A l'aide des mathématiques existentielles qu'il a inventées, le chercheur Laurent Derobert produit des équations comme des poèmes rigoureux et sensibles qui quantifient la vitesse de transformation de notre être ou les facteurs nous font tomber...
Retrouvez "La question qui" de Maïa Mazaurette sur France Inter et sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/burne-out
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AmusantTranscription
00:00 [Musique]
00:05 Qu'est-ce qu'on trouve si sexy dans la maths ?
00:08 [Musique]
00:28 Pour autre mot, les maths et mathématiques sont-elles le langage de l'amour ?
00:32 Le monde froid de la raison peut-il se télescoper avec le monde moite des émotions ?
00:37 A priori, on se dit que ce ne va pas être possible. Le mélange des maths et de l'amour peut même être perçu comme contre-nature.
00:42 Les maths comptabilisent. Notre idéal de l'amour, c'est qu'on ne comptabilise rien.
00:45 Puis dans notre imaginaire, c'est un sentiment infini. En amour, toute interférence comptable suscite des résistances.
00:51 Et pourtant, la quantification se glisse jusque sous nos draps.
00:54 Les mariages coutument l'un de l'étape les rencontres, nous assignent un score de désirabilité.
00:58 L'orgasme finit dans des sondages, le plaisir dans des grilles statistiques.
01:01 Le couple moderne, qui compte, et il compte les points précisément, qui fait le plus de corvées domestiques,
01:07 comment se répartit le salaire, qui aime le plus, qui désire le plus, à quelle heure, après combien d'années ?
01:11 Ça paraît triste, mais ça ne l'est pas forcément. Compter les points permet de rendre au sens duple.
01:15 Peser les sentiments permet d'en trouver le point d'équilibre.
01:17 Et puis surtout, les maths, ça reste une grille de lecture parmi d'autres,
01:21 qui n'empêche pas d'injecter dans l'amour des lettres, de la mythologie, de la géographie,
01:25 de la cuisine mexicaine, des tractopelles, du rugby à 15.
01:28 Les maths ne sont pas le langage de l'amour, ils sont un langage de l'amour.
01:31 Si à l'école vous étiez nuls en maths, mais doués en sport, rassurez-vous, l'amour parle toutes les langues.
01:36 Et Maya, aujourd'hui, tu reçois le docteur en maths et artiste, Laurent De Robert.
01:40 Bonjour Laurent De Robert.
01:41 Bonjour.
01:42 Alors, vous, vous avez conçu et développé les mathématiques existentielles.
01:45 Mon Dieu, qu'est-ce que c'est que ça ?
01:47 Déjà, je vous rassure, parce que les mathématiques ne comptent pas toujours.
01:49 Elles racontent aussi.
01:51 Et précisément, les mathématiques que je professe, enfin que je transmets,
01:54 sont des mathématiques pour raconter des histoires.
01:57 Et ces mathématiques existentielles, elles ne sont pas graves, elles sont douces, poétiques, homéopathiques même.
02:02 Je pense que leur enjeu, c'est vraiment de chercher à exprimer avec des équations, des émotions, des pensées.
02:08 L'idée, c'est vraiment de traduire notre vie, les espérances qu'elles portent, les doutes qu'elles portent, en conjecture et théorème.
02:16 Alors, je donne un exemple qui correspond à ce que vous venez de dire.
02:19 La distance L, L*, toute psychique et non physique, qui sépare l'aimer L* de l'amant L, pourra s'amoindrir sans jamais s'éteindre.
02:27 C'est important quand même de jamais ravir l'objet de son désir, sinon qu'est-ce qu'on fait ?
02:31 Mais ceci dit, moi j'ai absolument rien compris quand j'ai lu.
02:34 Déjà, ne pas comprendre, ce n'est pas très grave. J'aime bien d'ailleurs Herve Le Tellier...
02:40 Et par contre, j'ai trouvé ça très poétique. Malgré mon incompréhension.
02:42 Et L* commence à enlivrer l'anomalie par dire qu'il y a quelque chose qui est plus important que la connaissance, même que le génie, c'est l'incompréhension.
02:48 Donc si ces mathématiques, elles permettent de rêver le monde, plus que de le comprendre, c'est déjà un grand pari de gagné.
02:54 Est-ce que vous avez du succès sur Tinder ? Vous mettez des équations dans la bio ?
02:57 Ah oui, il n'y a que des échecs. Déjà, je n'ai pas trop été, mais c'est vrai que ma vie amoureuse n'est pas l'exemple d'une réussite absolue.
03:02 Écrivez-nous 0145247000.
03:05 Comment on dit "je t'aime" en langage mathématique ?
03:08 C'est drôle parce que c'est la dernière équation que j'ai essayé d'écrire. C'est aussi la dernière phrase que les Beatles ont enregistrée.
03:14 Alors on écoute.
03:15 Dans le dernier titre.
03:16 Il faut qu'on m'explique.
03:35 Déjà, vous êtes vraiment très fort parce que je vous ai dit la chose il y a trois minutes au régistreur technique, il a trouvé la chanson.
03:40 Ça c'est France Inter.
03:41 Il y a des moyens exceptionnels pour cette émission.
