Café de la statistique - Inégalités sociales de santé - 6 juin 2023

  • il y a 8 mois

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00:00 [SILENCE]
00:07 - Bonsoir, merci d'être venu malgré le beau temps, les manies et puis tout.
00:13 Donc juste un tout petit mot pour vous rappeler que ces cafés sont organisés par la Société Française de Statistique,
00:19 le groupe Statistique et Enjeux Public, un des groupes spécialisés de cette organisation,
00:24 et que vous êtes bienvenus pour adhérer à l'organisation, si ce n'est pas encore fait,
00:29 et que nous vous donnons quelques frais et que nous vous adhérons et vous permettons d'y faire face.
00:35 Voilà, donc je passe la soirée à l'animateur de la soirée, entre l'autre, qui va nous présenter Benoît Mourliac.
00:41 [SILENCE]
00:43 - Oui, je vous le dis que l'animateur, la personne qui va présenter le sujet des inégalités sociales de santé,
00:50 c'est Benoît Mourliac, à ma gauche, qui est sous-directeur de la sous-direction Observation de la Santé et de l'Assurance Maladie,
01:02 alias OSAM, à la direction de la recherche des études de l'évaluation des statistiques,
01:11 l'adresse qui est rattachée au ministère, qui fait partie du ministère de la Santé.
01:20 Et donc l'adresse a sorti l'an dernier un dossier assez complet sur ce sujet,
01:25 et depuis bien que ce dossier soit déjà complet, d'autres documents se sont ajoutés et d'autres travaux ont été faits.
01:32 Donc je laisse Benoît Mourliac présenter le thème complexe et assez abondant des inégalités sociales de santé.
01:45 [SILENCE]
01:48 - Bien, ben bonjour à tous. Merci beaucoup de m'avoir invité et de me donner l'occasion de présenter un peu les travaux de mon équipe
01:55 et de l'adresse sur le sujet des inégalités sociales de santé.
02:00 [SILENCE]
02:03 Donc, effectivement, comme vous l'avez dit, on a produit l'année dernière un document de synthèse sur les inégalités sociales de santé en France,
02:11 en octobre dernier, qui est un peu un document maintenant régulier, qu'on fait tous les 4-5 ans,
02:18 qui est censé accompagner la Stratégie Nationale de Santé, qui est le document un peu programmatique
02:26 qui vise à fixer un peu les orientations des politiques de santé pour les 5 années à venir.
02:35 Donc là, le document de l'année dernière faisait un peu le bilan des inégalités sociales de santé
02:40 à la fin de la dernière stratégie qui s'étendait sur la période 2017-2022.
02:46 La question des inégalités sociales de santé, même si elle est bien connue des chercheurs en sciences sociales et en santé publique,
02:55 elle est arrivée assez tardivement dans le débat public, dans la jeune art politique surtout,
03:01 principalement à la fin des... vous le faites dater ça plutôt à la fin des années 2000,
03:07 notamment avec le rapport au Conseil de Santé Publique de 2009, intitulé "Inégalités sociales de santé, en finir avec la fatalité".
03:17 Et puis ça a ensuite été intégré justement dans les stratégies nationales de santé, avec comme point d'orgue la dernière stratégie nationale de santé,
03:27 donc 2017-2022, qui fixait vraiment dans son introduction le fait que chaque objectif de la stratégie nationale de santé
03:35 devait contribuer à la lutte contre les inégalités sociales de santé.
03:41 Alors, quand on parle d'inégalités sociales de santé, je vais d'abord définir un peu de quoi on parle,
03:47 ou en tout cas de quoi nous on parle quand on traite le sujet à l'adresse.
03:52 Pour commencer, la santé. Alors la santé c'est pas si évident que ça, il y a une définition très officielle de l'OMS
04:00 qui définit la santé comme un état de bien-être complet, psychique, psychologique et social.
04:07 Donc on voit tout de suite que c'est quelque chose qui est beaucoup plus large que la simple absence de maladie,
04:12 ce à quoi on peut penser spontanément. Et comme c'est une définition extrêmement large,
04:18 il y a beaucoup de façons possibles de la mesurer, et évidemment aucun indicateur ne peut à lui-même synthétiser
04:26 tout ce que couvre cette définition de la santé. Alors pour dresser un peu la liste très rapidement,
04:33 et puis on va dire par ordre chronologique inverse, la première condition pour être en bonne santé,
04:39 c'est d'abord d'être en vie. Et donc l'indicateur spontané, le plus connu en fait, le plus synthétique,
04:49 c'est l'espérance de vie. Ensuite si on remonte un peu dans le temps, on a tout ce qui est des indicateurs de morbidité,
04:59 c'est-à-dire l'incidence et la prévalence des maladies. Donc là aussi, comme l'espérance de vie,
05:05 c'est quelque chose de très objectif. Alors l'espérance de vie, c'est ce qu'il y a de plus objectif,
05:10 c'est même administratif, l'état civil qui détermine le statut vital d'une personne.
05:15 Pour la morbidité et donc le fait d'avoir ou non une maladie, là déjà, ça nécessite une expertise médicale.
05:24 Nous, en tant que statisticien, on n'a pas cette expertise médicale, on est obligé de reposer sur les médecins,
05:32 les diagnostics qu'ils posent pour mesurer les maladies et la morbidité et leur incidence dans la population,
05:43 avec une première limite qui est que pour mesurer ces maladies, il faut donc qu'elles soient diagnostiquées.
05:51 Et toute la difficulté de mesurer la morbidité lorsque les maladies n'ont pas été diagnostiquées.
06:01 Si on remonte encore un peu, avant d'être malade, il y a tout ce qui a trait à la qualité de vie en lien avec la santé.
06:10 Donc c'est le handicap, les limitations d'activité dans la vie courante.
06:17 Là, on a vraiment un indicateur qui s'impose dans la statistique publique qu'on appelle le GALI,
06:24 qui est l'indicateur global de limitation d'activité.
06:30 Et là, on bascule vraiment dans une approche qui devient subjective de la mesure de la santé,
06:36 parce que cette mesure repose sur l'interrogation directe des personnes à qui on demande
06:41 si elles sont ou non limitées dans les activités de la vie quotidienne par un problème de santé,
06:46 par rapport aux choses que les gens font habituellement.
