Il sera question de politique cette semaine dans « Au bonheur des livres », avec deux écrivains qui tiennent avec grand talent la chronique de notre vie publique.
Franz-Olivier Giesbert d’abord, homme de média et de plume qu’on ne présente plus, et qui poursuit son travail très personnel de mémorialiste politique avec la publication de « Tragédie française », troisième tome de son « Histoire intime de la Ve république » (Ed. Gallimard) : l’occasion d’évoquer, non sans une certaine malice, les mandats des derniers présidents en exercice… Et de converser avec le second invité, le romancier Matthieu Falcone, qui publie quant à lui une fiction caustique, voire féroce, librement inspirée de personnalités réelles au pouvoir en France : « Le roi est nu » (Ed. Albin Michel).
La république est-elle en voie de monarchisation ? A-t-elle toujours eu quelques soucis avec l’ego de ceux qui la dirigent ? Et la politique n’est-elle au fond qu’une affaire d’individus ? Autant de questions qui alimenteront, pour sûr, une émission passionnante.
Année de Production : 2023
Franz-Olivier Giesbert d’abord, homme de média et de plume qu’on ne présente plus, et qui poursuit son travail très personnel de mémorialiste politique avec la publication de « Tragédie française », troisième tome de son « Histoire intime de la Ve république » (Ed. Gallimard) : l’occasion d’évoquer, non sans une certaine malice, les mandats des derniers présidents en exercice… Et de converser avec le second invité, le romancier Matthieu Falcone, qui publie quant à lui une fiction caustique, voire féroce, librement inspirée de personnalités réelles au pouvoir en France : « Le roi est nu » (Ed. Albin Michel).
La république est-elle en voie de monarchisation ? A-t-elle toujours eu quelques soucis avec l’ego de ceux qui la dirigent ? Et la politique n’est-elle au fond qu’une affaire d’individus ? Autant de questions qui alimenteront, pour sûr, une émission passionnante.
Année de Production : 2023
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00:00 "Uncatchable", Alexandr Zhelanov
00:02 ...
00:17 -Bonjour à tous. Bienvenue au Bonheur des livres.
00:20 Nous allons parler avec Mathieu Falcone.
00:22 Bonjour, Mathieu. Bienvenue sur l'antenne de "Public, c'est là".
00:25 "Le roi est nu" s'est publié aux éditions Albain Michel,
00:28 évidemment, il y a ce petit ajout sur la jaquette du livre
00:32 qui prouve qu'évidemment, ce livre, qui est un roman,
00:35 est ultra polémique, c'est pour ça que nous vous avons invité,
00:38 car c'est à la fois passionnant et en même temps,
00:41 légèrement déjanté, vous êtes d'accord avec moi
00:44 que c'est un des projets que vous avez,
00:46 et en plus, ce cher Mathieu vient d'Aix-en-Provence,
00:49 une ville que nous aimons.
00:50 François-Olivier Gisbert, il est inutile de vous le présenter,
00:53 c'est le plus brillant de notre génération,
00:56 il a dirigé à la fois "Le Nouvel Obs", "Le Figaro", "Le Point",
01:00 publié de très nombreux livres, dont voici le dernier,
01:03 c'est le troisième tome de son histoire,
01:05 donc intime, de la Ve République, tragédie française.
01:08 Le voici, le voilà.
01:10 Nous allons parler de tous ces présidents,
01:12 nous allons parler de cette envie inventée par Mathieu
01:15 du président Macron d'accéder à une certaine forme
01:18 de monarchie constitutionnelle par le biais d'un référendum,
01:21 c'est assez amusant, mais il y a quelque chose
01:24 que je ne peux pas m'empêcher d'évoquer avec vous,
01:27 c'est cette manière que vous avez de parler de vous
01:30 très personnellement dans cette histoire politique,
01:33 et notamment quand vous racontez cette histoire
01:36 avec Naïd Odjeh, qui était donc la compagne
01:38 d'un célèbre marchand d'armes mondial.
01:41 - Non, qui était l'épouse
01:42 avec laquelle j'ai vécu pendant 5 ans.
01:45 - Mais vous dites, quand vous faites la description
01:48 de la place des Etats-Unis, du petit appartement
01:50 où vous viviez avec à la fois des Van Gogh,
01:53 des Monet, etc., et en même temps,
01:55 à diriger le Figaro, on se dit "ce type est un dingue".
01:58 - Ah, ça, c'est possible. - Parlez de vous.
02:01 - Ça, c'est possible.
02:02 Oui, oui, je pense qu'il y a beaucoup de dinguerie en moi.
02:05 - Vous dites même que je me prenais pour Proust.
02:08 - Oui, effectivement, et d'ailleurs,
02:10 j'ai commencé à écrire à ce moment-là un grand roman,
02:13 alors vraiment, il faudrait que je retravaille,
02:16 parce qu'il y avait trop de personnages,
02:18 c'est pas vraiment publiable, c'est un gros machin,
02:21 mais c'est l'univers des riches.
02:23 - Parce que vous alliez au Figaro dans la journée,
02:26 le soir, elle faisait des dîners gigantesques,
02:29 sauf parfois, dites-vous, quand elle recevait Simon Peres,
02:32 qui vous parlait des futurs accords d'Oslo,
02:35 qui étaient négociés par Isaac Rabin,
02:37 mais autrement, c'était Versailles.
02:39 Vous étiez invité tous les soirs à Versailles.
02:42 - C'était plus compliqué que ça,
02:44 parce qu'on pouvait prendre le métro, attendez, c'est...
02:47 Non, attendez, il faut voir aussi comment je suis, comment je vis.
