Jacques Pessis reçoit Christian Prouteau : Fondateur du GIGN, il a également crée le service de sécurité du Président de la République. Il se raconte dans « Le GIGN par ceux qui l’ont commandé » (Mareuil Editions).
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##LES_CLEFS_D_UNE_VIE-2024-02-19##
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00:00 - Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
00:03 - Sud Radio, les clés d'une vie, celle de mon invité.
00:05 Vous avez créé un groupe considéré comme une unité justement unique en son genre,
00:10 le GIGN.
00:11 À toutes les interventions que vous avez réalisées,
00:14 aujourd'hui s'en a ajouté une beaucoup plus pacifique au micro de Sud Radio.
00:18 Bonjour Christian Poutou. - Bonjour.
00:20 - Alors c'est vrai que vous êtes le fondateur du GIGN
00:23 et paraît un livre, le GIGN, par ceux qui l'ont commandé chez Maru Éditions,
00:28 écrit par Pierre-Marie Giraud avec les commandants du GIGN dont vous avez été le pionnier.
00:32 Donc on va évoquer le GIGN, ce livre et votre parcours
00:36 qui est quand même unique à travers des dates clés.
00:37 C'est le principe des clés d'une vie.
00:39 Alors la première date, elle est récente,
00:41 mais pour moi c'est une Madeleine de Proust.
00:43 Le 17 novembre 2017, vous participez à la deuxième édition du salon littéraire et artistique à Melun.
00:49 Et Melun, pour vous, c'est quelque chose d'important.
00:52 - Oui parce que c'est l'école de gendarmerie qui forme les officiers
00:57 et je suis passé dans cette école entre 70 et 71
01:01 après avoir fait un passage dans l'armée de terre.
01:03 - On va en parler, oui.
01:04 - Comme sous-lieutenant.
01:06 École où d'ailleurs mon père a été passé quelques années auparavant,
01:09 ce qui était quand même pour moi assez...
01:14 Ça m'a marqué beaucoup de me dire
01:16 je me retrouve dans l'école dans laquelle mon père a été passé, voilà.
01:20 Et puis beaucoup d'officiers, bien évidemment, tous les officiers passent par cette école
01:24 qui est le point de passage obligé pour ensuite se retrouver en unité.
01:27 - Voilà, alors il se trouve que le métier de gendarme,
01:30 donc c'est l'école de la gendarmerie, l'école nationale de la gendarmerie,
01:33 dans l'esprit du public, le métier de gendarme est lié entre autres à cette chanson.
01:38 - La tactique du gendarme, c'est de bien observer...
01:44 - Alors vous revenez dans "La tactique du gendarme", le film "Le roi Pandore"
01:47 où il joue le personnage de Joseph Ménard, qui est d'ailleurs le nom de son beau-père.
01:51 C'est quelque chose que vous avez forcément connu ?
01:53 - Oui, bien évidemment, c'était un peu par dérision et puis peut-être parfois,
01:57 même des fois aussi pour donner du gendarme une vision peut-être des bonheurs,
02:04 ce qui est au sens, et puis des fois un peu comique, la gendarmerie à clous,
02:09 telle qu'on l'appelait. C'est vrai que déjà à travers mon père,
02:13 j'ai connu une autre gendarmerie que celle qui était brocardée,
02:18 parce qu'il était un superbe enquêteur de police judiciaire.
02:21 Et donc je l'ai vue sous son commandement faire des belles arrestations à l'époque,
02:27 quand il était en Corse. Et puis ensuite dans le développement,
02:30 puisqu'il a participé à l'évolution de la gendarmerie,
02:32 en développant un système de rapprochement judiciaire qui,
02:36 avant l'informatique, permettait de compiler des informations et surtout d'aller les chercher,
02:41 parce que le tout n'est pas de stocker les informations, mais de savoir où elles sont,
02:45 et aller les chercher. Son système qui s'appelait ProSAM,
02:48 plutôt SAMIN du nom de l'ingénieur avec lequel il a développé ce système,
02:54 donnait déjà, apportait déjà à la gendarmerie,
02:56 une vision un peu différente de celle de la chanson de Bourvil.
03:00 - Voilà. Mais justement ce système, il n'y avait pas d'informatique,
03:02 il fallait le mettre au point, ce n'était pas évident.
03:04 - Oui. Oui, parce qu'on ne travaillait à l'époque qu'avec des micro-fiches,
03:09 et le problème de la micro-fiche était le temps de lecture.
03:13 Donc il fallait derrière, un peu dans le même système qu'il y a en informatique,
03:17 il fallait programmer, c'était des petits carrés noirs et des petits carrés blancs,
03:21 et mon père avait développé un système qui passait d'à peu près,
03:25 d'une codification, je dirais, de 200 informations,
03:29 à plus de 2000 informations, uniquement sur un passage de lecture.