06:50 Et puis, si on remonte encore, il y a un spectre beaucoup plus large d'indicateurs qui sont mobilisés pour décrire la santé,
06:57 que l'on peut rassembler sous le terme de déterminants ou de facteurs de risque.
07:02 Et là, le choix est large. C'est tout ce qui est les expositions aux risques pour la santé.
07:08 Ça peut être des risques environnementaux, notamment.
07:13 C'est toute la mesure des comportements individuels qui peuvent avoir un impact sur la santé,
07:18 tels que l'alimentation, le tabagisme, la consommation d'alcool, l'activité sportive.
07:24 Un point important aussi est l'adhésion aux programmes de prévention.
07:32 Et enfin, les questions d'accessibilité aux soins, accessibilité qui peut être soit géographique,
07:40 on aura peut-être la question des désarmes médicaux,
07:43 et également l'accessibilité financière qui peut être un obstacle à recourir au système de santé.
07:51 Quand on parle des inégalités, là, pour le coup, c'est un concept qui est beaucoup plus classique dans la statistique publique.
08:01 Et c'est juste les différences d'état de santé, au sens de l'un des indicateurs que j'ai décrits, entre des groupes sociaux.
08:12 Alors, pour définir les groupes sociaux, on a l'approche triple, là aussi très standard en statistique publique,
08:19 l'approche par les catégories socioprofessionnelles, par le niveau d'études, par le niveau de vie.
08:24 Chacune a sa spécificité et son intérêt pour mesurer les inégalités sociales de santé.
08:31 Les catégories socioprofessionnelles, par exemple, c'est vraiment la partition de l'espace social, la historique,
08:39 promue par l'INSEE depuis maintenant une quarantaine d'années, si on se limite aux professions et catégories sociales,
08:48 et qui est notamment intéressante quand on s'intéresse aux liens entre santé et travail.
08:55 Même si on peut considérer que c'est très rapidement que ça devient très frustre,
09:01 parce que quand on s'intéresse aux liens santé-travail, on a envie d'avoir une description plus fine des conditions de travail,
09:07 notamment, qui sont décrites vraiment très grossièrement par l'appartenance à une catégorie socioprofessionnelle.
09:15 Le niveau d'études est particulièrement intéressant aussi quand on s'intéresse aux inégalités sociales de santé,
09:20 parce que les études ont montré que c'était vraiment un déterminant puissant de ces inégalités,
09:27 avec également une transmission intergénérationnelle des inégalités liées au niveau d'études des parents.
09:37 Et enfin, le niveau de vie, alors là, c'est l'intérêt principal du niveau de vie,
09:43 c'est que ça permet vraiment de classer de façon hiérarchique et objective l'ensemble de la population,
09:52 et ça permet de mettre en évidence de façon très fine des gradients sociaux,
09:58 qui sont parfois moins évidents à observer, à mesurer avec d'autres approches de l'espèce sociale.
10:08 Ça n'épuise évidemment pas toutes les partitions possibles de la population.
10:12 Quand on parle d'inégalités sociales, on peut s'intéresser à d'autres groupes sociaux qui sont particulièrement pertinents dans le domaine de la santé,
10:22 chacun pour des raisons diverses, naturellement, il y a le genre.
10:27 La situation migratoire, l'orientation sexuelle aussi, c'est un sujet qui monte beaucoup quand on aborde les inégalités sociales de santé.
10:36 Également le lieu de résidence aussi, en lien avec l'accessibilité géographique au système de santé.
10:42 Donc voilà, il y a d'autres approches des inégalités sociales de santé,
10:46 mais là je vais quand même plutôt me concentrer sur les approches classiques
10:50 des partitions de l'espace social en catégorisation professionnelle, niveau d'études ou niveau de vie.
10:58 Alors, pour décrire un peu, dresser un peu un panorama des sources mobilisables,
11:09 tout d'abord il y a les données administratives démographiques, dont j'ai déjà parlé,
11:14 en ce qui concerne l'état civil, pour mesurer l'espérance de vie.
11:19 Il y a également tout ce que l'on range dans la catégorie des données médico-administratives,
11:26 qui sont aujourd'hui rassemblées en France au sein du système national de santé,
11:30 c'est-à-dire le regroupement à la fois des prises en charge hospitalières,
11:35 des consommations de vies remboursées par l'assurance maladie,
11:39 et également des données issues des certificats médicaux de décès,
11:45 qui renseignent sur les causes qui ont conduit au décès des personnes.
11:50 Donc le système national de santé rassemble un peu ces trois grandes bases de données
11:55 qui sont exhaustives sur l'ensemble de la population française,
11:58 et qui sont chénables, entre elles, via le numéro d'identification au répertoire des personnes physiques, le NIR.
12:08 Donc on a là-dedans une très grande richesse d'informations,
12:12 outre le fait que c'est exhaustif, mais ces données médico-administratives
12:17 présentent quand même un certain nombre de difficultés d'exploitation
12:20 qui sont en fait communes à toutes les données administratives.
12:25 La principale d'entre elles, c'est que ces données médico-administratives
12:31 sont adossées à des processus de gestion administratif.
12:35 Par exemple, les consommations de soins de vie remboursées par l'assurance maladie,
12:40 ce sont des données qui sont collectées pour pouvoir rembourser ces soins.
12:45 Donc on a quand même un champ qui dépend de ces processus.
12:50 Le statisticien n'a pas vraiment non plus la main sur la qualité de ce qui est recueilli comme données.
12:59 Et ces données recueillent, parce que ce sont des recueils administratifs,
13:06 uniquement l'information nécessaire à la gestion de ces processus administratifs, sans plus.
13:13 Donc il y a trois grandes conséquences à cela quand on veut faire des statistiques.
13:20 La première, c'est que dans cette base de données médico-administratives,
13:24 qui est le site international de santé, on a très peu de données de contexte sociodémographique
13:30 parce que ces informations n'ont aucun intérêt pour la gestion administrative
13:34 des dossiers de remboursement des personnes.
13:38 On a tout juste l'âge, le sexe des personnes, éventuellement la couverture par l'aide médicale d'État
13:45 ou la complémentaire santé solidaire, qui peut être une indicatrice du niveau de précarité,
13:49 mais en même temps on sait bien que c'est assez imparfait,
13:53 du fait notamment des problèmes de non-recours à ces prestations.
13:58 Et donc c'est extrêmement limité pour l'analyse des inégalités sociales.