02:51 Et je pense que...
02:52 D'abord, j'étais très heureux avec elle,
02:55 c'est quelqu'un que j'ai aimé,
02:56 mais si je raconte ça, c'est parce que ça fait partie de ma vie,
03:01 et j'ai rien voulu cacher, c'est tout, c'est aussi bête que ça.
03:05 Et c'est pas un livre où je règle des comptes avec qui que ce soit,
03:09 parce que c'est pas mon sujet.
03:10 Le sujet, c'est de mettre tout ça en perspective
03:13 avec cette histoire intime,
03:15 parce que ça veut dire quelque chose.
03:17 Je n'hésite pas à dire, par exemple,
03:19 que en 1989, année de la chute du mur,
03:23 l'événement le plus important pour moi,
03:26 et encore aujourd'hui, quand je pense à 1989,
03:28 c'est l'amour de ma mère.
03:30 C'est important, ça, aussi, pour...
03:32 Je pense que...
03:33 - Moi, je pense que ça...
03:35 Pour bien vous avoir lu et pour vous le connaître,
03:38 ça éclaire aussi le rôle un peu 19e,
03:42 j'allais dire des journalistes, des illusions perdues,
03:45 et en même temps, une grande lucidité de votre part.
03:48 Le passage sur Balladur, où au fond, vous dites...
03:51 "Édouard Balladur, bon, il y a eu des privatisations,
03:54 "il y a eu une réforme des retraites qui concerne le privé,
03:57 "mais il y a d'abord et avant tout eu la mort de deux personnages
04:00 "qui ont touché les Français, à savoir Léo Ferré et Jean Carmé."
04:04 Donc, à ce moment-là, on a envie de rire, mais on va revenir...
04:07 - C'est la vérité, aussi.
04:09 Vous savez que c'était important, Jean Carmé et Léo Ferré.
04:12 - Et le cas d'Emmanuel Macron, qui démarre avec la mort d'Alidé.
04:16 Il n'était plus question de Macron, mais d'Alidé.
04:19 Mathieu Falcone, "Le roi est nu".
04:21 C'est un roman plutôt déjanté,
04:22 ce qu'on appelle une dystopie, maintenant.
04:25 Donc, vous imaginez, Mathieu,
04:27 et je suppose que vous avez ça dans la tête,
04:29 qu'à aucun moment, le président de la République
04:32 n'a le moindre envie de quitter le pouvoir,
04:35 et qu'au dernier moment, il va nous inventer
04:37 une sorte de référendum, dont vous dites qu'il le remportera,
04:41 pour transformer la Ve République,
04:43 qu'on qualifie souvent de monarchie,
04:45 et qu'il sera le premier roi de la nouvelle version.
04:48 C'est à Michel Ier. C'est ça, l'idée ?
04:50 - Oui, c'est ça, l'idée. Après, évidemment, c'est un roman.
04:53 - C'est du radical. - Oui, c'est radical.
04:56 Et on est dans une transposition,
04:58 donc on n'est pas vraiment dans des personnages existants.
05:01 C'est, comme vous dites, une chronie.
05:04 Enfin, on est dans la fiction.
05:06 Mais il est vrai que cette Ve République,
05:09 qui est très monarchiste,
05:10 enfin, en tout cas, c'est un peu comme ça
05:13 que De Gaulle l'a voulu, il me semble,
05:15 aujourd'hui, on est à un moment de crise,
05:18 et on a, en même temps, un président
05:22 qui a peut-être des ambitions,
05:24 qui, en tout cas, pourrait se les permettre.
05:26 - Mais est-ce que le romancier que vous êtes
05:29 a la conviction profonde qu'il n'a aucune envie de partir
05:32 et qu'il va tenter quelque chose ?
05:34 Ou est-ce que c'est vraiment une réflexion de fiction ?
05:37 - Non, c'est de la fiction. Je n'en sais rien.
05:40 Je ne connais pas Emmanuel Macron,
05:42 je ne sais pas du tout ce qu'il a dans la tête.
05:45 Mais puisqu'on a un président jeune et brillant,
05:48 en fait, l'idée, c'était de se dire
05:50 qu'est-ce qu'il pourrait faire, après ?
05:53 Est-ce qu'il n'essaierait pas ça ?
05:55 Est-ce qu'en même temps, on a ce...
05:57 Comment dire ? Cette envie de retour de la monarchie
06:00 qui est toujours un peu sous-jacente en France ?
06:03 - Qu'il a évoqué lui-même, au départ,
06:05 dans la campagne de 2017.
06:07 - Exactement, en disant qu'il nous manquait un roi.
06:10 - Comment vous allez sur cette ambiguïté-là ?
06:12 - Ça commence par une scène avec un conseiller du président
06:16 qui est en train de corrompre un écrivain
06:18 qui est un peu borderline, de droite,
06:22 pas très content, il mange du riz de veau,
06:24 tranquillement, et au fond, il lui fait miroiter
06:27 la possibilité de faire un livre d'entretien
06:30 avec le président de la République
06:32 contre la possibilité d'espionner des milieux de droite
06:35 ou d'extrême droite et de lui rapporter
06:37 un certain nombre de renseignements.
