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L'invité des Matins de France Culture.
Comprendre le monde c'est déjà le transformer(07h40 - 08h00 - 29 Décembre 2023)
Retrouvez tous les invités de Guillaume Erner sur www.franceculture.fr

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Transcription
00:00 * Extrait de la photo de Nadar Manre *
00:07 Noir et blanc, une esthétique de la photographie,
00:10 co-organisée par la BNF et la Réunion des musées nationaux Grand Palais.
00:13 C'est une exposition qui se tient jusqu'au 21 janvier.
00:16 Une exposition exceptionnelle, superbe,
00:19 qui rassemble des chefs-d'œuvre en noir et blanc,
00:21 issus des collections photographiques de la Bibliothèque nationale de France.
00:25 Où l'on croise ou redécouvre Nadar Manre, Hansel Adams,
00:28 Willy Ronis, Helmut Newton, Diane Arbus, Mario Giacomelli, Robert Frank, Jean Paz,
00:33 près de 300 tirages, 150 ans d'histoire de la photographie.
00:37 Et l'occasion d'interroger la singularité du noir et blanc,
00:41 les conditions de sa naissance, sa raison d'être,
00:43 aujourd'hui encore, alors que les couleurs infinies auraient pu le balayer.
00:47 Pour en parler, je reçois ce matin deux invités.
00:49 Héloïse Coneza, bonjour.
00:51 - Bonjour.
00:51 - Vous êtes chef du service de la photographie et conservatrice
00:54 pour la photographie contemporaine à la Bibliothèque nationale de France.
00:57 Et vous êtes l'une des commissaires de l'exposition "Noir et blanc,
01:01 une esthétique de la photographie à la BNF".
01:04 Toujours à vos côtés, Hélène Horin. Bonjour.
01:06 - Bonjour.
01:06 - Vous êtes docteur en histoire de l'art spécialiste de la photographie,
01:09 directrice adjointe des Beaux-Arts.
01:12 Et pour commencer, je voudrais qu'on plonge justement dans cette exposition
01:15 de la Bibliothèque nationale de France.
01:17 Est-ce que vous pouvez nous rappeler, nous expliquer,
01:19 Héloïse Coneza, la raison d'être même de cette exposition ?
01:24 - Alors, bonjour à tous.
01:25 Oui, effectivement, la raison d'être de cette exposition,
01:28 tout d'abord, peut-être rappeler que cette exposition,
01:30 nous l'avions initialement conçue sur invitation du Grand Palais
01:36 et de la Réunion des musées nationaux en 2020,
01:39 et qu'elle fait partie des expositions sacrifiées sur l'autel de la pandémie.
01:44 C'est une exposition qui, voilà, avait été montée par mes co-commissaires et moi-même
01:52 et que nous n'avons pas pu partager avec le public,
01:55 alors même qu'elle est issue de nos collections.
02:00 Et donc, la présidente de la BNF, Laurence Angel,
02:04 a souhaité l'intégrer à la programmation des expositions de la BNF.
02:09 Et c'est pourquoi, aujourd'hui, elle est présentée sur le site François Mitterrand.
02:15 Cette exposition part des riches collections de la BNF,
02:18 du département des estampées de la photographie,
02:20 et propose une traversée en noir et blanc de l'histoire de la photographie.
02:26 Pourquoi choisir de mettre la lumière sur le noir et blanc ?
02:29 Pourquoi choisir justement cet angle-là pour raconter cette histoire de la photographie ?
02:34 Alors, d'une part, parce que le noir et blanc fait partie des axes forts, en fait,
02:41 de la collection de la Builletech Nationale de France,
02:46 dès le 19e siècle, tout au long du 20e siècle,
02:49 et on y reviendra, puisque une grande partie de l'histoire de la photographie au 20e siècle
02:54 s'écrit en noir et blanc,
02:56 et que, par la suite, dès les années 70,
03:01 un de nos illustres prédécesseurs, Jean-Claude Le Manique,
03:04 a été une des grandes figures de la conservation à la Builletech Nationale de France,
03:08 a toujours défendu le noir et blanc,
03:11 d'une certaine façon, pas forcément contre,
03:13 mais en tout cas en contrepoint de l'ivresse plasticienne de la couleur.
03:17 La première idée que cette exposition bat en brèche, Hélène Orain,
03:21 c'est qu'au fond, les premières photographies n'étaient pas en noir et blanc.
03:25 Les origines, le début de l'histoire de la photographie ne se fait pas en noir et blanc.
03:30 Mais alors, avec quoi ?
03:32 Eh bien, avec plein de couleurs de tirages différents.
03:35 En fait, ce qui se passe au 19e siècle, ce qu'on oublie souvent,
03:38 c'est que la photographie, elle est plurielle.
03:40 C'est des supports très différents.
03:42 On a du positif direct, des fois on a du négatif.
03:46 Le négatif, d'ailleurs, c'est un des points phares du début de cette exposition,
03:49 puisqu'il y a un calotype qui ouvre l'exposition,
03:52 qui est un calotype de Benjamin Brecknell Turner,
03:56 qui est en fait un arbre près d'une clôture.
03:58 Alors l'arbre, c'est vraiment un motif favori au 19e siècle et surtout en Angleterre.
04:03 Et peut-être dans votre bibliothèque, vous avez un folio assez récent des "Eaux de Hurlevent".
04:07 Et c'est cette image qui a été choisie pour faire la couverture du livre,
04:12 où il y a une préface de Patti Smith d'ailleurs, de cet ouvrage.
