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00:00...
00:07Xavier Pimbaud, directeur principal de l'OSIE, qui est déjà tenu à ce qu'a tenu Mathilde il y a un certain nombre d'années,
00:15et à qui nous allons demander de nous parler aujourd'hui des enjeux de la transition énergétique,
00:20du point de vue de l'information qu'il va falloir tout à la fois mobiliser, traiter et diffuser
00:26pour indiquer le ou un chemin vers la transition, inciter chacun à emprunter ce chemin,
00:33et aussi garantir qu'on le suit, effectivement.
00:36Donc, plusieurs attentes fortes vis-à-vis de ces informations.
00:40Un, qu'elles nous fait claire sur les politiques à mettre en œuvre.
00:43Deux, que celles-ci soient perçues comme justes, socialement, et éffortement équitables.
00:49Et trois, qu'on puisse en mesurer les effets, parfois de façon très localisée,
00:53et estimer leur contribution à la trajectoire qu'on s'est fixée globalement, pour ajuster le rythme, si nécessaire.
00:59Donc, Xavier le dira bien mieux que moi, et il nous dira aussi de quelle manière et jusqu'à quel point
01:03ces enjeux interpellent la statistique et la statistique publique.
01:07On ne parle pas de rien.
01:09Beaucoup de choses ont été produites sur l'environnement.
01:11Beaucoup de données ont été collectées sur les risques naturels et technologiques
01:15qui se sont révélées utiles pour les aménageurs, pour les citoyens.
01:19Je pense aux travaux de Liefeld, créés en 1991, déjà,
01:24et à ceux qui ont suivi au ministère avant la charge de la transition écologique.
01:28Et pourtant, la nécessité de mesurer la transition n'a jamais été aussi urgente.
01:33La parole est à Xavier Timboit, à qui nous pourrons ensuite poser nos questions.
01:42Merci beaucoup, merci beaucoup pour cette invitation,
01:45et donc pour le thème qui est abordé aujourd'hui,
01:50qui est un thème qui m'est cher.
01:54Ça fait quelques années maintenant que je préside la commission du CNIS,
01:58Développement et Réopération durable,
02:03qui m'a permis aussi d'avoir une vision de plus en plus précise de la statistique publique,
02:11en particulier avec la question de la transition.
02:16Et puis de pouvoir voir aussi les efforts que fait le SDES dans ce sens,
02:24les besoins que ça court, mais aussi les besoins qui ne sont pas couverts,
02:28et qui sont parfois vertigines.
02:34Je vais donc vous donner un certain nombre de mes idées, de mes analyses sur cette question.
02:40Je ne vais pas vraiment me préparer de powerpoint,
02:43mais je vais me baser à la fois sur mon expérience au sein de la commission du CNIS,
02:49je vais aussi me baser sur deux papiers que j'ai écrits,
02:52que je pourrais vous envoyer, qui sont un peu anciens,
02:55mais qui sont en lien avec cette question,
03:00à la fois sur les enjeux de la gouvernance
03:05et de la façon de conduire les politiques dans le cadre de la transition,
03:09et puis un autre papier que j'avais fait pour la revue de l'économie politique,
03:14sur une question qui est reliée, et dans laquelle je vais parler aussi de la question de la transition,
03:19qui est de savoir si c'est la statistique qui fait la société.
03:25Vous avez sans doute entendu beaucoup de gens qui vous ont parlé de la dictature du PIB,
03:33dans lequel le fait qu'on mesure le PIB nous aurait conduit à avoir une société,
03:39des politiques qui cherchent à maximiser le PIB,
03:43et que ça s'est fait au détriment d'un certain nombre d'autres choses.
03:46Donc c'est une vision que je trouve extrêmement naïve et erronée,
03:52d'autant que si on l'appliquait complètement, on pourrait se dire
03:55qu'il suffit de changer l'indicateur pour que aussitôt la société suive
04:00un peu comme, vous voyez, un âne à qui on mettrait une carotte au bout d'un bâton,
04:04et qui avancerait comme ça, et puis on aurait juste besoin de bouger la carotte
04:08pour que tout le monde aille dans une autre direction.
04:11Et je pense que ça ne peut pas marcher, donc ça mérite qu'on y réfléchisse un peu.
04:17Alors une de mes convictions, qui sera une de mes conclusions,
04:21c'est que pour pouvoir faire la transition environnementale des sociétés,
04:27il va falloir un travail très en profondeur sur le système de statistiques publiques,
04:33avec des exigences nouvelles, qui sont liées à ce que l'on veut faire,
04:39et que si on prolonge ce qui est la tendance naturelle de toute organisation
04:46qui produit des statistiques, si on prolonge les méthodologies
04:50et les façons de faire habituelles, on n'arrivera pas à remplir cette mission.
04:58En même temps, il ne faut pas juste changer les choses pour les changer,
05:03et le fait que ceux qui produisent des statistiques soient intrinsèquement conservateurs
05:08est une bonne chose, parce que ça permet de produire des statistiques tous les ans,
05:13qui peuvent s'enfiler les unes après les autres et vous donner une image,
05:18ça nous permet de faire des retours en arrière, ça nous permet de comprendre et d'essayer d'analyser.
05:24Donc tout ça il faut le garder, mais il faut rajouter d'autres éléments.
05:29Mon point de départ, comme souvent quand on parle de statistiques,
05:37et de systèmes statistiques, et de statistiques publiques,
05:40ça va être Jacques Derosière et Alain Derosière,
05:48et les concepts qu'il a proposés pour déterminer la statistique publique.
05:59Je vais, à partir de son idée, des cinq états, je ne sais pas si vous avez en tête les cinq états selon Derosière,
06:09parce que pour Derosière, chacun des cinq états était associé à un certain besoin en matière de statistiques publiques,
06:17qui était le système d'information qui permettait à ces cinq états de pouvoir déployer leur politique.
06:25Donc les cinq états de Derosière, c'est d'abord l'état ingénieur, celui qui va faire des analyses coût-bénéfice.
06:35Ces cinq états, ils ont existé, ils continuent d'exister,
06:40ils ont pu prendre des places dans la société plus ou moins importante.
06:44L'analyse coût-bénéfice, on pense immédiatement aux grandes écoles d'ingénieurs,
06:49en particulier à l'école du Pont, où cette analyse a été beaucoup diffusée,
06:53avec le calcul social, qui en fait est assez ancien, ça remonte au 19e siècle.
07:01Avec l'idée de pouvoir établir une règle de choix social, c'est le calcul surplus par exemple,
07:12et avec toute une tradition derrière.
07:14Derrière ça, il y a aussi un appareil statistique, des concepts, des notions qui vont se déployer,
07:20et un appareil statistique qui va se construire pour pouvoir alimenter cet état ingénieur.
07:26Il y a un deuxième état qui a été important en France au début du 20e siècle,
07:31qui est l'état libéral, celui du laisser-faire.
07:34Alors, l'état du laisser-faire, il a une vision des choses qui est beaucoup plus simple en fait,
07:40en termes de politique, et donc cet état, il est plus là pour essayer,
07:47ses besoins en statistique est quand même un peu moindre,
07:49il est plus là pour essayer d'éviter les excès de l'intervention publique.
07:56Donc c'est probablement parfois plus des preuves de l'inefficacité de l'état
08:02et la nécessité d'un marché libre qu'il va développer.
08:06Alors l'état libéral, il a beaucoup marqué l'administration française évidemment,
08:09en particulier celle du Trésor, et on en trouve un des tenants les plus célèbres en fait de cet état libéral,
08:18même si c'est plutôt à la fin de son époque, c'est Jacques Rueff.
08:24C'est Jacques cette fois-ci, non ?
08:27C'est ça ?
08:29Donc je ne me trompe pas.
08:31Donc c'était Jacques Rueff et pas Alain Rueff.
08:35Il y a un autre état dans la terminologie des Rosières qui est aussi assez important,
08:42c'est l'état keynésien.
08:44Celui-là, c'est vraiment celui de l'INSEE, d'une certaine façon.