06:40 Après, il y a une deuxième scène
06:41 où le président de la République, que vous mettez en scène aussi,
06:45 va voir une de ses conseillères,
06:47 qui s'appelle Simone Reynemans et Bonne-Soleyn,
06:50 et lui demande, en gros, de noyauter,
06:52 c'est ça qui devient intéressant,
06:54 ce que Macron, c'est ça que vous lui mettez dans la tête,
06:57 a dans la tête, c'est pas du tout les partis politiques
07:01 qui se couchent à chaque fois,
07:02 après, justement, ce référendum gagné,
07:05 mais les youtubeurs, les zadistes,
07:08 les apprentis gilets jaunes, etc.,
07:10 c'est comme ça que vous inventez
07:12 une multitude de personnages qui représentent cette galaxie-là.
07:16 Ça commence justement par ce déjeuner,
07:18 dont par un truc qui est fondamentalement antidémocratique,
07:22 c'est la manipulation et l'envoi du raid partout où il y a des types dangereux.
07:26 - Oui, c'est ça, parce que dans le roman,
07:29 on est à une période de basculement,
07:31 et c'est un pouvoir qui fait une espèce de coup d'État,
07:34 ce président Michel,
07:37 donc il est un peu sur la défensive,
07:39 il se dit "qu'est-ce qui va se passer autour ?"
07:41 et on a toute une frange de personnages
07:44 qui sont un peu en marge de la société
07:46 et qui aimeraient bien reprendre le pouvoir.
07:48 - Il y a un youtubeur,
07:50 il y a donc un jeune étudiant qui vient de milieux ouvriers très pauvres
07:54 et qui, en même temps, a fait des études très brillantes
07:58 à Normal Sub, qui rencontre une jeune femme
08:00 qui est une technophobe absolue et qui déteste tout ça.
08:04 Donc, évidemment, le youtubeur, il ressemble un peu à Papacito
08:07 et c'est vraiment plutôt la droite de la droite,
08:10 les 4-4, la version des rappeurs de droite.
08:13 - Oui, voilà, un peu viriliste, ce retour-là.
08:16 - Voilà, mais on lui envoie...
08:18 Alors, il se fait embarquer par un commando
08:20 qui essaie de le sauver du pouvoir,
08:22 c'est aussi une des scènes qui a ses réussites en livre,
08:26 et à partir du moment où ils l'ont embarqué,
08:28 10 minutes après, débarque le raid sur ordre du conseiller
08:32 qui a l'intention de péter ses disques durs,
08:34 d'enlever toutes les vidéos qu'il a faites
08:37 pour critiquer cette forme d'accession au pouvoir.
08:40 Donc, c'est un peu un polar, au début.
08:42 - Oui, oui, il y a cette forme-là, oui.
08:45 Mais après, c'est vraiment...
08:47 Moi, ce que je trouve intéressant, c'est, en fait,
08:50 comment reprendre un peu le pouvoir sur sa vie,
08:53 c'est-à-dire qu'il y a...
08:55 On lit, de bord, dans "La société du spectacle",
08:58 il explique qu'en fait, on est entré dans une phase capitaliste
09:02 où, en réalité, on est plus que dans la contemplation du monde,
09:05 on est devenu passif, et le monde avance sans nous.
09:08 Et ces personnages-là, en fait,
09:10 essaient de reprendre le pouvoir sur leur vie,
09:13 sur la marche des choses,
09:15 donc essaient de contrer, d'une certaine manière,
09:18 un système qui avance tout seul en roue libre.
09:21 Evidemment, ça va être un peu compliqué,
09:23 mais il y a cette...
09:25 Voilà, il y a cette notion de personnages
09:27 qui, forcément, sont marginaux
09:29 et qui ont envie de contrer un système
09:32 qui a l'air de fonctionner tout seul.
09:34 -Le dernier point que je voulais évoquer avec vous,
09:37 parce que c'est un roman touffu, c'est qu'un peu comme...
09:41 Et ça, c'est quand même un hasard.
09:43 Un peu comme "Humus" de Gaspar König,
09:45 ça se termine...
09:46 Ça me rappelle "Dantec", il y a dix ans,
09:49 dans "Babylon Babies".
09:50 Ça se termine dans une espèce d'apocalypse
09:53 du côté de la place de la Concorde,
09:55 avec le rêve contre les manifestants,
09:57 ça canarde dans tous les sens,
09:59 tout le monde essaie de s'échapper.
10:01 C'est quand même une vision apocalyptique.
10:04 -Oui, mais alors, j'assume ça,
10:06 j'étais assez influencé par "Dantec", effectivement.
10:09 -J'adorais. -Et j'aime beaucoup,
10:11 il a des romans complètement foutraques,
10:14 où, effectivement, les mecs font venir des bibliothèques,
10:17 de livres de Scholastique aux Etats-Unis
10:20 pour sauver le monde.
10:21 Il y a ce truc-là que j'aime beaucoup chez lui,
10:24 et ce côté aussi... Ça bouge toujours, en fait.
10:27 Les mecs partent avec une voiture et traversent un continent entier.
10:31 J'avais ce désir dans le roman de pouvoir traverser la France,
10:35 et que les personnages... -Ils vont à Auch.
10:37 Quelquefois, ils sont allés au Sursol.
10:40 -Ils sont dans le Ouest. -Arnaud habite à Hong,
10:42 un tout petit village. -Oui.
10:44 Et ça permet de parler des paysages de la France aussi,
10:47 et donc de cette France qu'on...
10:49 Parfois, on oublie un peu dans la littérature contemporaine,
10:53 et de cette, on va dire, cette France profonde,
10:56 ce pays réel.
10:57 -Et donc, ce Macron que vous inventez,
11:02 parce que c'est de la fiction, c'est un roman,
11:04 ce que je trouve intéressant, c'est que vous ne faites pas,
11:08 non pas que le détester, mais vous considérez
11:10 qu'à la limite, aujourd'hui, les Français sont très ambiguës
11:14 par rapport à lui, et c'est pour ça que vous donnez
11:17 un intérêt à la littérature.
