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00:00Je suis très honorée d'avoir été invitée à partager avec vous quelques-unes des choses que j'essaye de comprendre sur la pauvreté.
00:17Donc moi je travaille que sur les pays du Sud. La pauvreté n'est pas un problème exclusivement du Sud,
00:22mais un certain nombre de points que je vais soulever sont quand même assez spécifiques à la situation des pays du Sud
00:30et surtout au type de ménage qu'on trouve dans les pays du Sud, qui sont beaucoup moins des ménages nucléaires que les nôtres,
00:36et ça pose d'autres types de problèmes.
00:39Alors comme on fait du développement, la pauvreté c'est le premier truc dont on entend parler,
00:44et c'est de façon assez emblématique.
00:48Quand les instances de l'ONU se sont réunies pour se dire qu'est-ce qu'on fixe comme objectif du développement,
00:54ils se sont réunis en 2000, ils se sont dit, bon un premier objectif, réduire l'extrême pauvreté et la faim.
01:01C'était le premier objectif.
01:03Alors très spécifiquement, alors que c'est des objectifs qui ont été fixés en 2000,
01:08ils avaient comme objectif que la pauvreté entre 1990 et 2015 devait être divisée par deux,
01:18en parlant de la pauvreté dans ce cas étant mesurée comme la part des individus dans le monde
01:25qui vivaient avec moins de un dollar par jour à l'époque, en parité de pouvoir d'achat bien sûr.
01:32Et puis en 2015, on avait avancé vers les objectifs du millénaire,
01:37on s'est dit bon le développement on n'y est pas encore,
01:39donc on a refixé des nouveaux objectifs qui maintenant s'appellent les objectifs de développement durable.
01:46Et le numéro 1 c'est l'éradication de la pauvreté.
01:49Donc c'est plus ambitieux puisque en 2000 on voulait juste la diviser par deux,
01:53maintenant on veut l'éradiquer.
01:55Et donc de façon plus précise sur ce point, les objectifs sont déclinés,
01:59il y a d'autres objectifs, je n'ai cité que ceux qui sont sur vraiment la pauvreté.
02:04D'ici à 2030, donc c'est à nouveau 15 ans, éliminer complètement l'extrême pauvreté dans le monde.
02:10Alors là c'est plus un dollar par jour, c'est 1,25 dollars
02:14parce que c'était la réévaluation de la ligne de pauvreté à l'époque où ils en ont parlé,
02:18je vous en parlerai plus tard.
02:20Et d'ici à 2030 réduire de moitié la proportion d'hommes, de femmes et d'enfants de tous âges
02:25qui souffrent d'une forme de pauvreté ou l'autre telle que définie par chaque pays.
02:32C'est-à-dire que le 1,25 dollars c'est une norme internationale pour le monde entier,
02:38mais après chaque pays fixe ce qu'il considère être pauvre,
02:42vous savez qu'en France c'est 60% du revenu médian,
02:45heureusement c'est un peu plus qu'un dollar et demi par jour.
02:48Et donc voilà, là l'idée c'est qu'on doit avoir réduit de moitié la pauvreté
02:53telle que définie par les pays eux-mêmes.
02:57Alors, quand on entend ces objectifs, on remarque deux choses.
03:04Il y a une définition de la pauvreté qui est un taux de pauvreté,
03:08la proportion d'individus qui vivent avec un revenu inférieur à un certain seuil.
03:14Et ça suggère d'avoir fait deux choix.
03:21Un, c'est quoi le seuil pertinent ?
03:23Là c'est ce qu'on appelle la ligne de pauvreté.
03:26Deux, c'est quoi l'indice statistique pertinent ?
03:28Donc eux, ils pensent taux de pauvreté.
03:31Ni l'un ni l'autre ne vont de soi, c'est un choix qui est vraiment très important.
03:41D'où il sort le un dollar par jour,
03:44qui est donc celui qui a été utilisé en 2000 et c'est l'équivalent du 1,25,
03:48maintenant c'est 2,15 pour vous dire,
03:50donc c'est la ligne internationale de pauvreté.
03:54Donc d'abord c'est avec l'idée d'un concept de pauvreté absolue,
03:58alors que 60% du revenu médian c'est une pauvreté relative.
04:04Donc ça dépend de la distribution des revenus.
04:06La pauvreté relative on ne va pas vraiment l'éradiquer
04:08puisque par définition il y a toujours des gens en dessous d'un médian.
04:12Alors que la pauvreté absolue on peut espérer l'éradiquer,
04:15donc c'est un critère,
04:17comme dans les pays du sud il y a des pays très très pauvres,
04:20c'est un critère qui est effectivement pertinent.
04:22En France, éliminer la pauvreté à moins de 20 dollars par jour,
04:25ça n'avait déjà en 2000 probablement pas énormément de sens.
04:28Alors d'où ça sort ?
04:29En 1990, la Banque mondiale a fait un rapport sur le développement dans le monde,
04:33consacré à la pauvreté,
04:35et alors ils avaient à l'époque Martin Revalian dans leur staff,
04:39qui est le grand économiste spécialiste de la pauvreté,
04:43qui est décédé il y a un an et demi, presque deux maintenant,
04:48et il se disait,
04:49oui ok, mais comment on va faire pour faire un rapport sur la pauvreté dans le monde ?
04:54Il faut avoir une ligne qui marche pour tout le monde.
04:57Et donc avec deux collègues, Dat et Vandevan,
05:00ils se sont dit, en fait on va prendre les lignes de pauvreté définies par les pays les plus pauvres,
05:05donc les lignes de pauvreté nationales,
05:07qui sont des lignes de pauvreté qui sont souvent basées sur l'idée
05:11que c'est un revenu qui permet de satisfaire les besoins nutritionnels,
05:16donc d'atteindre 2000 calories par jour et par personne,
05:20augmenter un petit peu, pas énormément,
05:23parce qu'on est dans des pays où la part de l'alimentation dans le budget des plus pauvres c'est 60%.
05:28Donc pour arriver à un revenu total,
05:32il n'y a pas besoin d'inflater beaucoup le coût d'atteindre un niveau de nutrition minimal.
05:39Et donc ils ont pris ces lignes de pauvreté dans tous les pays du monde,
05:43ils les ont transformées en dollars à paraitre du pouvoir d'achat,
05:47et ils ont fait la moyenne pour les plus pauvres,
05:50et ils trouvent comme moyenne 31 dollars par mois,
05:53ce qu'ils ont arrondi à 1 dollar par jour,
05:55c'est bien, ça sonnait bien, c'était facile à communiquer,
05:59et c'était des pays comme l'Indonésie, le Bangladesh, le Népal, le Kenya, la Tanzanie,
06:05le Maroc, les Philippines, le Pakistan, étaient tous autour de ce niveau.