08:46En tout cas l'INSEE est construit après la guerre,
08:49à la fois parce que c'est le moment du pic de l'influence de Keynes sur la politique économique,
08:54et puis c'est après la Deuxième Guerre mondiale où il y a un renouvellement des élites,
09:00il y a un renouvellement des pratiques,
09:02et puis il y a cette conviction qu'il faut réguler les économies.
09:05C'est-à-dire qu'il faut éviter à tout prix les spirales récessives,
09:08comme celle de la crise de 1929,
09:10et que pour faire ça on a des instruments.
09:12Ces instruments, c'est la régulation conjoncturelle, la politique monétaire,
09:15mais surtout la politique budgétaire,
09:17et que ça, ça impose d'avoir un système de comptabilité nationale,
09:21c'est vraiment dans la lignée des comptes nationaux produits aux États-Unis
09:28pendant la crise de 1929,
09:30et l'importation de ces méthodes et leur développement.
09:35L'INSEE devait être dans cette période,
09:38des lieux où la comptabilité nationale a été inventée et proposée au reste du monde.
09:43Il y a un long processus ensuite de convergence avec d'autres systèmes statistiques,
09:47mais c'est un des endroits où ces choses-là ont été inventées.
09:53Donc l'État keynésien, et avec l'État keynésien,
09:57la comptabilité nationale qui prend toute sa place,
10:00parce que c'est le système simplifié, agrégé,
10:04qui va permettre de prendre en compte les éléments conjoncturels
10:10et de pouvoir faire un certain nombre de politiques de régulation.
10:14Alors, on pourrait dire, pour revenir à l'obsession du PIB et de la croissance,
10:18que l'État keynésien, c'est un État de la croissance.
10:21Il ne faut jamais oublier qu'il y a quand même un mariage un peu hybride
10:23entre l'État keynésien et le laissez-faire,
10:26qui est d'ailleurs très bien représenté cette fois-ci,
10:29non pas par l'INSEE mais par l'ADG Trésor,
10:31qui est l'État des grands équilibres,
10:33où là, le raisonnement est assez intéressant,
10:35parce qu'il faut vraiment avoir en tête ça,
10:37c'est que la comptabilité nationale, cette fois-ci,
10:39elle n'est pas utilisée pour maximiser le PIB,
10:41elle est utilisée pour minimiser l'inflation et les tensions.
10:45L'obsession de l'ADG Trésor, c'est de dire,
10:47on a un système productif qui est insuffisant,
10:49on n'a pas assez d'offres, on a une demande qui est trop forte,
10:52et ça va se traduire par soit de l'inflation,
10:55soit des déséquilibres de balances extérieures,
10:58et donc il faut absolument réguler la demande
11:01pour empêcher que la demande ne dépasse l'offre.
11:05Donc vous voyez que la comptabilité nationale,
11:07le concept du PIB,
11:09s'il peut être utilisé pour maximiser la croissance,
11:12on pourrait dire que les keynésiens cherchent à maximiser la croissance,
11:15ce qui serait faux, parce qu'en fait,
11:17ils cherchent plutôt à minimiser le chômage,
11:19ce qui n'est pas tout à fait pareil,
11:21et l'utilisation de ce même outil au sein de l'ADG Trésor,
11:26ça ne sera véritablement pas pour maximiser la croissance,
11:29mais pour au contraire en empêcher les excès.
11:32En tout cas, ce que l'ADG Trésor pense être les excès.
11:35Il y a un autre État important qui apparaît aussi
11:37après la Deuxième Guerre mondiale, qui est l'État social,
11:40et qui là va demander le développement
11:42de tout un appareil statistique social.
11:44Quelle est la question ?
11:45La question c'est d'essayer d'identifier la pauvreté, ses conséquences,
11:48la distribution des revenus.
11:51Ça a donné lieu à tout un tas d'enquêtes,
11:54enquêtes au sens très largement,
11:56c'est-à-dire qu'il y a inclus aujourd'hui l'enquête emploi,
11:58le recensement, l'échantillon démographique,
12:01mais aussi les données.
12:03Ça a atteint sa consécration d'une certaine façon avec Philosophie,
12:06qui réunit l'ensemble de ces données,
12:09et aussi avec la construction des modèles de micro-simulation,
12:12comme Inès, évidemment, qui sont des outils
12:14totalement dirigés vers cela,
12:16puisqu'ils visent à comprendre de façon très fine
12:20le lien entre les paramètres du système social
12:23et leurs impacts sur la redistribution,
12:26identifier les populations vers lesquelles ils souhaitent redistribuer
12:29et pouvoir mettre en place cette onde de choc.
12:33En même temps que l'État social,
12:36et c'est un peu un avatar de l'État libéral,
12:39c'est ce que Desrosiers appelle l'État néolibéral.
12:44Alors, néolibéral, ça veut dire beaucoup de choses,
12:47en tout cas c'est un mot qui a été utilisé par beaucoup de gens pour dire beaucoup de choses.
12:51Là, c'est dans une définition assez stricte,
12:54c'est l'État qui va déployer, s'intéresser aux incitations.
13:01On pourrait le dire, plus simplement,
13:04c'est l'État du make-work-pay,
13:07qui a connu son émergence aux États-Unis et en Angleterre,
13:14mais qui a rencontré ensuite un certain succès.
13:17C'est aussi l'État de la flexibilisation du marché du travail,
13:19c'est l'État des incitations,
13:21qui vise à, disons, piloter les comportements,
13:25éviter les trappes à inactivité,
13:30les incitations à inactivité,
13:33pour essayer de réguler, limiter les excès d'un système social
13:39qui serait désincitatif à un certain nombre de compétences.
13:43Et donc, ils sont intimement liés.
13:45Et ce qui vous montre aussi, encore une fois,
13:47que le système statistique qui vise à étudier la redistribution,
13:51c'est en fait exactement le même qui est utilisé ensuite
13:55pour lutter contre ce qu'on appelle les excès de la redistribution.
13:58Donc, le système statistique, on ne peut pas dire qu'il soit neutre,
14:02parce qu'évidemment, quand on sait,
14:05quand on regarde certaines choses plus que d'autres,
14:08ça met la focale sur ces choses-là,
14:11et donc ça conduit à avoir une certaine vision,
14:13parce que dans tous les concepts statistiques,
14:15il y a quand même une certaine vision du monde,
14:17une forme d'idéologie qui va façonner les choses qu'on construit.
14:21Mais, en fait, il y a aussi parallèlement des débats dans la société
14:27auxquels le système statistique va répondre partiellement,
14:31et aussi auxquels il va devoir s'adapter.
14:33Parce que, si vous regardez l'histoire de l'étude des incitations,
14:39en termes statistiques, en fait, il y a 30 ans,
14:43c'était extrêmement frustre ce qu'on pouvait dire sur les incitations,
14:46et aujourd'hui, on dispose d'un ensemble d'enquêtes, de mesures,
14:50qui permettent d'aller beaucoup plus loin dans ces incitations,
14:53dans l'analyse de ces incitations,
14:55dans leur dénonciation, dans leur modification, etc.
14:59Voilà, ça, c'est les cinq états de Desrosières,
15:04et leur interconnection avec le système statistique.
15:08Donc, déjà, on évacue l'idée que c'est les statistiques qui font la société,
15:12en fait, c'est la société qui fait les statistiques, évidemment,
15:16et qui a besoin des statistiques pour conduire des politiques,
15:20qui s'inscrivent dans des stratégies, et dans des objectifs, et dans des idéologies,
15:27mais qui sont quand même suffisamment en concurrence et diverses
15:31pour pouvoir arriver à donner un petit peu de neutralité à la statistique publique.
15:37Et ce que je vais essayer de dire aujourd'hui, c'est qu'on a besoin d'un nouvel état,
15:43et cet état, on pourrait l'appeler l'état des limites.
15:48Alors, quand je parle des limites, à quoi je fais référence ?
15:51Je fais référence aux limites de la planète.
15:55Vous avez sans doute entendu parler de l'article de Rockstrom et Hall,
15:58qui est paru en 2009 dans le journal Nature.