11:19 Il le déteste dans les sondages, il n'aime rien de ce qu'il fait,
11:22 mais il serait foutu de le réélire demain matin,
11:25 s'il le fallait, peut-être dans six mois,
11:28 et donc peut-être de lui donner, justement,
11:30 une sorte de pouvoir monarchique.
11:32 -Oui, je pense que beaucoup de choses sont possibles,
11:35 effectivement, et après, dans le roman,
11:38 évidemment, c'est pas Macron, c'est un personnage
11:41 qui en est inspiré, mais qui s'appelle Michel,
11:43 et on est dans une... -Mathieu !
11:45 -Oui, alors, ça, c'est... -Mathieu !
11:47 On revient sur Terre, on ne me prend pas pour un débile !
11:51 -Je ne suis pas totalement responsable de cette couverture.
11:54 -Non, elle, Vika Minou. -Non, mais ce que je veux dire,
11:57 c'est qu'évidemment, le personnage est inspiré d'Emmanuel Macron,
12:01 et ça n'aurait pas été possible sans lui, ce roman.
12:04 Après, je ne sais pas du tout ce qu'Emmanuel Macron fera en 2027,
12:09 je pense que personne ici ne le sait,
12:12 mais je trouvais intéressant d'imaginer
12:16 cette possibilité d'un retour à une forme de monarchie,
12:19 de verticalité, de quelque chose qui surplomberait, en fait.
12:23 On arrive dans un moment de crise et on a un pays qui se...
12:26 -Qui cristallise. -Qui est pas loin de se dissoudre
12:29 et de s'entretuer, en fait.
12:30 Que quelqu'un arrive, l'homme providentiel,
12:33 on a toujours ce fantasme. -C'est ce qui avait évoqué
12:36 en 2017, après une visite à Philippe de Villiers,
12:39 il avait évoqué, justement, cette espèce de nostalgie française
12:42 du fait que Louis XVI soit passé à la guillotine.
12:45 Le roman est très réussi, vous allez évidemment rester avec nous,
12:49 parce qu'on va bavarder tout ça avec Franck, tout à l'heure.
12:52 Il tient à la fois du polar, de la dystopie,
12:55 on parlait de Dantec, mais je sais que vous aimez beaucoup
12:58 la littérature qui cogne, c'est-à-dire Céline,
13:01 ou Helbeck, vous l'avez dit récemment,
13:03 et vous déplorez une certaine forme de littérature
13:06 un peu misérabiliste à la française,
13:08 où on raconte sa vie.
13:09 Comme vous l'avez compris, Mathieu ne parle pas du tout
13:13 de Macron, mais comme par hasard, ça me rappelle,
13:15 il y a des années, et Franck s'en souvient,
13:18 de l'ouverture d'un livre sur Giscard,
13:20 où on le voyait déguisé en Louis XVI.
13:22 France ! -Oui !
13:24 -On démarre en 81 et on va jusqu'à Macron.
13:26 Je fais une classification dont vous allez me dire
13:31 si elle vous correspond.
13:32 En fait, donc, nous avons François Mitterrand,
13:35 Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, François Hollande,
13:38 Emmanuel Macron, ils sont cinq.
13:40 Dans les livres précédents, vous aviez, évidemment,
13:43 le général de Gaulle, Georges Pompidou et Giscard.
13:47 Ce que je perçois de ce que vous avez écrit sur l'ensemble,
13:51 c'est que les trois premiers
13:53 avaient à la fois une envie de pouvoir évidente,
13:56 mais en même temps, un dessin politique réel.
13:59 De Gaulle, sauver la France,
14:01 Pompidou, la prospérité,
14:03 Giscard, moderniser.
14:05 Et à partir du moment où on arrive à ceux que voici,
14:08 c'est-à-dire cette dernière partie de la Ve République,
14:12 c'est-à-dire Mitterrand, Chirac, Sarkozy,
14:16 Hollande et Macron.
14:17 Macron étant un cas un petit peu particulier,
14:20 au fond, c'est tellement dans ce que vous racontez
14:24 que j'essaie de donner une vision générale.
14:26 Vous dites que ce sont des gens qui ont oublié le dessin,
14:30 voire même totalement oublié le dessin,
14:32 et qui ont consacré leur vie,
14:34 quitte à la perdre, à la conquête du pouvoir.
14:37 Faites-vous cette différence ?
14:39 -Oui, je serai moins sévère, en tout cas, sur certains.
14:42 Je pense que, en gros, c'est vrai,
14:45 que beaucoup sont uniquement dans la conquête du pouvoir,
14:48 et après, comment le garder ?
14:50 Ce qui explique.
14:52 Mais il y en a quand même qui ont des dessins,
14:55 et puis le dessin se perd avec le temps.
14:57 Ce qui est vrai, c'est qu'à partir de 1981,
15:01 pour des raisons évidentes, qui sont économiques,
15:04 le côté "on a le sentiment qu'il y a moins de contrôle",
15:08 à partir de ce moment-là, il y a, je dirais,
15:11 une sorte de peur qui s'empare de ces présidents,
15:15 même si c'est pas vraiment assumé en tant que peur,
15:18 et qu'au fond, ils essayent de sauver les mobs,
15:21 en tout cas pour certains d'entre eux.
15:23 C'est ce qui change...
15:25 -Vous décrivez un Chirac,
15:27 qui, après avoir accès au pouvoir,
15:29 il bat baladeur... -Malheureux.
15:31 -Il est tétanisé.