14:05 Une autre limite est qu'il n'y a pas toujours de lien évident
14:13 entre ce que l'on recueille dans ces données médico-administratives et l'état de santé des personnes.
14:18 Ce que l'on observe, c'est les soins qui ont été prodigués,
14:21 ou les biens et services médicaux consommés,
14:25 mais après, savoir exactement quelle était la pathologie qui était traitée
14:31 ou l'état de santé de la personne, ça n'a rien d'évident.
14:35 C'est un champ de recherche aujourd'hui qui est très riche,
14:40 notamment depuis la création du SNDS en 2016,
14:45 et sa démocratisation, parce que l'accès est très ouvert à ce système national de données de santé,
14:51 mais ça nécessite quand même un travail très conséquent pour le statisticien
14:56 pour donner un peu du sens à ces données,
14:59 et décrire l'état de santé des personnes et la façon dont elles recourent aux soins.
15:04 Enfin, une dernière limite, c'est que dans le système national de données de santé,
15:08 dans les données médico-administratives,
15:10 il n'y a aucune information directe sur les déterminants de santé.
15:14 Il n'y a pas du tout d'information issue du dossier médical des patients,
15:18 donc on ne peut pas savoir si une personne fume,
15:24 quelle est sa consommation d'alcool,
15:26 si elle présente des comorbidités non mesurées par ailleurs,
15:29 et ça aussi c'est une limite dans l'exploitation de ces données.
15:35 Et donc, à côté de ça, on a aussi, fort heureusement,
15:41 les enquêtes statistiques en population générale
15:46 conduites par le service statistique public, mais pas seulement.
15:49 Il y a d'autres acteurs, d'autres organismes de recherche
15:53 qui conduisent aussi des enquêtes statistiques qui sont très riches.
15:59 Parmi les avantages à ces enquêtes statistiques,
16:03 c'est d'abord que ça permet d'avoir une caractérisation très fine
16:07 des individus sur le plan socio-démographique,
16:09 avec des catégories qui sont éprouvées,
16:13 parce qu'elles sont utilisées dans l'ensemble des enquêtes de la statistique publique,
16:17 et des catégories aussi qui sont comparables à ce qui peut être recueilli par ailleurs
16:23 dans des enquêtes qui couvrent d'autres champs sur l'emploi
16:27 ou les conditions de vie des ménages.
16:30 L'autre intérêt des enquêtes, c'est justement qu'elles permettent, par définition,
16:33 de recueillir des données subjectives,
16:35 que l'on n'a pas dans les bases de données médico-administratives,
16:37 des données subjectives sur la santé perçue,
16:40 la santé mentale, qui est assez difficile à cerner via les données médico-administratives,
16:45 ou encore les limitations d'activité dans la vie quotidienne
16:49 qui permettent de décrire le handicap.
16:52 Et également aussi, ces enquêtes permettent de recueillir de la donnée
16:57 qui n'est pas disponible par ailleurs sur les comportements,
17:00 la consommation réelle de soins,
17:02 et pas seulement la consommation remboursée par la science maladie,
17:06 sur les phénomènes de renoncement aux soins
17:10 ou encore l'exposition à des facteurs de risque.
17:14 Donc elles fournissent vraiment une très grande richesse,
17:17 non seulement pour la mesure des inégalités sociales de santé,
17:19 mais aussi pour leur analyse
17:23 et l'explication de leurs déterminants.
17:29 Alors évidemment, elles n'ont pas que des avantages,
17:32 elles ont aussi un certain nombre de limites.
17:35 La première de ces limites, c'est le coût.
17:38 Ces enquêtes représentent un coût important,
17:41 à la fois pour le producteur, l'organisme en charge de les recueillir,
17:45 mais également pour les personnes enquêtées.
17:48 Les enquêtes sur la santé en population générale
17:50 sont souvent des questionnaires très longs,
17:53 qui peuvent prendre une heure ou plus,
17:55 donc ça demande quand même une grande disponibilité
17:57 de la part des ménages enquêtés.
18:00 L'autre limite évidemment, c'est que ces enquêtes
18:03 se basent sur des échantillons de la population,
18:05 alors qu'on sait rendre représentatifs,
18:08 mais qui ne permettent pas l'observation de phénomènes rares,
18:13 ou qui ne permettent pas non plus de s'intéresser
18:17 à des sous-populations de taille réduite.
18:21 Et enfin, en général, ce sont des enquêtes ponctuelles,
18:26 donc on n'a pas de suivi longitudinal,
18:29 donc c'est très bien pour mesurer des corrélations
18:32 entre la situation sociale, les déterminants et l'état de santé,
18:36 mais par contre c'est très limité pour établir des causalités.
18:41 Et pour ça, le gold standard, comme on dit dans le milieu,
18:46 l'étalon c'est plutôt les cohortes épidémiologiques,
18:49 les grandes cohortes épidémiologiques,
18:53 qui ont elles pour limite que...
18:56 l'intérêt c'est justement qu'on suit dans le temps,
18:58 parfois sur plusieurs dizaines d'années, les personnes,
19:01 et la difficulté c'est de conserver une représentativité de la population
19:06 au fil des années, au fil des décennies.
19:09 Alors ça ne remet pas en cause la validité interne des résultats
19:13 qui peuvent être produits à partir de ces grandes cohortes épidémiologiques,
19:16 mais par contre c'est de plus en plus difficile au fil du temps
19:20 de réunir les conditions d'extension, de validité externe
19:24 des résultats obtenus via ces grandes cohortes épidémiologiques.
19:29 Alors dans le paysage aujourd'hui,
19:33 alors je vais me concentrer un peu sur...
19:35 j'ai plaidoyé pronomaux, donc je vais plutôt me concentrer
19:38 sur ce que l'on fait à l'adresse,
19:40 et plus largement dans le service statistique public.
19:42 Je suis désolé si je ne peux pas couvrir notamment la grande richesse aussi
19:46 de ce que font des organismes comme l'INSERM ou Santé publique France,
19:50 même si je vais les évoquer un peu.
19:52 Si on fait un peu l'historique,
19:55 les enquêtes de santé en population générale,
19:59 c'était initialement des enquêtes santé décennales réalisées par l'INSEE,
20:03 la première au début des années 60.
20:06 Puis il y a eu également en parallèle à partir des années 90
20:13 des enquêtes sur la santé et la protection sociale réalisées par l'IRDES,
20:19 à des intervalles un peu plus rapprochés.
