Anne Fulda reçoit Arnaud Gallais pour son livre «J’étais un enfant» dans #HDLivres
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00:00 Bienvenue à l'heure des livres, Arnaud Gallet.
00:02 Bonjour.
00:02 Bonjour.
00:03 Vous êtes anthropologue de formation, mais vous êtes aussi quelqu'un qui est très engagé dans la lutte contre les violences faites aux enfants.
00:10 Vous êtes membre de la CIVIS, c'est la Commission sur l'inceste et les violences sexuelles faites sur l'enfant.
00:16 Vous êtes aussi président de Mouv'Enfant.
00:18 Et vous venez de publier un livre qui s'appelle "J'étais un enfant", paru chez Flammarion.
00:24 C'est un livre témoignage, comme celui de quelqu'un qui a subi les violences sexuelles et celui qui est aussi devenu un militant, un activiste.
00:34 Parce que vous-même, effectivement, c'est ce que vous racontez.
00:36 Vous avez été violé enfant, c'était un inceste, puisque c'était un grand-oncle prêtre missionnaire.
00:42 Et aussi, vous avez été violé par des cousins.
00:45 Une expérience terrible, qui est partagée par d'autres chaque année, hélas.
00:51 Pourquoi, qu'est-ce qui vous a décidé à en parler publiquement ? Parce que ce n'est pas rien.
00:56 Oui, tout à fait. Alors, ce qui m'a décidé, c'est parce que j'étais un enfant.
01:00 C'est un enfant parmi 160 000 enfants chaque année victime de violences sexuelles.
01:05 C'est un enfant parmi 2-3 enfants par classe qu'on décompte aujourd'hui tristement au niveau des classes.
01:12 Et pour moi, c'est un peu un cri d'alarme.
01:14 C'est-à-dire en me disant "voilà, j'ai été victime".
01:15 Et quand on se rend compte que c'est un peu partout, comme vous le disiez à juste titre,
01:20 je pense qu'au bout d'un moment, notre devoir d'adulte, pas seulement de survivant de violences sexuelles,
01:26 mais notre devoir d'adulte, c'est-à-dire d'être là pour protéger les enfants,
01:29 c'est aussi à un moment donné de prendre cette parole-là et de se dire
01:32 "au bout d'un moment, maintenant, ça suffit, il faut agir,
01:34 il faut absolument que la protection des enfants soit une priorité".
01:37 Et donc, vous l'avez bien dit, c'est-à-dire que c'est et mon témoignage,
01:39 qui montre bien d'une certaine manière, à mon sens, que j'aurais pu éviter un certain nombre de violences.
01:44 Les adultes autour de moi auraient pu réagir.
01:46 Je n'ai pas du tout d'amertume ou quoi que ce soit.
01:48 Ce que je veux à présent, c'est qu'on vienne protéger les enfants
01:51 et se dire que si ce système-là, on n'en veut plus, il faut que les choses changent.
01:53 Et pour que ça change, il faut un peu de, beaucoup d'ailleurs, de volonté politique.
01:57 Et on voit bien qu'aujourd'hui, il y a très peu de volonté politique en la matière.
02:00 - Alors, pour que les choses changent, il faut que les enfants osent parler,
02:03 les enfants qui sont victimes de violences osent parler,
02:06 et qu'ils aient une oreille réceptive.
02:08 Parce que vous parlez de votre cas et vous vous avouez,
02:12 parce que ce n'est pas vous qui êtes en tort,
02:14 même si beaucoup d'enfants se sentent souvent coupables à tort.
02:17 - Bien sûr.
02:18 - En face, quand à 19 ans, vous expliquez ce qui vous est arrivé,
02:21 vos parents sont plus guère réceptifs.
02:24 - Alors, ce que montrent les travaux, notamment de la Commission indépendante
02:26 sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants,
02:28 ce dont je parle également dans mon livre, c'est que finalement,
02:30 les enfants parlent dans la majorité des cas.
02:32 95 % d'entre eux parlent.
02:35 En réalité, c'est l'écoute et les actions qu'il faut libérer.
02:38 Et c'est ça qui est terrible.
02:39 C'est-à-dire qu'on se rend compte que le grand réflexe qui est,
02:41 on a fait deux ans d'appel à témoignages, 27 000 témoignages,
02:45 92 % des témoignages disent que les enfants ont été crus,
02:51 quasiment tout le temps d'ailleurs, certains pas crus,
02:53 mais la majorité crues, mais pas protégés.