15:32 -Pas tétanisé, triste, malheureux.
15:35 C'est vraiment quelqu'un qui,
15:38 dès qu'il arrive en 1995 à l'Elysée,
15:41 il est triste.
15:43 Et puis, il a été beaucoup trahi dans les années qui précédaient.
15:47 -Il y a même un chapitre que vous avez écrit...
15:49 -Il n'a plus confiance en personne.
15:52 -Il s'appelle "La plus grande trahison de la Ve République".
15:56 -Oui, bien sûr.
15:57 -Il faut l'expliquer.
15:58 -Oui, c'était un homme qui l'avait fait,
16:01 qui était Édouard Balladur.
16:03 -C'est à partir de la conversation avec René Monory.
16:06 -Oui, alors c'est un truc extraordinaire.
16:09 René Monory, qui était président du Sénat,
16:11 a été chargé par Balladur de transmettre à Mitterrand
16:14 le message que Chirac voulait devenir
16:17 quand même Premier ministre.
16:18 Je pense que Mitterrand devait hésiter
16:21 à mettre quand même Chirac comme Premier ministre
16:25 après la victoire écrasante de la droite,
16:27 vous vous souvenez ?
16:29 En 1993, législative de 1993,
16:31 la gauche n'existait plus.
16:33 C'était le parti socialiste de Bérégovoy.
16:36 Il s'était suicidé, sûrement en parti,
16:38 à cause de ça.
16:40 C'était une défaite.
16:41 -Sur le cadavre de Bérégovoy,
16:43 qui a été quand même assez populaire,
16:45 au moment où il était au pouvoir,
16:47 la dette en France a explosé de plus de 13 %.
16:50 Mais revenez à la trahison.
16:53 -Donc, donc, donc...
16:54 -Mathieu vous écoute.
16:56 -Il voulait, Balladur, à tout prix,
16:58 être nommé Premier ministre.
17:00 Donc il fait dire à Mitterrand,
17:02 "Attention, si vous, pour vous amuser,
17:05 "vous proposez Matignon à Chirac,
17:08 "il risque d'accepter, et puis de vous embêter après."
17:11 Donc, moi, voilà, je suis là.
17:13 Et c'est le message qu'il transmet.
17:15 Et à partir de là, dès qu'il arrive à Matignon,
17:18 Edouard Balladur, donc, qui est, comment dire...
17:21 Moi, j'ai des souvenirs très précis de Chirac,
17:24 qui vous appelle, que je me souviens,
17:26 quand j'étais au Figaro.
17:28 Donc j'étais directeur, là,
17:30 et j'entendais Chirac au téléphone,
17:32 qui me disait, "Attention, j'ai donné un...
17:35 "Enfin, Edouard vous a envoyé un article,
17:38 "ce serait très intéressant,
17:40 "il faudrait bien le présenter, c'est très important."
17:43 Il avait peur que le truc passe à la série.
17:45 Il était un peu l'attaché de presse de Balladur.
17:48 Très engagé. Bon, là, il s'est fait trahir
17:51 dans les grandes largeurs,
17:52 puisque tout de suite, le jour où il arrive à Matignon,
17:56 ou pratiquement le jour même,
17:57 Balladur organise, comment dire,
18:01 sa mise en scène pour l'Eglise,
18:05 puisqu'il est tout de suite candidat.
18:07 Et là, si vous voulez, vous avez,
18:09 c'est fascinant d'ailleurs de voir,
18:11 parce que ça devient très romanesque,
18:14 un homme abattu, blessé,
18:17 et qui, même quand il a vaincu Balladur,
18:20 est triste, parce qu'au fond, tout le monde l'a trahi,
18:23 et il n'a plus confiance en personne.
18:25 Il n'aime plus personne, sauf Claude Chirac,
18:28 Alain Juppé et Jean-Hugo Debré, je crois.
18:30 Et peut-être tout le monde, je ne suis même pas sûr.
18:33 -Vous citez le général de Gaulle, à ce propos,
18:36 qui est cité par Chirac dans la défaite de Balladur,
18:39 en disant qu'on ne peut pas gagner
18:41 si on ne participe pas à la compétition,
18:43 si on ne fait pas la bagarre,
18:45 et c'est ce que vous reprochez à Balladur.
18:47 Ce qui est intéressant, parce que j'évoquais votre avis,
18:50 mais pas pour faire du people sordide...
18:53 -C'était pas sordide.
18:54 -Mais le nombre de coups de fil,
18:56 quand vous êtes patron du Nouvel Obs,
18:59 du Figaro ou du Point,
19:02 que vous recevez des hommes politiques,
19:04 c'est extraordinaire.
19:05 Je vais donner deux exemples,
19:07 puisque vous parliez de Balladur.
19:09 Balladur n'arrête pas d'inviter à déjeuner franc
19:12 dans les restaurants Main Oui, etc.
19:14 D'ailleurs, il a un petit bit, Balladur,
19:17 ce qui prouve qu'il a perdu une certaine forme d'énergie.
19:20 Il dit "Quand est-ce que vous allez prendre
19:22 "officiellement parti pour moi, pour la campagne,
19:25 "et vous, vous vous ricanez et vous ne faites rien ?"
19:28 J'ai une dernière question
19:30 sur la situation actuelle,
19:32 parce qu'effectivement, il faut aboutir à la situation actuelle.
19:36 Si je vous dis Mitterrand, Chirac, Sarkozy,
19:39 à qui vous consacrez, je trouve pas beaucoup de pages,
19:42 François Hollande ou Emmanuel Macron,
19:44 quel est celui qui a fait le plus de bien ou le moins de mal ?