20:22 Ça c'était le paysage jusqu'à la fin des années 90, au début des années 2000,
20:27 et puis depuis une petite vingtaine d'années,
20:31 on a engagé un rapprochement, voire une fusion un peu de tout ça,
20:38 là aussi à la faveur de la mise en place d'une enquête harmonisée
20:42 au niveau européen sur la santé.
20:45 En anglais c'est EHIS, European Health Interview Survey,
20:51 en français on appelle ça l'Enquête Santé Européenne, c'est plus simple.
20:55 C'est une enquête qui est réalisée désormais tous les 6 ans
21:00 dans tous les pays de l'Union Européenne.
21:03 La première édition sous ce format a eu lieu en 2014,
21:08 la deuxième en 2019, alors vous allez me dire que ça fait 5 ans entre les deux,
21:12 mais ça c'était avant qu'on passe à un rythme tous les 6 ans,
21:15 et la prochaine aura lieu en 2025,
21:18 on est déjà en préparation de cette enquête.
21:21 Donc là c'est vraiment le dispositif principal d'observation
21:25 de la santé en population générale.
21:28 À côté de ça, il y a le baromètre santé,
21:33 réalisé par Santé publique France tous les ans,
21:36 donc qui est moins détaillé que les enquêtes santé en population générale,
21:42 sur un échantillon un peu plus petit,
21:46 mais qui a l'avantage de pouvoir suivre des indicateurs tous les ans
21:50 pour mesurer la santé de la population française.
21:56 À côté de ça, il y a des enquêtes, on va dire, plus thématiques.
22:02 Alors sur le lien entre santé-travail, il y a les enquêtes conditions-travail
22:06 et risques psychosociaux de la Dares tous les 3 ans,
22:10 et l'enquête Sumer, qui a une périodicité de tous les 7-8 ans,
22:15 réalisée en lien avec la médecine du travail,
22:18 qui sont des sources très riches de recueil d'informations
22:21 sur les conditions de travail et les conséquences sur la santé.
22:27 Et puis également, là aussi plus centré sur la thématique du handicap,
22:33 les enquêtes handicap-santé,
22:36 qui maintenant ont été rebaptisées vie quotidienne et santé,
22:41 et qui sont réalisées en alternance avec l'enquête santé européenne.
22:45 C'est une enquête spécifique pour la France,
22:47 et on la réalise en alternance avec l'enquête santé européenne,
22:51 mais comme je vous ai dit, qui est plus centrée sur la question du handicap.
22:55 À côté de ça, il y a quand même aussi des questions sur la santé,
23:01 qui sont maintenant déployées dans la quasi-totalité des enquêtes
23:06 auprès des ménages réalisées par l'INSEE,
23:09 avec un mini-module harmonisé de trois questions.
23:14 Alors là, l'intérêt, ce n'est pas forcément de mesurer finement
23:17 l'état de santé de la population,
23:19 mais plutôt de regarder le lien entre l'état de santé,
23:25 tel qu'il peut être mesuré par ces trois questions très synthétiques,
23:29 et puis les sujets thématiques de ces enquêtes.
23:31 On les retrouve dans l'enquête d'emploi,
23:35 dans l'enquête sur les ressources et conditions de vie des ménages,
23:39 dans l'enquête sur le vécu et ressenti de la sécurité,
23:44 qui est l'enquête réalisée par le service statistique du ministère de l'Intérieur
23:47 sur les victimations,
23:49 et prochainement aussi, enfin prochainement au projet,
23:54 dans le recensement de la population,
23:57 notamment l'enquête sur la question,
24:02 la mesure des limitations d'activité,
24:05 le GALI, pour essayer de repérer les situations de handicap dans la population.
24:13 Alors, dans ce paysage, il y a eu des innovations récentes.
24:21 La première, que je veux citer, c'est d'abord un élargissement des échantillons.
24:29 L'enquête sur la santé européenne, par exemple,
24:32 c'est une enquête qui repose sur un échantillon de 15 000 personnes en France métropolitaine,
24:37 10 000 personnes dans les départements et régions d'outre-mer.
24:41 Ça, c'est une demande forte qui nous a été faite,
24:43 de pouvoir produire des résultats représentatifs de chacun des cinq drômes.
24:48 C'est pour ça qu'on a un échantillon qui n'est pas quasiment équivalent
24:51 à celui de la France métropolitaine, mais qui est quand même très consistant.
24:56 Mais ça reste quand même des échantillons de petite taille.
25:01 Et à côté de ça, on est en train de développer la possibilité de constituer
25:07 des gros échantillons de 100 000 à 200 000 personnes,
25:11 pour lesquels la collecte se fait uniquement par Internet ou par téléphone.
25:17 Et ça, ça a été permis à la fois par le développement des outils de collecte multimode à l'INSEE,
25:23 et puis par l'utilisation des sources fiscales comme base de sondage
25:28 des enquêtes auprès des ménages.
25:32 On a déjà testé cette organisation avec à la fois un très gros échantillon
25:37 de 100 000 personnes et plus interrogées uniquement par téléphone ou Internet,
25:43 et puis quand même des interrogations en face à face sur un échantillon plus restreint.
25:47 On a déjà eu l'occasion de tester ça avec l'enquête "Vie quotidienne et santé sur le handicap",
25:54 où dans ce cas-là, le gros échantillon servait de filtre pour repérer les personnes en situation de handicap
26:01 auprès desquelles ensuite on allait vers une interrogation en face à face.
26:05 C'est aussi ce que l'on a retenu comme méthodologie pour l'enquête EPICOM,
26:10 "Epidémiologie et conditions de vie sur les..."
26:17 Alors j'ai plus en tête exactement la chronique, ce que ça représente,
26:21 mais c'est la grande enquête qui a été réalisée par le service statistique public
26:25 en partenariat avec l'INSERM et Santé publique France pendant la crise sanitaire
26:30 pour suivre à la fois la situation épidémiologique avec des tests sérologiques,
26:37 et puis interroger les personnes sur la façon dont elles vivaient
26:42 cette période très particulière de crise sanitaire.
26:46 Donc on a déjà testé ça avec des résultats très encourageants,
26:53 et c'est notamment ce que l'on envisage de déployer pour la prochaine édition
26:57 de l'enquête santé européenne en 2025.
