A Bordeaux en 2025, Gilles, romancier humaniste sur le déclin, partage la garde de sa fille Chloé. Il se retrouve convoqué à l’école pour les propos racistes que son enfant de 5 ans aurait tenus dans la cour de récréation. La directrice lui annonce que Chloé va devoir être soumise à des tests psychologiques exigés par l’administration. Mais Gilles refuse de donner son accord et se voit retirer la garde de sa fille. Soutenu par une jeune journaliste conservatrice et un sulfureux magistrat à la retraite, il s’engage alors dans une lutte qui le conduira à la radicalité. "Un vent les pousse", le dernier roman de Frédéric Bécourt, décrit une société française post-covid où rien n'a changé mais où tout est différent...
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00:00 Quelques jours, quelques petits jours avant le 31 pour inverser la tendance.
00:05 C'est maintenant que tout se joue pour TVL.
00:07 Emporter l'adhésion de nos téléspectateurs ou se retrouver en septembre avec à la place de nos programmes, ceux-là.
00:13 Notre modèle économique garant de notre liberté est difficile et exigeant parce que sans votre aide à tous, tout s'arrête.
00:24 Mais tout cela ne peut pas s'arrêter, c'est notre certitude et j'espère que c'est aussi la vôtre.
00:29 Alors aidez TVL, mobilisez-vous, mobilisez vos proches, aidez TVL parce que forcément, la liberté a un prix.
00:37 (Générique)
01:00 Bonjour à tous. Bienvenue dans notre Zoom aujourd'hui en compagnie de Frédéric Bécourt. Bonjour monsieur.
01:05 Bonjour. Frédéric Bécourt est écrivain. Son dernier roman, le voici, "Le Vent".
01:11 Un vent, elle épouse. C'est aux éditions Acro à retrouver cet ouvrage, comme d'habitude, sur la boutique de TV Liberté.
01:21 Alors l'intrigue du livre, je vais la résumer rapidement pour ensuite tourner autour des idées que vous développez dans votre ouvrage.
01:30 Donc, ça se passe à Bordeaux en 2025. Gilles, romancier, humaniste, sur le déclin, partage la garde de sa fille Chloé.
01:39 Il se retrouve convoqué à l'école pour les propos racistes que son enfant de 5 ans aurait tenus dans la cour de récréation.
01:46 La directrice lui annonce que Chloé va devoir être soumise à des tests psychologiques exigés par l'administration.
01:53 Mais Gilles refuse de donner son accord et se voit retirer la garde de sa fille.
01:58 Soutenu par une jeune journaliste conservatrice et un suffureux magistrat à la retraite,
02:03 il s'engage alors dans une lutte qui le conduira à la radicalité.
02:07 Alors justement, le cas de ces pères qui se voient retirer la garde de leur enfant se multiplie depuis des années.
02:16 On le voit dans la presse, dans les médias. Comment vous expliquez ce traitement des pères par la justice française ?
02:24 Je pense qu'il y a un élément global qui est la judicialisation de la vie privée.
02:31 Ça s'est inséré dans nos vies. Le moindre accroc, le moindre incident avec un voisin, avec un conjoint,
02:41 et tout de suite, la machine judiciaire est lancée.
02:46 Et on peut aussi dire que l'image du père a beaucoup changé depuis ces dernières années
02:55 et qu'aujourd'hui, on attend davantage du père qu'il soit une deuxième mère.
03:01 Et lorsqu'il manque à ses devoirs, j'allais dire, de présence et de maternalisme,
03:12 lorsqu'il n'est pas aux attendus, il y a une envie de sanction.
03:18 Il y a un besoin peut-être de désacraliser le père, la notion généralement entendue de père,
03:29 pour en faire une deuxième mère. Peut-être qu'il y a quelque chose comme ça qui se joue là-dedans.
03:34 L'école française est aussi au cœur de votre ouvrage.
03:37 Elle est de plus en plus infiltrée par des officines antiracistes.
03:41 Et Wauke, dans votre ouvrage, on voit cette petite fille qui aurait tenu des propos racistes,
03:46 insupportables, épouvantables, et que c'est remonté aux oreilles de la directrice
03:51 qui va devoir déclencher un protocole, je ne sais plus comment ça s'appelle,
03:55 racisme, sexisme, homophobie, transphobie, RSHT.
