• il y a 10 mois
Bouleversements technologiques, évolutions des supports, changements des attentes des marques, manque de talents… Les défis de la création publicitaires sont nombreux. Analyse de Benjamin Marchal et Faustin Claverie le duo star de la créa chez TBWA/Paris.

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Transcription
00:00 *Générique*
00:04 Et dans "À la Une" aujourd'hui, un duo de directeurs de création,
00:07 puisque j'ai le plaisir de recevoir Benjamin Marchal et Faustin Claverie.
00:11 Bonjour à tous les deux.
00:12 - Bonjour.
00:12 - Vous êtes co-directeur de création chez TBWA Paris,
00:16 et on parle avec vous des défis de la création qui sont assez nombreux.
00:19 On n'aura peut-être pas le temps de parler de tout, mais d'abord moi je voudrais savoir
00:23 comment est-ce que chacun d'entre vous définit le métier de créatif aujourd'hui ?
00:27 Faustin, c'est quoi être créatif aujourd'hui en 2024 ?
00:30 - Ça a beaucoup changé. Enfin, ça a beaucoup changé.
00:32 La base reste la même. On parle de créatif publicitaire évidemment, c'est assez précis.
00:36 Quand on a commencé ce métier, nous voilà, on faisait des films, des prints, des radios.
00:41 On ne se posait pas de questions sur les formats finalement.
00:44 On avait des expertises, on devait être excellent dans 3-4 domaines particuliers.
00:48 On avait été formé pour ça.
00:50 Ça fait qu'aujourd'hui, ça change tout le temps, ça évolue, on doit s'adapter, on doit être flexible.
00:54 On a des nouveaux médias, des nouvelles technologies qui font que créatif,
00:59 ça s'exprime de manière vraiment différente.
01:02 La base reste la même, il faut quand même des idées, il faut un concept.
01:05 Mais il faut savoir évoluer, il faut savoir épouser la modernité
01:10 et pouvoir déniger la créativité un petit peu dans tous les recoins.
01:14 - Il y a un milliard de vidéos qui sont visionnées par jour dans le monde.
01:18 Donc c'est devenu fou.
01:20 - La créativité aujourd'hui, c'est créer de l'émergence à travers une valeur émotionnelle.
01:25 Je pense que ça revient finalement à l'impact, le buzz, tous ces mots qui sont utilisés.
01:31 Le fond de casserole reste le même, c'est-à-dire qu'est-ce qu'on va créer de différenciant
01:35 dans un moment qui est cacophonique,
01:39 puisqu'il y a trop de vidéos qui sont constamment uploadées, visionnées.
01:43 Donc la créativité permet ça.
01:45 Je pense que dans ce sens-là, le métier n'a pas changé,
01:48 puisque c'est la création, l'impact, la création de quelque chose de différenciant
01:52 par rapport à une marque, à un marché, à la consommation,
01:55 et au comportement de la société qui permet cela.
01:58 Donc dans ce sens-là, on n'a pas changé notre manière de voir les choses.
02:04 On doit l'amplifier, on doit prendre et embrasser les codes d'aujourd'hui.
02:08 Dans le digital, on doit être impactant tout de suite dans les 4 premières secondes,
02:13 ce qui nécessite de repenser par moments le storytelling de nos idées.
02:16 Mais dans le fond, ça reste la même chose.
02:18 Le fait d'être à deux, de faire appel à l'intelligence collective,
02:23 c'est une force pour émerger dans un marché qui est submergé par des milliards de vidéos
02:28 où chacun peut être créateur de contenu ?
02:31 Oui, je pense que le duo, c'est soit ultra constructif, soit ultra destructeur.
02:40 Il n'y a pas d'entre-deux.
02:42 Ça ne fonctionne que comme ça.
02:44 C'est comme un groupe de musique, vous branchez les instruments
02:47 et ça sonne mieux quand on est à deux que quand on est seul.
02:50 C'est une alchimie qui est très particulière et tous les duos fonctionnent comme ça.
