GUERRES - Jean-Dominique Merchet est l'invité de Yves Calvi
Jean-Dominique Merchet est journaliste à L'Opinion, spécialiste des questions militaires et stratégiques, et auteur de "Sommes-nous prêts pour la guerre ?" (Robert Laffont).
Regardez L'invité d'Yves Calvi du 07 février 2024 avec Yves Calvi.
Regardez L'invité d'Yves Calvi du 07 février 2024 avec Yves Calvi.
Category
🗞
NewsTranscript
00:00 Vous êtes sur RTL.
00:02 En commun.
00:04 7h, 9h.
00:06 RTL matin.
00:07 RTL 8h21.
00:09 Quatre mois de guerre entre Israël et le Hamas, quatre mois de bombardement à Gaza.
00:12 Un cinquième mois commence. On ne connaît toujours pas le nombre exact de morts.
00:16 Plus de 27 000, affirment les Palestiniens, et 132 otages, vous le savez, israéliens, retenus par le Hamas.
00:21 Bonjour Jean-Dominique Merchet.
00:22 Bonjour.
00:23 Vous êtes journaliste à l'Opinion, spécialiste des questions militaires et stratégiques.
00:26 Votre dernier livre, "Sommes-nous prêts pour la guerre?", vient de paraître aux éditions.
00:30 Robert Laffont, merci d'être avec nous en ce 7 février.
00:32 C'est une journée d'hommage ici en France, mais sur le terrain, pas de trêve.
00:36 Quelle est la situation sur place, notamment dans la bande de Gaza ?
00:39 Alors la situation humanitaire est terrible, évidemment.
00:42 Et en même temps, la situation militaire est plus compliquée que, je pense, que ce que les Israéliens avaient imaginé au départ.
00:49 Oui.
00:50 Mais, il faut tout de suite mettre un "mais",
00:54 les opérations militaires, c'est toujours plus long qu'on ne le pense.
00:58 On pense que c'est comme au cinéma, quand en trois semaines on va régler l'affaire.
01:02 Il faut imaginer, c'est une zone urbaine, c'est une ville en réalité, une grande agglomération de 2 millions d'habitants,
01:10 et les opérations, quand les Israéliens sont rentrés, je me souviens, un ancien général israélien disait,
01:16 "dans le meilleur des cas, il nous faut 6 mois".
01:18 On est à 4 mois, et c'est très loin d'être fini.
01:22 Donc, la guerre, c'est long, long, long.
01:25 Que sait-on des 132 otages israéliens toujours détenus ?
01:29 Sont-ils encore en vie ? Et sait-on approximativement où ils se trouvent ?
01:32 Écoutez, moi je ne sais pas.
01:34 Je crois savoir, pour les Français, qu'il y en a...
01:39 On a des certitudes sur 3 d'entre eux.
01:42 Et je pense que les Israéliens ont des informations, mais on ne sait pas grand chose en fait.
01:48 Et la vraie question, quelle est la priorité du gouvernement israélien aujourd'hui ?
01:53 Est-ce qu'elle est de la libération des otages, ou est-ce qu'elle est la poursuite des opérations ?
01:57 Et c'est assez contradictoire.
02:00 On ne peut pas faire les deux, c'est ce que vous êtes en train de nous suggérer.
02:03 Il faut donner une priorité à un moment.
02:05 C'est un débat politique en Israël, pour schématiser la gauche israélienne,
02:11 dit "il faut libérer les otages", parce que souvent les otages sont des gens de gauche,
02:16 qui viennent des kiboutz, de la société la plus progressiste du pays.
02:23 Et la droite, plutôt nationaliste et religieuse, dit "il faut qu'on ramène les otages,
02:31 mais la priorité c'est de détruire le ramas".
02:33 Mais ces deux positions sont irréconciliables, si je vous suis bien.
02:35 C'est des objectifs stratégiques qu'on ne peut pas concilier,
02:38 et effectivement, ça fait partie du problème.
02:41 Alors, raisonnons à froid, si je puis dire, une trêve peut-elle être conclue dans les prochaines heures ?
02:45 Car qui affirme avoir reçu une réponse positive du Hamas pour un arrêt des combats et une libération des otages ?
02:50 Oui, je dirais, on verra.
02:55 On verra quand ce sera fait, parce qu'on n'en sait rien.
02:57 C'est tellement fragile ce genre de choses.
03:00 Est-ce que le gouvernement israélien a intérêt aujourd'hui à arrêter les opérations ?
03:06 J'en doute beaucoup.
03:08 Or, il ne peut pas y avoir de libération d'otages sans l'arrêt des opérations.
03:11 En tout cas, le chef de la diplomatie américaine, Antony Blinken, est arrivé hier soir en Israël.
03:15 Lundi, le ministre israélien de la Défense a affirmé que le cerveau présumé des attaques du 7 octobre,
03:20 Yair Sinouar, errait de cachette en cachette.
03:23 Ça veut dire qu'il est identifié ?
03:25 Ça veut dire que je pense que les Israéliens considèrent qu'il n'a pas quitté Gaza.
03:31 S'il savait exactement là où il est, dans le quart d'heure suivant, il serait mort.