04:00 Et c'est aussi le cas dans l'école, on voit aujourd'hui des transsexuels
04:05 arriver dans les écoles et raconter des histoires aux enfants,
04:09 où des officines antiracistes allaient dans le sanctuaire qui devrait être l'école.
04:15 Vous en pensez quoi de cette insertion, de ce viol du temple qu'est l'école ?
04:23 – C'est intéressant que vous parliez de ce viol.
04:26 C'est vrai que l'école n'est plus sanctuarisée,
04:30 elle est ouverte à tous les vents, et comme elle a de plus en plus de mal,
04:36 peut-être qu'elle ne le veut pas aussi,
04:38 mais à assurer sa mission initiale de transmettre les savoirs fondamentaux,
04:43 elle a du temps disponible et elle laisse entrer évidemment tout ce que la société
04:50 veut faire passer comme valeur à l'école.
04:54 Et évidemment elle est un enjeu pour toutes les influences politiques
04:59 qui veulent s'exercer, dès lors qu'on peut rentrer à l'école
05:02 et mettre des idées dans la tête des enfants, évidemment c'est intéressant.
05:07 Donc voilà, je pense qu'il y a deux choses,
05:11 c'est que l'école a cessé elle-même de vouloir être un sanctuaire,
05:16 et puis elle est devenue l'enjeu pour une quantité de lobby,
05:21 un enjeu d'influence, une zone d'influence importante.
05:25 – Vous évoquez aussi la crise Covid, je vous cite,
05:28 "une casse invisible mais généralisée, presque anthropologique,
05:33 même si rien n'avait changé, tout était différent".
05:37 Désormais, qu'est-ce qui est différent à vos yeux alors depuis ?
05:41 – C'est vrai que tout le monde est revenu à sa vie d'après,
05:44 on a fait comme si on avait tous oublié le Covid,
05:46 mais il me semble qu'on peut voir autour de nous encore,
05:49 qu'il reste des traces.
05:50 – Et en plus, c'est ce que vous dites, cette volonté d'amnésie.
05:53 – Oui, c'est ça, on l'a oublié, mais comme par hasard,
05:57 on ne se sert plus la main, un homme qui croise une femme dans la rue,
06:02 ou qui le connaît, ne va pas spontanément aller vers elle
06:05 pour lui faire une bise, tout ça ce sont des gestes
06:08 qu'on a tranquillement, sans s'en apercevoir,
06:10 qu'on a retirés de notre vie quotidienne.
06:13 Et pour ne plus les remettre.
06:15 Et on voit dès que quelqu'un a un rhume,
06:18 il ne veut pas contaminer ses collègues de travail ou sa famille,
06:22 donc il va mettre un masque.
06:23 On ne l'aurait jamais fait avant, on était enrhumé, on disait "excusez-moi",
06:27 on se toussait dans son coude, mais maintenant on a acquis des réflexes,
06:32 et en plus au-delà de ça, il y a un repli,
06:35 il y a un repli sur soi quasi général,
06:38 les périodes de confinement ont fait de la casse en effet,
06:42 les gens se sont éloignés les uns des autres,
06:45 et il y a en fait une perte de relations humaines,
06:49 quotidiennes, que l'on peut percevoir tous les jours
06:53 quand on sort de chez soi.
06:55 – Ce monde d'avant n'est plus le même aujourd'hui,
06:58 ce monde, notre monde a changé,
07:01 c'est vrai que la majorité des gens ne veulent pas s'en rendre compte,
07:04 ne veulent pas le voir,
07:06 c'est une espèce d'apathie intellectuelle dans la société,
07:10 vous l'expliquez comment cela ?