04:16 Et en fait, ce calotype, on voit déjà ce noir qui va s'imposer
04:20 comme tout découle d'une sorte de beauté photographique.
04:23 Et de l'autre côté du mur, vous avez des images qui sont très intimes et sensibles,
04:28 qui sont celles des enfants d'Émile Zola.
04:31 Émile Zola pratiquait la photographie en amateur.
04:33 Et on voit déjà les tests qu'il fait en amateur chez lui,
04:36 avec des variations de couleurs très fortes.
04:38 Et notamment, c'était des couleurs, alors je vais être schématique,
04:41 mais qui ont été dans les bains, ce qu'on appelle des virages de bain.
04:44 Et qui vont transformer complètement ces images.
04:47 Donc on en a une rouge, on en a une qui a une teinte beaucoup plus verte.
04:49 Et on en a une qui est bleue et qui correspond à ce qu'on appelle un cyanotype.
04:53 Et ce sont des selles de fer à la place des selles d'argent.
04:56 Et peut-être, certains de vos auditeurs ou auditrices sont en train de faire ça chez eux.
04:59 Alors pas en ce moment, parce qu'il ne fait pas assez beau.
05:01 Mais peut-être au printemps et en été.
05:03 Qui est quelque chose qui revient complètement à la mode,
05:05 et qui est une pratique assez facile.
05:07 Et on voit toutes ces expérimentations dès le début du 19ème siècle.
05:11 - C'est vrai que cette série d'Émile Zola qui photographie ses deux enfants,
05:15 Denise et Jacques, est absolument fascinante.
05:18 On découvre, on redécouvre même Émile Zola photographe, Héloïse Coneza.
05:23 Est-ce qu'il y avait même une méfiance dans les premiers âges de la photographie pour le noir et blanc ?
05:27 Une méfiance culturelle à la fois du public et des photographes ?
05:33 - Non, pas véritablement.
05:36 Il n'y avait pas de méfiance pour le noir et blanc.
05:39 La réalité est que la gamme variée de couleurs qui s'imposent au 19ème siècle
05:47 est avant tout, comme le rappelait Hélène, quelque chose de lié à la technique.
05:53 Les noirs et blancs purs sont l'exception.
05:57 Ils deviendront la règle à partir de la toute fin du 19ème et au 20ème siècle.
06:05 Les teintes dites sépia sont les plus fréquentes.
06:09 Cette gamme colorée est importante et apportée par des papiers différents,
06:17 des bains différents, des virages différents.
06:19 Le virage à l'or, par exemple, bien que très coûteux,
06:23 va permettre d'avoir des contrastes et des noirs très forts.
06:29 - Par méfiance, je voulais dire que peut-être la première vue, la première ambition des photographes,
06:33 notamment au 19ème siècle, c'était de représenter le réel en photographie
06:39 et donc de capter la couleur, d'aller chercher la couleur
06:42 et donc de se distancier peut-être du noir et blanc.
06:45 - Oui, c'est vrai que la couleur est ce à quoi aspire tout photographe.
06:51 D'ailleurs, les pictorialistes vont à un moment donné chercher,
06:55 par différents effets, à apporter de la couleur à leur tirage.
07:00 Cela étant, le noir et blanc est intéressant pour les photographes
07:05 parce qu'il permet une forme de transposition, d'intellectualisation du monde
07:12 et en ce sens-là, il va s'imposer aussi progressivement.
07:16 - Alors, Hélène Orin, quand est-ce que le noir et blanc tel qu'on le connaît aujourd'hui apparaît véritablement ?
07:23 - Alors, c'est un moment où en fait on essaie d'uniformiser un petit peu plus.
07:27 Alors, Héloïse Conesa va peut-être reprendre un peu ce point-là,
07:30 mais c'est un moment où on essaie d'uniformiser un peu plus les tirages.
07:33 C'est-à-dire qu'au XIXe siècle, tout d'un coup, on va avoir des tirages à l'albumine
07:39 qui vont donner une sorte de forme un peu plus...
07:41 ce qu'on va trouver plutôt dans les vitrines, par exemple, des studios professionnels.
07:44 C'est ce qu'on voit dans l'exposition "Début avec Nadar" qui joue aussi un peu de quelques nuances.
07:49 Et puis, au début du XXe siècle, après les pictorialistes,
07:52 on essaie de revenir à une photographie qui est un peu plus uniforme.
07:55 D'ailleurs, il y a un photographe qui s'appelle Alfred Stieglitz aux États-Unis
07:59 qui dira dans un de ses cris "il faut revenir à ce que ressemble la photographie".
08:03 Et ça va être le noir et blanc qui va être un des critères principaux.
08:07 Et Paul Strand va œuvrer avec lui pour imposer une sorte de noir et blanc
08:12 avec des contrastes beaucoup plus forts.
08:14 Et ça, dès le début du XXe siècle, on peut parler de 1917
08:18 qui est un des moments vraiment charnières chez eux.
08:21 Et puis, ça va s'imposer à partir des années 30, notamment avec le photojournalisme
08:24 mais aussi une volonté d'exécuter plus rapidement des photographies.
08:29 Vous l'avez mentionné plusieurs fois, Hélène Orain, à ce moment-là,
08:31 dans l'histoire de la photographie, le noir et blanc,
08:33 c'est utilisé, employé en première intention pour valoriser le contraste ?