02:54 Nous, en tout cas, ça nous permet, tous les deux, dans nos manières de fonctionner,
02:58 d'éclairer nos pensées, de pouvoir s'auto-challenger,
03:03 d'avoir un répondant direct sur le pourquoi.
03:07 Est-ce qu'on le fait bien ? Est-ce qu'on le fait bien par rapport à la scie ?
03:10 On a un écho permanent, c'est l'idéal pour travailler.
03:13 On gagne du temps, on a moins de doutes, on partage les choses ensemble,
03:17 ça va plus vite, on peut se séparer quand il faut.
03:19 C'est assez désorganisé, peut-être comme cette interview, je ne sais pas, on va voir.
03:23 Mais en tout cas, la façon de travailler, c'est assez organique.
03:26 On ne se répartit pas forcément les sujets, en fonction du temps,
03:29 il y en a un qui prend l'idée, parfois il n'y en a pas.
03:32 Mais bon, ça roule comme ça.
03:34 Mais c'est marrant parce qu'on a toujours cette image de directeur de la CREA
03:38 avec un gros égo, des choses peut-être un peu compliquées, un peu caractérielles.
03:42 Et ce n'est pas l'image que vous renvoyez en fonctionnant de cette façon ?
03:45 On n'espère pas en tout cas.
03:48 Honnêtement, l'égo, c'est difficile de parler de ça,
03:52 mais nous on essaie de le mettre dans le produit fini.
03:54 C'est-à-dire que c'est là où ça reste en famille.
03:57 D'ailleurs sur les réseaux sociaux, on n'existe quasiment pas, on intervient très très peu.
04:00 C'est difficile d'ailleurs de trouver des trucs sur vous.
04:03 Parce que je pense qu'il y a très peu de gens qui ont des choses intéressantes à raconter.
04:07 Merci de nous avoir conviés aujourd'hui, mais je pense qu'il y a beaucoup de gens qui parlent pour pas grand-chose.
04:10 Nous, en tout cas, on estime qu'on doit rester à notre place.
04:12 On est des créatifs, on travaille pour des marques.
04:15 Et on essaie de faire au mieux en toute humilité.
04:18 Ça ne va pas plus loin que ça.
04:20 Notre façon de travailler fait qu'on est dans notre bureau, on travaille avec les créatifs.
04:24 Ce qui nous anime, c'est d'amener au bout des idées les meilleures possibles.
04:30 C'est tout. Après, on peut en parler, on aime bien ça aussi, pourquoi pas.
04:34 Mais ce qui nous anime, c'est ça. C'est assez simple finalement.
04:38 On le fait à deux, on est content de le faire comme ça.
04:41 L'époque fait qu'il y a peut-être moins de grandes gueules et de gens comme ça.
04:45 Ce n'est peut-être pas que dans la pub d'ailleurs.
04:47 On a eu des monstres sacrés de la publicité, des mecs avec des fortes personnalités
04:52 qui faisaient autant rire, amuser les gens.
04:54 C'était des gens brillants, mais ils pouvaient aussi parfois briser des gens, je ne sais pas.
04:58 Je ne comparerai pas des publicitaires avec Gérard Depardieu.
05:00 Mais est-ce qu'aujourd'hui, il y a la place encore pour ces gens-là ?
05:02 Peut-être moins, il y a peut-être plus de gens un peu plus humbles et qui ramènent moins, je ne sais pas.
05:07 Vous parliez du changement de vos métiers. Effectivement, sous Jason, il y a la technologie quand même.
05:12 Et il y a cinq ans, Benjamin, quand je vous avais interviewé avec mon ami Frédéric Poire,
05:16 vous m'aviez dit que la technologie nous pousse à être meilleurs au moment où on parle d'IA à toutes les sauces.
05:21 Est-ce que c'est encore le cas aujourd'hui ?
05:23 Alors, je pense que, évidemment, l'IA est au centre de tous les débats.
05:30 C'est une bonne question.
05:32 Pour y répondre directement, je dirais plus qu'aujourd'hui, la technologie nous permet de répandre la création beaucoup plus largement.