07:12 – Alors au-delà du Covid, c'est vrai que la technologie joue beaucoup,
07:17 donc avec les portables évidemment, avec Internet,
07:20 tout le monde a tendance à s'isoler,
07:23 et à devenir insensible au sort de ses voisins,
07:29 des membres de sa famille, de ses collègues de travail,
07:33 on est sur soi-même, sur son devenir,
07:36 on pense à soi, éventuellement à son foyer, à ses enfants,
07:40 et puis ça s'arrête là, le champ social s'est rétréci,
07:45 la bulle sociale, qu'avant on pouvait comprendre
07:48 autour d'un individu peut-être de 20 à 50 personnes
07:51 qui socialement représentaient son groupe,
07:53 aujourd'hui le groupe social autour d'un individu
07:56 il est réduit au strict minimum,
07:57 parfois 2, 3 personnes, parfois c'est lui tout seul,
08:00 et ça c'est un élément de l'époque,
08:03 c'est-à-dire une atomisation finalement des individus.
08:07 – Vous racontez aussi dans votre roman
08:09 comment votre héros a dû, il est un ancien professeur
08:12 mis en disponibilité de l'éducation nationale
08:17 pour devenir romancier,
08:19 comment il a dû exalter les valeurs de la République
08:21 après l'attentat de Charlie, vous écrivez ceci,
08:24 "il fallait alors se proclamer Charlie
08:26 ou rejoindre le clan des barbares",
08:29 comment vous percevez ces injonctions du pouvoir
08:32 à choisir absolument son clan toujours ?
08:36 – Oui, de manière générale, il faut réduire
08:41 le libre arbitre au strict minimum,
08:43 c'est aujourd'hui une tendance de fond,
08:48 le libre arbitre coûte cher, il est imprévisible,
08:54 donc on essaye de le réduire au maximum,
08:58 mais évidemment aujourd'hui,
09:01 il faut très rapidement se positionner
09:04 dès lors qu'un événement survient,
09:06 et il faut se positionner dans le bon camp,
09:09 il ne faut pas trop hésiter,
09:12 il ne faut pas trop réfléchir au contexte,
09:15 il faut rapidement se positionner,
09:17 et si on ne le fait pas à ce moment-là,
09:19 l'absence de positionnement vous positionne dans l'autre camp.
09:22 Donc de toute façon, même si vous ne vous positionnez pas,
09:24 vous serez positionné quelque part par le groupe.
09:27 Donc voilà, il faut être charlie,
09:30 il fallait être charlie, parce que si on ne l'était pas,
09:33 à ce moment-là, on était dans l'autre camp.
09:36 Il n'y a pas de juste milieu,
09:38 aujourd'hui, il n'y a pas de distance,
09:41 il n'y a pas de regard distancié sur les choses,
09:45 on est de toute façon impliqué,
09:47 parfois à son corps défendant,
09:49 mais on est soit dans un camp, soit dans un autre,
09:51 on ne peut pas être ailleurs.
09:53 – Il faut ignorer le doute, il faut ignorer la pensée complexe,
09:56 il faut ignorer rien que la question.
09:59 – Oui, oui, c'est pas…
10:00 – Il faut admettre, accepter.
10:02 – L'époque admet mal de prendre du recul sur les choses,
10:06 de pondérer, de les resituer dans leur contexte,
10:09 éventuellement de peser le pour et le contre.
10:14 La complexité aujourd'hui, comme le débat,
10:19 comme l'esprit critique, est un ennemi.
10:22 Aujourd'hui, il faut aller à la simplicité, à l'automatisme,
10:25 au synthétique.
10:26 Donc voilà, c'est le monde dans lequel on vit,
10:30 donc j'essaie modestement de rendre compte du monde dans lequel on vit
10:35 et de donner un peu une photo de la société aujourd'hui.
10:38 – Vous évoquez la lutte fondamentale pour le droit à la critique,
10:41 le droit de penser différemment.
10:44 C'est un petit peu l'ADN de la France,
10:47 l'esprit cartésien d'analyse des faits et d'une pensée propre.
10:52 – Oui, c'est ça, logiquement, on est dans un pays
10:57 qui a toujours questionné le monde,
11:01 qui a toujours eu une pensée complexe,
11:06 qui a toujours interrogé le monde.
11:10 Et aujourd'hui, on est condamné à suivre des injonctions sociétales
11:16 qui parfois viennent d'ailleurs, qui parfois nous échappent.
11:21 Mais voilà, on n'a plus le choix, on est pris dans un mouvement.
