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Julien Bayou, député écologiste de Paris

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00:00 - Et notre invité ce matin pour réagir, le député écologiste de Paris, Julien Bayou, bonjour. - Bonjour.
00:05 - On le disait, un siège de Paris, un blocus de Rungis, Julien Bayou, est-ce que vous soutenez ces actions des agriculteurs aujourd'hui ?
00:11 - Oui, écoutez, le malaise agricole, il est profond,
00:14 et j'ai envie de dire, l'intérêt des parisiens, c'est d'avoir des agriculteurs qui vivent de leur travail. Or, c'est pas le cas.
00:20 Les agriculteurs n'arrivent pas à se payer. On a
00:24 perdu 27 fermes en moyenne par jour depuis 2010. C'est la moyenne, 27 fermes qui disparaissent. Donc ça peut pas durer, c'est pas possible.
00:31 Et la colère, on peut l'entendre, voyez ? Et les réponses apportées sont des mesurettes.
00:39 Gabriel Attal, le premier ministre, le ministre de l'Agriculture, ne veulent pas parler des revenus. En fait, ils parlent de tout, sauf des revenus.
00:46 Ce que les agriculteurs touchent quand ils vendent leurs produits à la grande distribution.
00:52 Sur le lait, c'est par exemple 40 centimes le litre.
00:55 Donc, à perte. Voilà, c'est comme si les personnes qui sont en cours pour aller à leur travail, là, dans le métro ou
01:02 dans leur voiture, allaient donner de l'argent aujourd'hui à leur patron. On comprend que ça ne peut pas durer. Et donc, en plus qu'il dit "revenus
01:10 bas", dit "retraite basse". Évidemment, pour les agriculteurs, c'est encore pire. C'est parmi les plus petites retraites. Donc, c'est intenable.
01:18 Et moi, j'en veux au gouvernement de tergiverser avant de répondre véritablement par
01:23 des revenus garantis, comme nous proposons nous les écologistes. La sortie des accords de livre-échange et le fait de changer de modèle, de garantir
01:31 des revenus décents et une agriculture qui ne nuit pas au climat.
01:36 - Changer de modèle, Julien Bayou, ça veut dire quoi ? On commence par quoi ? Vous proposez quoi, vous, en tant qu'écologiste, justement, pour offrir des revenus décents aux agriculteurs ?
01:45 - Non seulement nous proposons, mais nous faisons. Par exemple, le maire de Colombes, qui est écologiste,
01:49 Patrick Cheymovitch, quand il développe les cantines bio et les circuits courts,
01:54 c'est très concret. Ça veut dire que c'est bon pour les enfants, moins de pesticides, une alimentation de qualité, les parents sont très contents,
02:00 c'est moins cher.
02:03 Mais par ailleurs, vous contractualisez avec l'agriculteur. C'est-à-dire que, pour les années qui viennent,
02:08 5 ans, 6 ans, 10 ans, vous lui garantissez pas l'aumône, mais vous payez
02:13 les justes produits au juste prix. Et donc ça, c'est très concret.
02:16 - Mais le circuit court, le bio, le local, dans les cantines, très bien, le circuit court, très bien,
02:21 mais sur France Bleu Paris, le président de la Chambre d'agriculture d'Île-de-France nous disait "c'est pas la panacée,
02:26 c'est pas le remède miracle, et c'est quand même pas avec ça qu'on va
02:30 offrir un revenu décent aux agriculteurs". Donc ça ne suffit pas. - C'est une transition, c'est une transition.
02:37 Il y a beaucoup d'argent qui sont déversés, offerts, subventionnés par la politique agricole commune.
02:43 Donc j'alerte juste, par exemple, quand le Front National dit
02:47 "il faut sortir de l'Europe", ceci, cela, ça veut dire
02:50 "tuer notre agriculture", parce qu'aujourd'hui elle est extrêmement dépendante de la politique agricole commune. Mais par contre, c'est vrai que
02:56 c'est déversé de manière très inégalitaire. Il y a les très grandes exploitations,
03:01 celle des céréaliers, la tête de la FNSEA en gros, qui reçoivent beaucoup quand les petits reçoivent des miettes.