05:41 C'est-à-dire que c'est plus un canal de diffusion exponentiel qu'un véritable applicatif dans nos métiers.
05:47 C'est-à-dire que finalement, c'est Einstein qui disait que la créativité, c'est fantastique, il faut la partager.
05:56 Déjà, il parlait de viralité à l'époque.
05:58 Et c'est vrai que la technologie nous permet ça aujourd'hui véritablement.
06:03 C'est là où j'y vois du positif, si je pourrais répondre à la partie positive.
06:07 Sur la partie des IA, c'est un grand débat qui est complexe.
06:11 Si on veut rentrer un peu techniquement dans les IA et sur la création, c'est qu'à la fois, c'est un outil qui nous permet de pouvoir matérialiser ce que l'on a en tête,
06:21 mais qui ferme le champ des possibles par moments derrière.
06:24 C'est-à-dire ?
06:25 Par exemple, vous fabriquez des images pour une idée, on va fabriquer un panda cow-boy là.
06:30 Très bien.
06:31 Au hasard.
06:32 On va fabriquer, on va mettre nos prompts, on va fabriquer notre panda cow-boy, on va choisir notre type de cow-boy, les fringues, les lumières, etc.
06:39 Ça va faire une image fantastique qui va être hypnotisante, complètement inoculante, qu'on va vendre au client.
06:44 Mais derrière, ça vous a ancré dans un style précis qui n'a pu laisser la place à l'interprétation peut-être demain de réalisateurs, de photographes, d'artistes qui l'auraient interprété différemment.
06:54 Vous êtes un petit peu par moment avec des œillères créatives, alors qu'avant, le gros bar et le petit gros bar permettaient d'ouvrir le champ des possibles.
07:05 C'est là où la technologie, en tout cas pour la création concernant l'IA, est à la fois force de proposition et permet de la vendre facilement,
07:11 et en même temps, je pense, nous ferme par moment une ouverture d'esprit sur la créativité derrière, sur la réalisation.
07:17 Je ne passe que tendance sur ça.
07:18 Aujourd'hui, en tout cas, l'IA, on voit que ça a clairement changé notre façon de travailler en quelques mois.
07:22 Ça va très vite.
07:24 Aujourd'hui, ça ne nous sert qu'en phase de préparation, de recherche.
07:27 On ne produit rien avec de l'IA.
07:29 Toutefois, on n'a pas vraiment le droit.
07:30 Il y a des problèmes juridiques pour le moment et puis on ne s'en intéresse pas trop.
07:33 Prevu que ça reste comme ça, je ne pense pas que ça reste comme ça malheureusement,
07:35 mais aujourd'hui, on préfère que ce soit une aide à la création pour présenter du matériel à des clients ou travailler peut-être plus vite.
07:42 Mais en aucun cas, on ne voudrait que ça remplace des réalisateurs, des illustrateurs, des photographes ou des rédacteurs.
07:48 C'est quelque chose qui est un peu effrayant.
07:50 Pour le moment, c'est une aide pour on espère mieux travailler, mais pas toujours.
07:54 C'est une aide, mais une fois de plus, ça vous met dans des rails.
07:58 Ça peut être très bien, mais ça peut par moments être trop enfermant.
08:02 C'est là où je nuance cette phase.
08:05 Dans la manière de travailler, on s'en rend compte parce qu'on évolue constamment avec ça.
08:08 Par moments, nous-mêmes, on dit que l'image était très bien, pourquoi on ne reproduirait pas ça ?
08:12 On ne laisse plus la chance à autre chose.
08:14 C'est l'autre chose souvent qui nous amène plus loin.
08:16 Parce que, mine de rien, comme Netflix à l'époque a remis du 4K, du 8K, du 20K,
08:21 a créé une image, un nouveau étalon de direction artistique au niveau de la cinématographie,
08:26 les IA sont en train de le faire à leur manière et du coup tout va s'uniformiser finalement.
08:30 Même si on peut dans les promptes donner une couleur différente, il y a quand même une patine,
08:35 il y a quand même une patte aujourd'hui, on voit que c'est de l'IA, c'est évident.