08:38 Oui, la différence vraiment entre le XIXe et le XXe,
08:41 c'est que dans le XIXe, on va chercher des demi-teintes pour ressembler presque un peu à de la peinture.
08:44 C'est le modèle, la peinture.
08:45 Donc, les demi-teintes, ça permet de montrer toute sa dextérité, sa virtuosité
08:50 et de montrer aussi ce qu'on appelle le chiaroscuro,
08:52 donc les sortes de clairs obscurs assez légers.
08:55 Alors qu'au XXe siècle, on va avoir envie, on est dans une idée de la spécificité du médium.
09:00 Alors, on a la même chose en peinture.
09:01 On essaye d'avoir de la peinture pure, on essaye d'avoir de la poésie pure
09:04 et de la photographie pure aussi, ce qu'on appelle aux États-Unis la "straight photography",
09:08 la photographie directe.
09:09 Et à ce moment-là, le noir et blanc, oui, s'imposent comme un critère
09:13 pour se séparer de la peinture qui, elle, est en couleur.
09:16 Et Louise Conesa, c'est effectivement ce que raconte bien cette exposition,
09:19 qui prend le temps de décrire l'émergence du noir et blanc,
09:23 l'émergence du noir et blanc qui est une construction à la fois technique,
09:27 mais aussi dans le rapport que les artistes entretiennent avec cette bichromie.
09:33 Oui, qu'on peut appeler aussi une monochromie,
09:35 puisque la photographie monochrome est la photographie noir et blanc, en fait.
09:39 C'est la première exception de la photographie noir et blanc.
09:41 Alors, effectivement, comme le disait Hélène, tout au long du XXe siècle,
09:46 le noir et blanc va s'imposer.
09:49 C'est d'abord pour des raisons économiques.
09:52 Et puis, progressivement, ce que montre l'exposition,
09:54 c'est que de contraintes économiques et techniques,
09:56 le noir et blanc va devenir un véritable choix esthétique pour les photographes.
10:00 Et ce, pour plusieurs raisons.
10:02 Trois, principalement.
10:04 Tout d'abord, l'exigence de maintenir une forme de belle image, de belle épreuve.
10:11 Le photographe est à ce moment-là le maître de l'entièreté de la chaîne de production de l'image,
10:17 de la prise de vue jusqu'au tirage.
10:19 Par ailleurs, il y a la volonté pour lui aussi de rompre avec un certain air du temps,
10:25 une trivialité contemporaine.
10:27 Et puis, enfin, la volonté aussi de conserver ce que rappelait Hélène
10:32 par rapport à la straight photographie et cette autonomisation des médiums,
10:36 cette pureté du médium.
10:38 La volonté de rappeler que le noir et blanc, c'est l'essence de la photographie
10:41 et les couleurs de la photographie, véritablement.
10:43 - Hélène Horin, dans le courant du XXe siècle,
10:45 c'est d'abord et avant tout le secteur de la publicité qui s'approprie la couleur.
10:50 Les artistes, les photographes mettent un peu plus de temps
10:52 à se rendre vers l'usage, vers l'utilisation de la couleur.
10:56 Pourquoi cette résistance, si c'en est une ?
10:59 - Alors, la couleur, c'est une vraie question qui est vraiment subsidiaire.
11:04 C'est qu'il faut imaginer qu'au XIXe siècle,
11:06 tous les ans, il y a quelqu'un qui imagine avoir inventé la couleur.
11:09 Après, il disparaît. On ne sait pas où est passée cette personne,
11:11 mais on ne la retrouve absolument pas.
11:13 Et en fait, il faut attendre 1903, les Frères Lumière,
11:16 ceux qui ont présenté pour la première fois le cinématographe,
11:19 sont les mêmes qui ont inventé le premier procédé couleur.
11:22 Ce sont des couleurs qui sont assez saturées, ce qu'on appelle l'autochrome.
11:25 C'est sur des petites plaques de verre, donc pas très pratique.
11:27 Et puis, ça, on va l'utiliser très rapidement dans la presse,
11:30 mais ce n'est pas facile de faire ça chez soi.
11:32 Et surtout, en tant qu'amateur, ça coûte un peu d'argent
11:34 en termes d'exposition, de projection,
11:37 en termes de matériel, les gens n'arrivent pas à suivre.
11:39 Et puis, très rapidement, dans les années 1920-1930,
11:41 on va essayer de trouver d'autres solutions un peu plus faciles à utiliser,
11:44 puis des couleurs un peu plus naturelles.
11:46 Mais le problème, c'est que la chimie se dégrade très, très, très vite.
11:49 Alors, pour la publicité et pour notamment tout ce qui est la mode,
11:53 ce n'est pas grave parce que les images sont éphémères.
11:55 Donc, si elles se dégradent vite, on ne le verra pas.
11:58 Une des premières couvertures, alors j'ai un doute,
12:01 c'est celle de Vogue, qui est une image qui est faite par Edward Stetschen.
12:05 Elle doit dater de 1924, quelque chose comme ça, 1925.
12:09 Ils vendent quatre fois plus de journaux d'ailleurs.
12:11 Ça marche.
12:12 Ça marche super bien, mais ça coûte très cher aussi à faire.
12:15 Donc, on va utiliser plutôt des images là-dessus.
12:17 Mais les artistes, enfin, ceux qui ont vocation à faire de la photographie,
12:21 soit documentaire ou un peu plus formelle, voire artistique,
12:24 ne vont pas se lancer tout de suite dans la couleur,
12:26 parce que c'est décevant en fait.