27:00 Donc à la fois un échantillon classique pour répondre notamment aux obligations européennes,
27:07 et puis un gros échantillon complémentaire qui permettra notamment
27:12 de produire des statistiques à un niveau territorial départemental,
27:17 qui là aussi est une demande très forte qui nous a été faite,
27:20 de pouvoir produire des indicateurs sur la santé des populations au niveau départemental.
27:25 Une autre innovation dans la statistique publique,
27:32 c'est l'appareillement des enquêtes avec le SNDS,
27:36 le système national de données de santé,
27:39 qui permet d'enrichir les données recueillies avec les informations médico-administratives.
27:46 D'une certaine manière, ça permet de pallier les carences de ces données médico-administratives,
27:51 notamment sur la caractérisation socio-démographique des personnes,
27:56 leurs comportements, en apportant l'information recueillie dans les enquêtes,
28:03 et en mobilisant les données du SNDS pour identifier les morbidités et les recours aux soins.
28:20 Le premier de ces appareillements que l'on a réalisés,
28:24 et celui sur lequel on a déjà publié des résultats,
28:26 dont je vous parlerai dans la suite de ma présentation,
28:29 c'est l'appareillement entre l'échantillon démographique permanent de l'INSEE et le SNDS,
28:34 qui par la taille de l'échantillon démographique permanent,
28:38 fournit un outil vraiment puissant pour mesurer les inégalités sociales de santé.
28:46 Voilà pour ce panorama.
28:52 Maintenant je vais peut-être présenter quelques résultats issus de nos travaux récents
28:58 sur les inégalités sociales de santé.
29:01 Comme dans ma description des indicateurs, je vais commencer par l'espérance de vie.
29:07 L'espérance de vie, comme je l'ai déjà dit, c'est un peu un indicateur qui arrive en bout de course.
29:12 C'est-à-dire que ça traduit en quelque sorte les inégalités sociales accumulées tout au long de la vie,
29:19 et qui se traduisent par des mortalités différenciées selon la situation sociale.
29:27 Le contexte, le résultat qui est connu, c'est qu'on a globalement une hausse régulière,
29:37 continue de l'espérance de vie en France,
29:41 qui s'est ralentie depuis le début des années 2010, mais qui se poursuit quand même.
29:48 Je mets de côté l'épisode très particulier de la crise sanitaire,
29:52 qui a entraîné un choc à la baisse assez inédit sur l'espérance de vie,
29:56 mais qui, on pense, ne remettra pas en cause la tendance un peu séculaire à la hausse de l'espérance de vie.
30:07 Avec l'échantillon démographique permanent, l'INSEE a pu mesurer assez finement les inégalités sociales en matière d'espérance de vie.
30:18 Inégalités sociales qui sont assez considérables,
30:23 notamment quand on regarde en fonction du niveau de vie,
30:26 si on regarde l'écart d'espérance de vie entre les 5% de ménage les plus aisés et les 5% de ménage les plus modestes,
30:32 elle atteint 13 ans pour les hommes et 8 ans pour les femmes.
30:36 Si l'on s'en tient à des catégories sociales plus traditionnelles,
30:40 on a des écarts qui sont moindres.
30:42 Par exemple, sur les catégories socio-professionnelles,
30:47 on a plutôt des écarts de 6 ans d'espérance de vie entre les cadres et les ouvriers hommes,
30:53 de 3 ans en ce qui concerne les femmes.
30:56 Et si on regarde selon le niveau de diplôme,
31:00 on a plutôt des écarts d'espérance de vie de 8 ans entre les hommes diplômés avec +5% et au-delà,
31:10 et les personnes non diplômées,
31:12 et un écart de 4 ans pour les femmes.
31:16 Les inégalités d'espérance de vie selon le niveau de vie,
31:21 c'est quelque chose de très récent,
31:24 que l'on peut mesurer grâce à l'apport des données fiscales dans l'échantillon démographique permanent,
31:29 en revanche, selon la catégorie socio-professionnelle,
31:32 où le niveau de diplôme, c'est quelque chose que l'on peut mesurer depuis plus longtemps,
31:35 depuis les années 70,
31:38 et ce que l'on observe quand on regarde les choses sur longue période,
31:43 c'est une stabilité des inégalités d'espérance de vie,
31:48 selon le niveau de diplôme ou selon la catégorie socio-professionnelle.
31:52 Alors c'est assez compliqué à interpréter,
31:54 cette stabilité des écarts d'espérance de vie entre les groupes sociaux extrêmes,
32:01 dans la mesure où, si on regarde sur longue période,
32:05 c'est-à-dire sur les 5 dernières années, depuis 1970,
32:07 il y a quand même aussi eu des évolutions structurelles massives
32:11 de la composition de la population française,
32:14 que ce soit en fonction de la catégorie socio-professionnelle ou du niveau de diplôme.
32:18 Et donc c'est vrai que, par exemple, une personne qui a le baccalauréat aujourd'hui,
32:23 c'est pas du tout la même que une personne qui avait le baccalauréat dans les années 70,
32:28 même chose en ce qui concerne les ouvriers ou les cadres.
32:31 Donc c'est vraiment assez compliqué l'interprétation des évolutions
32:36 de ces inégalités sociales de santé,
32:39 selon la catégorie socio-professionnelle ou le niveau de diplôme,
32:42 dans la mesure où on compare des choses, finalement,
32:45 des groupes qui sont eux-mêmes plus du tout comparables à 50 ans d'intervalle.
32:52 Rappelez aussi que, quand on regarde les choses
32:55 suivant la catégorie socio-professionnelle ou le niveau d'études,
32:59 c'est une caractéristique qui est assez stable tout au long de la vie.
33:04 Alors que, quand on mesure des inégalités sociales selon le niveau de vie,
33:09 pardon, des inégalités d'expérience de vie selon le niveau de vie,
33:13 là, le niveau de vie, il change, il peut changer au cours de la vie.
33:18 La France, c'est quand même un pays où il y a une certaine mobilité sociale,
33:22 alors on pourrait débattre si c'est beaucoup ou pas beaucoup,
33:25 mais il y a quand même une certaine mobilité sociale.
33:27 Et donc c'est vrai que, quand on regarde l'espérance de vie
33:30 calculée sur les extrêmes de la distribution,
33:33 il faut avoir en tête que c'est des écarts d'espérance de vie
33:36 pour des personnes qui resteraient, tout au long de leur vie,
33:40 parmi les ménages les plus modestes ou les plus aisés de leur génération.
