L’invité éco du lundi 16 Octobre 2023

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00:00 La Vité ECO, Isabelle Raymond.
00:04 La conférence sociale se termine en ce moment au Conseil économique, social et environnemental.
00:09 Pour en parler avec nous Antoine Fouché, spécialiste des questions d'emploi.
00:13 Bonsoir.
00:14 Vous avez été notamment directeur de cabinet de Muriel Pénicaud au ministère du Travail entre 2017 et 2020.
00:21 Un des grands thèmes de cette journée, ce sont les bas salaires.
00:25 La CFDT et la CGT demandent que les aides publiques aux entreprises soient conditionnées à la mise à jour des grilles de salaire.
00:32 En gros que les exonérations de cotisations soient réservées à celles qui jouent le jeu, celles qui ont des grilles de salaire au-dessus du SMIC.
00:40 Sauf que le gouvernement n'y semble pas prêt. Est-ce que c'est normal ?
00:44 C'est normal dans le sens, même si ce que je vais dire peut choquer, c'est normal dans le sens où ça serait inconstitutionnel.
00:51 Je vous donne un exemple très pratique.
00:53 Une entreprise d'une branche qui ne joue pas le jeu, mais qui est l'entreprise, joue le jeu.
00:58 C'est-à-dire paye ses salariés au-dessus des minimas.
01:00 Elle n'y est pour rien si la branche ne joue pas le jeu.
01:02 Elle n'est absolument pas en faute.
01:03 Et pourtant, elle serait pénalisée par le fait qu'elle aurait moins ou plus d'allègements de charges sociales.
01:09 Et c'est pour cette raison que ce sujet-là, il est depuis une quinzaine d'années sur la table.
01:13 C'est un vrai sujet, mais la conditionnalisation de ces aides n'est pas la réponse.
01:20 Elle n'est pas opérationnelle.
01:21 Et donc, à un moment donné, que le gouvernement cherche des réponses opérationnelles et pas de "fausses réponses", c'est qu'il est dans son rôle.
01:28 Alors vous allez me dire que peut-être qu'il y a des vraies réponses, Antoine Fouché.
01:31 En attendant, il y a 60 branches professionnelles.
01:34 Ça fait plus de 4 millions de salariés où, alors pas toutes les entreprises, vous l'avez bien dit,
01:39 mais où il y a des salariés qui sont payés juste au niveau du SMIC.
01:43 Et cela pendant des dizaines d'années, puisque ce sont des grilles de salaire qui sont toutes au niveau du SMIC.
01:47 Il n'y a pas d'évolution du coup de salaire ?
01:50 Non, c'est vrai, et vous avez complètement raison.
01:52 Et donc, ça prouve que c'est un sujet.
01:54 Mais, un, vous l'avez dit vous-même, aucune entreprise en France n'a le droit de payer un salarié,
01:59 et c'est très bien comme ça, en dessous du SMIC.
02:02 Donc le SMIC est d'ordre public, ce qui veut dire que même quand vous avez des branches qui ont des minimas en dessous du SMIC,
02:07 ce minima ne s'applique pas.
02:09 Donc si vous revalorisez le minima au niveau du SMIC, ça ne changera rien,
02:12 puisque ces salariés qui sont heureusement au moins au SMIC, resteront au SMIC.
02:17 Et sur la question du tassement des grilles salariales,
02:20 c'est-à-dire sur le fait que vous avez en gros la moitié des salariés français
02:23 qui sont payés entre 1000 et 2000 euros net par mois,
02:26 ça c'est un autre sujet.
02:28 Bien sûr la grille aiderait, mais de toute façon, je vais vous prendre un exemple,
02:32 même si vous êtes payé sur ces salaires-là,
02:35 même si vous êtes payé 100 euros net de plus par mois,
02:38 ce qui est quand même beaucoup,
02:40 pour la plupart des gens, vous allez en rendre 39 en diminution de la prime d'activité
02:45 et 11 en impôt sur le revenu supplémentaire.
02:48 Et donc même si l'employeur fait l'effort de vous payer 100 euros net par mois de plus,
02:52 ce qui est quand même beaucoup, de toute façon dans votre poche, à la fin, la différence c'est 50.
02:56 Et ça, ça n'a rien à voir avec les minimas de branches.
02:59 Patrick Martin, président du Medef, a dit qu'il fallait préserver la compétitivité des entreprises
03:04 et donc pas toucher à ces exonérations de cotisations.
03:06 Elles coûtent tout de même 70 milliards d'euros aux finances publiques chaque année.
03:11 Oui, mais c'est la condition pour réduire le chômage,
03:14 parce qu'on peut essayer de rehausser à nouveau les cotisations sociales.
03:20 A chaque fois qu'on l'a fait, on a augmenté le chômage sur ces niveaux de qualifications-là,
03:24 parce que l'arbitrage se fait assez facilement.