12:28 Pourquoi persévérer dans le noir et blanc alors que la couleur existe ?
12:32 Ce sera l'objet de notre discussion.
12:34 La suite de notre discussion dans une vingtaine de minutes,
12:36 avec vous deux, Héloïse Conesa et Hélène Orin.
12:39 Noir et blanc, une esthétique de la photographie
12:48 co-organisée par la Bibliothèque Nationale de France
12:51 et la Réunion des Musées Nationaux Grand Palais.
12:53 C'est jusqu'au 21 janvier, une exposition exceptionnelle,
12:56 superbe, qui rassemble des chefs-d'œuvre en noir et blanc
12:59 issus des collections photographiques de la BNF.
13:02 Près de 300 tirages, 150 ans d'histoire de la photographie.
13:06 Et pour en parler, je reçois ce matin Héloïse Conesa.
13:09 Elle est chef du service de la photographie et conservatrice
13:12 pour la photographie contemporaine à la BNF.
13:14 Elle est également commissaire, co-commissaire de l'exposition Noir et Blanc,
13:17 une esthétique de la photographie à la BNF.
13:20 À ses côtés, Hélène Orin, docteur en histoire de l'art,
13:23 spécialiste de la photographie.
13:25 Et Héloïse Conesa, pour revenir sur cette exposition,
13:28 aborder le sujet du noir et blanc, c'est un sujet extrêmement ample,
13:32 extrêmement large.
13:33 Comment fait-on le choix des 300 tirages ?
13:36 Comment est-ce qu'on les sélectionne ?
13:37 Comment est-ce qu'on opère ces choix au fond ?
13:39 Alors, effectivement, la collection de photographie de la BNF
13:44 comptant plus de 8 millions de tirages,
13:46 c'était un véritable défi pour mes co-commissaires et moi-même
13:51 de se lancer dans cette traversée du noir et blanc.
13:56 Donc déjà, peut-être rappeler que le parcours que nous avons choisi
13:59 n'est pas un parcours chronologique, mais un parcours thématique
14:03 avec un prologue, trois grandes parties, contrastes, ombres et lumières,
14:08 un nuancier des matières, auxquels sont adossés plusieurs focus
14:11 sur la neige, sur le graphisme, sur la nuit, les expérimentations
14:16 et un épilogue sur lequel nous pourrons revenir éventuellement.
14:20 Et l'idée, c'était pour nous de montrer la variété des photographies,
14:26 des usages du noir et blanc, montrer que aussi bien des photoreporteurs
14:30 que des photographes auteurs, artistes, des photographes de mode
14:34 l'ont utilisé, donc montrer cette variété dans les appréhensions
14:39 du noir et blanc, montrer aussi que le noir et blanc est abordé
14:45 de façon différente quand on est un photographe américain,
14:47 quand on est un photographe français, quand on est un photographe japonais,
14:50 ce qui montre aussi la dimension très internationale des collections.
14:53 Et donc avec tous ces critères-là, on arrive à faire une sélection
14:59 qui nous semble assez représentative, non seulement de l'esthétique
15:03 du noir et blanc, mais aussi des collections de la BNF.
15:05 L'une des idées-force, Hélène Orin, de cette exposition, c'est que
15:09 lorsque surgit la couleur, lorsque se déploie la couleur dans l'histoire
15:13 de la photographie, l'usage, le recours au noir et blanc devient alors
15:17 un choix conscient. Qu'est-ce que cela veut dire ?
15:20 Un choix conscient parce que tout d'un coup, on va utiliser les forces
15:24 du noir et blanc. C'est ce qu'on voit un peu dans l'exposition
15:28 à des moments assez forts, surtout dans la deuxième partie.
15:32 Soit on va le choisir parce que tout d'un coup, ça va créer des lignes,
15:35 on va jouer avec cette question du graphisme, donc on va avoir
15:38 très peu de volume dans ce qui va être représenté, on va jouer
15:41 sur des contrastes très forts. C'est ce qu'on voit sur l'affiche d'ailleurs
15:44 avec cette image de Reke Metzger avec cette barque.
15:47 L'une de vos photographies préférées ?
15:49 Oui, je dois avouer que c'est une de mes photographies préférées.
15:51 J'étais vraiment enchantée de voir que c'était l'affiche.
15:54 Vous pourriez peut-être la décrire pour les auditeurs ?
15:56 C'est une image d'une simplicité folle au premier regard.
15:59 C'est vraiment juste un plan d'eau, c'est une image qui est rectangulaire
16:02 avec une barque qui arrive du bas et qui est coupée.
16:06 On sent le hors-champ. D'ailleurs, sur la reproduction,
16:10 sur l'affiche, on voit des détails qu'on ne voit pas sur l'original.
16:13 Ce qui est bien dans l'exposition, c'est qu'il faut passer du temps
16:16 devant cette image et plus vous passez de temps, plus vous voyez les vagues
16:18 apparaître, les jambes de celui qui est dans cette barque.
16:21 Et en fait, tout d'un coup, cette image qui a l'air très simple
16:24 devient beaucoup plus complexe qu'au premier regard.
16:27 Ici, on a quelque chose de très graphique, ce qui correspond presque
16:30 à un usage américain, je reprends les termes d'Héloïse,
16:33 du noir et blanc, quelque chose de très dessiné.