06:08Il y a vraiment une grosse accumulation de points dans les pays les plus pauvres
06:12qui sont autour de la ligne de pauvreté, autour de ce niveau.
06:16Et voilà, ça a super pris, et donc c'est resté.
06:20Alors on l'a réévaluée au cours du temps,
06:23elle a été réévaluée déjà 4 fois,
06:25donc Martin Ravalli, quand il s'en occupait, c'est lui qui faisait les réévaluations,
06:30et il vérifia la cohérence des estimations de pauvreté pour l'année dernière,
06:37avec la ligne de pauvreté de l'année dernière, avec la ligne de pauvreté de cette année,
06:40et il vérifiait qu'on avait bien les bonnes, au moins les bonnes tendances,
06:43et quasiment les mêmes niveaux.
06:45Donc bon, maintenant on est à 2,15 depuis, en dollars 2017,
06:49mais ça a changé il y a peu de temps.
06:54Alors évidemment, c'est un peu absurde ces lignes de pauvreté,
06:57parce que ça suggère que quand on est juste en dessous, on est pauvre,
07:01et juste au-dessus, on n'est pas pauvre.
07:03Donc c'est évidemment totalement arbitraire.
07:05Personne n'a jamais vu une discontinuité dans les comportements,
07:08les situations des gens à un niveau donné.
07:11Donc il n'y a évidemment pas de différence fondamentale
07:14d'un individu juste en dessous et juste au-dessus,
07:17mais fixer ça, ça permet néanmoins d'avoir un indicateur qu'on peut suivre dans le temps,
07:26et on peut espérer que si le nombre de gens sous cette ligne diminue,
07:30les gens immédiatement au-dessus de la ligne ont vu aussi leur sort s'améliorer un peu.
07:36Mais c'est tout à fait arbitraire.
07:38Et ça reflète un choix social normatif, parce que ça reflète...
07:42Alors le 1$ par jour, pas tant que ça, parce que c'est pas une société qui l'a choisi,
07:46mais les lignes de pauvreté nationale, ça reflète un choix qui dit,
07:50sous ce niveau, je considère que les gens n'ont pas un revenu suffisant
07:55pour vivre dignement, pour vivre tout court.
07:59D'accord ? Ils sont trop pauvres.
08:01Donc c'est un choix.
08:02Fixer la ligne quelque part, en dessous, c'est inacceptable.
08:08Alors le choix de l'indice.
08:10Le taux de pauvreté, c'est celui que vous verrez le plus souvent,
08:13que vous avez vu toujours.
08:15C'est facile, c'est simple, les gens comprennent bien ce que ça veut dire.
08:18Je vous dis qu'il y a 20% de pauvres, vous vous dites,
08:20oh là là, 1 personne sur 5 est en dessous de la ligne de pauvreté.
08:23Très facile à communiquer.
08:25Par contre, que les pauvres soient très près de la ligne ou très loin de la ligne de pauvreté,
08:30ça ne change rien.
08:31S'ils ont 50 cents par jour, s'ils ont 3 cents par jour, s'ils ont 95 cents par jour,
08:36ça ne change pas l'indice de pauvreté.
08:38C'est juste le nombre de gens qui sont sous cette ligne.
08:41Alors, ça remplit...
08:44Donc quand on s'intéresse à la mesure de la pauvreté,
08:46il y a toute une axiomatique des mesures de pauvreté.
08:50Là, un des axiomes qui est vérifié par le taux de pauvreté,
08:54c'est que ça ne dépend pas de ce qui se passe au-dessus de la ligne de pauvreté,
08:56mais ça ne respecte aucun des autres axiomes désirables,
08:59et notamment le fait qu'on voudrait que si la situation d'un pauvre empire,
09:04l'indice de pauvreté s'aggrave, l'indice qu'on utilise.
09:07Alors, le plus simple qui est le suivant, c'est ce qu'on appelle l'intensité de la pauvreté,
09:12qui mesure d'une certaine façon la distance relative à la ligne de pauvreté des pauvres,
09:19rapportée au revenu qui permettrait de mettre tous les pauvres à la ligne de pauvreté,
09:25ou rapportée au revenu national, ça dépend des pauvres.
09:28Donc c'est le manque à gagner par rapport à la ligne de pauvreté, relatif à quelque chose.
09:35Alors ça, c'est un avantage, que s'il y a un pauvre qui devient plus pauvre,
09:39c'est un indice qui augmente, qui se dégrade.
09:42Donc ça permet quand même d'être un peu plus révélateur de l'évolution de la situation des pauvres.
09:54Mais par contre, que ce soit la situation du moins pauvre des pauvres,
09:58ou du plus pauvre des pauvres qui se détériore, c'est pareil.
10:02On pourrait avoir un indice de pauvreté qui met plus de poids sur les plus pauvres des pauvres.
10:09C'est quand même plus grave si le gars qui était à 20 cents passe à 10 cents,
10:14que si le gars qui était à 95 cents passe à 85.
10:17Donc là, on peut aller au niveau d'au-dessus,
10:20on prend le carré de la distance à la ligne de pauvreté,
10:26et donc ça permet de mettre plus de poids sur les distances plus longues, et donc sur le plus pauvre.
10:31De façon les plus courante, vous verrez le taux de pauvreté et l'indice de pauvreté.
10:36Donc si on prend le carré, si on fait un transfert d'un plus pauvre vers un moins pauvre, ça se détériore.
10:42L'intensité de la pauvreté n'est pas affectée par des transferts entre les pauvres, même s'ils sont régressifs.
10:49Alors, sur la base du taux de pauvreté, qu'est-ce qu'on peut dire de ce qui s'est passé depuis 90,
10:57qui était le point de base de l'objectif du millénaire ?
11:00Est-ce que la pauvreté a effectivement diminué ?
11:02Oui, il n'y a aucun doute sur le fait que la pauvreté a diminué.
11:06Donc si vous avez les...
11:08Bon, vous l'avez en noir et blanc, donc vous ne le verrez peut-être pas,
11:10mais le troisième intercepte qui commence vers 42%, c'est la ligne pour le taux de pauvreté mondial.
11:18Donc vous voyez qu'effectivement, entre 90, où il était à 40%, et 2015, où il est plutôt vers 10%,
11:26on l'a plus que diminué de moitié.
11:28Donc d'une certaine façon, l'objectif du millénaire, il a été atteint.
11:34Il a été atteint grâce à qui ?
11:36Grâce à la courbe qui est la plus raide sur votre graphe,
11:39celle qui commence la plus haut et qui termine tout en bas, qui est l'Asie de l'Est.
11:44L'Asie de l'Est, c'est la Chine.
11:46Donc, voilà, ça pèse lourd.
11:48Et alors, eux, ils ont des taux de pauvreté qui sont passés de 80% à 5%.
11:53Donc c'est une espèce de chute.
11:56Donc c'est ça qui tire le résultat mondial.