03:08 Mais on n'a pas idée à quel point c'est inégalitaire. - Mais vous, par exemple, aujourd'hui, vous seriez ministre de
03:14 l'agriculture, vous feriez quoi en priorité ? - Je vous explique, j'y viens, j'y viens. 150 exploitations parmi les plus grandes
03:20 touchent autant que 100 000. Voyez l'écart est incroyable. Donc une des premières mesures,
03:26 c'est de faire un minimum pour les
03:30 petites exploitations, un maximum, parce que c'est pas la peine d'aider au-dessus de 500 000 euros,
03:36 - On donne trop aux trop gros et pas assez aux petits.
03:38 - Et de redistribuer, notamment en fonction des aspects climat, biodiversité, main d'oeuvre.
03:43 Et des plus, celles qui emploient. Et ainsi vous stimulez aussi
03:47 l'emploi agricole. - Donc donner plus à ceux qui font vraiment des efforts pour passer à une agro-agriculture
03:56 et pas forcément à ceux qui ont le plus de surface et le plus d'hectares. - Et puis il y a le grand absent de la discussion,
04:04 parce que je vous ai parlé du producteur, je vous ai parlé du consommateur, il y a évidemment le vendeur, le distributeur.
04:11 Et eux, on entend souvent Leclerc qui viennent faire de la publicité quasiment sur les ondes,
04:17 mais en fait ils prennent des marges, et les parisiens le savent bien parce que le
04:21 litre de lait il n'est pas 1,30€ à Paris, il est bien plus cher malheureusement,
04:26 ils prennent des marges, l'actalis ou la grande distribution,
04:29 et ça, ça n'est pas encadré. Il y a une loi depuis 2018 que le gouvernement
04:34 refuse d'appliquer. C'est ça qu'on doit entendre.
04:37 Quand le ministre Bruno Le Maire... - Il prévoit plus de contrôles justement pour faire appliquer cette loi. - Il y a vivement qu'il soit au pouvoir.
04:44 Ecoutez, la loi elle date de 2018,
04:46 et quand on nous dit... - Non mais c'est maintenant, c'est ce qu'a annoncé Gabriel Attal, des mesures, des contrôles
04:53 renforcées pour faire respecter justement... - Non mais vous ne pouvez pas vous laisser avoir comme ça. - Les lois, ça fait partie des listes des mesures.
04:59 - Mais non mais c'est une vaste blague. Ça veut dire, en creux, qu'ils ont la liste des contrevenants, des entreprises qui
05:05 enfreignent la loi, et ils ont décidé depuis six ans de ne pas les sanctionner. C'est ça que moi j'entends. - Trois gros
05:12 sanctionnés justement...
05:15 - Mais quand ? Parce que si c'est l'actalis... - Par le gouvernement. On va revenir sur le juste prix, mais il faut qu'on fasse aussi réagir
05:22 les auditeurs qui nous appellent ce matin au 01 42 30 10 10. - Oui parce qu'avec tous ces agriculteurs qui arrivent de toute la France pour
05:29 bloquer l'île de France, vous avez forcément une réaction ce matin, quelle que soit votre profession. Je pense aussi au
05:33 restaurateur. Décrochez votre téléphone, venez nous dire comment vous vous organisez avec ce blocage possible de Rungis. Bonjour Marie-Christine.
05:41 - Oui bonjour Romain, bonjour à tous. - Vous êtes dans le 19e arrondissement de Paris, vous vous habitez la capitale.
05:46 Est-ce que vous vous sentez inquiète ce lundi matin ?
05:49 - Franchement,
05:51 depuis avant-hier, oui, quand même, parce que ça ressemble beaucoup aux gilets jaunes, sauf que c'est mille fois pire.
05:56 - Par rapport à quoi ? Par rapport à la façon de faire ?
06:00 À la mobilisation ? - En fait, la façon de faire est plus musclée et puis en même temps elle est plus... Je dirais pas que les gilets jaunes
06:06 n'y avaient pas l'enjeu économique. Si bien sûr, mais
06:10 là c'est beaucoup plus grave quand même, non ? Je ne sais pas.
06:15 - Qu'est-ce que vous en pensez ? - Moi c'est moi, c'est moi qui pose votre question. - On va demander justement à notre invité
06:20 Marie-Christine Julien Bayou, vous en pensez quoi ? C'est pire que les gilets jaunes ?