16:36 Alors qu'au contraire, certains vont utiliser plutôt l'idée du volume
16:40 qui va être créé par les ombres, qui va donner quelque chose de beaucoup
16:43 plus cultural, en fait, par le noir et blanc.
16:46 Il n'y a pas un usage du noir et blanc, il y en a une multitude.
16:49 Et en fait, ça va venir au contraire de la couleur,
16:52 où on va jouer simplement sur des aplats, par exemple.
16:55 Je schématise évidemment toujours un peu, je simplifie,
16:58 mais le noir et blanc va devenir vraiment une façon de regarder,
17:01 d'un regard photographique, bien plus que par la couleur
17:05 pour certains photographes.
17:08 - Héloïse Conesa, on vient d'entendre cette expression "les forces du noir et blanc".
17:11 Quelles sont-elles pour vous, ces forces, justement ?
17:14 - Alors, en fait, ce sont les forces qu'on exploite tout au long du parcours,
17:18 à savoir le contraste qu'évoquait Hélène,
17:22 la question de l'ombre et la lumière, c'est-à-dire que
17:25 le noir et blanc se construit avec ce jeu d'ombre et de lumière,
17:30 mais qui peut obéir à une syntaxe visuelle différente
17:34 selon qu'on est sur des halos, quelque chose de très diffus,
17:39 ou alors une lumière très forte, très vive.
17:43 La question des matières aussi, ne pas oublier que le noir et blanc
17:47 ce sont aussi les demi-teintes, c'est-à-dire le gris,
17:50 des choses que les photographes vont explorer aussi
17:53 de façon extrêmement sensible par la suite.
17:56 - Hélène Norrin, vous saviez réagir ? J'avais l'impression que vous saviez réagir.
17:59 - Non, j'étais absolument d'accord.
18:02 - On oublie souvent que dans le noir et blanc, il y a le gris.
18:04 - Je voulais vous faire entendre une voix justement qui parle de noir, de blanc, de gris,
18:08 la voix d'un photographe américain naturalisé français, Man Ray.
18:12 - Quand je faisais mes tirages, j'interposais un morceau de papier sensible à la lumière,
18:18 pour placer des objets sur ce papier, j'exposais à la lumière.
18:22 - Quel objet par exemple ?
18:23 - N'importe quoi que je trouvais à la portée de la main,
18:26 un morceau de coton, un entonnoir, un thermomètre,
18:33 - Un boite d'allumettes.
18:34 - Une boite d'allumettes, déchirée, même des morceaux de papier déchirés,
18:38 que j'ai papier, c'était tout dans l'esprit d'Ada, si vous voulez.
18:42 Et j'ai posé ça sur des feuilles sensibles, j'ai exposé à la lumière pour quelques secondes,
18:48 et quand je le développais, j'avais une image,
18:52 et pas seulement noire et blanche, mais suivant le contact de ces morceaux,
18:58 avec le papier plus ou moins éloigné, ça donnait des grisailles, des blancs, des noirs,
19:03 presque un effet de trois dimensions.
19:06 - Le photographe Man Ray, en 1965, extrait de "La chambre noire",
19:11 qu'est-ce qu'il nous raconte à ce moment-là de son usage du noir et blanc dans la photographie,
19:17 dans son œuvre photographique ?
19:18 - Il est en train d'expliquer comment on fait des photogrammes,
19:22 qui est un des tout premiers procédés qui avait été inventé par William Henry Fox Talbot,
19:26 qui lui avait juste pris du papier à écrire et du sel de cuisine pour faire ça,
19:30 c'était vraiment la petite cuisine.
19:32 Alors évidemment, au moment de Man Ray, il y a de la lumière artificielle,
19:35 donc c'est un usage un peu différent, donc il va utiliser cette lumière artificielle qui est très forte.
19:39 Et alors, si vous regardez ces images, il faut regarder avec précision les objets,
19:43 parce que vous voyez toute la transparence et la densité des objets,
19:46 c'est le seul procédé qui est capable de faire ça, ça se fait sans appareil.
19:49 Donc c'est directement un papier sensibilisé, vous mettez un objet,
19:53 ce qu'il raconte sur le papier, et ensuite vous flashez avec de la lumière très très forte,
19:58 et en fait on voit vraiment toute cette transparence des objets,
20:02 et il va jouer ça avec l'électricité, c'est vraiment l'idée de l'expérimentation.
20:06 Et dans cette partie aussi de l'exposition, on a ce qu'on appelle les solarisations,
20:11 on est entre le négatif, le positif,
20:13 on ne sait plus très bien dans quoi on se situe,
20:16 on a presque l'impression qu'il y a des fluides qui s'évaporent des corps,
20:19 ça c'est le résultat d'une erreur, c'est quand vous allumez la lumière au moment du tirage,
20:24 donc en général vous savez que vous avez fait une boulette,
20:27 mais là, en l'occurrence, chez Man Ray ça va devenir plutôt un chef d'œuvre.
20:31 Il transforme la boulette en chef d'œuvre, et Louise Coneysa,
20:34 on a aussi le sentiment, mais c'est peut-être une fausse idée, vous me le direz,
20:37 que le noir et blanc renvoie parfois souvent à la nostalgie,
20:41 ce sont au fond les deux couleurs du passé,
20:44 ou le recours aux origines de la photographie.
20:47 Est-ce que c'est juste selon vous ? Est-ce que c'est ce que montre cette exposition ?