03:44 Bravo, mais c'est vrai que cette phrase demeure, je ne sais pas comment dire, cosmique.
03:50 Donc il se déchire entre tous les Beatles. Il se retrouve pour une dernière fois dans ce studio d'enregistrement.
03:56 Et je ne sais pas comment vous la traduirez.
03:58 "In the end, the love you take is equal to the love you make."
04:02 Je ne sais pas, à la fin, l'amour qu'on reçoit est égal à l'amour qu'on donne.
04:07 Et ça mathématiquement, ça s'écrit si on prend les variables d'amour donné et reçu et qu'on l'intègre dans le temps,
04:12 depuis l'origine jusqu'à la fin des temps et qu'on fait valoir le principe de symétrie, alors on a cette fameuse équation.
04:18 Vous avez vu que ça ne résout rien, juste ça met en scène le mystère.
04:21 Non, mais par contre c'est hyper beau et moi j'ai envie de vous auto envoyer un message au 01 45 24 7000 tellement là je suis un petit peu en train de tomber amoureuse.
04:27 Et j'ai d'ailleurs noté un exemple tiré de votre livre "Fragments de mathématiques existentielles" publié en 2012.
04:32 Vous écrivez "Les amours hyper asymétriques sont fatalement anxiogènes."
04:36 D'où l'importance de la symétrie.
04:38 La symétrie, le tourment en fait.
04:41 Ce que j'aime bien dire c'est que quand même l'amour c'est une histoire de cœur brisé qu'on essaye de réparer.
04:45 Et attention je vais faire un syllogisme.
04:47 Si l'amour est une histoire de cœur brisé, je vous rappellerai aussi que l'origine même de l'algèbre c'est ça.
04:53 Algebre ça veut dire en arabe "Restaurer ce qui a été brisé."
04:56 D'ailleurs Cervantes il s'en rappelle quand il nomme l'algébriste à le Robouteau qui est capable de remettre les os brisés du chevalier des miroirs.
05:03 Donc si l'amour c'est restaurer ce qui a été brisé et si l'algèbre c'est précisément la restauration de ce qui a été fragmenté,
05:09 alors l'amour c'est de l'algèbre.
05:11 Ce qui ne veut pas dire que la réciproque est vraie.
05:14 Je sais que les pauvres collégiens qui se tapent du logarithme des racines carrées tous les matins là,
05:19 ne pensent pas que l'algèbre c'est de l'amour.
05:21 Mais au moins qu'ils aient dans l'esprit qu'on peut parler d'amour avec le langage de Pythagore.
05:26 Et puis on peut même parler de polyamour puisque j'ai vu une de vos équations sur quand on a plusieurs amours, les amours multiples.
05:31 Ça vous aurez noté que c'est sans solution.
05:33 Alors j'ai pas du coup réussi à comprendre l'équation ?
05:36 Elle est très belle, elle est très grosse l'équation.
05:38 Elle prend quasiment toute la page l'équation par exemple de l'amour multiple.
05:41 Tout ce qui est simple est faux, tout ce qui est complexe est inutilisable.
05:44 Très bien. Alors vous dites que les maths c'est un maximum de liberté dans un minimum de symboles.
05:49 Pourquoi est-ce que moi j'ai pas appris ces mathématiques là quand j'étais à l'école ?
05:52 Vous les avez apprises en faisant de la poésie.
05:55 Je trouve que c'est ça le principe même de la poétique.
05:57 C'est d'avoir un maximum de sens dans un minimum de symboles et une équation a exactement le même procédé.
06:03 Ça ouvre un maximum de fenêtres avec un minimum de signes.
06:07 Là en ce moment vous travaillez sur les jardins de Grotendieck.
06:10 C'était un des plus grands mathématiciens du XXe siècle.
06:12 Vous voulez absolument nous en parler. Allez-y.
06:14 Oui pour deux raisons. J'espère qu'on va rebondir avec Hervé Le Tellier tout à l'heure.
06:17 Mais c'est le plus grand mathématicien.
06:20 Tapez sur Google, vous allez voir.
06:22 C'est un homme qui a réinventé la mathématique presque en autodidacte et qui a gagné tous les prix.
06:26 Et qui au bout d'un certain temps a tout envoyé balader.
06:29 Pour fonder d'abord un mouvement écologique mais surtout pour renoncer au monde.
06:33 Et s'installer pendant 20 ans dans une petite ferme, dans une petite maison au pied des Pyrénées dans la Riège.
06:39 Et il dit qu'il a confié ses plus grands trésors à ses plantes.
06:42 A son pommier, à son rosier, à sa vigne.
06:44 Et donc nous les mathématiques de demain, elles consistent à aller recueillir les graines de ces plantes
06:50 qui sont la mémoire même des plus grands théorèmes peut-être de Grothendieck.
06:54 Je veux dire, c'est pas impossible. C'est une hypothèse scientifique après tout.
06:57 Peut-être, elle n'a pas été invalidée, qu'un jour nous saurons parler du langage des plantes
07:00 et que nous confierons les théorèmes de Grothendieck.
07:03 Très bien, faisons parler les plantes. Merci infiniment Laurent De Robert.
07:06 Je rappelle donc que vous êtes chercheur en mathématiques existentielles.
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