11:59La courbe qui est la plus plate, qui termine en haut, c'est l'Afrique subsaharienne.
12:04Donc vous voyez que ça a diminué, mais on n'est pas du tout dans les mêmes proportions.
12:09Et la courbe qui est entre la courbe mondiale et la courbe de l'Asie de l'Est, c'est l'Asie du Sud.
12:14Donc c'est l'Inde qui pèse le plus lourd là-dedans.
12:17Et donc c'est aussi une pente bien descendante, mais moins raide que l'Asie de l'Est.
12:24Donc en taux de pauvreté, ça s'améliore, pas très vite en Afrique subsaharienne.
12:29Et alors, si on regarde en nombre de pauvres, alors oui, ça diminue partout, sauf en Afrique.
12:37Donc la courbe qui est vers le bas, qui commence à 260 millions et qui monte à 420 millions, ça c'est la courbe d'Afrique subsaharienne.
12:47Donc les taux ont baissé, mais la croissance de la population est telle en Afrique subsaharienne,
12:52et les taux n'ont pas beaucoup baissé, que le nombre de pauvres, c'est la seule région du monde où le nombre de pauvres a augmenté.
12:59Et continue à augmenter. On n'est pas du tout...
13:03Donc c'est Joligraphe. Au passage, je fais ça sur la plateforme Pauvreté et Inégalité de la Banque Mondiale.
13:10Vous avez toutes les données qui sont en ligne et vous pouvez choisir.
13:13Vous voyez dans la marge, on peut choisir une autre ligne de pauvreté, on peut...
13:17Et on peut choisir des pays, moi j'ai fait ça par région du monde, donc on peut faire ça comme on veut.
13:23Et donc voilà, en Afrique subsaharienne, en 2019, on était à 391 millions.
13:32C'est-à-dire plus de la moitié des pauvres du monde sont en Afrique subsaharienne.
13:36Donc moi je travaille en Afrique subsaharienne, c'est pour ça que je tendance un peu à insister.
13:42Alors la grande question c'est...
13:45Ok, on voit que ça s'est beaucoup amélioré, on sait que la Chine a eu une croissance exceptionnelle.
13:51On a un peu envie de faire le lien, de se dire, bah oui la croissance c'est bon pour les pauvres.
13:55Alors ça c'est un gros débat.
13:57Il y a un tas de gens qui disent, bah oui, c'est sûr, la croissance c'est bon pour les pauvres.
14:02Il y a un livre de gars qui s'appelle Dollar and Craig, qui s'appelle Growth is good for the poor.
14:07Et puis il y a un tas de gens, notamment dans les organisations internationales,
14:10qui disent, non mais les plus pauvres ils sont toujours aussi pauvres,
14:12et ils sont complètement laissés pour compte.
14:14Il n'y a pas du tout... la croissance ne les touche pas.
14:18C'est pas vrai, la croissance n'atteint pas les plus pauvres.
14:21Et ces gens, ils utilisent les mêmes données, celles que j'ai utilisées pour faire les graphes.
14:25Il n'y en a pas 12 000, de toute façon, des données sur la consommation dans tous les pays du monde.
14:29Ils utilisent les mêmes données et ils ont deux conclusions radicalement différentes.
14:34Alors la conclusion, la croissance c'est bon pour les pauvres, ça vient un peu des graphes que je vous ai montrés.
14:39Puis si on régresse pauvreté sur croissance, ah bah oui c'est vrai, le taux de pauvreté,
14:44il y a une certaine élasticité à la croissance, ça baisse quand il y a de la croissance.
14:48Mais par contre, ce qu'on ne sait pas avec ça, c'est qu'est-ce qui se passe pour les plus pauvres.
14:53C'est un peu ce que je disais, le taux de pauvreté c'est un indice qui n'a pas de...
14:57qui est tout à fait indifférent à ce qui se passe sous la ligne de pauvreté.
15:01Et donc, la vision du monde qui dit les pauvres sont laissés de côté,
15:05c'est des gens qui se disent en fait, les plus pauvres des pauvres sont toujours aussi pauvres,
15:10et l'écart avec le reste de la société s'accroît quand il y a de la croissance.
15:14Ce qui fait qu'en plus, en termes de pauvreté relative, ça empire.
15:17Alors, la question c'est comment on fait pour trancher entre les deux ?
15:24Il faudrait être capable de mesurer le revenu du plus pauvre.
15:29Un peu Rolls-Yan comme approche.
15:31Ce qui m'intéresse c'est le revenu du plus pauvre.
15:33Le problème c'est quand vous faites une enquête,
15:35est-ce que vous avez le plus pauvre dans votre enquête ?
15:38Ce n'est pas clair.
15:39Est-ce que de toute façon, le gars qui est le plus pauvre dans votre enquête,
15:43la mesure de la consommation que vous avez, c'est vraiment sa consommation permanente ?
15:49Ou c'est pas de chance, il n'a pas travaillé le mois dernier parce qu'il était malade,
15:52mais d'habitude il a plus.
15:53Et en fait, c'est le gars qui est immédiatement au-dessus qui est le plus pauvre.
15:56C'est un peu compliqué.
16:00Pour estimer le niveau de consommation du percentile le plus pauvre de la distribution,
16:04il faut faire des hypothèses sur la forme de la distribution, etc.
16:07qui sont de l'ordre de...
16:10Le gars que j'observe tout en bas de la distribution dans mon enquête,
16:13il a quand même une plus forte probabilité d'être le plus pauvre
16:16que celui qui est immédiatement au-dessus,
16:18mais la probabilité que ce soit celui qui est immédiatement au-dessus n'est pas zéro.
16:21Et puis on peut comme ça prendre tous les gens qui sont sous la ligne de pauvreté
16:25avec une probabilité de plus en plus faible,
16:27quand on monte, que ce soit lui le plus pauvre,
16:29et estimer l'espérance de ce nombre
16:34et considérer que ça, c'est la consommation planchée.
16:36Donc c'est ce qu'a fait Martin Rebellion en 2009.
16:39Il a pris 125 pays du Sud pour lesquels il y a des enquêtes de consommation
16:43qui sont celles qui alimentent la base de données de la Banque mondiale.
16:46C'est 900 enquêtes, puisqu'il y en a à plusieurs moments.
16:51Et ce qu'il voit, c'est que, ah bah oui, il n'y a pas de doute,
16:54le taux de pauvreté répond négativement à la croissance, c'est parfait,
16:59mais la consommation planchée, elle n'a pas bougé, mais pas du tout, depuis 1980.
17:05Donc les plus pauvres des pauvres, ils ont le même niveau de consommation en PPP,
17:10en PPA en français, que dans les années 80.
17:14Et donc c'est vraiment très marquant.
17:16Et d'ailleurs la moyenne du revenu des pauvres n'a pas bougé non plus.