02:55 C'est ça le sujet aujourd'hui.
02:57 C'est-à-dire, les enfants parlent.
02:59 La logique, entre guillemets, ou du moins le fantasme du secret des enfants,
03:03 je ne dis pas que ce n'est pas vrai, mais quand même,
03:05 je dis que les enfants parlent, ils s'expriment soit avec des mots,
03:07 soit avec ce que je dis aussi dans mon livre,
03:10 je dirais leur comportement, etc.,
03:12 tous ces trucs-là qui devraient attirer notre attention
03:15 et ça passe sous les radars.
03:17 - Alors justement, ces comportements, peut-être que c'est votre rôle à vous aussi
03:20 de dire quand des parents, lorsque évidemment les violences sexuelles
03:25 ne viennent pas de parents proches, parce que ça arrive,
03:28 quels sont les signes d'alarme ?
03:30 Un enfant qui décroche, un enfant...
03:32 - Oui, c'est ça, tout à fait.
03:33 C'est-à-dire que ça peut être une chute brutale des résultats scolaires,
03:37 ça peut être aussi un comportement...
03:39 Enfin, moi j'avais beaucoup de troubles au niveau de la discipline,
03:42 j'avais du mal à rester assis, pour dire la chose de manière très simple.
03:45 Ça peut être aussi, au bout d'un moment,
03:47 vous voyez, moi j'ai une déficience respiratoire,
03:49 bref, il y a un tas de faisceaux qui, combinés, mis bout à bout,
03:52 devraient attirer notre attention, là où jusqu'alors,
03:55 moi dans mon cas, en l'occurrence, l'école,
03:59 ça a été de me dire, au bout d'un moment, voie de garage,
04:01 parce que d'une certaine manière, je ne rentrais pas dans les cases.
04:03 Et bien, quand on ne rentre pas dans les cases,
04:05 interrogeons-nous collectivement,
04:07 c'est pas tant l'enfant qui ne rentre pas dans les cases,
04:09 c'est nous en fait qui avons du mal à les cocher.
04:10 Et je pense que ça, c'est important.
04:11 - Alors vous écrivez "J'aurais pu mourir",
04:13 vous l'avez dit tout à l'heure, vous êtes un survivant,
04:16 ce qui vous a sauvé, c'est des rencontres providentielles,
04:19 comme celle de ce proviseur dont vous parlez, M. Cohen, par exemple ?
04:21 - Tout à fait, ça c'est pour moi des choses importantes.
04:23 - C'est l'école en fait, d'ailleurs, c'est par l'école.
04:25 - Ce livre, c'est une question effectivement,
04:27 tragique malheureusement, avec le vécu de beaucoup de personnes,
04:30 à savoir, quand on est victime de violences sexuelles,
04:33 on a l'impression de mourir, quoi, directement,
04:35 tellement que c'est violent.
04:36 Et puis ce sont aussi ces belles rencontres
04:38 comme que je suis aujourd'hui, je pense notamment à M. Cohen,
04:40 vous l'avez dit à juste titre, c'est vraiment une personne
04:42 très importante pour moi, puisque c'était ce proviseur-là,
04:45 où théoriquement j'aurais dû être dans un lycée,
04:48 où on mettait un peu toutes les personnes au niveau de l'école,
04:51 qui avaient un peu de mal à rester un peu sur les bancs,
04:54 si je peux dire les choses comme ça,
04:56 et qui lui avait les soucis de nous accueillir,
04:58 il connaissait tous nos prénoms, je dis, il connaissait tous nos prénoms,
05:00 on était plus de 1 200, et il avait un souci de faire la discipline,
05:03 sans être, je dirais, avec la matraque ou quoi que ce soit,
05:05 mais vraiment la réflexion, il se mettait à hauteur d'enfant.
05:07 Et je pense que c'est une personne qui pour moi a été,
05:09 d'une grande force, cette sagesse qui m'a permis d'être ce que je suis aujourd'hui.
05:14 - Oui, alors comme quoi, il y a des choses qui progressent,
05:17 il y a eu des rapports, il y a vous-même,
05:19 il y a des associations qui se montent.
05:21 En tout cas, je vous conseille de lire ce livre qui s'appelle
05:24 "J'étais un enfant", c'est paru chez Flammarion, pardon.
05:28 Merci beaucoup Arnaud Calais. - Merci à vous.
05:30 - Merci à vous.
05:31 (Générique)