19:48 -C'est très compliqué.
19:49 -Ah non, mais mon vieux, il faut y aller.
19:52 -Non, mais attendez !
19:53 -Vous habitez Marseille, montez dans la barque et ramenez...
19:56 -Non, mais moi, attendez, je suis très honnête,
19:59 j'ai repris d'ailleurs beaucoup de notes,
20:02 c'est tout ce que je raconte, et pratiquement, j'avais...
20:05 -C'est "sélectionnation".
20:06 -Oui, et puis j'avais surtout...
20:08 Je donnais mon journal à l'époque pendant au moins 15 ans.
20:12 -Oui, mais répondez. -Oui, mais je réponds.
20:14 Il y a toujours du pour et du contre.
20:16 Il faut être honnête. J'essaie d'être honnête.
20:19 Je suis un journaliste honnête, pas un journaliste militant.
20:23 Chez Mitterrand, il y avait très bon côté.
20:25 Sur le plan économique, c'était un désastre total.
20:28 On pouvait bourrer le crâne ou le mou
20:30 par Fabius, Bérégovoy, Talley et compagnie.
20:33 On va faire des dépenses somptuaires,
20:36 et ça va faire redécoller l'économie.
20:38 Non, mais il y avait toutes ces bêtises.
20:40 Il faut dépenser, ça va relancer l'économie.
20:43 -Mais vous n'avez pas répondu à la question.
20:45 -Ca a été un désastre, mais il y avait beaucoup de profondeur.
20:49 Je répète que chacun a des défauts et des qualités.
20:52 -Pourquoi vous avez marginalisé Nicolas Sarkozy ?
20:55 Il ne vous consacrait pas énormément de pages.
20:58 -Vous aimez bien quand il fait le bon père Gisbert.
21:01 -Non, mais je consacre autant de pages, je crois,
21:04 à François Hollande.
21:05 C'est un moment important, mais...
21:07 Nicolas Sarkozy, avec lequel j'ai eu des relations épouvantables,
21:11 j'essaie d'être honnête,
21:13 et l'honnêteté m'oblige à dire qu'il a essayé de faire des choses.
21:18 -Un réforme d'airframe. -On ne peut pas dire
21:20 que le bilan est nul. Son bilan en cinq ans
21:23 est certainement plus important
21:25 que ce sera celui de Macron en dix ans.
21:28 Donc, il a fait des choses.
21:30 Donc, je ne peux pas dire que celui-là, c'est bien,
21:33 celui-là, c'est pas bien.
21:35 C'est pas digne, je trouve,
21:37 qu'on ne peut pas, nous, journalistes,
21:39 travailler comme ça.
21:40 Je raconte chacun avec ses problèmes.
21:44 Par exemple, regardez, Chirac, il dormait tout le temps.
21:47 Il dormait, c'est vrai que la phrase de Sarkozy contre lui,
21:51 "Le roi fait les néants", il y avait quelque chose comme ça.
21:54 Et en même temps, Brusquement, il se réveillait
21:57 et il disait des choses fortes, il les faisait, même.
22:00 -La loi sur le voile, les campagnes électorales.
22:03 -Il y a des choses fortes. C'est quelqu'un qui se réveillait.
22:06 -Les discours du Veldi. -Il y avait de la puissance.
22:10 Donc, vous voyez, vous ne pouvez pas, comment dire,
22:13 pour arriver à être président de la République,
22:16 excusez-moi, enfin, on sait ce que c'est,
22:19 cette course avec tous les gestes rapides,
22:22 c'est quand même... Il faut quand même
22:24 un minimum de talent.
22:26 On ne peut pas jeter à la poubelle tous ces gens comme ça.
22:29 C'est pas possible. -On en arrive à la conversation.
22:32 -Ca, c'est du populisme, du dégagisme.
22:34 Je ne suis pas là-dedans. -Je vous ai posé une question.
22:38 -Je fais un bilan cruel, c'est vrai,
22:40 j'ai parfois un peu honte de ce que j'ai écrit,
22:43 mais c'était ce que j'ai noté souvent à l'époque.
22:46 -Le bilan, en fond, pour qu'on arrive à la conversation commune,
22:50 le bilan que fait France, pour simplifier,
22:52 mais il est assez juste, c'est une gigantesque,
22:56 gigantesque erreur économique depuis 81 jusqu'à maintenant.
22:59 -Et tout le monde a continué. -Et tout le monde a continué,
23:02 en partie lié à, justement, la crainte du peuple français
23:07 après des réformes... -L'argent magique.
23:10 C'est pas grave, on va faire des chèques.
23:12 Ce sont les présidents pernautes.
23:14 -Je voudrais qu'on réintègre notre camarade Mathieu,
23:17 qui est venu de chez vous, pour nous voir avec le roi élu,
23:21 parce que l'une des caractéristiques de Macron,
23:24 contrairement aux autres, c'est que, dès 2017,
23:27 on le revoit maintenant,
23:29 et c'est aussi un peu la thèse que vous défendez,
23:32 au fond, les partis y sont contre-fous.
23:35 Il s'est fait élire contre les partis,
23:37 contre le Parti socialiste, contre le LR.
23:39 Le fait de nommer Gabriel Attah et de reprendre Madame Dati,
23:43 c'est aussi une manière, encore une fois,
23:45 de leur faire un bras d'honneur.
23:47 François Bayrou et le MoDem y sont fous de rage.
