• il y a 9 mois
Baptiste Blanchard, directeur général de "Seine Grands Lacs"

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00:00 - C'est Baptiste Blanchard, bonjour. - Bonjour.
00:02 - Vous êtes directeur général de Seine-Grand-Lac.
00:05 En fait, c'est vous qui surveillez de près les réserves d'eau d'Île-de-France, le débit de la Seine notamment.
00:10 Et il y a beaucoup d'enjeux, surtout à l'approche des JO, on va y revenir.
00:13 D'abord, on attend le pic de cru de Seine cet après-midi autour de 16h00, a priori 4 mètres de haut.
00:20 - 4,10 mètres demain plutôt à 16h00.
00:22 - Ah, donc ça a changé.
00:24 - Ce matin, Vigie Cru, qui est le service de l'État qui fait les prévisions, a un petit peu réévalué.
00:28 Donc, ça serait plutôt demain à 4,10 mètres.
00:31 Et après, ça va redescendre.
00:32 Pour l'instant, ce qu'on appelle le pic de cru, l'endroit où la crue est le plus haut, c'est sur la Marne,
00:38 à l'entrée de la Seine-Saint-Denis à Gournay-sur-Marne.
00:41 À peu près, c'est en train de redescendre.
00:42 - Et ce niveau, c'est inquiétant ? C'est rare ?
00:45 - Non, on est ici sur une crue qui est assez habituelle pour la saison.
00:49 Donc, ça n'est pas spécialement inquiétant.
00:52 Là où on a vraiment les premières difficultés, c'est vers 5,50 mètres.
00:58 Là, on est à 4,10 mètres.
01:00 Pour autant, on a quand même déjà des impacts économiques.
01:04 Vous parliez des bâteliers tout à l'heure, avec la navigation qui est arrêtée pour certains types de bateaux.
01:10 Donc, ça commence à poser des difficultés.
01:13 Et puis, on a connu la semaine dernière un événement sur un petit affluent de la Marne,
01:16 le Grand Morin, avec des inondations dans le secteur de Pommeuse et des habitants qui ont dû être relogés.
01:22 Donc, des difficultés sur une crue qui était, pour le coup, assez importante.
01:27 - Donc, là, il y a des risques d'inondations avec cette crue ?
01:30 - Alors, avec cette crue, maintenant que ce qui s'est passé la semaine dernière est derrière nous,
01:36 là, on va avoir des légers débordements, quelques conséquences économiques, mais rien de très inquiétant.
01:44 - Rien d'alarmant. Pour éviter, justement, que la Seine ne déborde, il y a des retenues d'eau en amont,
01:52 quatre lacs, et c'est ce que vous surveillez, notamment avec Seine-Grand-Lac.
01:57 Est-ce que vous pouvez nous en dire plus ? A quoi servent ces retenues d'eau ?
02:01 Est-ce que c'est ça qui nous protège, nous, les Parisiens et les Franciliens ?
02:04 - Alors, effectivement, Seine-Grand-Lac, juste un mot, on est une collectivité publique,
02:08 un groupement de collectivités, présidé par Patrick Collier, le président de la métropole du Grand Paris.
02:12 On a été créé en 1928 pour justement créer ces grands barrages, ces grands lacs artificiels qu'on trouve en Champagne,
02:20 qu'on trouve dans le Morvan, qui retiennent jusqu'à 800 millions de mètres cubes.
02:25 Alors, pour vous donner une image, c'est l'équivalent de... c'est comme si on mettait 8 mètres d'eau sur la superficie de l'agglomération parisienne.
02:31 Et c'est là que leur principe de fonctionnement, c'est qu'ils se remplissent à l'hiver et au printemps
02:37 pour pouvoir ensuite apporter de l'eau à la Seine l'été, mais lorsqu'ils ne sont pas complètement remplis,
02:43 justement en période hivernale, ils peuvent stocker des inondations, des crues.
