Gabriel Attal fête ses 100 jours à Matignon. Pascal Perrineau, Politologue, auteur de "Le Goût de la politique : Un observateur passionné de la Ve République", aux éditions Odile Jacob est l'invité de RTL Matin
Regardez L'invité d'Yves Calvi avec Yves Calvi du 18 avril 2024
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00:00 - RTL Matin, 7h-9h.
00:02 - Il est 8h23, bonjour Pascal Perrineau.
00:05 - Bonjour.
00:06 - Merci de nous rejoindre dans notre matinale, vous êtes politologue, professeur émérite des universités à Sciences Po.
00:10 Votre dernier livre, "Le goût de la politique", un observateur passionné de la 5ème République,
00:14 est paru, je le rappelle, aux éditions Odile Jacob.
00:17 Cela fait très exactement 100 jours que Gabriel Attal est à Matignon.
00:20 Ce jeune Premier ministre a très vite fait oublier Elisabeth Borne.
00:23 Une nomination et un activisme qui n'empêchent pas la chute des macronistes dans les sondages, je le rappelle.
00:28 Des premiers ministres, vous en avez vu défiler des dizaines sous notre 5ème République.
00:32 Quelle est la spécificité du plus jeune chef de gouvernement que nous ayons connu ?
00:35 - Alors, il y a à la fois sa jeunesse et, c'est lié au deuxième élément,
00:42 le fait que c'est un homme qui n'a pas une véritable carrière politique de longue durée derrière lui.
00:48 Il a tous les attributs de la nouveauté,
00:51 tels que, par exemple, on pouvait l'attribuer à Emmanuel Macron en 2017.
00:56 C'est un peu l'ombre de son maître.
00:59 Mais c'est une ombre qui a, en 100 jours, pris de l'épaisseur.
01:04 C'est une ombre qui a pris de l'épaisseur parce que tout le monde parlait de la météorite,
01:09 de l'étoile filante qui, par définition, disparaît.
01:11 Eh bien, il n'a pas disparu.
01:14 Dans les sondages, il reste à un niveau de popularité environ aux alentours de 40%.
01:20 - Donc très correct. - Très correct pour un Premier ministre en milieu de mandat présidentiel.
01:26 Donc, il existe politiquement.
01:28 Et il existe politiquement, ce qui pourra, dans les mois qui viennent,
01:31 et ce qui déjà lui pose quelques problèmes,
01:34 il existe très nettement devant le Président de la République.
01:36 Il est à plus de 10 points devant le Président de la République en termes de popularité.
01:40 - Alors, en tout cas, en matière de communication, il est excellent.
01:44 Je vois que vous dressez un portrait plutôt élogieux pour l'instant.
01:46 Est-ce que ça se traduit par ce que j'appellerais une politique ?
01:48 Et si oui, laquelle ? Est-ce qu'il y a une politique à Thal ?
01:51 - Voilà. Alors là, c'est là où le bas blesse.
01:53 Pour l'instant, les Français ne sentent pas très précisément cette politique à Thal.
01:59 Ou alors, la politique à Thal d'aujourd'hui est la continuation de la politique à Thal d'hier.
02:03 C'est-à-dire, il reste visible, il est approuvé par une immense majorité de Français,
02:07 par exemple sur les dossiers de l'éducation.
02:09 Donc, c'est l'ancien ministre de l'éducation, on le voit sur l'affaire des groupes de niveau,
02:15 qui reste populaire.
02:17 Sur les autres dossiers, c'est beaucoup plus confi.
02:20 Beaucoup plus confi, environ un Français sur deux dit dans un sondage qui a eu lieu hier de l'Institut Elabe,
02:26 "il faut attendre, il faut attendre pour pouvoir se prononcer".
02:30 Donc, il y a un certain attentisme, et il y a même certaines inquiétudes,
02:34 en particulier sur la réforme sur l'assurance-chômage,
02:37 où là, la popularité de l'homme à Thal réformiste laisse à désirer.
02:42 - Alors, son parti est désormais à touche-touche avec les socialistes de Raphaël Glucksmann dans la course aux européennes.
02:48 Le Rassemblement National fait lui la course en tête de notre dernière enquête Aristolouna Interactive pour RTL Challenge.
02:53 Pascal Perrineau, sommes-nous déjà entrés dans l'après-Macron ?
02:57 - Oui, on est dans l'après-Macron, on le voit dans le niveau de popularité faible du président de la République.
03:03 On le voit presque dans la difficulté d'exister du président de la République.