23:50 Et ça, c'est quelque chose qui n'est pas,
23:53 dans la présidence de France,
23:54 qui n'était pas le raisonnement des prédécesseurs,
23:57 qui, justement, noyottait les partis, créait les partis,
24:01 chouchoutait les partis, répartissait les ministres
24:04 en fonction des territoires.
24:06 C'est quelque chose qui a absolument changé,
24:08 et c'est vraiment le cœur de votre roman.
24:11 Au fond, les partis, pour Macron,
24:13 voulant devenir le roi, ça n'a aucune importance.
24:16 Mathieu. -C'est vrai.
24:17 Après, il y a un peu ça, je trouve,
24:19 chez Nicolas Sarkozy, au début, dans son gouvernement,
24:23 il voulait prendre des ministres... -C'est tous les débauchages.
24:26 -Voilà. Mais j'ai l'impression qu'il a...
24:28 -Mitterrand l'a exception. -Mathieu Macron a poussé ça
24:32 à l'excès. Après, les partis, effectivement,
24:34 est-ce que c'est un moment de l'histoire
24:37 où ces partis doivent disparaître ?
24:39 Je ne sais pas si encore la jeunesse, aujourd'hui,
24:42 a envie de s'investir dans des partis politiques.
24:45 Est-ce que c'est pas quelque chose qui est passé de mode,
24:48 où on a des gens qui sont influenceurs, youtubeurs, etc.,
24:51 qui ont finalement plus de gens qui les écoutent, peut-être,
24:56 que de chefs de partis politiques ?
24:58 -C'est comme les fidèles à la messe.
25:00 C'est comme les fidèles à la messe, il y a moins de monde.
25:03 -Donc, peut-être qu'Emmanuel Macron a senti ça
25:06 et s'est dit que les partis, c'est terminé,
25:09 c'est un vieux truc, il faut passer à autre chose.
25:12 Peut-être que les partis vont se reformer.
25:14 J'ai l'impression qu'on a quand même le Rassemblement national
25:18 qui, pour le coup, est dans un parti
25:20 qui se construit et qui prend de la place,
25:23 donc qui va forcément obliger, à mon avis,
25:25 les autres à se reconstruire.
25:27 Je sais pas, on verra aux Européennes,
25:29 je pense que ça va donner.
25:31 -Vous avez un joli regard qui cherche,
25:33 dans les lumières d'Au bonheur des livres,
25:36 la réponse à cette question.
25:38 De ce point de vue-là, France,
25:39 avec l'expérience du journaliste et aussi du romancier,
25:43 comme Mathieu, est-ce qu'on est dans une phase
25:46 de destruction terrible et en même temps
25:48 de rajeunissement ? C'est un peu le thème,
25:50 Barbella, Attal, et les autres vont disparaître,
25:53 ou est-ce que tout ça est une illusion totale ?
25:56 -Je crois beaucoup, moi, à la théorie ancienne,
25:59 vous savez, l'éternel retour,
26:01 il y a quelque chose qui nous permet de comprendre l'économie.
26:04 C'est un économiste russe qui a inventé ça,
26:08 ça s'appelle les cycles de Kondratieff,
26:10 et je crois qu'il y a des cycles de Kondratieff
26:13 aussi concernant les partis politiques.
26:15 Je sais que j'ai quand même un certain nombre
26:18 d'heures de vol, ça fait plus d'un demi-siècle
26:22 que je traîne mes guêtres dans le journalisme,
26:25 et j'entends dire assez régulièrement
26:27 "c'est fini, les partis", ou alors "on va réinventer
26:30 "la politique", ce que faisait Giscard,
26:32 ce que fait aujourd'hui Macron, autour d'un bloc central,
26:36 et puis au bout d'un certain temps,
26:38 les choses se réorganisent, un peu comme auparavant.
26:41 Donc les partis vont très mal,
26:43 mais ça va revenir, et notre ami Falcon
26:45 dit quelque chose de très juste,
26:47 c'est que dans la mesure où le grand parti, aujourd'hui,
26:50 attrape tout, qui est le Rassemblement national,
26:53 se renforce à peu près tous les jours,
26:57 dans les sondages, il y a forcément en face
27:01 des partis qui vont s'organiser, mais c'est la loi de la vie.
27:04 Donc il y a des hauts, il y a des bas, on sait tous ça.
27:07 -Si je vous pose cette question à tous les deux,
27:10 c'est parce qu'il y a des moments où il faut parler de la France,
27:14 mais il faut sortir de France aussi.
27:16 On se rend compte que l'Allemagne,
27:18 qui a longtemps été le phénix de la réussite économique,
27:21 connaît les résultats épouvantables,
27:24 et vous, Franck, qui avez été correspondant aux Etats-Unis,
27:27 parce que vous avez fait ça aussi,
27:29 on vient d'avoir le résultat de l'IOA
27:31 concernant la primaire des Républicains,
27:34 vous avez un Trump qui est poursuivi par la justice
27:37 et par la presse à longueur de journée,
27:39 et qui vient de l'emporter avec pratiquement 50 % des voix
27:42 largement devant ses concurrents.
27:44 On a quand même l'impression...
27:46 -C'est une victoire qui a été fabriquée.
27:49 Je l'ai écrit à l'époque,
27:50 toutes ces actions en justice contre Trump,
27:53 à plus d'un an de l'élection présidentielle,
27:56 des actions qui auraient pu être faites il y a longtemps.
27:59 -Vous parlez du gouvernement des juges.
28:02 -C'est quelque chose qui devait faire monter Trump.
28:05 On peut soupçonner, d'ailleurs,
28:07 à Joe Biden, qui est un grand président par ailleurs,
28:10 d'avoir pensé que Trump était son meilleur rival,
28:13 et d'ailleurs, il a tout de suite dit
28:15 "C'est la grande victoire de Trump",
28:17 ça l'arrange.