03:33 Et vous imaginez bien que sur la compilation de l'ensemble des données
03:37 que la gendarmerie avait sur les dossiers dits non-traités,
03:41 permettait aux gendarmes, lorsqu'ils recherchaient quelque chose,
03:45 d'avoir une information relativement rapidement.
03:47 Et il a également créé les sections de recherche
03:50 dont on connaît toute l'efficacité maintenant.
03:52 - Je crois que c'est Gérard Proutot, votre père.
03:53 - Absolument.
03:54 - Il se trouve que c'est aussi une famille de gendarmes,
03:56 je crois que votre grand-père paternel était gendarme lui aussi ?
03:59 - Tout à fait, vous avez cherché tout le dossier, mon grand-père.
04:03 Et vous voyez, je crois que dans l'atavisme,
04:06 il y a quelque chose à travers l'image qui est important,
04:09 et je me souviens toujours de cette vision de mon grand-père avec le gendarme,
04:12 justement telle qu'on l'imaginait à travers au moins les chansonniers,
04:17 avec ses moustaches en guidon de vélo,
04:20 et il avait une magnifique photo qu'il y avait chez mes grands-parents.
04:23 Et ça, je pense, dans l'inconscient de la jeunesse
04:26 que nous avons tous à travers l'image,
04:28 ça a sûrement compté aussi,
04:30 en dehors du fait d'avoir grandit dans une brigade,
04:33 le fait d'avoir eu ce grand-père avec son autorité calme,
04:37 mais sévère en même temps,
04:39 ce regard, ses yeux bleus et puis sa moustache,
04:42 a sûrement compté dans ce qui a fait qu'un jour,
04:44 je me suis orienté contre toute attente dans ma famille vers la gendarmerie.
04:48 - Oui, car au départ, vous vouliez être acteur, je crois.
04:51 - Pas vraiment acteur, je voulais travailler pour le cinéma.
04:54 - Dans les décors.
04:54 - Voilà, dans les décors. J'avais un très bon coup de crayon,
04:57 ou du moins je pensais l'avoir.
04:59 Et puis l'école du cinéma, qui se trouvait à ce moment-là
05:02 pas très loin d'ici, à Bologne,
05:05 n'a pas voulu de moi, ou du moins a dû considérer que...
05:08 Et peut-être pas par dépit,
05:11 je suis sorti et j'ai vu une affiche disant
05:14 "Engagez-vous, engagez-vous", je me suis dit "mais c'est bien sûr".
05:17 Voilà, et je suis passé de Boulogne à Vincennes,
05:20 où il y avait le centre de recrutement, pour aller m'engager.
05:22 Et, à travers un parcours que l'officier orienteur m'avait donné,
05:27 faire, à un an d'écart par rapport à ce qu'il m'avait dit,
05:30 la carrière de gendarme que j'ai faite par la suite.
05:33 - Alors, il se trouve aussi que votre père, il faut le souligner,
05:37 a eu une activité de résistant pendant la guerre,
05:39 je crois qu'il a été dans le maquis de l'armée secrète,
05:42 aux Tourettes, après Béziers.
05:43 - Absolument, oui, tout à fait, à la Tourette,
05:46 et c'est quelque chose qui a...
05:49 Bizarrement, comme dans beaucoup de familles, il n'en a pas beaucoup parlé,
05:52 c'est petit à petit que je l'ai su,
05:55 parce qu'on sait tous que ces gens qui sont
05:57 intervenus dans cette période qui était douloureuse,
06:00 à la fois par rapport au fait de l'occupation,
06:04 mais également parce que, dans le fond, ça avait divisé profondément la France,
06:08 et qu'au moment de la libération, il y a eu des règlements de compte,
06:12 pas toujours en point d'une grande justice.
06:14 Je pense que c'est une méthode, mais il faut le dire quand même,
06:18 il faut s'en souvenir.
06:19 Mon père, tout en étant, en ayant été résistant,
06:23 n'a pas souhaité entrer dans ce débat,
06:26 et en a, en fait, peu parlé.
06:28 On trouve la même chose, je pense, d'ailleurs,
06:30 dans beaucoup de gens qui ont vécu de grands événements,
06:32 en général, ils sont assez discrets.
06:34 C'est ceux qui en ont fait le moins, souvent, qui en parlent le plus.
06:36 - Il y avait une formule, les véritables résistants de 1944,
06:39 ce sont ceux qui, pendant 4 ans, ont résisté à la résistance.
06:43 - Oui, tout à fait.