33:46 Donc ça rend pas compte de la situation réelle, en fait,
33:50 dans la mesure où il y a peu de personnes qui restent toute leur vie,
33:54 soit dans la catégorie la plus modeste ou dans la catégorie la plus aisée.
34:00 Un autre travail dont je voulais vous parler cette fois-ci,
34:09 c'est celui qui est issu de l'appariement entre l'échantillon démographique permanent
34:14 et le SNDS, le système national de santé,
34:18 que l'on a conduit à la Dresse pour essayer de mesurer finement
34:24 les inégalités sociales de santé face aux maladies chroniques.
34:28 Pour définir les maladies, pour définir la situation sociale,
34:36 là on a toute la richesse de l'échantillon démographique permanent
34:40 donc on s'est beaucoup concentré sur les inégalités sociales en fonction du niveau de vie.
34:47 Pour mesurer les maladies chroniques, on a utilisé les algorithmes,
34:54 les méthodologies développées par la Caisse nationale d'assurance maladie
34:58 pour identifier la prévalence et l'incidence des maladies chroniques
35:04 à partir des données médico-administratives du SNDS.
35:08 Pour tout ça, on observe la consommation de soins,
35:13 alors suivant les pathologies, c'est au cours de 1 à 5 dernières années,
35:18 et ça permet d'identifier les personnes qu'on pense souffrir de diabète,
35:24 de maladies cardio-neuro-vasculaires, de maladies psychiatriques, etc.
35:33 Ce que montre cette étude, c'est qu'on a des inégalités sociales très marquées
35:42 pour la quasi-totalité des maladies chroniques considérées.
35:46 Là où les inégalités sociales sont les plus marquées,
35:50 c'est en ce qui concerne le diabète, les maladies du foie et du pancréas,
35:56 et les maladies psychiatriques.
35:58 Pour cet ensemble de maladies chroniques, on a un ratio de 2
36:03 entre l'incidence de ces maladies parmi les 10% de ménages les plus modestes
36:09 et les 10% de ménages les plus aisés.
36:12 On a un gradin social qui est encore significatif, mais un peu moins marqué,
36:20 plutôt autour de 1,5, pour les maladies respiratoires,
36:25 les maladies neurodégénératives ou encore les maladies cardio-neuro-vasculaires.
36:29 Et puis un résultat qui peut paraître surprenant,
36:32 qui a beaucoup surpris quand on a sorti cette étude,
36:35 c'est qu'on ne trouvait pas de gradin social,
36:38 on ne trouvait pas de différence de prévalence en ce qui concerne les cancers.
36:44 La raison à ça, qui était déjà connue par les épidémiologistes
36:50 et qui avait déjà été montrée dans d'autres contextes,
36:53 c'est qu'il y a bien un gradin social en ce qui concerne les cancers,
36:58 mais qui est très variable et de sens différent suivant les cancers.
37:02 On a des inégalités sociales en défaveur des ménages les plus modestes
37:10 en ce qui concerne par exemple les cancers respiratoires,
37:14 et puis on a en revanche des inégalités sociales,
37:19 mais dans l'autre sens, à la défaveur des ménages les plus aisés,
37:22 en ce qui concerne notamment les cancers du sein ou les cancers de la prostate.
37:26 Et donc quand on considère les cancers dans leur ensemble,
37:29 les deux gradins se neutralisent en moyenne,
37:32 et donc on n'observe pas d'inégalités sociales sur les cancers dans leur ensemble,
37:36 même s'il y a des inégalités sociales quand on regarde les choses cancer par cancer.
37:45 Comme je l'ai dit, ça permet à la fois de mesurer l'égalité sociale
37:50 en termes d'incidence, mais aussi de prévalence de ces maladies.
37:54 En gros, l'incidence mesure la survenue de la maladie,
37:59 ça permet de répondre à la question
38:02 "qui est une année donnée impactée par telle ou telle maladie chronique ?"
38:07 La prévalence mesure plutôt "qui est-ce qui vit avec cette maladie ?"
38:12 Dans l'ensemble, on n'a pas vraiment de différence d'inégalités sociales
38:18 entre l'incidence et la prévalence des maladies chroniques.
38:23 Elles sont du même ordre de grandeur par pathologie chronique
38:28 que l'on considère l'incidence ou la prévalence,
38:32 avec une seule différence notable en ce qui concerne les maladies psychiatriques,
38:37 où là, pour le coup, on a des inégalités sociales qui sont plus marquées
38:41 en ce qui concerne la prévalence qu'en ce qui concerne l'incidence.
38:45 Et ça, c'est un résultat qui suggère une forme de causalité inverse,
38:52 c'est-à-dire qu'au-delà de la survenue de maladies psychiatriques chroniques,
39:03 on peut observer une détérioration du niveau de vie des personnes concernées,
39:07 notamment parce que ce sont des maladies invalidantes
39:10 qui peuvent empêcher de participer au marché du travail,
39:13 et que l'on retrouve donc dans des inégalités sociales plus marquées
39:18 en termes de prévalence que d'incidence sur ces maladies mentales.
39:24 On a pu mesurer, alors, de façon un peu théorique,
39:29 l'impact de ces inégalités sociales sur les maladies chroniques,
39:36 sur les inégalités d'espérance de vie,
39:40 où en gros on a mesuré quelle serait l'espérance de vie d'une personne
39:48 qui ne serait affectée par aucune maladie chronique tout au long de sa vie.
39:52 C'est un exercice théorique, parce qu'en pratique,
39:56 il y a au final très très peu de personnes qui ne sont pas affectées
40:00 au moins à la fin de leur vie par une maladie chronique.
40:03 Si on considère les maladies chroniques dans leur ensemble,
40:06 on a 80% de la population qui, au-delà de 75 ans,
40:10 est touchée par l'oubli de ces maladies chroniques.
40:12 C'est pour ça que je dis que c'est un exercice assez théorique,
40:15 mais en le faisant, on arrive à une estimation comme quoi
40:19 à peu près un tiers de l'écart d'espérance de vie selon le niveau de vie
40:24 pourrait être attribué aux inégalités sociales face aux maladies chroniques.
40:32 Et enfin, un dernier résultat qui est assez intéressant dans cette étude,
40:39 c'est la forme du gradient social que l'on a observé,
40:45 c'est-à-dire le fait qu'on observe des inégalités sociales
40:49 à tous les niveaux de la distribution des revenus.