17:20Donc il y a moins de pauvres en proportion, mais ils sont toujours aussi pauvres par contre.
17:25Donc en fait on peut réconcilier les deux visions, ça décrit deux faces de la même réalité,
17:33avec une consommation moyenne qui a augmenté de 100% environ sur la période 80-2017.
17:43Alors j'ai fait allusion au fait que toutes ces données, ça vient d'enquêtes.
17:48Alors ça, comme là je pense que vous êtes bien placés pour le savoir,
17:50le problème des enquêtes, c'est que ça fait ce que ça peut,
17:55mais il y a quand même un peu des problèmes d'erreur de mesure.
17:57Les enquêtes de consommation, c'est particulièrement compliqué.
18:00Alors en plus, les pratiques d'enquête sont extrêmement variées.
18:04Donc il y a des fois où on demande aux gens de tenir un journal,
18:07où ils indiquent toutes les dépenses qu'ils font au fur et à mesure, etc.
18:13Ou bien on va les voir et on leur dit, alors qu'est-ce que vous avez consommé la semaine dernière ?
18:17Qu'est-ce que vous avez dépensé ? Combien vous avez acheté d'huile, de pain, de journaux ?
18:23La période de référence, là j'ai dit une semaine, mais des fois c'est trois jours, des fois c'est un an.
18:28Ça dépend un peu du type de bien, on ne va pas vous demander ce que vous avez consommé comme télé
18:31pendant les trois derniers jours, enfin bon.
18:33Donc c'est très variable.
18:35Et puis les enquêtes de consommation, elles ont des degrés de détails extrêmement variés.
18:39Ça va d'une vingtaine d'items, en tout cas pour les pays en développement, à environ 400.
18:43400, je ne vous dis pas comment le gars il est fatigué à la fin du questionnaire.
18:47Et alors en fonction du mode d'enquête, les données que vous récoltez sont susceptibles d'être un peu biaisées,
18:57je ne sais pas vraiment le mot, sont affectées par de l'erreur de mesure, qui n'est pas nécessairement un biais,
19:02pour un tas de raisons.
19:04D'abord les gens ne se souviennent pas très bien.
19:07Si je vous demande exactement combien vous avez acheté d'huile d'olive dans le dernier mois,
19:11ça risque d'être pas super précis.
19:14Il y a ce qu'on appelle le télescopage.
19:16C'est si en fait l'huile d'olive vous l'avez acheté il y a un mois et deux jours,
19:20vous allez avoir tendance à me la déclarer quand même.
19:22Alors que moi je voudrais juste que vous me disiez ce que vous avez dépensé dans les 30 derniers jours,
19:25ou dans la dernière semaine.
19:27Et en fait les dépenses au borne, elles ont tendance à être inclus.
19:30Donc c'est ce qu'on appelle le télescopage, ça fait de l'erreur de mesure.
19:34Puis il y a des erreurs d'arrondi, parce que si vous vous êtes déjeuné à peu près tous les jours au même endroit,
19:39vous prenez un sandwich entre 5 et 6 euros, et puis environ 20 jours par mois,
19:44vous faites un arrondi, c'est à peu près ça, c'est pas tout à fait ça.
19:47Donc voilà, c'est des erreurs, il y en a tout le temps.
19:50Alors en plus quand on est dans des pays où les enquêtes de pauvreté, de consommation,
19:54les gens se demandent si ça ne va pas leur ouvrir des droits à certains transferts, etc.
19:59On a un peu des problèmes de déclaration volontairement erronées.
20:02Il y a les gens qui ne veulent pas paraître aussi riches qu'ils sont,
20:04parce qu'ils ont peur que le fisc découvre combien il gagne.
20:08Et puis il y a des gens qui, pour des questions de statut, parce qu'eux ils sont chefs de village,
20:12ils veulent apparaître un peu plus riches que ce qu'ils ne sont.
20:15Et alors, de façon assez importante pour les contextes qui m'intéressent moi,
20:21mais ça doit être aussi vrai en France à mon avis, en général vous interrogez une personne.
20:27Et cette personne, elle ne connaît pas de la consommation privée de tous les membres du ménage.
20:32Alors moi au Sénégal par exemple, pour prendre un pays que je connais bien,
20:36la taille de ménage moyenne c'est 9 personnes.
20:41Là-dedans il y a un tiers des gens qui ne sont pas dans le noyau du ménage,
20:47c'est-à-dire que ce n'est pas le chef de ménage, ce n'est pas son épouse, ce n'est pas ses enfants.
20:50Ça peut être des ascendants, ça peut être des frères avec leur épouse,
20:53ça peut être la cousine que vous hébergez parce qu'elle a un coup dur au village
20:57et qu'elle vient pour quelques mois ou qu'elle vient accoucher
20:59parce qu'il n'y a pas de clinique là où elle est, enfin que sais-je.
21:02Donc vous avez toutes sortes de gens.
21:06Vous interviewez madame, surtout quand il y a plusieurs épouses,
21:09il n'y a aucune raison qu'elle sache exactement ce que consomme son mari
21:12qui va travailler à l'extérieur du ménage.
21:14Et vice-versa, lui il n'est pas très sûr de ce qu'elle dépense
21:17parce qu'il ne connaît pas non plus toutes ses ressources.
21:19Quand on essaye, qu'on demande aux gens,
21:22alors vous c'est quoi votre revenu, votre consommation,
21:24c'est quoi le revenu de votre époux ?
21:25Puis après on fait le symétrique.
21:27On s'aperçoit que les membres du ménage entre époux
21:30sous-estiment le revenu et la consommation de leur époux ou épouse d'environ 30%.
21:36C'est tout à fait symétrique.
21:39Dans les cas où ça a été fait,
21:41donc les cas où ça a été vraiment fait très proprement,
21:43c'est le Cameroun et le Kenya et on trouve dans les deux cas 30%.
21:46Donc vous imaginez bien que l'enquête de consommation répondue par un des deux,
21:50elle n'est pas très correcte.
21:52Donc voilà, des erreurs de mesure, il y en a en pagaille.
21:55Et puis alors quand vous avez 400 items et même quand vous en avez moins,
21:58à la fin tout le monde en a marre.
22:00Le gars qui fait l'interview, il voudrait que ça se termine
22:04et je ne dis pas pour le pauvre répondant qui est assis là depuis quelques heures.
22:09Donc voilà, ça fait beaucoup d'erreurs de mesure.
22:11Alors il y a une enquête, une expérience qui est très...
22:14Il faut m'arrêter quand je dépasse trop le temps.
22:16Il y a une enquête, il y a une expérience qui est vraiment très intéressante
22:20qui a été faite en Tanzanie par quatre auteurs,
22:23Kathleen Beagle, Joachim De Vert, Jet Friedman et Gibson,
22:26je ne me souviens plus de son prénom.