08:38 Ce n'est pas de la photo, ça se voit tout de suite, on le repère tout de suite.
08:41 Le créatif de demain, il devra avoir un profil plus techno ou pas Faustin ?
08:45 C'est une question qu'on se pose souvent parce que quand on voit les palmarès par exemple à Cannes,
08:51 il y a de plus en plus d'idées techno.
08:53 C'est toujours bluffant, c'est vrai que c'est nouveau, ça prend des prix.
08:58 Quand on regarde un peu la composition des agences, de notre agence,
09:02 on n'est pas des techniciens, on n'est pas des ingénieurs, on est des créatifs.
09:06 Donc on se demande toujours comment ces gens travaillent pour avoir des idées pareilles.
09:11 C'est souvent du bluff.
09:12 Quand on voit par exemple un projet qui a pris plein de grands prix, c'était Pinatex.
09:20 Ils ont prétendu qu'ils avaient inventé, ils recyclaient des pots d'ananas pour faire du cuir.
09:26 Cette technologie existe depuis plus de 6 ans.
09:31 Ce sont juste des gens qui ont vu le truc, ils ont mis un logo, ils ont mis un nom et ils sont appropriés le truc.
09:36 Nike Fuel aussi à l'époque, le bracelet connecté, il a pris un grand prix.
09:42 C'est Nike qui a développé la technologie et le bracelet connecté, ça a plus de 10 ans je pense.
09:49 Il y a une agence que je ne citerai pas, j'en ai déjà fait la moitié,
09:52 qui en a fait un case et qui a pris un grand prix derrière,
09:55 qui laisse sous-entendre qu'elle a créé ce produit.
09:58 Évidemment c'est entièrement faux.
10:00 C'est ça où la technologie aujourd'hui, je me suis peut-être mal exprimé tout à l'heure,
10:04 mais ce n'est qu'un canal de diffusion et l'applicatif dans nos métiers,
10:07 il est très peu prégnant finalement, puisque c'est trop lourd, trop compliqué.
10:11 C'est par contre chez l'annonceur, chez les marques, qui développent des nouveaux outils,
10:16 qui leur permettent de créer des nouveaux produits.
10:18 C'est plutôt dans ce sens-là qu'on le vit, nous au quotidien on n'est pas impacté par ça.
10:21 En fait, je pense que les projets un peu techno qu'on voit, souvent c'est l'agence qui fait le case,
10:27 présente l'idée et après il y a l'ambiguïté quand on inscrit dans les festivals pour dire d'où vient l'idée,
10:32 on ne sait pas finalement, peut-être qu'on s'en fout, c'est une idée d'un client.
10:35 Je crois que quand on a fait la poubelle connectée il y a 6 ans, pour SNCF il y a un problème,
10:40 personne ne jette ses papiers à la poubelle.
10:42 En France on est latin, c'est un pays un peu sale, c'est comme ça, c'est culturel, on a plein de qualités,
10:46 mais ça ce n'est pas une qualité.
10:48 Donc on a créé une poubelle connectée qui vient au consommateur, pour que le déchet vienne à lui, c'est basique.
10:53 On a mis deux ans et demi pour créer une poubelle ennemie qui marchait à moitié, pas bien,
10:57 il a fallu des mois de test, etc.
10:59 C'est extrêmement complexe quand on met de la technologie dans la création,
11:02 et on a un métier de temps court, et dans une société qui est encore plus dans le temps réel.
11:06 Très très court.
11:08 Donc je pense qu'on en parle beaucoup, mais aujourd'hui dans le quotidien,
11:13 c'est très compliqué à faire, et il y a très peu d'agences qui le font véritablement.
11:16 C'est une démarche à long terme.
11:18 Ça arrive, ça existe, il y en a, mais ce n'est vraiment pas notre quotidien, c'est rare.