16:03Si vous ne l'avez pas fait, je vous invite à le faire,
16:05et même si vous vous intéressez à la question,
16:07cherchez Karin Capacity ou Planetary Limits sur Internet,
16:12et vous arriverez très vite sur un site Internet qui est mis à jour aujourd'hui,
16:16qui est actualisé en permanence, sur les limites de la planète,
16:19et qui reprend les notions initiales de Rockstrom et Hall de 2009,
16:24et qui les réactualisent, et qui les indiquent de façon assez large, dans une version étendue.
16:35Alors, c'est quoi les limites de la planète ?
16:37Les limites de la planète, c'est assez important.
16:39C'est assez important parce que, en particulier, je pense qu'il faut vraiment le dire en France,
16:43pour pas qu'il y ait d'ambiguïté, c'est le contraire d'une analyse coût-bénéfice.
16:48C'est-à-dire qu'au lieu d'essayer de dire toute activité économique,
16:52c'est quelque chose qui a un arbitrage entre des bénéfices et des dommages.
16:58Et donc, il faut trouver le juste point, le point où le dommage marginal est égal au bénéfice marginal,
17:04le juste point où on a l'optimum de cette activité économique.
17:09Donc, l'optimum de pollution, par exemple.
17:12Alors, ça c'est l'analyse coût-bénéfice.
17:15Avec les limites planétaires, on est dans un monde qui est complètement différent,
17:19qui consiste à dire qu'on ne peut pas mesurer, on ne peut pas valoriser les dommages.
17:25On ne peut pas le faire parce que, d'abord, ça concerne trop de gens,
17:31trop d'entités diverses et variées.
17:35Parce qu'ensuite, il y a beaucoup d'incertitudes.
17:38Et enfin, il y a beaucoup d'irréversibilités.
17:41Et donc, comme il y a beaucoup d'incertitudes et d'irréversibilités,
17:45donc typiquement, le climat, et on pourrait se dire,
17:48bon ben, on n'a qu'à essayer, on va rajouter un degré, deux degrés, trois degrés,
17:52et puis quand il fait trop chaud, on revient un peu en arrière,
17:55et peut-être qu'on va découvrir qu'il y a quelques bénéfices à avoir des degrés en plus,
17:58ou qu'il y a moins de dommages que ce qu'on peut penser.
18:02Et cette ligne de raisonnement qui a été tenue par exemple par Nordos,
18:07et qui a eu le prix Nobel en économie,
18:09a été totalement écartée au bénéfice d'une ligne de raisonnement qui consiste à dire,
18:14mais en fait, on ne peut pas explorer ces températures,
18:17on ne peut pas anticiper quels vont être les dommages associés à l'élévation de la température globale,
18:21et donc, on va fixer une limite qui est un compromis entre
18:27ce qu'on a déjà fait comme changement climatique,
18:29et ce qu'on peut craindre de basculement du système climatique dans le futur,
18:35si on dépasse ces limites.
18:38L'irréversibilité, elle est aussi très importante,
18:40parce qu'elle veut nous dire qu'une fois qu'on a passé le point de bascule,
18:44on ne peut plus revenir en arrière,
18:46et donc, du coup, ça renvoie aussi à un certain nombre d'analyses faites par Baisman à Harvard,
18:54ça veut dire que dans ce cas-là, on ne peut pas faire un calcul d'espérance habituel,
18:59à la fois parce que la distribution est mal fichue,
19:03c'est plutôt une distribution de cauchy,
19:05ou la distribution des risques est plutôt à queue épaisse,
19:08ou aussi parce qu'à cause des irréversibilités et des incertitudes,
19:13on ne peut pas valoriser certains scénarios,
19:17parce qu'ils ont des pertes infinies, en quelque sorte,
19:21et donc, dans ce cas-là, on ne peut pas calculer une espérance.
19:25Donc, ça tient à la fois à la distribution des risques,
19:27mais aussi à la valeur des risques extrêmes,
19:29qui peut être tellement grande qu'on ne peut pas calculer une espérance.
19:34Donc, du coup, on a abandonné l'analyse coût-bénéfice,
19:37et on est passé dans une analyse qui est plutôt une analyse coût-efficacité,
19:42qui consiste à dire qu'on a une contrainte, on a des contraintes, en fait,
19:46ce sont les limites de la planète,
19:47donc le climat en est une, il y en a neuf autres, très rapidement,
19:51ces neuf autres, c'est l'acidification des océans, la biodiversité,
19:54les cycles du phosphore et de l'azote,
19:57les autres pollutions atmosphériques,
20:02et puis, il y en a deux qui m'échappent,
20:04il y a les entités étrangères qui ont été rajoutées en 2015,
20:06enfin, bon, voilà.
20:07Donc, une liste de limites,
20:11certaines, on est en train de les dépasser,
20:13voire on les a largement dépassées,
20:14comme celles qui concernent la biodiversité,
20:17et le raisonnement est de dire,
20:22l'analyse du climat, des écosystèmes,
20:24donc la climatologie globale,
20:28nous permet de définir une limite à ne pas dépasser.
20:32Et donc ensuite, on doit inscrire l'économie à l'intérieur de cette limite.
20:37Donc, voilà, on est dans ce monde-là,
20:42et c'est pour ça que je propose d'appeler l'état des limites,
20:45à cause du respect, de la nécessité de respecter ces limites.
20:50Qu'est-ce que ça impose, l'état des limites ?
20:53Ça impose de faire ce qu'on appelle, vulgairement, la transition,
20:56soit énergétique, soit environnementale.
20:58Plutôt que de transition, je pense qu'on ferait mieux de parler de transformation,
21:01parce que transition, c'est très rassurant.
21:04Transformation, c'est-à-dire un peu plus en profondeur.
21:08Et par exemple, cette transformation,
21:10elle va nécessiter de construire une économie neutre en carbone.
21:14Par ailleurs, on sait, pour respecter ces limites,
21:17que cette économie neutre en carbone,
21:19on doit l'atteindre globalement en 2070,
21:22et l'Europe s'est engagée, par exemple, à l'atteindre en 2050.
21:26Neutre en carbone, ça veut dire,
21:28vous prenez, vous faites le bilan de tout ce qui émet du carbone,
21:31et qui est l'activité humaine.
21:34Production d'énergie,
21:37utilisation de l'énergie pour les mobilités,
21:39utilisation d'énergie résidentielle,
21:41industrie manufacturière, agriculture.
21:45Pour un français, aujourd'hui, ça représente une empreinte carbone
21:48un peu inférieure à 10 tonnes par an par habitant.
21:52Vous enlevez les puits de carbone.
21:55Les puits de carbone, c'est aujourd'hui principalement
21:58l'extension des forêts, en tout cas dans l'hémisphère nord.
22:02Les puits de carbone sont en mauvais état aujourd'hui
22:07à cause du changement climatique.
22:09Une des conséquences du changement climatique
22:11et un des dommages du changement climatique,
22:13peut-être le dommage le plus important du changement climatique,
22:15c'est précisément l'impact qu'il a sur les puits de carbone.
22:18Cette façon de parler est un peu technique,
22:20mais en gros, ça veut dire, il fait chaud, les forêts brûlent,
22:23et au lieu de capturer du carbone, elles en relâchent dans l'atmosphère.
22:26Ce carbone relâché dans l'atmosphère implique
22:28que si on veut respecter la neutralité,
22:31on doit non seulement compenser ce carbone relâché,
22:34mais en plus, on ne peut pas compter sur l'absorption future
22:37qui serait faite par les forêts.
22:39C'est un peu plus compliqué que ça, parce que les forêts repoussent,
22:42mais elles rebrûlent.
22:44C'est dans ce sens-là que l'on dit que les puits de carbone
22:46sont en mauvais état, et avec le réchauffement climatique,
22:49on a plutôt tendance à perdre en stock de puits de carbone,
22:52au moins dans les pays exposés à des températures élevées
22:55et qui sont caractérisés par des forêts sèches.
22:58Il y a d'autres puits de carbone possibles.