11:25 C'est pour ça que le livre s'appelle "Un vent les pousse",
11:28 ça provient d'une citation d'André Suarez
11:31 qui dit que les sables humains, en fait,
11:35 ne savent pas le mal quand ils le font,
11:38 simplement un vent les pousse.
11:40 Et donc les gens sont censés agir
11:43 comme s'ils étaient portés par le vent.
11:46 – L'un de vos personnages dit ceci,
11:48 "il a fallu apprendre à vivre avec les masques
11:51 et avec les attaques terroristes.
11:53 La lâcheté, c'est la seule boussole de nos élites.
11:56 Ceux qui refusent le fatalisme sont traités d'extrémistes et de complotistes."
12:01 Comment vous l'analysez, cette lâcheté des élites ?
12:05 Leur fatalisme permanent ?
12:07 – Ça, c'est aussi le point de vue d'un personnage.
12:10 Et ce que j'ai voulu aussi montrer, c'est que mes personnages,
12:14 en fait, avaient finalement une manière de voir le monde
12:18 qui, là aussi, était très polarisée.
12:20 C'est-à-dire que ce personnage est convaincu
12:23 que les élites le poussent à ce fatalisme,
12:31 mais il met un peu les élites un peu toutes ensemble,
12:35 dans le même panier.
12:37 Et ça aussi, c'est un mouvement global que l'on observe.
12:43 Il y a une simplification aussi, dans ce sens-là,
12:47 de vouloir dire que les élites poussent au fatalisme.
12:51 Il y a quelque chose comme ça, mais c'est peut-être plus complexe.
12:55 Mais encore une fois, dans ce roman, j'ai essayé
12:58 de rassembler un peu des points de vue que l'on entend autour de soi.
13:02 Et celui-là en est un, par exemple, qu'on entend souvent.
13:05 – Vous allez aussi sur le fait que les gens s'entrechoquent
13:09 les uns les autres dans le conditionnement qui est le leur.
13:12 – Oui.
13:13 – Le conditionnement sociologique, politique.
13:16 – C'est ça. Ça rejoint la discussion qu'on a eue sur l'école.
13:19 C'est-à-dire que l'école ne remplit plus forcément son rôle initial
13:25 et laisse les jeunes gens à la sortie avec, finalement,
13:31 j'allais dire, un cerveau disponible et neutre,
13:34 et finalement assez peu marqué.
13:36 Ils n'ont retenu que très peu de choses de leur parcours scolaire.
13:39 Et souvent, ils vont être disponibles aux diverses idéologies
13:43 qu'ils vont fréquenter.
13:44 Ça va venir des gens qu'ils auront côtoyés,
13:46 des choses qu'ils auront vues sur Internet.
13:49 Ils vont rejoindre un groupe, un groupe idéologique,
13:52 dans lequel ils vont se forger une opinion.
13:54 Et après, une fois que cette opinion sera forgée,
13:57 elle va aller s'entrechoquer avec les opinions des autres,
14:00 mais jamais dans la critique ou dans la discussion ou dans le débat,
14:05 mais plutôt dans la confrontation.
14:07 – Oui, il faut remporter la discussion,
14:10 il ne faut pas s'élever ensemble, il faut néantir l'autre.
14:13 – C'est ça, on connaît le fameux biais de confirmation.
14:16 Donc on va rechercher des avis qui sont les mêmes que les nôtres,
14:20 qui vont nous fournir des éléments ou des éléments de langage
14:23 pour pouvoir répondre à tel ou tel sujet.
14:25 Et donc on va répondre de manière automatique.
14:27 Lors d'une confrontation, on va recevoir un argument,
14:30 on va y répondre de manière automatique avec un élément de langage
14:33 que l'on aura récupéré de divers groupes qu'on aura fréquentés ou sur Internet.
14:37 Mais la discussion, l'échange, la remise en question, ça ce n'est plus le cas.
14:43 – Alors justement, vous citez dans votre roman, Frédéric Bécourt,
14:46 les travaux du politologue américain Joseph Overton,
14:50 qui avait observé l'impact des manipulations médiatiques
14:54 sur l'évolution de nos sociétés.
14:57 Est-ce que vous pouvez nous expliquer comment ça marche ?