20:53 Alors, effectivement, on a essayé de montrer que le noir et blanc
20:57 est encore une pratique extrêmement vive chez les photographes,
21:02 et qu'elle n'a pas de visée ni passéiste ni nostalgique.
21:07 Au contraire, on a essayé de montrer que même avec l'avènement du numérique
21:11 ou la question de la couleur, la facilité de l'usage de la couleur
21:16 aurait pu convaincre certains rétifs de la photographie
21:20 de passer du noir et blanc à la couleur.
21:23 Et bien le noir et blanc se maintient,
21:26 et il se maintient parce qu'il contribue à être vraiment dans cette idée
21:32 d'une essence de la photographie.
21:36 On voit une histoire, peut-être plus qu'à une nostalgie, on voit une histoire.
21:40 Il inscrit le photographe dans un savoir-faire aussi,
21:43 qui est celui de la chambre noire argentique,
21:46 qui est quelque chose de très important pour beaucoup de photographes.
21:52 Et il participe aussi dans ce vocabulaire de l'argentique,
22:00 à une technique lente, développer une image.
22:04 C'est vraiment le savoir-faire du noir et blanc.
22:07 Donc il y a cette idée de montrer un maintien du noir et blanc,
22:12 quand bien même la technique ou l'économie permettraient
22:15 de passer plus aisément à la couleur.
22:17 Le noir et blanc en photographie, ce n'est pas le passé,
22:20 ce n'est pas la nostalgie Hélène Orain.
22:22 Est-ce que c'est peut-être cependant l'intemporalité ?
22:25 C'est vrai qu'une photographie en noir et blanc, c'est plus difficile à dater.
22:29 Est-ce que c'est un recours que l'on utilise parfois
22:32 pour viser l'intemporalité et donc durer dans le temps également ?
22:36 Ça joue beaucoup sur l'imaginaire collectif.
22:39 Si par exemple, je vous demandais de fermer les yeux
22:41 et de réfléchir au visage de Victor Hugo,
22:45 vous allez le voir en noir et blanc,
22:47 parce qu'on l'a vu en noir et blanc pendant très longtemps.
22:49 Donc on a l'impression que le XIXe siècle, c'est automatiquement noir et blanc.
22:52 Vous avez beaucoup de mal à visualiser d'ailleurs les rues en couleur.
22:56 On a cette mode aujourd'hui de coloriser un peu ces photographies.
23:01 Et du coup, quand on regarde des images qui sont plus récentes en noir et blanc,
23:05 de temps en temps, on est un peu perplexe.
23:07 On n'est pas forcément sûr de dans quelle période on est.
23:12 Et ça va jouer sur d'autres choses aussi que le noir et blanc,
23:14 notamment le grain très fort parfois,
23:17 où on a l'impression que l'image est un peu ratée
23:20 ou un petit peu maladroitement faite,
23:22 alors que c'est très bien réalisé, c'est très choisi.
23:25 Je pense à une image notamment de Dakerman,
23:28 qui est une image presque vignettée.
23:30 Vous avez l'impression qu'il y a des contours très noirs.
23:32 On est dans quelque chose de très sensible en termes de regard.
23:35 Ce serait très difficile à décrire.
23:37 Je vous invite à aller la regarder directement,
23:39 parce qu'elle est presque confuse, cette image.
23:42 On a l'impression que c'est une image du XIXe,
23:43 mais peu du XXe siècle, voire du XXIe siècle.
23:46 Lorsqu'on a visité ensemble cette exposition
23:48 qui se tient à la Bibliothèque nationale de France,
23:50 Hélène Orain, vous m'avez expliqué que certains photographes
23:53 voient même le monde directement en noir et blanc.
23:56 Ils ont déjà la perception de la façon dont ils vont photographier la scène,
24:01 ce qu'ils ont en face, et la manière dont leur regard
24:03 va transposer cette scène-là en noir et blanc.
24:06 Oui, le noir et blanc, c'est vraiment un décalage par rapport à la réalité.
24:09 C'est un pas de côté.
24:11 C'est un vrai choix aussi pour jouer sur un autre regard.
24:17 Je vais citer une autre image, celle de Metyard, qui est raide.
24:20 Vous avez un petit garçon écrit au-dessus "rouge" en anglais.
24:24 C'est tout un jeu, puisque le rouge, c'est une couleur
24:27 qui se transpose très différemment en noir et blanc.
24:30 Il faut imaginer que les photographes, toutes les couleurs,
24:34 ils savent ce que ça va donner en termes de contraste,
24:36 en termes de jeu, en termes de tout.
24:38 Et puis, tout ne se fait pas qu'à la prise de vue.
24:40 Il y a aussi tout le tirage derrière qui va jouer sur le résultat final.
24:45 Il y a deux mises en lumière passionnantes dans cette exposition,
24:48 Héloïse Conesa.
24:49 La première que je voulais évoquer avec vous,
24:51 c'est la façon dont on photographie la nuit.
24:54 Après avoir été impossible jusqu'à la fin du XIXe siècle,
24:57 le photographier la nuit demeure complexe.
25:00 Comment est-ce que les techniques qui permettent de photographier la nuit,
25:05 où le noir du ciel, où le blanc de la lune domine,
25:09 éprouvent et jouent de cette dualité entre le noir et le blanc ?
25:13 Effectivement, photographier la nuit s'avère quasiment impossible
25:18 jusqu'au début du XXe siècle.
25:21 La question du flash permet aux photographes,
25:26 notamment dans le contexte urbain, cette nuit urbaine,
25:30 on pense à Brassaï à Paris de nuit.