11:23 Il y a quand même des récits qui ont changé dans la création,
11:27 on parle de moins en moins de produits, on parle de plus en plus de valeurs,
11:30 vous-même vous avez signé une campagne pour Air France,
11:32 où on voit la tour Eiffel, une très jolie robe rouge, mais pas d'avion.
11:36 Qu'est-ce que ça change pour vous ?
11:39 Est-ce que c'est plus compliqué d'avoir des choses plus abstraites finalement à "vendre" ?
11:44 Pour Air France, ce n'était pas un choix, ça c'était l'hasard de la création,
11:50 de se dire on va faire un film élégant.
11:52 Une métaphore de l'envol.
11:54 Mais par contre, oui, il y a une vraie tendance,
11:57 je te laisserais parler, c'est une anecdote,
12:00 j'étais juré au Grand Prix Strat l'année dernière,
12:03 et on s'est félicité du renouveau de la catégorie voiture.
12:06 Il y avait plein de projets qui étaient sélectionnés, qui étaient short-listés en voiture.
12:10 Et en fait, quand on regarde bien le palmarès, il n'y a quasiment aucune pub de bagnole.
12:14 C'est une voiture fabriquée en collaboration avec les pompiers, pour la sécurité,
12:21 c'est des bornes électriques installées qu'on partage,
12:24 c'est même des compacts de marque employeur.
12:27 Mais il n'y avait pas une pub comme celle qu'on voit vraiment à la télé tous les jours avec des voitures.
12:30 Donc, je pense que la demande des clients reste toujours la même,
12:33 ils veulent vendre des burgers, des voitures,
12:35 mais par contre il y a des sujets de plus en plus sociétaux qui arrivent,
12:38 et c'est plus vrai dans les festivals que dans la télé pour le moment.
12:44 Parce que ça c'est un travers.
12:46 C'est une tendance qui arrive.
12:47 C'est vrai que quand on regarde Cannes, on voit le palmarès, on se dit "ok, c'est encore telle cause qui gagne".
12:54 Il y a moins de pubs produits quand même.
12:56 Ça c'est un énorme problème, c'est-à-dire que les publicitaires n'assument plus leur métier.
13:02 Donc, ils se sont inventés une espèce de chevalier blanc de la consommation,
13:09 et vont vouloir changer les comportements.
13:11 Parce qu'on leur a tapé dessus aussi.
13:12 Oui, mais je pense aussi que certainement, tous les jours,
13:16 parce que pour tous les débats qu'on connaît sur la consommation,
13:19 mais à un moment donné, vous savez quoi, nous on se lève le matin,
13:22 on est très bien dans nos bottes, on assume complètement ce qu'on fait,
13:24 on pense que les gens ont leur libre arbitre, et qu'ils peuvent décider ou pas de consommer.
13:28 Il y a beaucoup de gens qui sont quand même ambiguës,
13:30 et qui du coup empruntent un chemin qui est qu'un faux chemin.
13:33 On doit vendre des produits à des gens, on doit les intéresser,
13:35 on doit créer de la valeur et un point de vue sur les marques.
13:38 Ça s'arrête là.
13:39 Si par moment il fallait chercher une valeur forte,
13:41 parce que demain on doit travailler sur Patagonia,
13:43 ils n'ont pas de pub, ils n'en ont pas besoin, ils ont bien raison,
13:45 ils sont 100% écolo, mais c'est ce qu'on aurait fait,
13:47 on aurait pris cette valeur-là, on l'aurait travaillé par le haut,
13:49 sans parler des produits, c'est évident,
13:51 mais toutes les marques n'ont pas des valeurs fortes à défendre,
13:53 ça serait, quand on voit où c'est fabriqué par moment,
13:56 je n'ai pas rentré dans tous ces débats-là, c'est très complexe.
13:58 Donc je pense que tout ça, c'est en train de tuer notre métier,
14:01 et la partie créative de notre métier,
14:03 c'est qu'on n'assume plus qu'il faut vendre un hamburger,
14:05 qu'on n'assume plus qu'il faut vendre une voiture, une paire de chaussures, et que sais-je.
