est un peu désolant.
41:09 Après, il ne faut pas s'étonner
41:11 qu'on les retrouve sur les points de dîle
41:13 ou en train de faire
41:15 du scooter toute la journée.
41:17 Et voilà."
41:19 (musique)
41:31 Mais parmi les jeunes que le centre a accompagnés,
41:33 il y en a aussi qui s'en sortent.
41:35 Mounir, 22 ans,
41:37 est devenu un exemple
41:39 pour les plus petits.
41:41 Il a grandi au Bourrelli,
41:45 entouré d'éducateurs.
41:47 Le sport, les sorties cinéma,
41:49 le bowling, il a découvert une vie
41:51 en dehors du quartier.
41:53 Le trafic de drogue n'était pourtant
41:55 jamais loin. Mounir a perdu
41:57 son meilleur ami dans un règlement de compte.
41:59 "Ghost, c'était son surnom.
42:01 Ça, c'était son nom Snap.
42:03 Et du coup, c'est mon ami
42:05 fin du Barça, comme tu peux le voir,
42:07 comme moi.
42:09 Et c'était mon ami, il est mort en 2016,
42:11 24 décembre 2016,
42:13 à l'âge de 19 ans, donc c'était très tôt.
42:15 Et le jour où ça s'est passé,
42:17 c'était pendant les vacances scolaires,
42:19 ça m'a fait un choc, en mode
42:21 faut que
42:23 tu réussisses ta vie.
42:25 Mais ça m'a donné
42:27 une certaine énergie, arriver à la rentrée,
42:29 j'étais dans mon coin normal,
42:31 traumatisé et tout, mais j'avais envie
42:33 d'arriver au bac et franchement,
42:35 je voulais le détruire
42:37 le bac au final, je l'ai eu avec Monsion,
42:39 Monsion bien, mais...
42:41 donc ça va."
42:43 Amounir vit toujours dans la cité.
42:45 Aujourd'hui, il étudie la finance,
42:47 en deuxième année de master.
42:49 "Début de journée là, Mounir?"
42:59 "Eh oui, début de journée,
43:01 au travail, 8h,
43:03 compte des millions de français, père de famille, mère de famille,
43:05 des jeunes."
43:11 Le quartier est encore endormi
43:13 à cette heure-ci.
43:15 Les choufs, les guetteurs du réseau
43:17 ne sont pas encore à leur poste.
43:19 Mounir, lui, part travailler
43:21 dans le centre de Marseille.
43:23 Il est en alternance dans une agence
43:25 de la banque postale.
43:27 "Moi, j'ai pas encore réussi,
43:31 j'habite toujours au même endroit,
43:33 j'ai mon bac, j'ai un travail,
43:35 j'ai un beau diplôme et tout,
43:37 mais j'espère qu'un jour, si j'arrive
43:39 à passer les échelons de la société,
43:41 pourquoi pas être un relais ?
43:43 Un relais, c'est-à-dire, justement,
43:45 ce que je t'ai expliqué, on peut taper à ma porte,
43:47 on peut dire "Mounir, aide-moi".
43:49 Par exemple, hier, j'ai fait un CV d'un ami à moi,
43:51 c'est rien, c'est rien du tout,
43:53 mais c'est quand même une aide
43:55 que c'est dur à trouver quand même,
43:57 parce qu'avant, c'est le centre social
43:59 qui s'occupait de faire les CV, etc.,
44:01 il a fermé.
44:07 - La petite sacoche, la chemise,
44:09 ça se sent un peu de l'image
44:11 que les gens ont d'un jeune, des pertenants.
44:13 - Ah, si tu te donnes les moyens,
44:15 tu peux faire ton parcours,
44:17 rencontrer les bonnes personnes,
44:19 essayer de taper aux bonnes portes,
44:21 pourquoi pas ?
44:23 - Si Mounir a pu en arriver là,
44:25 c'est grâce à une bourse d'études
44:27 de 550 euros par mois,
44:29 mais surtout à son salaire d'alternant,
44:31 1 600 euros mensuels.
44:33 - Salut. - Salut, Mounir, ça va ?
44:35 - Ça va, et toi ? - Oui, ça va.
44:37 - Il lui reste une année d'études
44:39 avant d'obtenir son diplôme.
44:41 - Ils sont combien, à venir, des quartiers Nord ?
44:43 - Oh, ils sont quand même pas mal,
44:45 puisque vous savez que le groupe La Poste
44:47 et la banque postale
44:49 est une banque citoyenne,
44:51 donc quand on recrute,
44:53 on ne recrute pas sur une adresse de domicile
44:55 et on recrute sur des compétences.
44:57 Moi-même, j'en suis issue,
44:59 donc voilà.
45:01 - Donc on peut s'en sortir.
45:03 - Oui, et en plus, avec des belles missions.
45:05 Investir dans la jeunesse et réinventer les lieux.
45:17 Aux habitants des quartiers Nord,
45:19 Emmanuel Macron a fait cette promesse
45:21 en septembre 2021.
45:23 Le président de la République
45:25 a annoncé un plan
45:27 de 150 millions d'euros
45:29 pour renforcer la police
45:31 contre le trafic du droit.
45:33 ...
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