25:33 On peut penser aussi aux images de Widji, par exemple,
25:37 on en a une très belle dans l'exposition,
25:41 où Widji, qui est un photographe américain,
25:45 avait pour habitude la nuit d'aller chercher le fait d'hiver
25:50 et développer ses images dans le coffre de sa voiture
25:54 pour suivre les reporters.
25:57 On a cette image qui montre, avec un jeu de flash absolument incroyable,
26:02 une main de Mickey blanche qui vient manger la totalité de l'image.
26:08 Cette question du flash est très importante,
26:12 parce que c'est ce qui permet de nourrir cet imaginaire de la nuit urbaine.
26:18 De la même façon, on va avoir des choses beaucoup plus dessinées
26:22 dans les images de nuit de Mario Giacomelli ou autres,
26:26 où les éclairs, où là il y a quelque chose par rapport au paysage naturel
26:32 qui nourrit une forme de revisite du mythe ancestral de la nuit chez les photographes
26:40 et ce qui permet le noir et blanc.
26:42 - Hélène Orins, ce que photographier la nuit condamne au noir et blanc ?
26:46 Quelle peut être la place de la couleur dans la photographie de la nuit ?
26:51 Est-ce qu'elle existe même ?
26:52 - Oui, on a beaucoup de photographies de couleurs de nuit.
26:56 Je pense d'ailleurs que c'est le moment où ce nom m'échappe.
27:00 Il y a une chose qui est un peu étonnante dans l'exposition,
27:04 on a beaucoup de gens qui font du noir et blanc,
27:06 dont on a l'habitude de voir des couleurs.
27:08 Je pense à Martine Parr.
27:10 Là, c'est Loïs qui va m'aider dans la dernière partie.
27:14 On a ce photographe qui inaugure ce livre de Roland Barthes,
27:18 Daniel Boudinet, qui est un grand photographe de la couleur.
27:24 - Heureusement qu'elle est là.
27:26 - C'est vrai qu'on découvre un autre Martine Parr, en noir et blanc,
27:29 que je ne connaissais pas du tout pour ma part.
27:31 - Oui, et d'ailleurs c'est une image de 1977, c'est un tout début de carrière.
27:34 C'est étonnant si vous regardez l'acquisition, elle est très rapide en plus par la BNF.
27:39 Après, vous avez Daniel Boudinet qui est vraiment un coloriste
27:42 et qui va beaucoup photographier Paris la nuit.
27:44 C'est ce qu'on voit quand vous ouvrez la chambre claire de Roland Barthes,
27:47 c'est la première image.
27:48 Ici, il est en noir et blanc,
27:50 donc oui, c'est des choses qu'on retrouve assez aisément au XXe siècle,
27:54 dans la seconde partie du XXe siècle.
27:56 - D'ailleurs, Boudinet disait qu'il pratiquait le noir et blanc comme un sculpteur,
28:02 là où il pratiquait la couleur comme un peintre.
28:04 Donc il y a cette idée aussi, chez lui, de distinguer les deux pratiques.
28:10 Et chez Martine Parr, le noir et blanc est presque un travail préparatoire.
28:14 Il y a cette dimension très intellectuelle qui relève presque du croquis ou du dessin
28:19 dans son travail en noir et blanc au début.
28:21 - L'autre mise en lumière passionnante, Héloïse Conesa, de cette exposition,
28:25 c'est la façon dont on pouvait photographier des décors, des vues, des scènes
28:30 qui sont elles-mêmes en noir et blanc, photographier des scènes en noir et blanc.
28:34 Est-ce que ce sont des photographies en couleur ou en noir et blanc ?
28:38 - Je pense que vous vous référez à la pirouette de fin.
28:42 Effectivement, dans les différents focus, notamment dans le focus sur la neige,
28:47 on a ce motif de la neige qui est, lui, classique,
28:53 mais en même temps très difficile à obtenir techniquement,
28:56 de photographier le détachement de figures noires sur la neige.
29:02 On le voit par exemple chez Giacomelli, avec cette figure de prêtre en soutane
29:11 s'amusant dans la neige. Donc il y a cette idée-là.
29:14 Mais dans la toute dernière partie, dans l'épilogue, on a cette pirouette de fin
29:18 où on montre des photographies en couleur, avec un procès des couleurs,
29:23 deux motifs noir et blanc. C'est le cas par exemple de la toute dernière image
29:27 de l'exposition, qui est extrait de la série "Solid Line"
29:32 du jeune photographe Laurent Kamal, qui montre un couloir, apparemment d'hôpital,
29:39 que le photographe a repeint en blanc et a marqué les lignes en noir
29:46 à la bombe à aérosol. - Et on jurait de voir une photo en noir et blanc à ce moment-là ?
29:50 - On jurait de voir une photo en noir et blanc à ce moment-là.
29:53 Pourtant, il n'en est rien. Il y a juste un indice qui nous permet de voir
29:57 qu'on est sur une photographie couleur. C'est une poignée de porte métallique
30:01 qui est laissée comme un indice. Et on voit comment, dans le rapport
30:07 au noir et blanc, ce photographe finalement transpose un lieu
30:12 qui est un lieu en trois dimensions, un couloir d'hôpital, et le fait
30:18 de jouer avec le plan, la bidimensionnalité du plan d'architecture.