02:48 Pour réduire les crues, c'était le cas il y a une semaine, le lac du Derr, qui est situé en Marne et en Haute-Marne,
02:54 a stocké 20 millions de mètres cubes, pendant... il stockait l'équivalent de deux piscines olympiques chaque minute.
03:00 Et ça a permis de limiter les inondations de la Marne, et finalement, ce qui nous arrive aujourd'hui
03:06 a été légèrement atténué par ces grands barrages.
03:09 - Grâce à ces grands barrages, et c'est aussi eux, du coup, qui rétablissent le débit de la Seine l'été quand il y a de la sécheresse.
03:16 - Exactement. On dit qu'ils jouent un rôle de régulation, c'est-à-dire qu'ils stockent de l'eau l'hiver pour atténuer les inondations,
03:21 et à l'inverse, l'été, ils sont responsables jusqu'à, dans Paris, jusqu'à deux tiers du débit qui transite,
03:28 qui vient de ces lacs, donc imaginez s'ils n'étaient pas là, les problèmes d'eau potable, les problèmes de navigation, les problèmes de baignade...
03:34 - Ça veut dire que c'est vital, en fait ?
03:37 - C'est assez vital, effectivement.
03:38 - Pour nous, les Parisiens et les Franciliens ?
03:39 - Exactement. Ça a été pensé dès le 19ème siècle, et les ingénieurs qui ont pensé ça à l'époque avaient eu le nez creux.
03:48 - Baptiste Blanchard, on demande aussi l'avis des auditeurs, ce matin au 01.42.3010, qui nous appellent. On est avec Hélène.
03:57 - Oui, Hélène, elle est à Saint-Brice-sous-Forêt, et son papa travaillait sur la Seine. Bonjour, Hélène !
04:01 - Oui, c'était son travail principal au départ. Il était ingénieur à EDF, et il a fait partie des ingénieurs qui ont créé ces fameux bassins de retenue dont le monsieur parle.
04:14 Le problème, c'est que bien souvent, les bassins de retenue ne sont pas vidangés quand il faudrait qu'ils le soient, et c'est la raison pour laquelle souvent, ça déborde.
04:25 Moi, je me rappelle que papa, tous les matins, il passait par la Seine, par les quais de Seine, sauf quand ils étaient inondés, bien entendu, avec la voiture, il surplombait la Seine.
04:36 Et tous les matins, il regardait la crue de la Seine, à quel niveau ça en était. Et effectivement, le problème, c'est que les bassins de retenue, la plupart du temps, ont été transformés en zones de loisirs.
04:48 Et quand ça devrait être vidangé à l'automne, les bassins ne l'est pas, parce que ces gens-là font du fric avec les touristes, et donc ils ne veulent pas vidanger.
04:59 Et c'est pour ça que ça inonde la plupart du temps. Et il y a une chose aussi qu'il faut savoir, c'est que c'est pas nouveau.
05:04 Parce que papa disait toujours, la crue la plus importante, tout le monde dit que c'est celle de 1910, c'est faux, c'est celle de 1958.
05:12 Parce que celle de 1958, il y avait déjà les bassins de retenue qui existaient, et s'il n'y avait pas eu les bassins de retenue en 1958, ça aurait été encore plus haut que celle de 1910.
05:23 - Et encore plus grave. Donc vous, ce que vous dites, Hélène, c'est que les gens sont surpris de la crue de la Seine, mais il n'y a rien de nouveau sous le soleil.
05:29 - Il n'y a rien de nouveau. Mon arrière-grand-mère disait déjà à maman, surtout ma petite fille, donc maman est née en 1937, elle disait surtout ma petite fille, jamais, jamais tu construis au bord de la Seine, jamais.
05:45 - Et c'est ce que vous avez fait. Vous vous êtes installée à Saint-Brice-sous-Foret. Merci Hélène, ce matin sur France Bleu Paris, merci d'avoir décroché votre téléphone.