14:59 Qu'est-ce qu'il a démontré Overton ?
15:01 – Oui, alors c'est maintenant relativement connu,
15:04 mais c'est vrai qu'Overton a démontré que pour arriver,
15:07 pour faire avancer des idées, il fallait décaler à chaque fois une fenêtre,
15:13 donc ça s'appelle la fameuse fenêtre d'Overton,
15:15 c'est-à-dire commencer par évoquer des sujets,
15:19 des possibilités qui paraissent complètement extrêmes, voire absurdes,
15:26 pour faire avancer petit à petit la société et les médias
15:31 vers des positions intermédiaires qu'ils jugeraient davantage acceptables.
15:35 Et donc ça, ça a été fait à différentes époques,
15:38 et on le voit aujourd'hui, c'est couramment à l'œuvre,
15:42 on va dire des énormités volontiers sur tel ou tel sujet, l'écologie ou autre,
15:48 et pour essayer de faire avancer un petit peu le champ du débat dans son sens,
15:55 pour qu'une position un peu moins absurde, un peu moins extrême,
16:00 paraisse comme raisonnable.
16:02 – Oui, le meilleur ami de votre héros est un personnage rondouillard, sympathique,
16:08 il a un rapport particulier à la vie, il dit,
16:11 il en parle de la vie comme d'un truc loufoque, grossier et pas très profond,
16:17 finalement, qu'est-ce que ça vous évoque ce rapport à la vie qu'il a lui ?
16:21 – Il est intéressant parce que c'est un personnage qui vit un peu
16:25 comme si le monde n'avait pas changé depuis ces 20-30 dernières années,
16:29 pourquoi ? Parce qu'il vit en province, il vit…
16:33 – C'est un bourgeois.
16:34 – C'est un petit bourgeois de province, il travaille dans une grande société,
16:37 je crois de l'aéronautique, dans laquelle finalement tout le monde progresse,
16:42 les augmentations de salaires sont tous les ans répétées,
16:46 on est assez loin de la compétition économique,
16:49 donc les dégâts de la crise économique se répercutent assez peu
16:54 sur ces typologies d'individus, et donc en fait, il vit dans des sortes de cocon,
16:59 et il continue à vivre comme il vivait il y a 30 ou 40 ans,
17:03 et à s'imaginer que le monde ne change pas,
17:07 et à se bercer un peu d'illusions, et ce qu'ils veulent,
17:10 c'est qu'ils pensent à leur carrière, à leur avancement,
17:13 ils veulent que leurs enfants aient, comme eux, dans le même type de schéma,
17:18 et voilà, ils se coupent là aussi d'une réalité,
17:22 ils se coupent de la communauté nationale, j'allais dire,
17:27 ils ne voient plus forcément leurs compatriotes qui sont dans la détresse,
17:35 ils passent à côté sans vraiment les voir,
17:39 donc ça aussi c'est un des dégâts de l'époque,
17:43 le Covid a certainement pas aidé.
17:45 – Votre référentiel, je vous cite, est coincé,
17:49 alors c'est un personnage qui s'adresse à un autre,
17:51 il dit ceci, "Votre référentiel est coincé au XXème siècle,
17:54 la Vème République est dévoyée depuis 30 ans,
17:57 avec le traité de Maastricht, il n'y a plus deux blocs politiques qui s'affrontent,
18:01 notre pays est administré de l'extérieur par une puissance étrangère,
18:06 vous évoquez un régime féodal, la Davocratie, c'est quoi la Davocratie ce terme ?
18:12 – Alors c'est un terme qu'on retrouve souvent,
18:15 justement ce personnage de Bizon a fait,
18:19 donc toute sa culture s'est fait une idée du monde sur internet,
18:24 et il a repris un certain nombre d'éléments de langage,
18:27 et notamment ces concepts de Davocratie qu'on retrouve assez communément.
18:33 – Il est devenu survivaliste Bizon.
