Avec Sébastien Leroy, maire (LR) de Mandelieu-la-Napoule (Alpes-Maritimes) et membre de l’AMF
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00:00 Déclarer des zones inhabitables face aux crues, le sujet ne doit pas être tabou,
00:05 c'est ce qu'a déclaré le ministre Christophe Béchuet en déplacement hier dans le Pas-de-Calais.
00:09 Ailleurs en France, certains maires ont déjà pris les devants avec des mesures parfois radicales.
00:13 Sébastien Leroy, bonjour.
00:15 Bonjour.
00:15 Et merci d'être avec nous ce matin sur Sud Radio.
00:17 Vous êtes le maire de Mandelieu-Lanapoule dans les Alpes-Maritimes.
00:21 Vous êtes régulièrement victime de crues.
00:23 En 2015, huit personnes ont perdu la vie dans votre commune.
00:28 Et pour faire face à ces inondations, vous avez décidé de détruire plusieurs villas.
00:32 Expliquez-nous pourquoi et comment, monsieur le maire.
00:36 Tout à fait.
00:37 Bien sûr, ces drames sont des tragédies humaines, puisqu'elles touchent à tout ce qu'il y a de plus précieux,
00:42 la vie humaine et puis bien sûr les foyers.
00:44 Et aujourd'hui, face aux événements climatiques qui frappent nos territoires,
00:47 on doit métamorphoser nos villes.
00:49 Et chaque territoire a ses spécificités.
00:51 À Mandelieu, on a voulu, dans cette métamorphose du tissu urbain,
00:55 inclure aussi un volet de renaturation.
00:58 Donc on rachète des biens immobiliers pour les détruire,
01:00 pour le rendre à la nature et permettre aux cours d'eau de retrouver sa place.
01:03 Oui, et ça, forcément, on le sait, ça va permettre au sol d'absorber en partie l'eau.
01:09 Par le biais de quelle procédure vous avez acquis ces villas ?
01:12 Ce sont des expropriations ou pas ?
01:14 Alors nous, on est resté dans une démarche de négociation amiable.
01:18 C'est-à-dire que la ville discute avec les propriétaires.
01:21 Il faut savoir que les communes ne peuvent pas acheter des biens au prix qu'elles déterminent.
01:24 C'est fixé par un service de l'État qu'on appelle les domaines.
01:27 Donc le prix est fixé et on essaie de trouver une solution
01:30 avec le propriétaire pour lui demander de partir.
01:33 Après, il y a un dispositif qui s'appelle le fonds Barnier,
01:36 qui est financé en partie par l'État,
01:37 qui est plus compliqué à mettre en œuvre parce qu'il y a des critères
01:40 qui sont beaucoup plus spécifiques.
01:42 Il ne faut pas qu'il s'agisse de zones refuge, etc.
01:44 qui s'est quand même allégé avec les derniers événements,
01:47 mais qui reste aussi peu doté en moyens.
01:49 Donc tout ça fait qu'on essaie de trouver une solution
01:51 pour que le propriétaire le vende volontairement,
01:54 et qu'il puisse après se reloger.
01:55 Parce que la difficulté aussi est là.
01:56 Déjà vous avez le choc qui fait que...
01:57 - Il faut convaincre le propriétaire aussi.
02:00 - Voilà, il faut qu'il puisse se reloger,
02:01 souvent dans la même ville,
02:02 parce que nous les habitants ne voulons pas quitter tant de lieux.
02:04 - Bien sûr.
02:05 - Alors par contre, d'ailleurs, le fonds est très cher.
02:06 - Ouais.
02:07 Sur ces villas, vous les avez rachetées pour 4 millions d'euros, c'est ça ?
02:12 - Alors là, on en a racheté 7 pour 4 millions d'euros.
02:14 - D'accord, 7.
02:15 - Et pour vous donner une idée, depuis 2020,
02:17 on a investi près de 40 millions d'euros sur la ville.
02:19 - Et en termes de financement ?