05:53 - 0142 30 10 10, on continue à parler de cette Seine, trouvez-vous normal qu'on fasse tout en amont pour éviter les inondations chez nous ? On en parle ensemble ce matin.
06:00 - Et on est avec Baptiste Blanchard, un expert. Alors ces bassins de retenue, est-ce qu'il y a des lacunes, comme le dit Hélène ?
06:07 - Alors, peut-être une précision, je ne sais pas de quel bassin parlait madame, mais ces grands lacs artificiels, les trois plus gros, ont été construits à partir de 1966, donc après la crue de 1958.
06:21 Et on veille justement, même s'il y a des activités de loisirs sur place, on veille à ce qu'on puisse les gérer comme il se doit, de manière à bien prévenir les crues.
06:29 Pour autant, ce qui est important de savoir, c'est que ces grands lacs ne suffisent pas à écarter tout risque d'inondation sur l'île de France.
06:36 Ils permettent d'atténuer, mais ça n'est pas suffisant.
06:38 - Alors il faut faire quoi ?
06:39 - Alors, en fait, on porte deux types d'actions, pour réduire la probabilité des inondations, puis des actions aussi pour réduire les conséquences de ces inondations.
06:49 Donc, deux types d'actions, on est en train de construire en Seine-et-Marne, ce qu'on appelle un projet pilote, un casier, pour stocker 10 millions de mètres cubes de la Seine, juste avant que Lyon ne se jette dans la Seine.
07:06 Pourquoi on fait ça ? C'est parce qu'en fait, on s'est aperçu qu'au XXème siècle, les grandes crues étaient souvent liées à la crue de Lyon, on dit souvent que c'est Lyon qui coule à Paris.
07:15 Et donc, en fait, l'objectif de ce projet-là, c'est que le jour où on a une crue de Lyon qui descend du Morvan, juste avant qu'elle n'arrive, on prélève dans la Seine un grand volume, très vite, en 66 heures, pour laisser passer le train de Lyon.
07:31 Donc, ce projet-là, il est en construction, le projet doit être opérationnel pour le mois de juillet 2024, et il va permettre de gagner 10 à 15 centimètres en île de France.
07:42 Le deuxième sujet, c'est, sous l'impulsion de notre président, Patrick Collier, nous menons une action avec toutes les collectivités de Lamont et tous les agriculteurs de Lamont,
07:53 pour essayer d'identifier des centaines de projets, on est à 150 projets à identifier, de restauration de ce qu'on appelle des zones d'expansion des crues.
08:01 Ces zones-là, ce sont un peu comme des prairies humides ou des champs, qui pourraient être davantage inondées ou sur-inondées, ce qui permettrait de lutter contre la sécheresse, de lutter contre les inondations, d'améliorer la biodiversité.
08:17 Et on travaille avec les agriculteurs pour qu'il y ait une solidarité, pour qu'il n'y ait pas de conséquences économiques pour eux.
08:22 - Baptiste Blanchard, ça n'a rien à voir avec le bassin à Austerlitz qui est en train de se construire, à l'approche des JO ?
08:29 - Effectivement, ça c'est autre chose. Alors le bassin d'Austerlitz, c'est un projet qui est porté par la ville de Paris et financé par le CIAP, le syndicat d'assainissement.
08:38 En fait, c'est un bassin qui est là lorsqu'il y a des gros orages, pour stocker les eaux de pluie, pour éviter finalement qu'il y ait des débordements dans les réseaux d'assainissement et qu'on ait des rejets d'eau usée dans la Seine.
08:52 - Parce que c'est ça le problème aussi, quand il y a les gros orages et les eaux de pluie, c'est le rejet des eaux souillées, des égouts.
08:58 - Exactement.
08:59 - Dans la Seine, parce que le but, on le rappelle, c'est de pouvoir piquer une tête dans la Seine et se baigner pour les JO. Est-ce qu'on va y arriver ?