18:35 – Oui c'est ça, et donc oui, il y a cette idée que l'État,
18:42 comme l'État est un peu démissionnaire dans toutes ses missions régaliennes,
18:46 et que les gens s'en rendent compte au quotidien,
18:48 ils voient bien qu'il n'y a plus de policiers dans les rues,
18:50 ils voient bien que les fonctions régaliennes de l'État
18:54 ne sont plus nécessairement remplies,
18:56 et donc ils se disent, en fait le pays n'est plus administré réellement,
19:02 et il est piloté depuis Bruxelles par des lobbies
19:06 et des puissances économiques qui sont à l'œuvre.
19:10 Et donc ça c'est un courant de pensée qui est très fort,
19:13 et qui est aujourd'hui assez communément répandu dans la société,
19:19 chez beaucoup de gens qu'on a vus dans les mouvements de gilets jaunes etc.
19:25 Donc c'est pour ça que ce personnage de Bizon,
19:27 je n'ai pas voulu qu'il soit caricatural, au contraire,
19:31 je voulais qu'il soit plutôt emblématique d'une certaine France
19:36 qui fait sécession quelque part.
19:39 – Alors justement sur l'oubli de l'État, de ses fonctions régaliennes,
19:44 vous dites, ça dépend qui on est,
19:46 il y a un acharnement de l'État contre les Français ordinaires,
19:50 et de l'autre il y a un laxisme judiciaire envers les criminels.
19:54 Donc c'est à double tranchant la lecture de cet État omniprésent.
20:00 – Voilà, encore une fois…
20:01 – Il y en a chez qui il est absent, et d'autres il est trop présent.
20:04 – Exactement, c'est-à-dire qu'il y a beaucoup de gens
20:08 qui ont comme ça cette pensée que l'État est fort avec les faibles,
20:13 et faible avec les forts, et donc c'est un discours là aussi
20:17 qui revient très souvent, on ne fait rien contre les criminels,
20:21 en revanche le Français moyen, lui, subit l'acharnement de l'État.
20:25 Donc ça c'est aussi quelque chose qui est communément repris,
20:29 donc j'ai voulu que ce soit aussi dans le livre.
20:31 – Alors il y a aussi ce personnage, le juge Keller, il est à la retraite,
20:36 il est athée, homosexuel, personnage complexe, il dit ceci,
20:40 "dès lors qu'une civilisation ne sacralise plus que la dimension matérielle
20:45 de l'univers, on bascule dans l'immanence et alors c'est la fin".
20:49 Et donc à l'opposé de ce triomphe du matérialisme,
20:53 il y a la transcendance, pour lui la transcendance elle est vitale.
20:57 – Oui, oui, ce personnage du juge Keller est très intéressant,
21:03 et j'ai pensé, en l'écrivant, j'ai pensé à M. Wynne de Bernanos,
21:09 c'est-à-dire c'est un personnage complexe qui peut incarner le mal
21:14 par pas mal d'aspects, et notamment par le fait qu'il est séduisant,
21:18 et par le fait qu'il pose des questions existentielles profondes
21:22 qui bouleversent chacun d'entre nous.
21:24 Et en effet, il met Gilles, le héros du roman,
21:28 il le met face à cette question de la transcendance,
21:34 et quelque part, est-ce que ce n'est pas exactement la question
21:42 qui doit tous nous préoccuper, et derrière laquelle on se cache,
21:49 qu'on refuse d'affronter, quand on est sur nos téléphones,
21:52 quand on est en train d'être distrait communément
21:56 par toutes nos petites distractions quotidiennes,
21:58 est-ce qu'on ne veut pas se masquer finalement cette question-là ?
22:04 – Oui, il y a une espèce de dualité dans la modernité de ce personnage,
22:08 Gilles, vous dites "il craignait trop Dieu pour le blasphémer,
22:13 mais pas assez pour songer à lui plaire".
22:15 – Oui.
22:16 – C'est "j'y crois mais…
22:19 – Exactement.
22:20 – Il ne veut pas être totalement de son côté.
22:22 – Exactement, il est ému lorsqu'il se rend dans des lieux de culte,
22:26 et il ne sait pas pourquoi.
22:28 – Une émotion sincère en entrant dans une église, il dit.
22:32 – Oui, mais il ne veut pas se poser vraiment de questions,
22:34 il ne veut pas se dire "peut-être que là, je suis en train de toucher
22:36 à quelque chose d'important".