06:24 - Je comprends l'inquiétude de Marie-Christine. En fait, il faut vraiment se dire qu'on est dans le même bateau. C'est-à-dire qu'elle paye
06:31 dans le 19e, on le sait,
06:34 l'alimentation est chère,
06:36 les commerces de détail,
06:38 les petites surfaces sont très chères, il y a des marges, et en face, entre guillemets,
06:45 l'agriculteur, lui, ne gagne pas sa vie. Et donc vraiment, il y a un système qui débloque, voyez, et
06:50 de l'agroalimentaire et la grande distribution à encadrer, je le répète, ce que ne fait pas le gouvernement, voyez. Et donc
06:56 demain, il y a un discours de politique générale. A vrai dire, on n'attend pas grand chose du discours de politique générale du Premier ministre
07:04 Attal.
07:06 Mais nous espérons, et sinon nous porterons une coalition
07:11 avec la gauche et les écologistes, qui en 2027 reviendra sur cet
07:15 enjeu majeur, mais il faut garantir un revenu pour les paysans. C'est d'ailleurs ce que propose Marie Toussaint pour les élections européennes.
07:21 - Garantir un revenu, c'est-à-dire un revenu minimum
07:24 versé aux agriculteurs, peu importe la productivité et les rendements. - Absolument. D'abord un revenu minimal et puis s'assurer que le prix
07:34 puisse pas faire l'objet de spéculations et puis que vous puissiez pas être payé en dessous de votre coût de revient.
07:40 On ne joue pas avec la matière première, avec
07:43 l'alimentation. - 0142310, vous réagissez. On remercie Marie-Christine dans le 19e arrondissement et on accueille un restaurateur. C'est Yannick Quétadrancy. Bonjour.
07:51 - Oui, bonjour. - Yannick, vous êtes restaurateur. Vous comprenez bien la situation pour vous et vous êtes plutôt prêt à subir pour épauler
08:00 justement ces agriculteurs dans cette lutte. - Bien sûr, mais ça fait combien de temps qu'ils demandent ? Et là, on attend que ça soit pourri.
08:06 M. Macron et M. Attal attendent que ça soit pourri et après on va dire c'est la faute des agriculteurs.
08:12 Il fallait qu'ils réagissent avant ces messieurs-là.
08:14 Eux, ça les gêne pas. De toute façon, ça les gêne pas. Ils mangent bien.
08:18 C'est tranquille. - Vous, en tant que restaurateur, comment vous avez anticipé ce blocage, vous, en tant que restaurateur, Yannick ?
08:27 - Moi, par exemple, je suis une creperie. Déjà,
08:29 c'est un breton qui vient nourrir la farine directement de chez lui.
08:34 Voilà. À la meule de pierre, vous voyez. Je la paye un peu plus cher, mais c'est de la qualité. Voilà. C'est ce qu'il faut se dire aussi.
08:40 - Est-ce que c'est quelque part aussi une prise de conscience chez les restaurateurs ? Là, vous faites cet effort.
08:45 Est-ce que vous incitez vos collègues restaurateurs, justement, à prendre des produits français ?
08:51 - Bien sûr, il faut. Comme moi, là, je suis...
08:54 J'ai ma pré-prix à Pringy.
08:57 Ce que je fais, j'achète des oeufs bio à Saint-Ferjou-Pontiery. Voilà. Il vient me les livrer tous les deux jours.
09:04 Et puis, j'achète à la chayotine aussi des salades, tout ça, quoi.
09:07 - On va en profiter, Yannick, ce matin, pour nous livrer l'adresse de votre restaurant. Vous êtes où ?
09:14 - À Pringy. - À Pringy. - Avenue de Fontainebleau, dans le 77. - Et comment s'appelle le resto pour aller déguster tout ça ?
09:22 - La Creperie Le Cap-Ouest. - Et bien voilà. Comme ça, on en aura profité ce matin pour vous mettre un petit coup.
09:27 - Et j'espère qu'il continue parce que... Voilà.
09:30 - Merci, en tout cas. - Merci, Yannick.
09:33 - Yannick qui tient une crêperie, au moins c'est cohérent. - Et vous avez noté l'adresse,
09:38 Julien Bayou, député écologiste de Paris.
09:40 - Vous dites Yannick qui tient une crêperie, il y a aussi parfois dans les crêpes du jambon qui vient d'ailleurs de France.
09:46 - Bien sûr, je plaisantais, mais il a absolument raison. Enfin, je le redis, Emmanuel Macron est au pouvoir depuis
09:51 2017, quand il est président, mais auparavant depuis 2014, ministre de l'économie.
09:55 En 2017, il avait déjà fait des promesses de simplification administrative pour les agriculteurs. Ils n'ont rien fait, vous voyez.