03:07 Par exemple, cette agitation mémorielle est perçue par tous les observateurs comme étant quelque chose d'assez étrange.
03:14 Parce que là, c'est véritablement l'abondance mémorielle.
03:19 On s'est dit "mais pourquoi un président de la République est en train de battre les records d'événements mémoriels ?
03:25 Tout ça est étrange, mais derrière il y a quoi ? Il y a le souci d'exister et d'exister sur un terrain symbolique.
03:31 Mais on voit bien qu'on est rentré dans l'après-Macron,
03:34 et que se positionnent les rares hommes qui seraient capables éventuellement de perpétuer l'héritage de Macron en le redéfinissant.
03:43 Et là, il y en a deux, il y a Édouard Philippe et Gabriel Attal.
03:46 Gabriel Attal a Matignon pour freiner l'ORN de Jordan Bardella.
03:49 C'est le pari d'Emmanuel Macron. En tout cas, c'est ce qu'on a cru comprendre.
03:52 Pour l'instant, c'est mal parti, le bateau coule, le roi est nu. Le petit prince aussi ?
03:56 Alors, le petit prince, on va voir, parce qu'il ne s'est pas encore mis véritablement en campagne.
04:01 Et le Premier ministre, dans une grande tradition de la Ve République, doit mouiller sa chemise dans une campagne des européennes.
04:08 D'autre part, ils partent avec un handicap, mais qu'ils ont construit eux-mêmes.
04:13 Ils ont mis énormément de temps à sélectionner la tête de liste.
04:17 Madame Valérie Hayé, qui a une très faible notoriété, elle est en train de la construire.
04:22 Et la liste, pour l'instant, n'est pas constituée.
04:25 Donc, c'est se donner un peu des verges pour se faire battre.
04:28 - Vous qui êtes né avec la Ve République, si je puis dire, vous le placez où dans le classement de nos premiers ministres ?
04:33 C'est le premier de la classe ou il fait du bruit au dernier rang ?
04:35 - Non, il est plutôt... Je ne le mettrai pas au dernier rang, près du radiateur. Non, non, pas du tout.
04:42 Ce n'est pas non plus le premier de la classe, puisque le premier de la classe, c'est son maître, le Président de la République.
04:48 C'est en effet un individu qui s'est fait connaître, qui est passé, j'allais dire, des rangs du quatrième ou cinquième rang,
04:59 vers le deuxième, troisième rang, et qui existe et cherche à exister sur un autre créneau que le Président de la République.
05:05 Moi, ce qui me frappe, c'est la gravitas du premier ministre.
05:09 Regardez son visage. Il a pris en son jour une gravité qui est certainement due au rythme de travail,
05:18 lorsqu'on est premier ministre, mais aussi à sa préoccupation pour de multiples enjeux.
05:24 L'inquiétude de l'opinion publique française, la guerre qui se prépare et auquel il faut préparer également l'opinion publique,
05:32 les problèmes de violence dans la jeunesse. Il y a là, certainement, toute une série d'éléments qui l'inquiètent beaucoup.
05:37 - Une toute dernière question, un caractère peut-être encore plus politique.
05:40 Notre baromètre montre que le Rassemblement national est désormais la première formation politique, notamment chez les cadres.
05:46 On dit bien chez les cadres. C'est un bouleversement, c'est bien la première fois.
05:49 - Oui, c'est bien la première fois, et c'est un effet Bardella.
05:52 Si vous voulez, il y a eu le socle de l'électorat populaire a été constitué par Marine Le Pen.
05:58 Maintenant, la poussée qui a été très forte depuis quelques mois de la liste, il y a un effet qui n'est pas un effet Le Pen,
06:06 qui n'est pas un effet RN, qui est un effet Bardella auprès des professions intermédiaires et des cols blancs.
06:12 Il restera dans les mois qui viennent à solidifier, j'allais dire, ces nouveaux RN.
06:19 Est-ce que le personnage de Marine Le Pen, revenant au premier plan, fera que ces hommes et ces femmes qui sont venus au RN par Bardella
06:29 repartiront d'où ils viennent ? Ou est-ce qu'elle arrivera également à les fidéliser ?
06:34 C'est un des grands enjeux pour que le RN reste le premier parti de France, qu'il l'est aujourd'hui,
06:41 et solidifie sa base électorale dans la perspective de la prochaine élection présidentielle.
06:45 - Nathal Bardella, voilà un couple de travail assez étrange qui va...