22:28Et donc ils ont fait huit modules de consommation qui varient les pratiques.
22:33Alors ils ont juste changé le module consommation alimentaire
22:37pour les consommations de biens durables ou les achats moins fréquents.
22:42Ils ont gardé le même module pour tout le monde.
22:44Et donc il y a huit modules et il y a un module de référence
22:49qui est le journal individuel, le journal de consommation individuel
22:53avec quelqu'un qui vient tous les jours vous aider à le remplir
22:56parce qu'on est en Tanzanie.
22:58Donc le niveau d'illettrisme est quand même encore important.
23:01Tenir un journal, faire des comptes, ce n'est pas nécessairement hyper facile.
23:05Donc une visite quotidienne de quelqu'un qui vient vous aider à remplir ce journal.
23:09Donc ça, individuel, pour chaque membre du ménage.
23:13Donc ça, c'est censé être la référence.
23:15Évidemment, c'est impossible de faire ça à grande échelle, vous imaginez bien.
23:18Ce serait un peu coûteux.
23:20Donc ils ont 4000 ménages.
23:22Ils ont huit modules.
23:25Chaque module a été attribué aléatoirement à 500 ménages.
23:29Et donc après on varie.
23:30Donc on fait le journal mais au niveau du ménage
23:33avec un soutien d'un visiteur fréquent ou pas
23:36ou bien quelqu'un qui vient seulement une fois par semaine.
23:38Ça dure deux semaines le journal.
23:40Ou bien on fait du recall.
23:42On va demander aux gens de déclarer combien ils ont consommé.
23:45Alors soit sur 7 jours, soit sur 14 jours.
23:48Soit sur 58 items de nourriture.
23:51Soit sur un sous-échantillon de 17 éléments
23:57qui font plus de 80% de ce qui est consommé.
24:01Donc vous imaginez, les céréales, les haricots, etc.
24:05Soit sur 11 groupes de biens.
24:10Donc céréales, légumes verts, huiles, etc.
24:14Fruits.
24:15Soit sur...
24:18On demande aux gens habituellement
24:20combien vous en consommez par mois,
24:22des mois où vous en consommez et combien de mois par an.
24:24Donc huit modules.
24:26Et après ils regardent les différences.
24:28Alors je vous ai épargné tous les résultats sur la consommation
24:32mais je vous ai mis ceux sur la pauvreté.
24:35Et donc la dernière ligne du tableau,
24:38Personal Diary, donc c'est le journal individuel,
24:40c'est la référence.
24:42Avec la consommation qu'il collecte sur la base de ce module,
24:46il trouve un taux de pauvreté de 47,5%.
24:51Le poverty gap c'est l'intensité de la pauvreté
24:54et le square gap c'est l'autre que j'ai évoqué.
24:57Donc la première colonne, on va juste se concentrer là-dessus,
24:59c'est le taux de pauvreté.
25:01Donc c'est 47% si vous avez le truc parfait.
25:04Enfin, qu'on espère être parfait.
25:06Et quand vous prenez juste des grands groupes de consommation,
25:14donc huile, céréales, etc.,
25:17sur sept jours, donc qui est quand même pas très long,
25:21on estime un taux de pauvreté qui est quasiment à 67%.
25:25Donc 20 points de plus.
25:27Enfin en fait c'est 19 points de plus.
25:28Je fais des arlandis pour que ça fasse plus joli mais,
25:3019 points de plus c'est énorme.
25:32Enfin on est là avec, donc c'est la même population,
25:35on a juste changé le module de consommation
25:37qu'on leur fait passer dans l'enquête,
25:39et on a 20 points de différence dans le taux de pauvreté qu'on estime.
25:42Bon alors évidemment c'est les deux points extrêmes,
25:44vous pourrez regarder ensuite le tableau,
25:46vous voyez qu'il y a toutes sortes de,
25:48vous avez tous les intermédiaires.
25:51Quand il y a des étoiles, c'est que c'est significativement différent
25:54de la référence qui est la dernière ligne.
25:57Donc voilà, ce que vous faites passer comme module de consommation,
26:02c'est très important.
26:04Donc c'est impossible de comparer des taux de pauvreté dans un pays
26:09qui sont obtenus à partir d'enquêtes qui ne sont pas exactement les mêmes.
26:13Si le module de consommation a changé,
26:15vous n'avez aucune idée de ce qui s'est passé.
26:17D'accord ?
26:18Donc il n'est peut-être pas très bon le module de consommation
26:20mais il faut garder le même.
26:21Parce qu'au moins on a une bonne idée des traînes.
26:24On voit si ça évolue dans un sens ou dans l'autre.
26:26Mais alors dès qu'on change, au prétexte d'améliorer, c'est la cata.
26:31Alors un autre point qui est plus proche de mes recherches personnelles,
26:35c'est que les ménages au Sénégal sont très grands.
26:39Il n'y a pas que des membres du noyau familial.
26:43Il y a un tas de gens.
26:45Et ils sont un peu indépendants.
26:48Donc ils prennent des repas ensemble, ils habitent au même endroit.
26:51Mais il y a quand même des budgets séparés dans un tas de dimensions.
26:54C'est un peu compliqué.
26:55Donc nous ce qu'on a fait, c'est qu'on a fait une enquête
26:57où on a interviewé chaque individu qui avait des dépendants à sa charge.
27:03Donc chaque adulte avec des enfants, séparément,
27:06sur les consommations de son petit groupe.
27:08Donc on a divisé le ménage en groupes.
27:11Je vous passe les détails parce que sinon on y est encore demain.
27:14Et on a relevé la consommation sur chacun de ces groupes.
27:19Quand on compare avec l'enquête consommation habituelle
27:22qui est faite la même année au Sénégal,
27:24nous on observe 15% de plus de consommation.
27:29Mais ça ne se passe surtout pas parmi les plus pauvres.
27:32Ça se passe dans les ménages où il y a plusieurs personnes qui ont accès à du revenu.
27:35Donc ce n'est pas tout à fait les plus pauvres.
27:37Et ce qui est très clair, c'est qu'on voit qu'il y a beaucoup d'inégalités au sein du ménage.
27:42Et ça, c'est quand même un problème.
27:44Parce que dans ce cas-là, comment ?
27:45Quand j'identifie un ménage comme étant non-pour sur la base de mon enquête de consommation,
27:50est-ce que c'est suffisant pour s'assurer qu'il n'y a personne qui est pauvre dans le ménage ?
27:55Et si ce n'est pas le cas, comment on fait pour savoir qui sont les personnes les plus vulnérables ?
28:00Ce qui est absolument essentiel pour savoir vers qui on doit orienter les politiques de lutte contre la pauvreté.
28:08Alors, plus il y a des ménages complexes, plus vous avez des chances d'avoir des inégalités dans le ménage.