23:00Un des enjeux de Farm to Fork,
23:02qui a été très décrié ces derniers mois,
23:06c'était précisément de mettre en place tout un système d'incitation
23:10pour que l'agriculture aille vers plus de stockage du carbone
23:15dans ses pratiques.
23:17Comment ça se passe ?
23:18Ça se passe par exemple en mettant des haies entre les champs,
23:21ça se passe en privilégiant des pâtures à de l'agriculture,
23:26des animaux nourris en élevage intensif,
23:30donc préféré extensif à intensif,
23:33parce que c'est des modes de nourriture et des modes d'agriculture
23:37qui amènent à stocker beaucoup plus de carbone.
23:39C'est aussi le développement de la filière en bois,
23:41en toit, donc par exemple matériaux de construction
23:43ou même matériaux de chauffage,
23:45qui permettent d'avoir une empreinte carbone réduite.
23:48Donc c'est ce genre de choses.
23:49Mettre en place des incitations pour augmenter le puits de carbone
23:51et avoir des émissions nettes négatives.
23:54Après, l'enjeu sur les émissions nettes négatives,
23:56il est aussi dans les relations internationales
24:02de pouvoir acheter des émissions négatives
24:06à des pays qui peuvent les produire plus facilement,
24:09en particulier toutes les forêts tropicales et humides
24:12qui sont pour le coup des puits à carbone infinis,
24:16ce que ne sont pas les forêts sèches,
24:17et qui sont tous des puits à carbone critiques
24:19parce que si ces puits à carbone basculent
24:22d'abord dans la forêt sèche et ensuite brûlent,
24:25là on peut avoir des relâchements de carbone
24:28qui sont considérables et perdre évidemment
24:31à la fois une capacité de production d'oxygène
24:33et une capacité d'absorption du carbone.
24:39Il y a d'autres puits de carbone possibles
24:42qui ne sont pas naturels ou qui sont moins naturels.
24:46Je ne vais pas rentrer dans ce débat technologique
24:49qui est assez intéressant mais qui n'est pas central.
24:54Pour vous indiquer ce qu'on doit faire,
24:56c'est qu'on doit passer de cette situation
24:58où on émet 9 à 5 tonnes de CO2
25:01à une situation où on va en émettre peut-être 1 ou 1,5
25:06et où on sera compensé par des émissions négatives.
25:09C'est une transformation en profondeur
25:11qui impose plusieurs choses.
25:14D'abord d'électrifier,
25:17donc d'utiliser l'électricité comme vecteur énergétique,
25:20ça c'est le passage de la voiture fossile
25:22à la voiture électrique par exemple.
25:24Donc tout électrifier.
25:26Décarboner la production d'électricité,
25:29donc c'est construire des éoliennes et des panneaux solaires
25:33ou des centrales nucléaires.
25:36Ce n'est pas la solution qui est adoptée partout dans le monde
25:38mais on ne peut pas l'exclure a priori,
25:40ça a des inconvénients les centrales nucléaires.
25:43L'un d'entre eux étant que c'est très cher.
25:45C'est en train de devenir l'inconvénient principal aujourd'hui d'ailleurs.
25:50Bon ok, donc décarboner la production d'énergie
25:52et fermer toutes les centrales à charbon et à gaz.
25:55Ce qui implique quand même beaucoup de modifications
25:57sur le système énergétique
25:59et le système de distribution de l'énergie.
26:01Les scénarios de RTE sont extrêmement intéressants du point de vue là.
26:04Alors, d'abord il y a des sources qui sont intermittentes,
26:08ça sert des avantages du nucléaire, c'est qu'il n'est pas intermittent.
26:11Des sources intermittentes ça veut dire,
26:13puisque la demande connaît des pics,
26:15qu'il faut stocker l'électricité,
26:17ce qui n'est pas facile,
26:19mais ce qui est faisable,
26:21en particulier de façon hydraulique.
26:23Il faut aussi piloter la demande,
26:27ce qui revient à dire qu'on va stocker l'électricité chez les gens.
26:31Donc comment on fait pour stocker l'électricité chez les gens ?
26:34On la stocke sous forme généralement de chaleur,
26:36la température de votre logement,
26:38c'est un moyen de stocker de l'énergie,
26:40votre réfrigérateur, c'est un moyen de stocker de l'énergie,
26:43et donc au lieu de mettre en marche votre réfrigérateur
26:46chaque fois que vous ouvrez la porte,
26:48et donc que la température intérieure du réfrigérateur augmente,
26:51il vaut mieux accepter que la température du réfrigérateur augmente,
26:55et mettre en marche votre réfrigérateur
26:57à un moment où les éoliennes produisent de l'électricité.
27:01Il y a une inertie thermique dans le réfrigérateur,
27:03et donc on peut stocker comme ça,
27:05sur quelques heures, l'utilisation de l'énergie,
27:08et c'est ça qui peut permettre d'ajuster la demande à l'autre.
27:12Alors, ça ne marche pas que avec les réfrigérateurs,
27:15ça marche avec le chauffage, avec l'eau chaude,
27:17ça marche aussi avec l'électricité que vous mettez dans votre voiture,
27:19et même l'électricité que vous mettez dans votre voiture,
27:21c'est un moyen de stockage encore plus direct,
27:23parce qu'on peut récupérer l'électricité de votre voiture
27:26quand on en a besoin pour autre chose.
27:28En fait, une voiture, on s'en sert deux heures par jour,
27:31en moyenne je pense que c'est même une heure par jour,
27:34donc ça veut dire que 23 heures par jour,
27:36vous pouvez aller dans un garage,
27:38potentiellement branché à une prise électrique,
27:40avec une batterie de forte capacité,
27:42multipliée par le nombre de voitures,
27:44en fait vous avez un dispositif de stockage déjà prêt,
27:47qui malheureusement n'est pas encore tout à fait relié au réseau,
27:50parce que, pour des raisons qui l'échappent,
27:52les prises qui ont été installées jusqu'à maintenant
27:54ne sont pas réversibles,
27:57alors qu'on sait que c'est possible depuis longtemps
27:59et que les technologies sont là,
28:01enfin bon, voilà,
28:03sous réserve qu'on puisse installer des prises réversibles,
28:05qui soient quand même aller chercher des capacités dans la batterie,
28:08il se trouve que les voitures n'ont pas non plus des batteries réversibles,
28:11sauf les plus récentes, mais bon, voilà.
28:14En tout cas, on pourra un jour construire une capacité de stockage importante.
28:18C'est des transformations très en profondeur,
28:20parce que vous voyez, ça concerne l'intégralité du système électrique.
28:23Le système électrique, ça va encore de là,
28:25parce qu'à partir du moment où le système électrique va devenir réversible,
28:29associé à des productions d'énergie diffuse,
28:31des éoliennes, des panneaux solaires,
28:34de l'hydraulique ici ou là,
28:36du petit hydraulique ici ou là,
28:38il va falloir aussi un réseau électrique qui soit moins capillaire,
28:43parce qu'il faudra déplacer l'électricité,
28:45non pas du centre de production,
28:47une centrale nucléaire ou une centrale à charbon,
28:49vers les centres de consommation,
28:51mais il faudra être capable de déplacer l'électricité
28:53de façon, dans les deux sens,
28:57vers des centres de production beaucoup plus diffus,
29:00des centres de stockage eux-mêmes extrêmement diffus,
29:03et de pouvoir ramener ça aux endroits où on en a besoin,
29:06quand on en a besoin.
29:07Donc c'est une conception du réseau électrique qui est complètement différente.
29:11Et dans les différents scénarios de l'RTE,
29:13c'est un des facteurs de différenciation de coûts
29:15entre un scénario centralisé à base d'énergie nucléaire
29:18et un scénario décentralisé intermittent à base de renouvelables.
29:21Et l'intégration de la refonte du réseau et du stockage
29:26dans le scénario renouvelable
29:28conduit à des coûts relativement élevés.