22:37 – Parce que ça le terrorise ou quoi ?
22:38 – Parce que oui, beaucoup de gens sont terrorisés
22:41 par l'idée de se poser des questions existentielles
22:44 de savoir quel est le sens de la vie et de la mort,
22:50 et ce qui nous amène là, et quel est le sens de notre existence.
22:54 – Quand vous regardez la télé et de quoi vous bouffez dans le frigo,
22:56 tout va bien.
22:57 – C'est ça, on est amené à surtout ne jamais se poser ces questions-là,
23:02 et dès lors qu'elles peuvent affleurer, on essaye tout de suite de les repousser.
23:06 Donc oui, en ça, il est tout à fait commun avec beaucoup de gens
23:10 qu'on côtoie tous les jours.
23:13 – Et vous évoquez aussi une France cachée sous les radars,
23:16 une France désenchantée, rebelle et persévérante,
23:20 une France enfouie, irrationnelle et incohérente.
23:24 Mais elle est où alors cette France ?
23:27 C'est quoi cette France que vous décrivez ?
23:29 – C'est une France qui est en dessous des radars,
23:33 à laquelle on ne s'intéresse peu ou pas,
23:37 que lorsqu'il y a des faits divers ou lorsqu'elle se met à occuper des ronds-points,
23:42 mais la plupart du temps, elle n'intéresse personne.
23:46 Et elle, elle cherche, elle est en demande en fait.
23:50 Elle est en demande d'État, elle est en demande de sens,
23:53 elle est en demande d'ordre,
23:56 et en fait, elle n'a rien de tout ça, donc elle s'organise.
24:00 Et parfois, de manière totalement, comme dans le livre,
24:04 totalement, j'allais dire, farfelue et même dangereuse.
24:09 Mais on ne peut pas lui retirer cette sincérité
24:14 à vouloir retrouver une dignité.
24:18 Voilà, et je pense que c'est ce qu'on ressent,
24:22 je pense, quand on lit ce roman, c'est que
24:26 il n'y a pas vraiment de méchant, il n'y a pas de gentil,
24:29 mais il y a des gens un peu perdus et qui cherchent le sens.
24:33 – Ce passage, pour terminer, qui m'a plu,
24:37 un personnage qui s'adresse à un autre,
24:39 "Vous n'avez pas à céder aux injonctions du monde civilisé
24:43 et du contrat social, il vous suffit de vous éloigner
24:46 et de penser uniquement pour vous-même et par vous-même.
24:49 Faites-vous confiance, la liberté a un prix,
24:52 mais la soumission a tout d'une dette infinie."
24:55 Alors, s'éloigner, dites-vous, est-ce qu'il faut s'exiler ou se battre alors ?
24:59 – Là, c'est le juge Keller qui s'adresse à Bill, à la fin,
25:05 et chacun peut l'interpréter comme il l'entend,
25:08 et surtout, chacun peut le faire à sa manière,
25:12 c'est-à-dire que tout le monde n'a pas une âme de combattant,
25:16 tout le monde n'a pas un profil intellectuel,
25:20 chacun a des moyens, parfois ils sont très limités,
25:23 et peut-être que parfois la seule chose à faire,
25:25 c'est fuir quand on n'a pas d'autres moyens
25:27 et qu'on ne sait pas faire autrement.
25:29 Donc, il le met face à ses responsabilités en lui disant,
25:32 "Voilà, maintenant, vous avez le choix,
25:36 soit vous rentrez entre guillemets dans leur rang,
25:38 ce qui est attendu comme comportement,
25:40 soit vous prenez votre liberté,
25:42 mais à ce moment-là, il faudra l'assumer d'une manière ou d'une autre."
25:45 – Il est l'arbitre.
25:47 – Voilà, dans la fuite, dans le combat,
25:49 dans les dimensions que l'on trouve, mais voilà, il faut assumer.
25:53 – "Un vent les pouces", c'est le titre de ce roman,
25:56 très beau roman que l'on peut s'offrir pour Noël,
26:00 à retrouver sur la boutique officielle de TV Liberté.
26:03 Merci à vous Frédéric Bécourt. – Merci.
26:05 [Musique]