30:22 - Hélène Aurin ? - En fait, cette question de faire penser à du noir et blanc en photographie,
30:30 c'est vraiment tout ce qu'est la photographie. C'est-à-dire qu'on est toujours dans une idée
30:34 de la réalité qui est celle dans la tête du photographe. On pense toujours que la photographie
30:39 c'est une captation du moment. C'est quelque chose que Cartier-Bresson nous a beaucoup imposé
30:42 au XXe siècle, dans notre esprit. Et quand on parle photographie avec qui que ce soit,
30:47 on a cette idée de capter un moment, de faire quelque chose. Mais en fait,
30:51 cette exposition qui est en plus transmouvement, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de mouvement particulier
30:56 qui est mis en parallèle, c'est vraiment en dehors de tout. Et en plus, qui est trans-période,
31:01 c'est-à-dire qu'on va vraiment du XIXe jusqu'à des images qui ont été réalisées très récemment.
31:05 Il y a vraiment cette idée de toujours faire un pas de côté, de montrer quelque chose.
31:10 Et puis surtout que la photographie, ce n'est pas si facile que ça à appréhender.
31:13 Et en même temps, c'est évident. C'est-à-dire qu'il y a des images qui vous touchent tout de suite.
31:17 Mais plus vous regardez les images, plus vous allez regarder dans le détail du noir et blanc,
31:21 plus vous allez regarder aussi le tirage, les subtilités, les tonalités,
31:25 puisqu'il est chaud, saturé, les sensations d'image. Après, c'est ce que j'ai envie de dire.
31:29 On parle de sensibilité photographique, mais il y a même une sensation du regard.
31:33 On voit que finalement, on voit toujours plus, plus, plus encore.
31:38 Et on découvre encore même des astuces et des jeux de regard.
31:42 On a parlé à plusieurs reprises depuis le début de cet échange du noir et blanc en lien avec le contraste,
31:48 avec la netteté, avec la géométrie. Quel usage fait-on du noir et blanc en lien avec le flou,
31:54 cette fois en lien avec la matière ? Est-ce que c'est un travail, une dimension importante ?
31:58 Vous la mettez en lumière notamment dans cette exposition, Héloïse Coréza.
32:03 Alors oui, effectivement, le noir et blanc, quand il se conjugue avec le flou,
32:10 renvoie aussi à une autre symbolique. Le noir et blanc net et celui du contraste,
32:17 une forme de précision chirurgicale, pour reprendre des termes de Valéry Belin,
32:22 par exemple, pour caractériser certaines de ses séries.
32:26 Là, en revanche, le flou, dans des images comme celle d'Antoine D'Agatha ou de Laurence Leblanc,
32:32 relève en fait d'une forme d'intime, de fulgurance de la sensation.
32:38 Il y a quelque chose de très fort qui renvoie aussi à une symbolique.
32:43 Robert Frank disait que le noir et blanc sont les couleurs de la photographie,
32:48 de l'espoir et du désespoir de l'humanité.
32:51 Hélène Orin, cette question ancienne, je vous avais promis de la poser.
32:55 Est-ce que le noir et le blanc sont des couleurs ?
32:59 Alors normalement, non. Scientifiquement, ce ne sont pas des couleurs.
33:03 Mais les photographes ont envie que ce soit des couleurs parce que ce sont leurs couleurs.
33:07 Et vous verrez dans l'exposition que c'est un vrai jeu de couleurs, finalement.
33:11 Vous êtes d'accord avec cette idée ? Et Louise Conesa ?
33:14 Oui, tout à fait. Et on le voit d'ailleurs dans la troisième partie sur le nuancier des matières.
33:19 L'approche du noir très saturé, très dense, rappelle quelque chose de très fort,
33:28 une forme d'opacité. Et le blanc renvoie à une couleur aussi,
33:32 peut prendre différentes teintes. Tout à fait.
33:36 Je voulais qu'on finisse sur la Bibliothèque Nationale de France,
33:40 sur l'une des plus anciennes et les plus importantes collections de photographies au monde.
33:44 Vous l'avez dit, plus de 6 millions d'images.
33:47 Comment maintient-on ces archives vivantes aujourd'hui ?
33:51 Alors en continuant à faire des acquisitions, à recueillir le dépôt légal des photographes et leurs donations,
34:00 en étant à l'écoute de ce qui se fait en photographie contemporaine,
34:06 mais aussi pour la photographie du XIXe et la photographie moderne.
34:12 Continuer aussi à ouvrir nos portes aux chercheurs,
34:16 pour que l'histoire de la photographie s'écrive aussi à partir de nos collections.
34:20 Merci beaucoup à toutes les deux d'être venues dans les Matins de France Culture.
34:25 Hélène Orain, je rappelle que vous êtes docteur en histoire de l'art spécialiste de la photographie.
34:29 Héloïse Conesa, vous êtes chef de service de la photographie et conservatrice pour la photographie contemporaine à la Bibliothèque Nationale de France.
34:35 Commissaire de l'exposition Noir et Blanc, une esthétique de la photographie à la BNF.
34:40 Et je voudrais citer également le nom de vos trois autres commissaires.
34:43 Sylvie Omna, directrice du département des estampes et de la photographie.
34:47 Flora Triébel, conservatrice en charge de la photographie du XIXe siècle au département des estampes et de la photographie à la BNF encore.
34:54 Et Dominique Fersavelle, conservatrice en charge de la photographie moderne au département des estampes et de la photographie toujours et encore à la BNF.
35:03 Il est 8h44.

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