28:14Et donc nous, ce qu'on observe, c'est que 14% des inégalités totales sont des inégalités qui sont au sein du ménage.
28:20Alors, c'est avec une décomposition de l'indice de taille, pour ceux qui connaissent, sinon ce n'est pas très grave.
28:26Est-ce que c'est beaucoup ou est-ce que ce n'est pas beaucoup ?
28:28On est quand même dans un environnement où 70% de la consommation est commune.
28:33C'est-à-dire soit la nourriture, soit le logement.
28:36Donc la marge sur laquelle vous pouvez avoir de l'inégalité, c'est 30%.
28:40Donc, avec ces 30% qui peuvent être répartis inégalement, on génère 14% d'inégalités globales dans le pays.
28:47Alors, il va sans dire que nous, avec notre enquête, ce qu'on réévalue le plus, ce n'est pas tant la pauvreté que l'inégalité.
28:54Le taux d'inégalité tel que le Sénégal le mesurait à la même date, il pensait que c'était un Jimmy de 40.
29:01Et nous, on trouve 48.
29:04Parce qu'on mesure mieux la consommation, ça fait beaucoup de différence.
29:10Mais donc, en fait, 14%, c'est 40% de l'inégalité maximale qu'on pourrait avoir dans un contexte comme celui-là.
29:18C'est-à-dire l'inégalité où les consommations communes sont partagées également.
29:23Et tout le reste est donné au chef de ménage.
29:26Donc, on a simulé ça. On regarde ce que ça fait comme inégalité intra-ménage.
29:30C'est 14%, c'est 40% du max qu'on pourrait avoir dans l'inégalité intra-ménage.
29:35Donc, c'est quand même beaucoup.
29:37Et on se retrouve avec 13% de pauvres qui vivent dans des ménages dont la consommation par tête moyenne est au-dessus du seuil de pauvreté.
29:44Alors, en fait, on sait qui c'est.
29:47Parce que dans l'enquête, on voit assez bien et c'est pas...
29:51Alors, on a aussi simulé s'il y avait du bruit, est-ce qu'on retrouverait la même chose ?
29:55Non, on ne retrouve pas la même chose.
29:56Mais en plus, quand on regarde les données, on voit bien que ce n'est pas du bruit.
29:59On voit que la première épouse du chef de ménage a une consommation inférieure au chef de ménage.
30:04De beaucoup, de 26%.
30:06Et les deuxième et troisième épouse ont encore une consommation inférieure.
30:11La mère du chef de ménage a une consommation inférieure à celle de la première épouse.
30:16Et aussi une consommation inférieure à celle du père du chef de ménage, s'il est présent également.
30:21Les pires, c'est les veuves qui sont remariées en lévira.
30:25Le lévira, c'est cette pratique qui consiste à épouser la veuve de votre frère décédé.
30:30Donc, ça permet aux femmes, je vais essayer de ne pas trop m'égarer, de rester dans le lignage.
30:36Et surtout, ça permet aux enfants...
30:38Enfin, les enfants appartiennent...
30:39C'est une société très patrilinéaire, les enfants appartiennent au lignage.
30:42Donc, si le père meurt et que la femme s'en va, les enfants restent dans la famille du père.
30:47Donc, quand les enfants sont petits, pour que la mère puisse rester près des enfants,
30:51c'est important qu'elles restent dans ce lignage, et donc qu'elles réépousent un frère.
30:55En général, elles n'aiment pas ça, je peux vous le dire.
31:00Mais c'est quand même...
31:01Alors, c'est aussi une forme d'assurance, parce que les veuves, elles n'ont accès à pas grand-chose.
31:04Jusqu'en 2006, au Sénégal, elles n'avaient pas le droit de posséder de la terre, les femmes.
31:09Donc, les veuves, c'est très net.
31:11Elles ont une consommation beaucoup plus faible que tout le monde.
31:14Et de façon intéressante, les filles du chef de ménage qui vivent adultes, avec enfants,
31:18qui vivent dans le ménage, ont 2,5 fois plus de chances d'être pauvres que leur père et que leur frère.
31:24Si un frère a une sœur, qui vivent tous les deux dans le ménage de leur père avec des enfants,
31:30elle a 2,5 fois plus de chances d'être pauvre que lui.
31:33Et puis, de façon générale, plus le lien est distant avec le chef de ménage,
31:37plus il y a une grande vulnérabilité.
31:40Donc, c'est assez important de comprendre ça quand on soient des politiques de lutte contre la pauvreté,
31:44puisqu'on veut savoir à qui s'adresser.
31:47Alors, évidemment, ce genre d'enquête, ça coûte la peau des fesses.
31:50Et on ne peut pas les faire tous les jours.
31:52Donc, il y a une littérature théorique qui essaye de retrouver des consommations individuelles
31:55à partir de la consommation des ménages.
31:57Donc, si vous connaissez, c'est tout ce qui est modèle de ménage collectif,
32:01qui a été lancé par Pierre-André Capori il y a longtemps et qui progresse toujours.
32:06Alors, l'idée, c'est qu'en connaissant la consommation de biens assignés,
32:13donc, on sait qui sait qui les consomme.
32:15Donc, typiquement, les vêtements hommes et les vêtements femmes,
32:18c'est monsieur qui les consomme, madame qui les consomme,
32:20avec des hypothèses très très fortes sur les préférences,
32:23et donc sur le coefficient d'Engel.
32:25Donc, par exemple, que tous les hommes ont le même coefficient d'Engel,
32:28ou que tous les gens d'un même ménage ont le même coefficient d'Engel,
32:30on peut arriver à recalculer la part de revenu,
32:35la part de la consommation que chacun obtient.
32:41Alors, ils font ça par catégorie d'individus.
32:43Ils font homme, femme, enfant.
32:46Alors, d'abord, ce que je viens de vous raconter sur le Sénégal,
32:50c'est que ce n'est pas tellement homme-femme qui compte,
32:52c'est quelles femmes ?
32:53La mère, la première épouse, la fille, la cousine,
32:56en fait, c'est entre femmes qu'il y a une très très forte inégalité,
33:00presque plus qu'entre hommes et femmes, même si elle existe aussi.
33:03Mais donc, ce n'est pas exactement ce qui est pertinent pour les pays du Sud.
33:07Et puis après, ils regardent la consommation des enfants,
33:09ils le comparent à une ligne de pauvreté un petit peu ajustée,
33:13genre 40% plus faible, allez savoir pourquoi.
33:16Et autant une ligne de pauvreté, on voit ce que c'est,
33:18c'est l'idée qu'un individu seul avec ce revenu serait pauvre.
33:23Mais un enfant seul avec ce revenu,
33:26avec 60% de la ligne de pauvreté des adultes,
33:28j'ai un peu du mal à concevoir ce que c'est.