14:07 Il faut revenir au basique, et parfois aller chercher la valeur haute,
14:12 mais arrêtons de toujours vouloir pousser, et nous-mêmes,
14:15 on participe à ça, parce que si vous voulez gagner, vous êtes obligés de...
14:18 - Non mais c'est le brief du client aussi peut-être ?
14:20 - Mais pas tant que ça !
14:22 - Pas tant que ça, c'est ça le problème,
14:24 il y a une espèce de mascarade sur ces festivals.
14:26 - Il y a peut-être quelques clients qui sont intéressés par ça,
14:28 qui poussent dans cette direction,
14:30 mais souvent les clients n'ont pas tellement changé,
14:32 enfin ils ont changé, mais ils ne poussent pas forcément là-dedans.
14:34 C'est vraiment une volonté des publicitaires de se dire
14:38 "une façon de gagner des prix réduits, c'est un peu de sauver le monde"
14:41 ou de faire croire qu'on le fait.
14:43 Et on est les premiers à participer aussi, et parfois on dit que c'est con.
14:46 - Par moments oui, je te le dis trop souvent, mais...
14:49 - C'est mieux d'être honnête.
14:51 Vous parliez tout à l'heure, Faustin, de la multiplication des canaux,
14:53 c'est vrai que quand vous avez commencé le métier, il y avait moins de canaux de diffusion.
14:56 Comment on fait aujourd'hui pour être pertinent sur tous les canaux ?
15:00 On ne peut pas raconter la même chose,
15:02 je pense à votre film "Haldi" avec Cendrillon,
15:05 qui fait 2 minutes 14 ou quelque chose comme ça.
15:08 Comment on raconte la même chose sur un TikTok, un Thread, un Twitter, un YouTube Shorts ?
15:15 Ce n'est pas possible.
15:16 - Ce qui était intéressant avec cet exemple-là, c'est que justement, on l'a fait,
15:19 mais pas du tout en utilisant le film.
15:21 On avait gardé les deux personnages, et on a recréé leur histoire
15:25 en utilisant tous ces réseaux sociaux.
15:28 Par exemple, vous pouvez retrouver la fameuse chaussure de Cendrillon,
15:31 elle était en vente sur Le Bon Coin ou sur Vinted, je ne sais plus.
15:34 Ils pouvaient les deux se rencontrer sur Tinder.
15:36 On a recréé un peu leur histoire à travers les moyens de communication,
15:39 de rencontre, de vente d'aujourd'hui, à travers les réseaux sociaux.
15:42 Donc là, pour le coup, on a fait l'exercice un peu de manière idéale, si je puis dire.
15:46 - Parce que de toute façon, ça, c'est l'ancien modèle.
15:49 L'ancien modèle, c'était de prendre la télé,
15:51 de faire un cut-down et de mettre ça un peu partout,
15:54 et en fait, vous étalez, vous faites ce qu'on appelle un effet papier peint.
15:57 Ça ennuie tout le monde.
15:58 Ça n'est pas dans l'usage, ça n'est pas dans la mode de consommation,
16:00 c'est complètement à côté.
16:01 Donc évidemment, aujourd'hui, c'est l'idée globale,
16:03 ce qu'on appelle la fameuse, parce que tout est en anglais chez nous,
16:05 c'est insupportable, c'est comme ça, la fameuse Big Idea.
16:08 Et donc, quand vous avez une grosse idée, une grande idée,
16:10 naturellement, vous trouvez des formes différentes dans la même idée
16:13 pour l'exploiter en fonction des usages.
16:15 Et c'est là où on fait bien notre métier aujourd'hui, sinon on n'est plus dans l'époque.
16:18 - Oui, l'idéal, c'était toujours le plus créatif possible,
16:21 dans chaque média possible.
16:23 - Voilà, en fonction de l'usage.
16:24 - Après, parfois, c'est la pub qui est le mieux, la télé qui est mieux,
16:27 et puis parfois, c'est moins bien sur la réseau social, mais ça se dépend, parfois.
16:30 Tout est possible.
16:31 - Beau métier et ses créations sur tous ses supports.