29:31Donc il y a cette dimension-là,
29:33mais une fois qu'on a fait la décarbonation et l'électrification,
29:37l'électrification et la décarbonation de la production d'énergie électrique,
29:40en fait on arrive en gros,
29:42là les chiffres sont extrêmement approximatifs,
29:44mais on va dire qu'on arrive en gros à deux tiers de l'objectif.
29:48Il reste un tiers à accomplir.
29:50Alors il faut rajouter aussi l'isolation des bâtiments dans les deux tiers,
29:54l'électrification du chauffage, etc.
29:58Le tiers restant, il va reposer en grande partie sur les changements de comportement.
30:05Ici, un des enjeux de la transformation,
30:07c'est de faire en sorte qu'il y ait des changements de comportement.
30:09Et toute la question, c'est comment on fait pour induire des changements de comportement.
30:13Donc en fait, on a un, induire des changements de comportement,
30:16et deux, induire tous les investissements qui vont permettre cette transformation.
30:23Et ça, ça demande de faire en gros ce qu'on a fait avec l'État néolibéral,
30:29celui des incitations,
30:31combiné avec des objectifs généraux qui ressemblent un peu à l'État keynésien,
30:39et en ayant en tête aussi des questions de redistribution,
30:43qui sont celles de l'État social.
30:45Mais tout ça au service d'un seul objectif,
30:48qui est celui d'une transition juste,
30:51alors juste au sens où elle est équitablement répartie.
30:55C'est-à-dire que chacun doit en payer sa part,
31:00et il sera très important que chacun en paye sa part,
31:03sans en payer trop,
31:04parce qu'il aura l'impression qu'il est le dindon de la farce,
31:07ou sans en payer suffisamment sa part,
31:10et aussi sans avoir suffisamment de pression sur ses comportements,
31:14parce qu'à ce moment-là, il sera considéré comme une sorte de privilégié
31:18qui continue à voler en jet,
31:19alors que les autres sont obligés de passer au vélo électrique,
31:23et que c'est incompréhensible de savoir pourquoi certains
31:26continuent d'avoir le droit d'utiliser les moyens ostentatoires de se déplacer,
31:30alors que tous les autres font des efforts.
31:32Donc cette justice a des dimensions très multiples,
31:36mais elle est un des éléments clés de la transition.
31:42Parce que l'exigence, ce n'est pas juste de faire la transition,
31:45mais c'est de faire une transition qui soit la plus juste possible.
31:48Alors, ce n'est pas des notions nouvelles d'une certaine façon,
31:51la reconstruction de l'après-guerre et la modernisation de la France,
31:55c'est fait parallèlement au développement de l'État social,
31:57précisément pour cette même raison,
31:58c'est-à-dire qu'il fallait que la prospérité soit partagée,
32:01c'est la déclaration de Philanthropie,
32:03c'est ce que dit Alain Supiot depuis toujours,
32:09et c'est des choses qui sont indissociables en fait,
32:12c'est-à-dire qu'on n'aurait pas pu faire la modernisation de la France
32:15sans le système social.
32:16Il ne faut jamais oublier cette interconnexion, évidemment.
32:19Mais si on se projette dans le futur,
32:22ce n'est pas la reconstruction de la France qu'il faut faire,
32:24c'est la transformation de la France.
32:27La France est de tous les autres pays,
32:28mais là on ne va pas parler seulement de la France.
32:30Et en même temps, assurer la justice.
32:32Mais ce n'est pas la même justice que la prospérité partagée.
32:36Ce n'est pas les fruits de la prospérité qu'il ne faut pas faire aider cette fois-ci,
32:39c'est la charge de la transition.
32:41Et donc, c'est des questions différentes.
32:44Dans un cas, il fallait partager les profits,
32:46assurer des rémunérations,
32:48assurer les transferts sociaux vers les personnes
32:51dans un système qui est devenu de plus en plus bévolgien,
32:54vers les personnes qui étaient exposées à des risques
32:57qu'on pouvait considérer comme
32:59au-delà de la responsabilité individuelle,
33:02qui pouvaient être socialement assurées.
33:05Et puis,
33:07toutes ces choses-là se sont articulées les unes avec les autres.
33:12Mais dans la transformation,
33:14ce qu'il faut c'est qu'on atteigne la neutralité carbone
33:17par cette transformation profonde
33:20qui doit se produire,
33:21et qui doit se produire dans le bon ordre,
33:24et en plus, en informant tout le monde et chacun
33:29qu'il paye sa juste part,
33:31qu'il fait sa juste part,
33:33que les choses les plus symboliques
33:37ont été effectivement traitées.
33:40Ça, ça va demander un système statistique
33:42qui est différent de celui qu'on a connu.
33:44Il ne s'agira plus d'avoir une comptabilité d'entreprise
33:47suffisamment transparente pour pouvoir donner confiance
33:50aux syndicats et aux patronats dans la discussion
33:52sur le partage du profit.
33:54Il s'agira de mettre en place les instruments
33:56qui vont permettre de modifier les comportements
33:59et les sujets.
34:01Il y a quelques embryons qui sont aujourd'hui
34:04assez intéressants et qui constituent
34:06les premières briques sur lesquelles on peut
34:08construire et imaginer ce système de demain,
34:10mais il va falloir le généraliser
34:12et ça a des conséquences qui sont très fortes.
34:14Quelques exemples pour vous clarifier un peu les choses
34:16et avoir des éléments un peu plus clairs en tête.
34:20Le SDES a fait, il n'y a pas très longtemps,
34:22un travail assez fascinant
34:24qui a consisté à prendre d'un côté
34:26le fichier des cartes grises
34:28pour obtenir un inventaire
34:30des véhicules,
34:32qui sont des véhicules en particulier thermiques,
34:35qui sont possédés en France,
34:37en utilisant les noms et les adresses
34:40pour faire une imputation de ces véhicules
34:43aux individus, en utilisant philosophie,
34:45en sachant où ils se trouvent
34:47et quels sont leurs revenus,
34:49quels sont leurs besoins,
34:51est-ce qu'ils habitent loin de leur emploi,
34:53qui sont des informations qu'on a
34:55dans le fichier de mobilité professionnel
34:57du recensement,
34:59qu'on a aussi dans philosophie potentiellement,
35:01quels sont leurs revenus,
35:03quelles sont leurs structures familiales,
35:05est-ce qu'ils ont une voiture, deux voitures,
35:08et puis ils ont appareillé ce fichier
35:11des cartes grises,
35:13non seulement avec philosophie,
35:15mais aussi avec le fichier des contrôles techniques,
35:17en utilisant une obligation légale
35:20qui est que vous devez apporter votre voiture
35:22aux contrôles techniques,
35:24et ça, ça donne une information essentielle
35:26parce que ça permet d'identifier
35:28combien de kilomètres vous parcourez avec votre voiture.
35:30Alors, c'est pas un échantillonnage mensuel,
35:33mais en fait, si vous échantillonnez
35:35toutes les voitures tous les trois ans,
35:37vous avez une vision très très précise
35:39ensuite de qui roule,
35:42combien de kilomètres,
35:44et puis ça vous permet aussi d'identifier
35:46quel est l'état du parc,
35:48c'est-à-dire quelles sont les voitures
35:50qui sont dépréciées, retirées,
35:52qui partent à la casse,
35:54qui continuent à circuler,
35:56et ça vous permet aussi d'identifier,
35:58grâce aux cartes grises et aux contrôles techniques,
36:00les changements de main,
36:02parce que, évidemment, les gens les plus riches
36:04achètent des voitures neuves,
36:06et ensuite ces voitures neuves
36:08vont dans le marché d'occasion
36:10vers les populations les moins favorisées.
36:12Alors, pourquoi c'est important ?