02:21 D'où viennent ces financements ?
02:22 Comment ça se passe ?
02:23 - Les financements sont pour cent communaux.
02:25 C'est-à-dire que le fonds Barnier est très spécifique,
02:28 donc il n'intervient que dans peu de cas.
02:30 Donc c'est souvent l'argent des villes.
02:31 Et tout le problème aussi vient du fait que les finances communales,
02:34 aujourd'hui, sont pillées, notamment par le même État.
02:36 - Ça fait une sacrée somme.
02:38 - Qui ne vous permettent pas d'executer les logements sociaux,
02:39 et qui, en même temps, vous donnent de l'argent
02:40 pour essayer d'en détruire un peu, quoi.
02:42 - Quand vous entendez, M. le maire, le ministre,
02:44 dire que ce n'est pas un tabou de déclarer,
02:47 je le disais, des zones inhabitables face aux crues,
02:49 qu'est-ce que vous lui répondez ?
02:50 Vous ne l'avez pas attendu.
02:51 Pour agir, vous ?
02:53 - Ça fait longtemps que ce n'est plus un tabou.
02:54 La problématique, c'est qu'après, comme je vous le disais,
02:56 chaque territoire est différent.
02:58 Quand on a des territoires qui sont,
02:59 comme dans le nord de la France,
03:01 des vastes plaines où l'eau monte et reste,
03:03 quand on parle de secteur inhabitable,
03:05 il y en a certains qui sont sûrement plus exposés que d'autres,
03:07 mais on parle de centaines d'habitations.
03:08 Donc le problème, c'est qu'aujourd'hui, pour y arriver
03:11 et ne pas rester dans les maux,
03:12 il faudrait que l'État ait beaucoup plus de moyens
03:14 à mettre à disposition qu'il en a aujourd'hui.
03:16 Et surtout, il faudrait que la réglementation et la loi changent,
03:19 ce qui n'est pas le cas.
03:20 Parce qu'aujourd'hui, à moins de procédures,
03:22 le moins de dossiers que vous voulez mener,
03:23 notamment sur les désémentations,
03:24 vont prendre non pas des mois, mais des années,
03:26 voire parfois des décennies.
03:28 Parce que tout s'est empilé,
03:29 que rien n'est fait depuis bien longtemps sur ce sujet.
03:31 Donc il serait temps qu'effectivement, il n'y ait plus de tabou,
03:34 mais qu'on arrête de parler
03:35 pour passer un peu plus dans l'action et le concret.
03:38 - Très récemment, vous avez reçu une amende,
03:39 c'est ça de l'État qui vous a un peu laissé sans voix, non ?
03:42 - Ça rejoint ce que je vous disais,
03:44 la schizophrénie de l'État français.
03:46 C'est-à-dire que vous avez d'un côté un territoire
03:48 qui a plus de 80% frappé par les risques naturels,
03:51 comme c'est le cas à Mandeleux,
03:52 où on vous dit "on va arrêter de construire,
03:54 on va même déconstruire".
03:55 Et dans le même temps, vous avez un autre service de l'État,
03:58 notamment le ministère du Logement,
03:59 avec d'autres lois qui viennent vous dire
04:01 "ah, vous n'avez pas fait 6 000 logements,
04:02 il faut les faire en deux ans,
04:03 eh bien on va vous doubler l'amende,
04:05 on va payer 1,6 million par an".
04:07 - On marche sur la même coche.
04:08 - D'un côté on peut mettre de l'argent
04:09 pour protéger le territoire,
04:10 d'un autre côté on vient vous en prendre
04:11 parce que vous ne mettez pas le même territoire.
04:13 C'est totalement absurde.
04:14 - Sébastien Leroy, je rappelle,
04:15 vous êtes maire de Mandelieu-Lanapoule,
04:17 dans les Alpes-Maritimes.
04:18 Un grand merci d'avoir été avec nous ce matin
04:20 sur Sud Radio et très bonne journée à vous.
04:21 - Merci à vous, bonne journée.