03:27 Si ça devient trop cher, vous préférez soit ne pas embaucher,
03:30 soit embaucher un stagiaire, soit embaucher un apprenti,
03:33 soit embaucher un mi-temps, etc.
03:36 Et donc, du coup, ce sujet-là, me semble-t-il, il n'est pas contesté,
03:40 il est assez bien documenté, il est prouvé par quasiment la totalité des études.
03:45 Et donc, le sujet...
03:47 Il y a quand même les hauts salaires.
03:48 On a vu les exonérations de cotisations sur les hauts salaires, il y a quand même une discussion.
03:51 Mais ce n'est pas l'objet de cette conférence sociale.
03:53 Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT, dit que c'est une journée pour rien.
03:57 Finalement, pourquoi est-ce que le gouvernement,
03:59 pourquoi est-ce que la Première Ministre a convié comme ça les organisations syndicales
04:03 lors de ce grand rout, si finalement il n'en sort rien ?
04:06 Ça, c'est au gouvernement qu'il faut poser la question,
04:08 parce que je ne serais pas très loin de partager l'avis de Sophie Binet sur ce point.
04:12 Effectivement, la conférence sociale, elle est sortie de la rencontre de Saint-Denis,
04:19 du président de la République avec les chefs de parti.
04:21 Il fallait trouver quelque chose de concret.
04:24 C'est cette conférence sociale, notamment, qui est sortie.
04:27 Le gouvernement n'a eu qu'un mois pour la préparer.
04:30 Je pense qu'ils n'ont pas osé poser les vrais sujets sur la table.
04:33 C'est-à-dire le fait qu'en France, le travail ne permet plus de changer de niveau de vie.
04:37 Ils n'ont pas osé, et peut-être les organisations syndicales et patronales aussi,
04:41 n'ont pas eu le courage de poser les vrais sujets sur la table.
04:45 Ce que vous dites aujourd'hui, c'est que le travail, aujourd'hui, ne paye plus ?
04:48 Le travail ne permet plus de changer de niveau de vie.
04:50 Ce n'est pas moi qui le dis, chacun peut le regarder dans les statistiques de l'INSEE.
04:54 Depuis 10 ans, en fait, 10-15 ans, l'augmentation moyenne du pouvoir d'achat,
04:59 alors tout ça c'est des moyennes, je parle pour la majorité des gens,
05:02 heureusement il y a des exceptions, mais l'augmentation moyenne du pouvoir d'achat chaque année,
05:06 c'est à peu près un peu moins de 1%.
05:08 Ce qui veut dire que pour doubler son niveau de vie, il faudrait travailler 70 ans.
05:12 Dans les années 50-60, on doublait son niveau de vie tous les 15 ans.
05:16 A la fin du XXe siècle, on doublait son niveau de vie à peu près en une année de travail.
05:21 Aujourd'hui, on ne peut plus changer de niveau de vie.
05:23 La majorité des gens ne change pas son niveau de vie en travaillant.
05:27 C'est la première fois depuis 1945.
05:29 C'est pour ça que le sujet est massif.
05:31 C'est pour ça que faire une conférence sociale sur ce sujet, c'était une bonne idée.
05:35 Mais il fallait, me semble-t-il, c'est un peu facile de le dire de là où je suis,
05:38 mais avoir collectivement le courage de mettre les données du problème sur la table pour espérer les traiter.
05:44 Et donc, en un mot, votre solution miracle ?
05:48 Ce n'est pas une solution miracle, c'est très difficile.
05:51 Puisque le travail ne permet plus de changer de niveau de vie,
05:54 parce que les gains de productivité sont moins forts et la transition énergétique va faire que ça va encore se prolonger,
06:01 la seule manière de permettre au travail de mieux payer, c'est d'alléger les charges,
06:06 pas payées par les patrons, payées par les salariés,
06:08 et d'alléger l'impôt sur le revenu, pas payé par les patrons, payé par les salariés,
06:12 pour que, pour le même travail que vous faites, vous ayez davantage sur votre compte en banque.
06:17 Mais ça, pour faire ça, il faut alléger les cotisations salariales, salariales, pas patronales, salariales,
06:23 et pour faire ça, il faut trouver des économies ailleurs.
06:25 Un exemple d'économie, arrêter de revaloriser chaque année les pensions de retraite au niveau où c'est fait.
06:31 Je prends l'exemple juste cette année, 14 milliards d'euros, c'est l'équivalent de la suppression totale de la première tranche de l'impôt sur le revenu,
06:37 qui ne sera pas pour les actifs, ça sera pour les retraités, c'est un choix politique qu'on peut regretter.
06:41 Merci, beaucoup de quoi alimenter le débat.
06:43 Antoine Fouché, spécialiste des questions d'emploi, président de Quintet Conseil, invité à écouter France Info ce soir.

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