36:14C'est important par exemple,
36:16c'est une des raisons pour lesquelles
36:18ce travail a été fait,
36:20quand vous mettez en place des ZFE
36:22et les gens qui sont concernés,
36:24c'est les gens qui potentiellement
36:26se déplacent vers cette ZFE,
36:28donc qui ne sont pas forcément
36:30les habitants de la ZFE,
36:32ça peut être des gens qui habitent
36:34dans la périphérie de la ZFE,
36:36et qui par ailleurs ont un véhicule
36:38qui aura une étiquette, un critère,
36:404, 5, 3, 2,
36:42et si vous êtes capables
36:44d'identifier ces individus,
36:46vous pourrez construire la cartographie
36:48de qui va être impacté par la ZFE,
36:50qui va en subir les conséquences,
36:52qui éventuellement il faut compenser,
36:54ou à quel rythme il faut
36:56implémenter la ZFE pour limiter,
36:58là cette fois-ci faire une espèce
37:00d'analyse qu'on bénéficie
37:02entre limiter les émissions
37:04qui sont invisibles en termes
37:06de CO2 ou en termes de pollution
37:08et puis de l'autre côté,
37:10limiter les effets sociaux
37:12pour éviter que ça touche
37:14sur des catégories qui sont
37:16directement concernées.
37:18Alors, c'est vrai pour
37:20les ZFE, et c'est très important
37:22d'avoir l'information géographique
37:24et sociale à ce titre-là,
37:26et puis d'avoir une vision très claire
37:28des voitures
37:30et de leurs propriétaires
37:32de seconde main, de troisième main,
37:34etc.
37:36Et pour construire cette information,
37:38il a fallu bricoler avec
37:40des éléments qui existent,
37:42mais qui n'étaient pas destinés
37:44à ça.
37:46Et c'est là qu'en fait va se situer
37:48tout l'enjeu, c'est-à-dire
37:50il faut éviter le système du lampadaire.
37:52Là où on peut construire l'information,
37:54on a des instruments pour suivre les politiques publiques,
37:56mais là où on n'a pas les contrôles techniques
37:58et où on n'a pas les fichiers
38:00de catégories exhaustifs accessibles,
38:02comment on fait ?
38:04Je pense qu'on n'a pas d'autre solution
38:06que de dire qu'il faudra construire
38:08ces systèmes d'information.
38:10Alors, ce qui est vrai pour les voitures,
38:12l'impact des politiques environnementales,
38:14ça va permettre aussi de pouvoir suivre
38:16toutes les politiques d'incitation.
38:18Vous voulez mettre en place une prime
38:20à l'achat pour les véhicules électriques,
38:22qui il faut cibler ?
38:24Comment il faut le cibler ?
38:26Si je le cible, combien ça va me coûter ?
38:28C'est assez intéressant, parce que la prime Macron,
38:30par un processus de décision
38:32qui, là aussi, interroge beaucoup,
38:34a abouti
38:36à une proposition extrêmement généreuse.
38:38En gros, c'est une subvention de l'ordre de
38:4014 000 euros par véhicule.
38:42C'est considérable pour l'achat d'un véhicule
38:44électrique en leasing.
38:46C'était le leasing à 100 euros, le leasing social,
38:48avec un certain nombre de critères qui avaient été mis.
38:50J'imagine que quelqu'un avait fait une évaluation,
38:52mais
38:54l'évaluation qu'il a faite a conduit
38:56à ce que le dispositif soit...
38:58ait dépassé les limites de budget
39:00en un mois.
39:02Du coup, le dispositif a été retiré
39:04de façon précipitée, en disant
39:06en fait, on l'arrête parce qu'on a rempli
39:08nos objectifs, donc c'est plus la peine d'aller
39:10plus loin, mais
39:12c'est de très mauvaise foi, parce qu'en fait,
39:14on met en place une politique qui vise à compenser
39:16les gens les plus pauvres
39:18et leur permettre d'accéder à la voiture électrique.
39:20On fait un calcul en disant
39:22bon, ben, on va pas dépasser
39:24tant de milliards sur ce dispositif.
39:26On épuise les milliards au bout d'un mois,
39:28et là, on arrête le dispositif.
39:30Et tous ceux qui n'étaient pas rentrés dans le dispositif,
39:32se voient fermer la porte. Et eux, on leur dit
39:34pas vous.
39:36Alors là, il n'y a pas de justice.
39:38Il y a même une injustice qui est créée à ce moment-là.
39:40Mais comment est-il possible
39:42qu'on n'ait pas été capables de calculer
39:44correctement
39:46ce dispositif ?
39:48Je ne sais pas si quelqu'un a la réponse.
39:50Moi, je ne l'ai pas.
39:52Je pense que c'est un petit mélange
39:54de, ben, en fait, on n'en était pas
39:56capables parce que le travail du SDES
39:58n'était pas abouti.
40:00Il n'est peut-être pas assez précis pour pouvoir répondre
40:02à cette question.
40:04Voilà. Et puis je pense aussi
40:06qu'il y a eu un certain nombre d'arbitrages politiques
40:08qui ont voulu faire une mesure
40:10très généreuse pour qu'elle soit
40:12très simple, ce qui a
40:14des avantages, mais elle a été
40:16mal calibrée, et du coup,
40:18du coup, c'est quand même une très mauvaise mesure
40:20parce qu'elle est mise à des retirs. Et ça,
40:22je pense qu'en termes de politique publique, c'est le pire
40:24qu'on puisse imaginer.
40:26Alors, vous allez me dire,
40:28oui, mais construire des statistiques publiques,
40:30ça coûte très cher. En fait, le travail du SDES,
40:32il a coûté
40:34le temps de travail de deux ou trois personnes
40:36pendant
40:38quelques trimestres au SDES.
40:40En fait, c'est dérisoire par rapport
40:42à l'échec
40:44qu'a été le leasing social
40:46pour la voiture électrique. C'est dérisoire.
40:48C'est dérisoire par rapport aux sommes
40:50qui sont en jeu.
40:52Un autre exemple que j'aime bien,
40:54la question de la rénovation
40:56énergétique des bâtiments.
40:58Alors, c'est
41:00un petit tiers des émissions,
41:02donc c'est un sujet
41:04assez intéressant. Puis je vous ai dit tout à l'heure qu'il fallait
41:06qu'on électrifie, en particulier
41:08dans la transition énergétique
41:10des bâtiments. Il y a deux éléments
41:12importants, c'est réduire
41:14les besoins d'énergie, donc c'est isoler,
41:16et puis électrifier.
41:18On a mis
41:20en place il y a longtemps le diagnostic
41:22de performance énergétique,
41:24qui est un des éléments de diagnostic nécessaire
41:26quand vous achetez un
41:28bien immobilier qui doit être fourni par le propriétaire
41:30pour informer le nouveau propriétaire.
41:32Bon, c'était
41:34informatif, ça suivait une logique.
41:36Il y avait quelques
41:38pépites déjà dans le DPE.
41:40Une des pépites qu'il y a,
41:42je vous le dis tout de suite,
41:44pour
41:46une anecdote, c'est que
41:48le DPE
41:50donne une note
41:54qui est basée sur
41:56la consommation en énergie primaire.
42:00Je pense que vous êtes tous au fait
42:02de la différence entre énergie primaire et énergie finale.
42:04Mais l'idée,
42:06en mettant une note basée sur l'énergie primaire,
42:08c'était de défavoriser
42:10l'électricité,
42:12et en particulier, pourquoi défavoriser l'électricité ?
42:14Parce qu'en fait, l'électricité
42:16est fabriquée
42:18souvent, même exclusivement, à partir de
42:20chaleur. Donc ça, ça conduit à avoir
42:22un ratio énergie primaire-énergie finale
42:24qui n'est pas très bon.
42:26Et en particulier, l'énergie nucléaire
42:28a un ratio énergie primaire-énergie finale
42:30qui est mauvais.
42:32Et donc, le DPE, qui a été proposé
42:34plutôt par le ministère
42:36de l'écologie,
42:38en fait, de l'environnement, comme il s'appelait avant,
42:40a été plutôt construit
42:42dans une vision assez
42:44anti-nucléaire.
42:46Et donc, on a mis
42:48ces notes en termes d'énergie primaire.
42:50Résultat,
42:52aujourd'hui, vous prenez un logement,
42:54vous le passez,
42:56vous ne faites pas d'isolation,
42:58vous le passez de l'énergie fuel domestique
43:00à électrique,
43:02vous perdez,
43:04vous dégradez votre
43:06diagnostic de performance énergétique.