09:07 - On se donne tous les moyens d'y arriver. Alors évidemment, avec les lacs, on apporte de l'eau l'été. Et en plus, tout un tas d'actions sont conduites,
09:16 non pas par Seine-Grand-Lac mais par la métropole du Grand Paris, par les collectivités locales, pour réduire ce risque de pollution des eaux usées et améliorer,
09:27 et se donner le maximum de chances d'avoir des eaux baignables.
09:30 - Maximum de chances, ça veut dire que rien n'est sûr pour cet été ?
09:33 - On n'a jamais été aussi près des JO et aussi d'avoir des eaux qui soient... Si on n'a pas de gros orages, on devrait y arriver sans doute.
09:43 - Si on n'a pas de gros orages ?
09:44 - Et pour un certain nombre de gros orages, le bassin salé de Sainte-Sérrave va nous permettre d'atténuer les conséquences et ça devrait nous permettre d'avoir le maximum de chances possibles.
09:54 - Baptiste Blanchard, vous êtes le directeur général de Seine-Grand-Lac. La question que tout le monde se pose, cette Seine que l'on voit en ce moment, elle est marron. Pourquoi ? Elle est sale ?
10:03 - Non, elle n'est pas sale, c'est un phénomène naturel. Les rivières débordent et donc elles remobilisent...
10:09 - Et c'est pas le fait que ça brasse le tout ?
10:11 - Elles remobilisent ce qu'on appelle des matières en suspension, c'est-à-dire de la boue, des sédiments. C'est un phénomène qui est complètement naturel et qui a une vertu, c'est que grâce à ça, ça permet notamment de fertiliser les champs, par exemple, ce dépôt de matière. Donc c'est tout à fait naturel.
10:28 - De toute façon, on n'aura jamais l'eau de la Seine bleue et limpide. Ça c'est impossible.
10:34 - Une dernière question, à plus long terme, à quoi il faut s'attendre, je sais pas, 10, 15, 20 ans ? À quoi ressemblera la Seine ? Parce qu'il y a des inquiétudes particulières.
10:42 - Oui, c'est une question qu'on suit de près avec les chercheurs, avec évidemment le réchauffement climatique. On est certain qu'on aura davantage d'épisodes de sécheresse, donc des débits de la Seine qui seront plus faibles de 20-25% d'ici 2050.
10:56 Une période avec ces débits très secs qui va s'allonger dans le temps, qui va plus que doubler. En revanche, pour les inondations, ce qu'on sait dire, c'est qu'il va y avoir ce qu'on appelle une accélération du cycle de l'eau.
11:07 C'est-à-dire qu'il y aura davantage d'évaporation et donc la pluie va retomber plus vite et avec plus d'intensité. Donc on aura davantage de phénomènes de ruissellement, des pluies plus intenses, des inondations peut-être plus locales, plus fortes lors des gros orages.
11:18 Mais pas forcément davantage de phénomènes de ces grandes inondations qu'on a eues en 1910. Là-dessus, les scientifiques restent humbles. Ils ne savent pas nous dire si on va avoir plus ou moins d'inondations. Pour autant, on reste vigilants.
11:30 - Et vous, votre sentiment ?
11:32 - Mon sentiment, c'est qu'il faut qu'on soit prêt. Et donc, c'est pour ça qu'on fait tout pour se préparer au risque. Je vous invite et j'invite nos auditeurs ou téléspectateurs à aller sur le site www.epicen.fr, qui est un site d'information du grand public sur les inondations pour trouver des conseils, mieux connaître ces phénomènes-là et mieux savoir s'y préparer.
11:51 - Merci beaucoup Baptiste Blanchard pour tout savoir sur la Seine, la Marne, nos cours d'eau dans la région.
11:56 - C'est déjà fini ?
11:57 - Oui, c'est déjà fini. C'est très intéressant. Directeur général de Seine-Grand-Lac, on vous souhaite une excellente journée.

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