40:54 C'est-à-dire qu'on n'a pas un effet de seuil,
40:57 on n'a pas juste une incidence plus marquée parmi les ménages les plus modestes,
41:03 et puis au-delà du troisième, quatrième décile,
41:06 on n'aurait finalement plus de différence sociale marquée, non.
41:09 On a vraiment des inégalités sociales à tous les niveaux,
41:13 et donc un gradient social qui décroît linéairement
41:17 des ménages les plus modestes aux ménages les plus aisés.
41:20 Donc vraiment, la question des inégalités sociales de santé,
41:23 c'est pas uniquement un problème qui touche les populations les plus précaires,
41:27 mais en fait qui est présent à tous les niveaux de la société française,
41:33 et donc à tous ces niveaux, il y a de la marge
41:38 pour réduire les inégalités sociales de santé.
41:44 D'autres travaux que l'on a conduits, là aussi avec l'échantillon démographique permanent,
41:51 l'appareillement entre l'échantillon démographique permanent et le système national de santé,
41:55 concernent aussi la morbidité, mais là on s'est intéressés à des événements
42:01 que l'on peut qualifier de plus rares.
42:04 D'une part, les accidents vasculaires cérébraux,
42:07 et d'autre part ce que l'on appelle les hospitalisations potentiellement évitales,
42:12 c'est-à-dire les hospitalisations de personnes atteintes de maladies chroniques
42:18 que l'on pense qui pourraient être évitées par une meilleure prise en charge en soins de vie.
42:27 Je dis que c'est des événements rares parce qu'en fait les maladies chroniques
42:31 dont je vous ai parlé tout à l'heure, ce sont des maladies qui touchent plusieurs millions de personnes.
42:38 Par exemple, les personnes concernées par le diabète en France, c'est plus de 4 millions,
42:46 les maladies cardio-neurovasculaires c'est 5 millions de personnes,
42:49 donc on est quand même sur des effectifs très larges.
42:52 Là, quand on parle d'accidents vasculaires cérébraux par exemple, c'est 120 000 cas par an.
42:58 Et ça c'est vraiment toute la puissance, 120 000,
43:03 et ça c'est vraiment toute la puissance de la taille de l'échantillon démographique permanent
43:08 qui permet de mesurer des inégalités sociales sur ce type d'accident.
43:20 Et on a même pu raffiner encore plus les choses parce qu'au sein des accidents vasculaires cérébraux,
43:27 des AVC, on a pu distinguer entre les AVC ischémiques et les AVC hémorragiques.
43:34 Alors c'est technique, c'est juste pour illustrer le fait que par exemple les AVC hémorragiques,
43:39 c'est un quart des AVC, donc c'est 30 000 cas par an.
43:43 Et donc avec cet outil, avec cet appareillement entre l'échantillon démographique permanent et le SMDS,
43:48 on peut observer des choses sur des phénomènes rares qui touchent 30 000 personnes par an en France.
43:58 Là-dessus on a retrouvé des mêmes résultats en termes d'inégalités sociales.
44:04 Alors pour le coup, comme c'est des événements plus rares, on a une partition un peu moins fine de la population,
44:11 là on est plutôt sur des quartiers de niveau de vie, et on a un risque de survenue d'AVC qui est multiplié par 1,4
44:21 parmi les 25% de ménages les plus modestes en comparaison des 25% les plus aisés.
44:28 Sachant que ce risque grimpe quand même jusqu'à 2 si on regarde les 45-64 ans,
44:36 alors que les inégalités sociales ont tendance plutôt à se réduire, voire à s'annuler au-delà de 75 ans sur la survenue d'AVC.
44:46 Au-delà des inégalités sociales d'incidence, on a pu regarder aussi les inégalités sociales en termes de prise en charge,
44:55 et également en termes de séquelles.
44:59 Donc là aussi les chiffres que je vais citer, ça se rapporte aux écarts entre le premier et le dernier quartier de la distribution des niveaux de vie.
45:08 Par exemple, les personnes les plus modestes ont 10% de chance en moins d'être prises en charge par des unités neurovasculaires,
45:19 qui sont les unités recommandées pour la prise en charge des accidents de la sphère cérébraux,
45:25 et dont on a démontré qu'elles amélioraient très nettement les chances de survie,
45:31 et qu'elles diminuaient aussi les risques de séquelles suite à un AVC.
45:36 Donc c'est un gradient social qui est quand même beaucoup plus faible que celui qu'on observe sur l'incidence, mais qui est quand même significatif.
45:44 À côté de ça, les personnes les plus modestes ont un risque plus élevé de 22% de souffrir de paralysie à l'issue de leur AVC,
45:53 et de 11% de souffrir de troubles de langage.
45:59 La mortalité à un an, pour sa part, suite à la survenue d'un AVC, elle est supérieure de 12% au sein des ménages les plus modestes par rapport aux plus aisés.
46:16 Donc là, par exemple, sur la prise en charge par des unités neurovasculaires,
46:22 on a un peu une concurrence entre les inégalités sociales et les inégalités d'offre de soins.
46:30 Ce qui ressort beaucoup aussi, c'est que ces prises en charge par ces unités dédiées
46:37 dépendent de la densité départementale de lits pour ce type de service,
46:43 et que ces inégalités de répartition de lits en unités neurovasculaires peuvent recouper aussi les inégalités sociales de niveau de vie.
46:53 Ça c'est une difficulté importante quand on essaye d'analyser les inégalités sociales de santé au-delà de seulement les mesurer.
47:04 L'autre événement dont je vous ai parlé, c'est les hospitalisations potentiellement évitables.
47:11 Alors ça, pour le coup, on a regardé les inégalités sociales plutôt par catégorie socio-professionnelle et niveau de diplôme.
47:19 La raison pour laquelle on a fait ça, c'est qu'en fait quand on a réalisé l'étude,
47:22 on n'avait pas encore mis au point la méthode qui permettait d'exploiter l'information sur le niveau de vie
47:28 pour mesurer les inégalités sociales dans l'EDP santé.
47:34 Alors, sans surprise, avant les inégalités sociales, le principal déterminant de ces hospitalisations potentiellement évitables,
47:45 c'est le suivi des patients en médecine de ville au cours de l'année qui précède la survenue de ces hospitalisations.