16:35 Est-ce qu'ils sont aujourd'hui suffisamment valorisés ?
16:38 J'ai vu que dans les chantiers de l'ACC, il y avait redonné de la création de valeur
16:42 et de la valeur de création.
16:43 Aujourd'hui, ce n'est pas suffisamment reconnu, ce travail-là ?
16:47 - Je pense que ça ne l'est pas assez.
16:49 Je pense que ça, c'est pour avoir été au club des directeurs artistiques
16:54 pendant plus de 9 ans, vice-président il y a encore un an et demi.
16:59 Ça, c'est exactement le combat du club des directeurs artistiques,
17:03 c'est de valoriser la filière globale artistique et tous les métiers liés
17:09 aux arts appliqués, si je puis dire, mais dans une démarche commerciale.
17:13 Un motion designer, c'est un talent.
17:15 Il anime, on le voit, il y a des animations derrière,
17:17 avec Marc Estrade, etc.
17:19 Il y a du travail typographique.
17:20 Ça, c'est un talent, ce n'est pas assez valorisé dans nos métiers aujourd'hui,
17:23 même chez les clients.
17:24 Il y en a plein de métiers comme ça, et ça, c'est hyper important.
17:26 Je pense qu'il y a plein de formes aujourd'hui qu'il faut remettre devant et valoriser.
17:30 - C'est vrai que nous, on a un challenge.
17:31 On est dans une agence intégrée, donc on n'est plus que publicitaire.
17:36 Notre défi quotidien et notre but, c'est de la mener à la création.
17:41 Elle n'aura pas toujours la même forme, mais un peu dans tous les domaines
17:44 d'expertise de l'agence.
17:46 Évidemment qu'on ne parle pas forcément de Lyon à Cannes,
17:48 ou de choses comme ça, mais il faut que dans le retail,
17:51 dans le digital marketing, c'est quoi la création ?
17:53 C'est quoi être créatif dans ce domaine-là ?
17:55 C'est quoi innover ?
17:56 C'est comment se démarquer ?
17:57 Comment faire quelque chose qui n'a jamais été vu ?
17:59 C'est un chantier.
18:00 Il faut qu'on le trouve.
18:01 Ce ne sont pas forcément les mêmes critères exactement que les nôtres,
18:03 mais c'est toujours pareil, comment on émerge peut-être dans ce brouhaha
18:06 de manière technologique, de manière innovante,
18:09 pas forcément avec une idée publicitaire,
18:11 mais la création évolue.
18:14 Donc les métiers évoluent, il faut les valoriser.
18:16 Il y a un autre défi qui va de pair avec la valorisation,
18:19 pour le coup pas que financière,
18:21 c'est l'attractivité de vos métiers.
18:24 Est-ce qu'aujourd'hui vos métiers sont encore attractifs ?
18:26 J'ai l'impression que c'est de moins en moins le cas.
18:28 Et en même temps, j'ai un peu de mal à me l'expliquer.
18:31 Je crois que c'est, en tout cas pour commencer,
18:34 on travaille dans des entreprises quand même.
18:37 Je pense que d'une manière générale, le monde de l'entreprise
18:39 n'est plus très attractif pour la jeune génération.
18:41 Je ne pense pas que ça touche que la publicité.
18:44 Mais aujourd'hui, pour le moment,
18:46 si on veut faire de la pub et de la bonne pub,
18:49 il faut être dans une agence à Capignon-sur-Rue,
18:51 donc c'est une autre entreprise.
18:53 J'ai l'impression que ça intéresse moins les jeunes.
18:55 Le métier est plus difficile,
18:57 il y a moins de perspectives,
18:59 c'est plus compliqué de gravir les échelons, de progresser.
19:02 Les jeunes sont un peu perdus aussi,
19:05 parce que c'est des parcours moins droits.
19:08 Quand on est créatif, il n'y a pas d'évolution.
19:11 On parle de la création, pas forcément des commerciaux
19:14 ou des autres métiers, mais il n'y a pas une ligne toute droite
19:17 qui amène chaque année, on franchit, on a un nouveau poste,
19:20 on est promu et on grave les échelons.