03:40 Mais ils ne savent pas où il est.
03:43 Avant toute chose, le chiffre de 27 000 morts côté palestinien, est-il réellement possible ?
03:49 Est-ce qu'il est réellement possible ?
03:51 Oui.
03:52 J'imagine que c'est invérifiable ?
03:55 C'est invérifiable.
03:56 Je ne veux pas le remettre en cause.
03:58 Non, non, non.
03:59 Comment prendre...
04:00 Alors, d'abord, dans ces 27 000 morts, il faut intégrer les combattants du Hamas.
04:05 Parce que les statistiques que donne la source, elle est le ministère de la Santé de Gaza.
04:13 Le ministère de la Santé de Gaza, c'est le Hamas.
04:16 Mais les organisations internationales confirment ce chiffre.
04:20 Et peu de gens le contestent réellement.
04:23 Même les Israéliens ne le contestent pas réellement.
04:26 Mais il faut intégrer là-dedans les combattants qui ont été tués.
04:31 Et ça, c'est au moins aujourd'hui, d'après les Israéliens, 10 000.
04:36 Donc, ça veut dire qu'il y a eu des pertes militaires.
04:39 Extrêmement importantes.
04:41 Extrêmement importantes.
04:42 En quatre mois, ces bombardements israéliens incessants ont donc affaibli le Hamas ?
04:46 Oui, bien sûr.
04:47 Oui, bien sûr, le Hamas est très affaibli militairement.
04:51 On le voit par exemple, il n'arrive quasiment plus à tirer de roquettes de la bande de Gaza sur Israël.
04:57 Et puis, ils sont totalement sur la défensive.
05:01 Ils ont perdu une part massive de ce qu'ils étaient.
05:08 Ils avaient le contrôle de la bande de Gaza.
05:10 Ils perdent le contrôle de la bande de Gaza.
05:12 Alors, Jean-Dominique Merchet, le Premier ministre israélien, M. Netanyahou,
05:16 ne veut toujours pas entendre parler d'une solution à deux États.
05:19 Il les semble-t-il isolés ou ce sentiment est majoritaire en Israël ?
05:23 Le choc dans la société israélienne du 7 octobre est immense.
05:29 Et ils le sont toujours, les Israéliens ne sont toujours pas sortis de ce choc.
05:34 Il ne faut pas oublier ça.
05:35 Nous, on pense que c'est bon, maintenant on va penser à des solutions politiques.
05:39 Ce n'est pas du tout l'état de l'opinion publique israélienne.
05:43 Les Israéliens sont traumatisés comme ils ne l'ont sans doute jamais été dans leur histoire
05:50 par ce qui s'est passé le 7 octobre.
05:52 Et donc, effectivement, ils ne sont pas du tout, du tout à se poser ce genre de questions.
05:57 Ils se disent "Nous faisons la guerre, une fois qu'on aura fini cette opération, on verra ce qu'on fera".
06:02 Alors, la solution des deux États, écoutez, la réalité, elle est simple.
06:06 Enfin, elle est simple.
06:07 Oui, en fait, elle est simple.
06:09 Vous avez entre la Méditerranée et le Jourdain,
06:12 vous avez ce territoire qu'on appelle la Palestine historique, Israël, la Terre Sainte, comme on va.
06:17 Sur ce territoire vivent, en gros, 7 millions et demi de juifs israéliens,
06:25 7 millions et demi d'arabes palestiniens.
06:30 Ils ne vont pas partir.
06:33 Sauf les projets les plus fous de l'extrême droite israélienne et du Hamas qui veut virer les juifs.
06:41 Ils ne vont pas partir.
06:43 Donc, comment faire pour qu'ils vivent ensemble sur cette terre ?
06:47 Personne n'en a la moindre idée.
06:49 Tout le monde dit "la solution des deux États, la solution des deux États".
06:51 Oui, c'est la meilleure solution.
06:53 Mais, en pratique, aujourd'hui, personne ne voit comment elle peut être mise en place.
06:56 - A court terme, et avec ce tapis de bombe qui a duré 4 mois,
06:59 est-ce qu'Israël n'a pas aussi fabriqué une nouvelle génération de kamikazes ?
07:03 Est-ce que c'est une question qu'on peut se poser ?
07:05 - Bien sûr, bien sûr.
07:06 De même que l'attaque du Hamas a créé en Israël une société de jeunes,
07:13 ou de moins jeunes, qui sont absolument déterminés à écraser tout ce qui bougera autour d'eux.
07:22 Oui, bien sûr, la guerre radicalise.
07:24 Et les massacres du 7 octobre ont radicalisé incroyablement la situation.
07:29 C'était sans doute l'effet recherché par le Hamas.
07:32 En tout cas, c'est sacrément réussi.
07:34 Ils vont sans doute, le Hamas, en mourir, en tout cas, dans la zone de Gaza.
07:39 Mais après, leur réputation internationale, la solidarité internationale vis-à-vis des Palestiniens,
07:46 tout ça, on est sur du plus long terme.
07:48 Mais ce n'est pas la question du jour.
07:50 Je vous dis à la prochaine.
07:51 Au revoir.
07:51 [SILENCE]