43:10Vous faites un peu d'isolation,
43:12mais pas trop, et vous changez surtout
43:14votre système de chauffage
43:16par des pompes à chaleur, vous pouvez
43:18dégrader votre notation
43:20de diagnostic de performance énergétique.
43:22Oui.
43:24Alors, tant que c'était
43:26pour informer
43:28l'acheteur, ce n'était pas très grave.
43:30Parce qu'après tout, vous pouviez dire
43:32mais en fait, moi, mon DPE, je m'en fiche,
43:34ce que je veux, c'est réduire ma facture énergétique,
43:36le prix du fuel augmente,
43:38l'électricité ne coûte pas
43:40si cher, je vais installer une pompe à chaleur
43:42plutôt qu'une
43:44je veux dire, au fuel,
43:46et ça sera mieux. OK, ça dégrade
43:48mon DPE, mais je peux
43:50expliquer pourquoi, donc l'acheteur ne comprend pas.
43:52Sauf que, depuis
43:54pas très longtemps, on a fait du DPE
43:56un instrument incitatif.
43:58Et on l'a
44:00utilisé, par exemple, pour dire
44:02tous les logements qui sont en DPE
44:04qui sont passoires énergétiques
44:06ne peuvent pas être loués, ne pourront pas
44:08être loués à une certaine date. On l'a fait aussi
44:10en disant, si vous faites des travaux
44:12qui vous permettent de monter de deux classes
44:14énergétiques, vous aurez droit
44:16à un crédit d'impôt. Et si vous n'avez pas
44:18ces deux classes énergétiques, vous n'aurez pas
44:20le crédit d'impôt, sauf si vous essayez d'expliquer pourquoi
44:22vous l'avez pas. Donc on a transformé
44:24cet instrument en un instrument incitatif.
44:26Alors au passage, on a quand même
44:28réformé le DPE pour rajouter une deuxième note
44:30qui est une note
44:32émission de gaz à effet de serre, dans lequel
44:34en fait, au lieu de calculer sur l'énergie
44:36primaire, on le calcule sur l'énergie finale. C'est aussi simple
44:38que ça. Donc ça ne change pas grand-chose,
44:40sauf qu'on arrête cette bêtise
44:42de mettre 2,5 sur l'électricité
44:44comme coefficient
44:46quand elle est utilisée
44:48dans un logement.
44:50Mais
44:52malgré tout,
44:54pour une raison qui m'échappe ici,
44:56les critères qui sont utilisés sont
44:58la note DPE globale
45:00qui est construite comme la
45:02pire des deux notes
45:04énergie primaire
45:06et émission.
45:08Si on avait pris la meilleure des deux notes,
45:10on aurait évité
45:12le fait qu'on pénalise l'électrification.
45:16Mais on a choisi la pire des deux notes
45:18et donc du coup, on pénalise
45:20l'électrification. Et on se sert de ce
45:22dispositif-là comme un dispositif d'incitation.
45:24Alors,
45:26la rénovation énergétique,
45:28c'est aujourd'hui, l'objectif,
45:30c'est 10 milliards par an jusqu'en 2030.
45:32En gros, c'est 10 milliards par an
45:34pendant 10 ans. 100 milliards.
45:36Aujourd'hui, on a un dispositif
45:38de rénovation énergétique
45:40dans lequel le DPE donne un mauvais
45:42signal,
45:44dans lequel, quand vous faites faire les travaux
45:46par un artisan, le DPE n'est pas opposable.
45:48C'est-à-dire que vous ne pouvez pas dire à l'artisan
45:50« Moi, je m'en fiche des travaux que tu fais.
45:52Ce que je veux, c'est sauter de deux classes
45:54de diagnostic.
45:56Et donc, ce qu'on va faire,
45:58c'est que je te paierai
46:00quand j'aurai le DPE amélioré de deux classes. »
46:02Si on fait ça à l'artisan,
46:04il va réfléchir deux fois.
46:06Avant de prendre le chantier,
46:08il va faire en sorte qu'il se saute de deux classes.
46:10Bon. Tel que le saut de classe
46:12est fait, évidemment, ça conduirait
46:14à plutôt des mauvaises incitations.
46:16Il faudrait changer ça aussi.
46:18Donner les incitations aux artisans, ça serait important.
46:22Conditionner le crédit d'impôt
46:24au saut de deux classes, ça serait important.
46:26Aujourd'hui, en fait, c'est le projet
46:28de faire un saut de deux classes.
46:30Vous demandez à un artisan de
46:32dire sur son debit que vous allez faire
46:34un saut de deux classes. Mais personne ne va vérifier
46:36que vous avez fait effectivement le saut de deux classes.
46:38On est dans un système dans lequel
46:40on mesure mal, on incite mal,
46:42mais on va mettre 10 milliards par an
46:44pendant 10 ans. Et on va se rendre compte
46:46au bout de 10 ans qu'on a dépensé 100 milliards
46:48et que ça a produit,
46:50ça c'est ce que Mathieu Glachan estime
46:52sur les dispositifs précédents
46:54de rénovation
46:56et de crédit sur les bâtiments,
46:58un dixième
47:00des réductions de CO2
47:02qui étaient planifiées.
47:06Donc ça va être un désastre
47:08pour les finances publiques
47:10et pour les politiques environnementales.
47:12C'est-à-dire qu'avec des systèmes comme ça,
47:14on décrédibilise la capacité de l'État
47:16à pouvoir
47:18opérer, piloter la transition.
47:20Qu'est-ce qu'il faudrait faire ?
47:22En fait, il faudrait sérieusement
47:24mesurer l'efficacité énergétique
47:26des bâtiments.
47:28Il faudrait avoir une mesure
47:30suffisamment sérieuse pour qu'elle soit
47:32opposable à tous les acteurs
47:34pour pouvoir construire les incitations
47:36et faire des contrats.
47:38Donc vous, vous achèteriez auprès d'un artisan
47:40ou d'un entrepreneur
47:42une baisse, une augmentation
47:44de votre efficacité énergétique.
47:46Et donc vous pourriez faire le calcul,
47:48combien ça vous coûte pour quelle amélioration énergétique.
47:50On pourrait mettre en place un crédit d'impôt
47:52qui viendrait constater à postériorité
47:54que vous avez bien l'efficacité énergétique améliorée
47:56et qui donc pourrait vous prendre en charge
47:58vos dépenses. Vous pourriez vous avancer
48:00l'argent s'il faut, mais vous pourriez imaginer
48:02qu'il y a des bonifications si vous atteignez
48:04effectivement les objectifs.
48:06Mais pour ça, il faudrait que déjà la mesure soit précise
48:08et convaincante.
48:10C'est pas très compliqué de faire ça.
48:12Parce qu'en fait, la consommation
48:14d'énergie, aujourd'hui, pour la plupart
48:16des gens, ça passe par
48:18un compteur qui est installé chez vous.
48:20Ce compteur, il est numérique
48:22et en fait, toutes les informations
48:24sont enregistrées
48:26dans des bases de données. EDF n'a plus
48:28relevé de la consommation d'électricité parce qu'en fait
48:30c'est téléopéré. C'est pareil pour le gaz.
48:32Pour le
48:34fuel, il n'y a pas des millions de distributeurs
48:36de fuel et donc c'est assez facile aussi
48:38de mesurer les distributions.
48:40En fait, ça serait assez simple
48:42de centraliser toutes les consommations d'énergie.
48:44Ça serait assez
48:46simple de les centraliser
48:48et d'avoir une information
48:50intra...
48:52intra-annuelle
48:54ou intra-journalière
48:56parce que ça, c'est un moyen d'identifier l'efficacité
48:58énergétique de votre bâtiment
49:00et comment votre bâtiment, votre maison,
49:02votre appartement réagit en termes de
49:04consommation énergétique par rapport
49:06aux variations de température extérieure.