10:01 Donc là, quand on nous annonce d'éventuelles sanctions à venir, je le redis, ça fait donc six ans que la loi est allègrement contournée,
10:08 que si vous, vous contrevenez à la loi, et bien vous prenez un rappel à la loi ou une amende, évidemment,
10:13 mais que quand c'est de grands groupes, on les laisse faire. Et ça génère ce chaos.
10:20 - Julien Bayou, vous soutenez donc le siège de Paris, vous soutenez les actions des agriculteurs. Est-ce que vous serez,
10:27 par exemple, est-ce que vous irez les voir sur le blocus d'Orangis, s'ils arrivent
10:32 s'ils arrivent à aller jusqu'au premier marché de produits-fruits d'Europe ?
10:37 - On va justement discuter avec les députés, on se retrouve tout à l'heure à l'Assemblée, sur la manière de
10:43 soutenir véritablement cette initiative. Je précise qu'évidemment,
10:49 par rapport au crainte de Marie-Christine,
10:52 évidemment, personne ne souhaite un vrai siège en bonne et due forme, au sens militaire du terme, évidemment. Mais il me semble important de pouvoir dire
10:59 que cette colère, elle est profonde, et que c'est pas les agriculteurs versus les consommateurs.
11:06 Évidemment, à Paris, il n'y a pas beaucoup d'agriculteurs,
11:08 mais il y a beaucoup de consommateurs qui ont besoin, je le redis vraiment, on a besoin
11:13 que dans ce pays, les agriculteurs puissent vivre de leur travail.
11:16 - Mais vous irez-vous les voir, ces agriculteurs, sur un point de blocage ?
11:20 - On y réfléchit, ça dépend évidemment des contacts avec les différents syndicats.
11:24 - Vous êtes allé les voir ces derniers temps ? Vous êtes allé
11:27 mettre les pieds dans une ferme en exploitation agricole ?
11:30 - Ces derniers temps, pas depuis le début de la mobilisation, mais oui, ça m'arrive régulièrement, notamment dans le 91.
11:37 - Julien Bayou,
11:41 parmi les revendications de ces agriculteurs, il y a la fin des 4% des terres en jachères. Des agriculteurs
11:50 qui s'opposent souvent aux mesures écologiques qu'on leur demande.
11:54 Comment, vous, écologistes, vous pouvez les convaincre ?
11:57 - Alors déjà, je ne mettrai pas tous les agriculteurs dans le même sac, parce que,
12:00 par exemple, la Confédération Paysanne, le syndicat, ne s'oppose pas à l'écologie.
12:04 Nous, on sait bien qu'il n'y a pas d'écologie sans agriculteurs, et qu'on ne sauvera pas le climat sans les agriculteurs.
12:12 J'ai entendu les mobilisations contre la jachère, mais en fait, en vérité,
12:17 c'est presque du bon sens paysan. La jachère, elle est pratiquée depuis le Moyen-Âge, parce qu'elle contribue à régénérer les sols, elle améliore les rendements.
12:24 La jachère, ça veut dire ne pas cultiver pendant un certain temps.
12:27 C'est évidemment bon aussi pour les pollinisateurs.
12:30 - Mais vous avez du mal à faire passer vos convictions écologiques auprès des agriculteurs ?
12:37 - Je ne crois pas, non.
12:38 Non, non, je voudrais bien que, dans ce cas-là, allons ensemble au salon de l'agriculture.
12:42 Je ne crois pas, vous savez, il y a vraiment beaucoup, beaucoup
12:45 d'agriculteurs qui se rendent compte que plus on les enferme dans le modèle des pesticides, par exemple, plus ça leur coûte cher.
12:50 Alors que développer, faire la transition, être soutenu par les maires écologistes, comme je le disais sur les cantines, permet de pouvoir s'affranchir
12:57 du poids financier des pesticides, de se libérer de la contrainte bancaire, c'est aussi beaucoup ça, l'endettement
13:04 chez les agriculteurs. 200 000 euros en moyenne, et beaucoup moins en moyenne chez les agriculteurs en bio.
13:10 C'est ça aussi qui permet de changer ce modèle, mais encore faut-il que le gouvernement
13:15 abandonne
13:17 ce modèle intensif qui piège les agriculteurs et qu'on garantisse leur revenu.
13:20 - Et le message est passé. Merci beaucoup Julien Bayouf d'avoir été avec nous ce matin sur France Bleu Paris.

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