33:31C'est très très compliqué de se dire,
33:33autant on peut regarder s'il est assez nourri ou pas assez nourri,
33:36mais par contre, bien attribuer un revenu et dire sur cette base qu'il est pauvre,
33:40conceptuellement, je trouve ça pas complètement évident.
33:43Et le problème surtout, c'est qu'on ne peut pas confronter ces données à des vraies données.
33:48On ne peut pas confronter ces résultats à des vraies données,
33:50parce qu'il n'y a pas d'enquête où on a vraiment les trucs dans ces catégories-là.
33:56Donc du coup, moi, quand je regarde les résultats, je n'ai pas hyper confiance.
34:02Donc je vais conclure sur tout ça.
34:04C'est un peu pour savoir...
34:06C'est important d'identifier les pauvres,
34:08mais parce qu'on se dit qu'il faut compter la pauvreté,
34:12pour essayer de mettre au point des politiques qui soulagent,
34:15qui luttent contre la pauvreté.
34:17Alors il y a deux façons de le penser.
34:19La première, c'est de se dire, on veut des politiques qui réduisent le taux de pauvreté.
34:22Et donc ça, c'est quel genre de politique il faut.
34:24Puis il y a une autre question que je n'ai pas mise sur les slides,
34:27mais que je me suis rajoutée pour ne pas oublier.
34:29C'est comment on fait pour identifier qui c'est le pauvre.
34:32Parce qu'en fait, on n'a pas des enquêtes sur tout le monde.
34:35Ce n'est pas des recensements qui permettent d'identifier la pauvreté.
34:37Donc les enquêtes, ça permet de dire quelque chose sur le taux de pauvreté,
34:41mais ça ne permet pas de dire, dans ce pays,
34:43il faut aller à la porte de M. Truc et de M. Machin,
34:45parce que c'est eux qui sont pauvres.
34:47Donc il va falloir une méthode un peu plus simple pour identifier les pauvres.
34:51Alors on va faire ça en deux étapes.
34:53Donc on va voir quelle politique.
34:55Alors il y a une politique qui est devenue très populaire dans les pays du Sud,
34:58qui a commencé en 1997 au Mexique,
35:00qui sont les transferts monétaires conditionnels.
35:03Donc l'idée, c'est que vous transférez de l'argent mensuellement à des ménages,
35:10souvent à la femme du chef des ménages en Amérique latine, à la mère,
35:13à la condition que les enfants petits soient vus par un médecin
35:19de façon à éviter les visites médicales régulières,
35:22tous les vaccins, etc.
35:24Et tant que les visites sont faites, on reçoit l'argent.
35:26Et puis quand ils sont d'âge scolaire, tant qu'ils sont réguliers à l'école,
35:30c'est-à-dire qu'ils ne manquent pas plus que deux jours ou trois jours d'école par mois,
35:33le transfert est versé.
35:36Aujourd'hui, on considère qu'il y a 73 millions de bénéficiaires en Amérique latine
35:40d'un programme de ce type.
35:42Donc ça a commencé au Mexico, ça a été évalué de façon randomisée.
35:46Le ministre de l'époque avait fait ses études aux Etats-Unis,
35:50et il savait comment évaluer ça.
35:53Il y a une grosse économie politique des transferts conditionnels.
35:58Ça rassure le contribuable moyen, qui n'est évidemment pas bénéficiaire
36:03de ces programmes, sur le fait que son argent est bien utilisé
36:08de façon vertueuse.
36:10On sait bien que les pauvres, si on leur donne de l'argent,
36:12ils achètent des écrans plats.
36:14Alors que là, on les force à mettre leurs gosses à l'école avec cet argent.
36:17Donc évidemment, pour le contribuable moyen, c'est très rassurant.
36:21Et donc, le gars qui a mis cette politique en place,
36:23il voulait faire une politique de lutte contre la pauvreté,
36:25mais il s'est dit, bon ben, voilà.
36:27Et cette politique, elle a été interrompue il y a seulement 2 ans,
36:313 ans par AMLO, le président de gauche qui est en place maintenant au Mexique.
36:36Et il n'y a eu aucune protestation, parce que la classe moyenne s'en fout.
36:40C'est leur argent.
36:41Donc comme c'est comme ça, eux, le gros découpe au Mexique,
36:43on n'est quand même pas dans le pays le plus pauvre, c'est un pays d'OCDE.
36:46Mais donc, ça existe aussi au Honduras, au Nicaragua, au Brésil,
36:51en Colombie, au Chili, vous savez que c'est absolument partout.
36:56Après, il y a des gens qui se sont dit,
36:57oui, alors c'est compliqué la conditionnalité, ça coûte cher administrativement.
37:00Et est-ce qu'on ne fait pas aussi bien en donnant des transferts inconditionnels ?
37:03On veut bien, l'économie politique marche moins bien,
37:05mais par contre, c'est moins cher.
37:07Alors, il y a un tas d'expériences qui comparent.
37:12Alors, c'est mieux dans certaines dimensions, c'est moins bien dans d'autres.
37:15Je vous passe le détail pour le moment.
37:17Un autre gros type de programme, c'est les filets sociaux dits productifs.
37:22Donc soit c'est, on paye les gens pour participer à des travaux communautaires,
37:26soit on leur donne des bourses, enfin on leur donne du capital
37:33et des transferts pendant une période et une formation
37:36pour arriver à utiliser ce capital pour avoir une activité économique.
37:41C'est des programmes qu'on appelle aussi graduation programs.
37:44Ça marche vachement bien, alors ça coûte très très cher.
37:47Et c'est très difficile, ça requiert une capacité de l'État à mettre en œuvre
37:55et à suivre ça, qui est très très importante.
37:57Alors, ça a été testé par des ONG,
37:59mais quand il faut que ce soit l'État qui le mette en place, c'est très compliqué.
38:03Et puis après, est-ce que c'est bien de cibler les femmes ?
38:08Donner l'argent aux femmes, pas donner l'argent aux femmes ?
38:10Alors, les gens se posent la question.
38:12En Amérique latine, c'est les femmes,
38:14mais par exemple, je travaille sur le plus gros programme social d'Éthiopie,
38:17qui est un programme de workflow,
38:19donc où les gens sont payés pour participer à des travaux communautaires.
38:21Et pour le moment, plusieurs membres du ménage travaillent,
38:24mais c'est le chef de ménage qui touche le transfert.
38:26Et là, ils ont décidé, on va donner l'argent aux femmes du chef de ménage.
38:30Alors, je leur ai dit, ah oui, ok.
38:32Et alors, vous pensez qu'il va se passer quoi ?
38:34Eh bien, non, c'est bien, les femmes dépensent mieux l'argent.
38:38Mais j'ai dit, non, vous savez que c'est les femmes qui vont dépenser l'argent.
38:40Vous savez qu'elles ne vont pas rentrer chez elles,
38:42que le monsieur ne va pas tendre la main et qu'elle va leur donner les sous.