49:08Donc la dérivée
49:10de votre consommation énergétique
49:12pendant une journée, en fonction
49:14des températures extérieures, ça donne
49:16une idée de l'inertie thermique
49:18de votre logement et donc ça donne une idée
49:20de est-ce qu'il est isolé ou pas.
49:22Donc très simplement,
49:24par ça, je pourrais mesurer quels sont les bâtiments
49:26isolés ou pas et je pourrais
49:28me servir de cette mesure
49:30qui n'est pas contestable,
49:32qui n'est pas opposable,
49:34pour aller mettre en place
49:36un dispositif incitatif
49:38pour les artisans, pour les individus,
49:40pour les compagnies qui fournissent les distributeurs
49:42d'énergie, qui pourraient être aussi
49:44impliqués dans les contrats
49:46en question et qui, au lieu de distribuer l'énergie,
49:48pourraient distribuer de la température
49:50plutôt que de l'énergie, charge à eux
49:52de, par exemple, faire des investissements
49:54de...
49:56d'efficacité énergétique
49:58pour limiter les pertes
50:00d'énergie et vous,
50:02au lieu d'acheter des mégawattheures
50:04ou des kilowattheures, vous achèteriez des degrés
50:06en hiver. Vous achetez 19 degrés
50:08en hiver.
50:10Donc vous confiez un thermomètre à votre
50:12distributeur. Quand vous mettez
50:1420, à ce
50:16moment-là, vous devez payer un peu plus
50:18parce que vous avez demandé plus que le contrat
50:20et puis ensuite, si le
50:22distributeur trouve que
50:2419, ça consomme trop d'énergie,
50:26charge à lui d'aller
50:28proposer un certain nombre de mesures de rénovation
50:30de votre logement.
50:32Donc, quand on
50:34dispose des bonnes incitations et des bonnes mesures,
50:36on peut mettre en place
50:38ça, c'est vraiment l'État néolibéral,
50:40on peut mettre en place toutes les incitations
50:42qui vont faire que, sans dépenser d'argent public,
50:44on va arriver à produire
50:46des transformations. Ça ne veut pas dire
50:48qu'on ne va plus dépenser d'argent public, c'est pas
50:50l'État néolibéral rêvé,
50:52qui est économe et qui peut disparaître.
50:54Mais c'est un État
50:56néolibéral qui va pouvoir dépenser son
50:58argent aux bons endroits, par exemple
51:00dans la redistribution. Peut-être que la rénovation
51:02énergétique des bâtiments,
51:04il faut la mettre sur
51:06les ménages les plus pauvres,
51:08qui ne peuvent pas le payer, ou
51:10dans les cas où il n'y a pas de rentabilité
51:12à moyen terme dans la rénovation énergétique
51:14et donc, si on veut la déclencher,
51:16il faut la subventionner. Mais déjà,
51:18arriver à identifier les populations
51:20qu'il faut subventionner et avoir
51:22mis en place de bonnes incitations,
51:24ça suppose de construire un système d'information
51:26qui n'est pas du tout celui qu'on a construit
51:28jusqu'à maintenant. En fait, celui qu'on a construit
51:30jusqu'à maintenant, il reposait sur l'idée que
51:32il y avait une économie de marché
51:34qui fonctionnait et que c'est elle
51:36qui allait produire spontanément
51:38un certain nombre d'éléments et que
51:40ces éléments allaient être faciles à, ensuite,
51:42collationner dans une statistique publique.
51:44Mais là, on est dans un mode
51:46complètement différent, c'est plus une économie de marché,
51:48c'est une économie qui est pilotée
51:50par des valeurs tutélaires, la valeur tutélaire
51:52du carbone, par exemple,
51:54et comme elle est pilotée par la valeur tutélaire
51:56du carbone, ça veut dire que
51:58les incitations, elles ne vont plus marcher
52:00simplement, mais elles vont marcher à travers
52:02des dispositifs complexes qui doivent reposer
52:04sur des systèmes d'information complexes.
52:06Par ailleurs, si on arrive à construire cette
52:08information, on arrivera à informer
52:10les individus de l'efficacité
52:12des politiques publiques.
52:14Personne n'a vraiment vu le papier de Mathieu
52:16Lachan, c'est co-auteur sur l'efficacité
52:18des crédits d'impôts.
52:20Mais si on l'avait vu, le calcul
52:22est effrayant. Quand vous avez une efficacité
52:24d'un dixième par rapport à ce qui est anticipé,
52:26ça veut dire que vous multipliez
52:28le coût de tout par dix.
52:30C'est impossible.
52:34On ne peut pas conduire des politiques publiques
52:36en multipliant par dix. C'est comme si vous disiez
52:38pour indemniser un chômeur de 1000 euros,
52:40ça me coûte 10 000 euros.
52:42On ne peut pas construire un système de redistribution
52:44comme ça, avec
52:4690% de pertes.
52:50En plus, on ne peut pas le déployer
52:52à grande échelle comme on a besoin de le faire pour la transition
52:54environnementale. Parce que si on a 90%
52:56de pertes sur des dépenses qui sont
52:582,5 points de PIB
53:00par an,
53:02multiplié par 10, 2,5 points de PIB,
53:04ça fait 25 points de PIB.
53:06C'est plus possible.
53:08La condition pour arriver à faire
53:10la transition environnementale, c'est l'efficacité.
53:12Et l'efficacité, elle demande
53:14de construire ce système statistique.
53:16Tout ça va coûter très cher en termes
53:18de système statistique, mais c'est rien
53:20par rapport aux sommes qui sont en jeu.
53:22Rien que la rénovation des bâtiments,
53:24c'est 100 milliards
53:26pour un dixième des résultats
53:28attendus.
53:30Sur ces 100 milliards,
53:32on en prélève 1 milliard
53:34et on peut l'utiliser pour la statistique publique,
53:36et on peut faire plein de choses avec ça.
53:38Les enjeux de la statistique publique
53:40face à la transition, ils sont ceux-là.
53:42Ils sont de nourrir
53:44cet état des limites
53:46qui est face à des problèmes nouveaux
53:48qui vont demander la mobilisation
53:50d'informations nouvelles.
53:52Il y a beaucoup d'informations qui existent
53:54de façon privée, donc il faut aussi
53:56des dispositifs légaux qui permettent
53:58de les collectiviser,
54:00en quelque sorte,
54:02de les réquisitionner.
54:04Mais il faut aussi
54:06envisager des nouvelles
54:08sources d'informations.
54:10Il faut des sources d'informations à haute fréquence,
54:12parce qu'on va devoir suivre des politiques publiques,
54:14qu'on va devoir modifier
54:16très rapidement et très souvent
54:18en fonction des échecs constatés.
54:20Il faut être capable d'évaluer ces échecs
54:22et de dire ensuite, je rétroagis,
54:24je modifie mes politiques et je continue
54:26de les évaluer, parce que la transition
54:28doit se faire rapidement
54:30et qu'elle implique
54:32d'engager énormément d'argent.
54:34Du coup, on ne peut pas imaginer
54:36les bonnes politiques publiques du premier coup
54:38et les bons systèmes d'incitation du premier coup.
54:40Donc, il faut accepter les échecs et les erreurs,
54:42mais il faut en être informé très vite,
54:44ce qui implique aussi
54:46une temporalité
54:48dans la statistique et dans l'évaluation
54:50qui n'est pas du tout celle qu'on a connue
54:52jusqu'à maintenant. Vous voyez, on en est encore
54:54aujourd'hui à faire un rapport
54:56sur les baisses de charges
54:58décidées dans les années 80.
55:00Ce genre de temporalité,
55:02elle n'est pas possible pour la transition.
55:04On ne peut pas, 40 ans après, dire
55:06« La rénovation des bâtiments, on n'aurait pas dû la faire comme ça.
55:08On aurait dû profiler
55:10un peu différemment. »
55:12Ça ne sert à rien.
55:14On aura dépensé trop d'argent
55:16et il sera trop tard.
55:18Ou on ne l'aura pas fait et il sera trop tard.
55:20Dans tous les cas, il est trop tard.
55:22Je peux m'arrêter là.

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