19:22 La pub, c'est en fonction, on fait une pub, on cartonne,
19:24 on fait un truc bien, on est appelé et on progresse comme ça.
19:27 C'est plus difficile aujourd'hui.
19:28 Je ne sais pas si les jeunes voient cet aspect-là quand ils démarrent.
19:31 Je pense que tu vois la ligne de la trajectoire.
19:33 Quand on a démarré, on ne savait pas, on faisait des trucs.
19:35 Oui, mais on avait des exemples de gens qui…
19:37 C'est vrai qu'aujourd'hui, on a accès à tout,
19:39 donc on peut se renseigner sur n'importe qui,
19:41 voir son parcours, c'est vrai que ce n'était pas le cas à notre époque.
19:43 Mais je pense que surtout, je suis d'accord avec toi,
19:46 ça en fait partie, c'est évident, en plus la publicité,
19:48 c'est quand même le royaume du mal.
19:49 Si on reprend, je ne sais plus, les quatre métiers
19:51 les plus détestés en France…
19:53 Oh, le mien ne doit pas être loin.
19:54 Oui, la pornographie était même associée pas loin
19:56 dans les quatre premiers, alors que tout le monde la consomme
19:59 je ne sais plus combien d'heures par jour, c'est dramatique.
20:01 Donc ça, c'est encore un autre débat.
20:03 Mais moi, je pense que dans le fond, on avait à l'époque…
20:06 Alors, c'est un peu…
20:08 Ce n'est jamais bon de faire ça sur un plateau télé,
20:10 mais je vais dire ce que je pense.
20:11 Et je pense que malheureusement, ça fait partie, je pense,
20:15 du fait que la nouvelle génération s'y intéresse moins.
20:17 C'est que les ressources à louer,
20:19 c'est-à-dire les ressources de production,
20:21 les ressources et l'ouverture d'esprit sur le produit final,
20:24 sont réduites drastiquement.
20:25 Donc vous avez moins accès à des talents,
20:27 vous avez moins de moyens pour travailler, et moins de liberté.
20:29 Vous savez quoi ?
20:30 Les gens, ils vont là où ils ont le plus de liberté,
20:32 là où ils ont le plus de moyens pour travailler.
20:33 Et bizarrement, c'est chez Pixar, bizarrement, c'est dans le jeu vidéo,
20:36 et c'est de moins en moins dans la publicité.
20:37 Remarquez tous les jours que quand on est sur la télé,
20:40 on est quand même dans un tunnel,
20:42 excusez-moi, il n'y a pas d'autres mots, de merde.
20:44 C'est-à-dire que c'est rempli de trucs très mauvais
20:46 qui n'intéressent personne.
20:47 Parce que c'est devenu de plus en plus contraint,
20:49 pour plein de façons, de néolégislations,
20:54 mais aussi par une étroiteresse, si je puis dire,
20:57 de l'ouverture d'esprit sur le produit final,
20:58 et des moyens loués qui sont moins importants.
20:59 Et je pense que ça, malheureusement,
21:01 on ne peut rien y faire,
21:02 ça contribue au fait que les jeunes vont se reporter
21:04 sur des métiers plus artistiques,
21:05 où ils ont plus de place, plus de liberté.
21:07 J'en suis convaincu.
21:08 Oui, et puis c'est un peu un "ça, ça, ça",
21:09 parce qu'on commence dans la pub,
21:10 on commence mal payé, à faire des horaires impossibles.
21:13 Et c'est vrai que...
21:15 Pourquoi faire ça si on a moins de perspective ?
21:18 C'est possible.
21:19 Ce n'est pas un mot de la fin très positif,
21:21 mais on va quand même s'arrêter là-dessus,
21:22 parce qu'on est au bout.
21:23 Merci à tous les deux d'être venus me voir.
21:25 Benjamin Marshall et Faustin Clavric,
21:27 aux directeurs de la création de TBW à Paris.

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