38:45Ou bien qu'elle va se faire tabasser pour avoir à donner les sous.
38:48C'est quand même des milieux où la violence domestique est quand même assez importante,
38:51quand même un peu partout.
38:53Et puis, en plus, si elle n'a jamais géré du cash,
38:55parce qu'on est dans des environnements très pauvres
38:57où il y a tendu assez peu de cash,
38:59est-ce qu'elle ne va pas de toute façon préférer donner l'argent à son mari
39:02plutôt que risquer de faire une connerie ?
39:05C'est quand même un peu, ce n'est pas si simple.
39:07Du coup, on les a convaincus qu'il fallait essayer d'avoir des mesures d'accompagnement
39:12pour former les femmes, pour les prévenir.
39:14Attention, c'est vous qui allez avoir l'argent.
39:16Essayez de réfléchir.
39:18Qu'est-ce que vous allez en faire, etc.
39:20Et puis, des interventions auprès des couples
39:23pour que ça se passe de façon la plus coopérative possible au sein des couples.
39:28Mais eux, ils étaient prêts juste à passer l'argent aux femmes
39:32et adviennent qu'eux pourraient.
39:34Mais du coup, on va pouvoir tester si effectivement ça change.
39:38En particulier, ce qui intéresse le gouvernement éthiopien,
39:41c'est est-ce que les dépenses sont plus des dépenses qui sont bénéfiques
39:45à la santé des enfants, à la nutrition dans le ménage.
39:48Il y a beaucoup, beaucoup de malnutrition en Éthiopie
39:51que quand c'est le mari qui touche l'argent.
39:54La réponse à la question, elle est très contextuelle.
39:58Il y a des endroits où on voit que ça fait une différence,
40:00des endroits où ça ne fait aucune différence.
40:03Il n'y a pas de réponse très, très forte là-dessus pour le moment.
40:08Et puis après, il y a l'autre question.
40:10Est-ce qu'on fait des politiques sectorielles ?
40:12Est-ce qu'en fait, je vise l'agriculture pour la nutrition, etc.
40:15Et donc, il y a plein de politiques qui essayent d'augmenter la productivité
40:19des petits agriculteurs.
40:21Je vous en parlerai assez vite, mais je vais l'abréger.
40:24Des politiques qui facilitent l'accès à l'emploi formel,
40:27ce qui est aussi un salaire régulier,
40:30ce qui est aussi une source importante de la pauvreté.
40:34Et puis, il y a une question sur quel est le rôle
40:36des politiques éducatives et de santé,
40:38notamment pour briser le cercle intergénérationnel de la pauvreté.
40:42Et donc, par exemple, quand vous faites des transferts conditionnels
40:44et que vous forcez les gosses à être à l'école,
40:46est-ce que ça n'a pas aussi un effet bénéfique sur le fait
40:49que ces gosses éduqués auront plus de facilité
40:52à générer du revenu à l'avenir ?
40:56Tout ça est bel et beau, mais comment on fait pour choisir
40:59à qui on donne l'argent ?
41:01Alors, évidemment, on ne fait pas des enquêtes de consommation
41:03auprès de tout le monde.
41:04Alors, il y a deux méthodes principales.
41:07Il y en a une qui s'appelle Proximinstest.
41:10Donc, vous allez regarder l'état de la maison.
41:12Est-ce qu'il y a un toit ? Est-ce que ça fuit ?
41:14Est-ce que les murs sont en parpaings ou en terre ?
41:17Est-ce que le sol, il y a du béton ?
41:19Ou est-ce que c'est de la terre battue, etc.
41:21Vous faites un indice de pauvreté.
41:23Donc, d'abord, avec des enquêtes, vous corrélez.
41:27Enfin, en gros, vous corrélez ces variables avec le niveau de revenu.
41:31Et ensuite, vous utilisez ça pour prédire que les gens sont pauvres.
41:35Et donc, vous créez un indice et vous dites,
41:37sous ce niveau de l'indice, on considère que les gens sont pauvres
41:40et qu'ils peuvent être bénéficiaires de la politique.
41:44Bon, on sait que ça fait des erreurs d'inclusion et d'exclusion.
41:47Est-ce qu'on a mieux ?
41:49Alors, il y a un autre truc qui est très utilisé.
41:51Alors, ça coûte beaucoup moins cher.
41:53C'est, vous demandez à la communauté,
41:55donc au village, de vous dire qui sont les pauvres.
41:58Alors, il y a beaucoup d'inquiétude sur ce genre d'approche,
42:01parce qu'on craint ce qu'on appelle « elite capture »,
42:03le fait que le chef du village, il va nommer tous ses cousins,
42:07ses frères et soeurs, etc.,
42:09et que ce ne sera pas particulièrement les plus pauvres qui vont en bénéficier.
42:11Alors, en fait, il y a des expériences qui ont été faites.
42:13Ce n'est pas vrai.
42:15Ce n'est pas ça qui se passe.
42:17En termes d'impact sur la pauvreté,
42:19que vous ayez du haut le taux de pauvreté,
42:21cette méthode de ciblage ou le Proximity Test,
42:23ça donne à peu près la même chose.
42:25Ce ne sont pas tout à fait les mêmes gens.
42:27Il n'y a pas particulièrement moins d'erreurs,
42:30ni d'inclusion, ni d'exclusion,
42:32mais c'est beaucoup mieux accepté par la population
42:34qui considère que c'est le plus juste.
42:36Donc, c'est quand même un gros avantage.
42:38Alors, moi, j'ai vu comment ça se passe en Éthiopie.
42:41Ils font leur choix.
42:43Après, ils affichent la liste des bénéficiaires.
42:45Après, il y a une grande réunion.
42:47Les gens disent « non, non, ce n'est pas juste, je devrais être sur la liste,
42:49pas lui, etc. »
42:52Et, moyennant quoi, je ne sais pas si,
42:56sur la base d'une mesure de la consommation,
42:58on ferait les mêmes choix,
43:00mais néanmoins, ça affecte la politique.
43:02Le fait qu'on ne peut pas, quand même,
43:04distribuer à tout le monde,
43:06il n'y a pas tant d'argent que ça,
43:08c'est quand même assez bien accepté.
43:10Et donc, en fait, il y a eu des expériences plus formelles
43:12qui comparent ça à l'autre,
43:14en randomisant.
43:16Donc, le ciblage communautaire,
43:19peut-être pas à éliminer.
43:22Encore une fois, ça doit dépendre des contextes.
43:24Je suis sûre qu'il y a des contextes où
43:26la capture par les plus riches existe.
43:28Mais ce n'est pas du tout systématique.
43:30Donc, voilà. Là, je vais m'arrêter là.
43:32C'est sans conclusion particulière.
43:35Et vous laissez la parole.

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