48:01 On a aussi ce qui joue beaucoup, le mode de cohabitation, l'isolement social,
48:08 la différence entre les personnes qui vivent seules et des personnes qui vivent encore en couple.
48:14 La catégorie socio-professionnelle et le diplôme jouent aussi, mais moins que ces autres caractéristiques que je vous ai décrites.
48:25 Jusqu'à présent, on était sur la mesure des inégalités sociales de santé.
48:38 On peut aussi, grâce aux enquêtes que l'on mène, essayer de comprendre comment se construisent ces inégalités sociales.
48:47 Par exemple, quand on dit qu'il y a des inégalités sociales selon le niveau de diplôme,
48:52 ça ne dit pas vraiment - selon le niveau de vie d'ailleurs - qu'est-ce qui cause ces inégalités sociales dans le niveau de diplôme ou le niveau de vie des personnes.
49:03 Et ça, c'est des choses que l'on peut regarder via des enquêtes.
49:10 Et on s'intéresse en particulièrement à l'importance de ce qu'on appelle la littératie en santé.
49:17 La littératie en santé, c'est l'ensemble des compétences qui permettent d'accéder à l'information en santé, de la comprendre et de l'utiliser.
49:30 Pour cela, très simplement, on pose des questions aux gens pour savoir s'ils comprennent bien l'information qui est présente sur les notices des médicaments, par exemple,
49:41 s'ils comprennent bien les instructions que leur donne leur médecin généraliste, s'ils savent se repérer dans le système de santé.
49:48 C'est tout ça que l'on rassemble sous le terme de littératie en santé.
49:52 Et ce que l'on observe, c'est à la fois que la littératie en santé, telle qu'on la mesure par cette batterie de questions,
50:00 est très fortement corrélée au niveau d'études et également à l'état de santé tel qu'il est perçu par les personnes elles-mêmes.
50:14 Et via des modélisations économétriques, on arrive à mesurer l'importance de la littératie en santé dans le lien que l'on observe entre le niveau de diplôme et l'état de santé.
50:33 Et en fait, on estime qu'entre un quart et la moitié des inégalités sociales de santé liées au diplôme seraient dues à des problèmes de littératie en santé.
50:52 C'est un résultat qui nous semble important et qui est positif, dans la mesure où le niveau d'études est une donnée une fois qu'on a achevé sa formation initiale.
51:09 Mais il n'y a pas de fatalité, et cela montre qu'en faisant des efforts pour aller vers les personnes, pour les accompagner dans leur recours au système de santé,
51:21 on pourrait arriver à réduire les inégalités sociales observées selon, là pour le coup, le niveau de diplôme.
51:32 Mais probablement que ça jouerait également sur les inégalités sociales de santé observées selon le niveau de vie, puisque le niveau de diplôme et le niveau de vie sont aussi très corrélés.
51:41 Et derrière les inégalités sociales de santé selon le niveau de vie, on pense quand même à l'influence aussi de la littératie en santé.
51:48 Je crois que j'ai déjà été un peu long, mais je vais, peut-être juste pour finir, quelques travaux, quelques résultats aussi sur un point dont je n'ai pas encore parlé,
52:02 qui est les questions d'accessibilité financière et comment elles peuvent jouer sur les inégalités sociales de santé.
52:12 Aujourd'hui, les dépenses de santé des ménages, elles sont soit prises en charge par l'assurance maladie obligatoire, soit prises en charge par leur complémentaire santé,
52:29 pour les personnes qui en disposent, soit elles restent dues par les ménages eux-mêmes qui les prennent en charge directement.
52:43 Le système national de noyé de santé, par définition, il mesure uniquement les dépenses des ménages remboursées par l'assurance maladie obligatoire.
52:56 Donc on est obligé de compléter cette information par des données à la fois sur la couverture des ménages par des contrats de complémentaires santé,
53:07 et puis sur ce que remboursent effectivement ces contrats de complémentaires santé auxquels souscrivent les ménages.
53:14 Alors malheureusement, il n'existe aucune base de données qui permette de mesurer les prestations remboursées par les organismes complémentaires en France.
53:24 Et donc on est obligé pour cela de mobiliser des modèles de micro-simulation pour reconstituer, resimuler les dépenses de santé prises en charge
53:40 par les contrats de complémentaires santé des ménages pour ceux qui en disposent.
53:47 Et tout ça nous permet de calculer un peu un taux d'effort sur les dépenses de santé des ménages,
53:54 c'est-à-dire ce que les ménages payent effectivement pour leur santé en prenant en compte l'ensemble des contributions,
54:05 que ce soit les contributions obligatoires via les cotisations de sécurité sociale, la CSG, les impôts et taxes affectés.
54:14 On prend également en compte les prix qu'ils versent aux organismes complémentaires et on déduit de ça les dépenses qui leur sont remboursées
54:23 à la fois par la CSG et les complémentaires santé.
54:28 Ça montre deux choses, enfin trois choses très intéressantes.
54:34 La première, c'est que le taux d'effort des ménages est constant tout au long de la distribution des niveaux de vie.
54:43 En gros, on l'estime entre 13 et 15 % et il n'y a pas vraiment de gradient social pour le coup.
54:52 Il est identique quel que soit le niveau de vie, mais avec des effets contrastés entre la CSG et la CSG complémentaire.
55:02 C'est-à-dire que le taux d'effort des ménages sur les dépenses remboursées par la CSG est très progressif,
55:13 notamment du fait de la très forte progressivité des cotisations qui financent la CSG.
55:22 A l'inverse, le taux d'effort lié aux complémentaires santé, lui, est très décroissant selon le niveau de vie.
55:32 C'est-à-dire qu'il est beaucoup plus élevé pour les ménages modestes que pour les ménages aisés.
55:37 Donc ça, c'est un résultat qui est assez important, notamment quand on regarde l'évolution relative des prises en charge des dépenses de santé
55:49 par la CSG et les complémentaires santé.
55:53 Parce qu'on voit que ça peut avoir un impact très direct et très immédiat sur le taux d'effort des ménages.
56:03 Je vais peut-être m'arrêter là. J'avais encore d'autres choses à dire, mais on a une production qui est quand même assez riche sur le sujet.
56:13 C'est vraiment un des axes principaux de travail de la sous-direction dont j'ai la responsabilité à l'adresse.
56:20 Beaucoup d'autres travaux, mais peut-être que j'aurai l'occasion d'en reparler avec des questions.
56:27 Merci beaucoup.

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