28:19 -Donc on est dans la même...
28:20 -Ni Kiale ou Ron DeSantis,
28:22 qui sont les deux rivaux de Trump,
28:24 je pense que ce serait plus compliqué.
28:26 Biden, qui est quand même dans une position compliquée,
28:30 même si son bilan est loin d'être mauvais,
28:32 il est dans une position très compliquée
28:35 et je pense qu'il préfère avoir Trump.
28:37 Il faut aussi relativiser la victoire de Trump.
28:40 Je pense que les médias, leurs attaques,
28:42 la justice ont beaucoup aidé Trump.
28:45 -Je dois dire que le livre de France, justement,
28:48 se termine en partie
28:51 par un chapitre sur la justice en France,
28:53 et vous n'épargnez pas les juges,
28:55 notamment, évidemment, depuis l'affaire...
28:58 -Les juges partisans, les grands juges.
29:00 -Notamment depuis l'affaire du mur des cons
29:03 et des attaques contre Nicolas Sarkozy
29:05 via le PNF, mais vous allez lire tout ça.
29:08 Est-ce que vous avez l'impression, Mathieu...
29:11 Merci d'être venu.
29:12 -Merci à vous.
29:13 -Oui, mais grand livre.
29:15 Grand livre, parce que vous avez bien fait de l'inviter.
29:18 Ca m'a amusé quand il est apparu.
29:20 Maurice Dantec, qui a fait des très bons livres.
29:23 -"Babylon Baby". -"La sirène rouge".
29:25 -Mais j'ai pensé aussi à Tom Wolfe,
29:28 parce qu'il y a dedans une espèce d'humour sur notre époque
29:31 et je trouve qu'il parle merveilleusement bien de notre époque.
29:35 -Est-ce que vous avez le sentiment que quelque chose, Mathieu,
29:38 dans cet espèce de délire que vous avez inventé,
29:41 d'un pouvoir puissant, la monarchie,
29:43 ça fait partie de ce contexte qu'on évoquait avec France,
29:47 qui est un contexte international,
29:49 avec Poutine qui veut écraser l'Europe,
29:51 Erdogan qui, entre guillemets,
29:53 même si il y a des élections, se contrefout de la démocratie,
29:57 et évidemment, ce qu'on connaît
30:00 dans le monde actuel avec les Chinois,
30:02 de plus en plus de pays qui tournent le dos
30:04 à ce que nous avons vénéré,
30:06 à savoir le fait d'aller élire un président un beau matin
30:09 d'une manière totalement libre.
30:11 -Oui, mais on est dans une...
30:13 Comment dire ? Une situation où il y a de plus en plus de crises,
30:16 avec le Covid, avec ce genre de choses,
30:19 de plus en plus mondialisées, donc les pouvoirs se renforcent.
30:22 Est-ce qu'on aurait imaginé qu'on accepterait
30:25 d'être confinés chez nous,
30:27 de montrer un pass pour sortir, d'avoir des couvre-feu ?
30:30 Finalement, c'est passé comme une lettre à la poste.
30:33 Donc, même en France, en Europe, on arrive à...
30:35 -D'où les populistes en France,
30:37 d'où l'extrême droite en Allemagne extrêmement haut.
30:41 -Oui, je pense qu'il y a un ras-le-bol
30:43 et des gens, des mouvements, qui ont envie de renverser ça
30:46 pour peut-être gagner une liberté illusoire,
30:49 mais en tout cas pour changer et faire autre chose.
30:52 -Nous n'allons pas nous jouer totalement
30:54 aux prognostics, mais c'est vrai que le RN,
30:57 donc dans la perspective des Européennes,
31:00 est, pour l'instant, extrêmement bien placé.
31:04 Je voudrais vous rappeler ces livres.
31:06 Celui de Gisbert, c'est le 3e tome,
31:09 et il faut lire les deux premiers.
31:11 Le 1er, c'est "Le sursaut", c'est ça, France ?
31:13 -Le sursaut, "La belle époque", ensuite, tome 2,
31:16 "Coupidou" et "Giscard".
31:18 -Et "L'histoire intime de la Ve République",
31:20 c'est bourré d'anecdotes, de conversations, de déjeuners,
31:24 j'en ai évoqué quelques-uns,
31:25 mais nous ne pouvons pas les évoquer tous,
31:28 et évidemment, ça concerne tous les présidents
31:31 que vous connaissez.
31:32 Et puis, donc, la version romanesque,
31:36 bien que France soit par définition romanesque,
31:39 il a écrit de très bons romans, de Mathieu Falcone,
31:42 "Le roi est nu", donc l'idée un peu farfelue
31:44 qu'un personnage qui n'est pas Emmanuel Macron,
31:47 mais qui lui ressemble fortement,
31:49 je remets la petite photo inventée par l'éditeur,
31:52 pourrait tout d'un coup se décider
31:54 à faire non pas un deuxième mandat,
31:56 mais un référendum, qui gagne, d'ailleurs, à 51 %,
31:59 vous donnez carrément le chiffre, 51,2 %,
32:01 qu'il gagne pour installer une sorte de monarchie,
32:04 constitutionnelle ou pas, on ne le sait pas,
32:07 mais Mathieu peut vous faire rêver.
32:09 Merci à tous les deux d'être venus.
32:11 C'était au bonheur des livres,
32:13 et c'était un vrai bonheur de lire ces deux livres.
32:15 SOUS-TITRAGE : RED BEE MEDIA
32:19 ...