06:44 - Alors, il faut savoir que ce maquis de la tourette,
06:46 c'était important, car il l'avait déformé
06:49 pour le jour du débarquement, le 6 juin 1944.
06:51 - Oui, c'est tout à fait ça.
06:53 La seule chose dont m'est parlé mon père,
06:56 c'est le nom de code qui leur avait permis
06:59 de rejoindre le maquis, puisqu'ils ont fait une résistance passive
07:02 pendant près de 2 ans,
07:06 avec un officier de gendarmerie qui s'appelle Distria,
07:10 dont le frère, lui aussi, était résistant en Corse.
07:13 Bien sûr, pour tous ceux qui n'ont pas suivi cette période
07:15 et qui s'y intéressent peu,
07:17 ça a été deux grands noms de la résistance française,
07:20 en particulier ce qu'on appelait la zone libre.
07:22 - Alors, les messages codés qu'on connaît, bien sûr,
07:25 les sanglots longs, les violons de l'automne,
07:27 c'est 5 juin 1944,
07:28 mais on a oublié que le premier message codé,
07:31 c'est un ingénieur qui s'appelle Georges Béguet,
07:33 qui a été parachuté en France le 5 mai 1941,
07:35 je ne sais pas si vous le savez, Christian Proutot,
07:37 il est à Nantes, il veut envoyer des messages par radio,
07:40 et il a l'idée de faire des codes, et c'est comme ça que c'est né.
07:42 - Ah, je ne savais pas, donc...
07:45 En dehors de tout ce que nous pourrons échanger ensemble,
07:47 j'ai bien fait de venir.
07:48 - Alors, vous êtes né juste avant le jour J,
07:50 2 mois avant, le 7 avril 1944, à Béziers,
07:53 et vous avez grandi en Corse,
07:55 à Gizonatcha.
07:58 - Ne troublons pas les Corses, en prononçant mal le nom.
08:02 - Voilà, et d'ailleurs, dans cette ville,
08:04 il y a un pistachier lantisque,
08:06 qui a été l'arbre de l'année 2011,
08:08 qui est un arbre exceptionnel, je ne sais pas si vous le connaissez.
08:10 - Non, je ne le connais pas, j'ai quitté la Corse
08:14 pour les enfants de troupe,
08:17 mes parents n'étaient pas encore partis,
08:20 et je dois avouer qu'en dehors de mes copains,
08:22 et de mon maquis adoré, parce que j'ai adoré grandir dans le maquis,
08:27 de mon instituteur, qui était un instituteur à l'ancienne,
08:30 comme on l'imagine M. Stéphanie,
08:32 eh bien, j'avoue que je ne savais pas qu'il y avait ce pistachier.
08:39 - Alors, il y a eu la Corse, et puis il y a eu, je crois, le lycée militaire d'Autun,
08:43 qui est un des 6 militaires réservés aux militaires des armées,
08:46 où vous avez fait des études aussi.
08:48 - Oui, voilà, j'ai fait 2 ans au lycée militaire d'Autun,
08:51 où mon père est passé également.
08:54 - Et dont les jardins avaient été dessinés par le nôtre.
08:55 - Absolument, et puis on voit, comme dans beaucoup de cette région,
09:00 les fameux toits avec des ardoises colorées,
09:03 et étonnamment, mon petit-fils a fait sa prépa pour Saint-Cyr,
09:08 également en Autun.
09:09 Donc, il y aura une succession de la fille,
09:14 lui, il ne s'appelle pas Prouto, c'est le fils de ma fille,
09:17 mais de gens avec une partie du sang Prouto,
09:20 qui sera passé par cette école, qui est une très très belle école.
09:24 - Et qui vous a permis d'avoir une rigueur que vous avez conservée.
09:27 - Oui, parce qu'on se rend compte que le cadre militaire
09:32 qu'il y avait dans ces écoles militaires,
09:35 vous donne tout un tas de règles,
09:38 même au-delà même de ce que vous pouviez imaginer de vous-même,
09:41 ça vous donne une empreinte,
09:44 et ça vous permet peut-être d'avoir quelque chose
09:48 qui vous permettra ensuite d'être construit.
09:51 Je pense qu'on ne vient pas de nulle part,
09:53 on est construit par ses maîtres,
09:55 ce qu'on a un peu tendance à oublier actuellement,
09:58 par rapport au rapport qu'il doit y avoir avec l'école,
10:01 on ne vient pas de nulle part, on a des parents, c'est sûr,
10:04 mais on a aussi des maîtres, des gens qui nous ont enseignés,
10:09 et je les connais tous, je me souviens tous d'eux,
10:12 parce que je sais ce que je leur dois.
10:14 - C'est un privilège, non, aujourd'hui, d'avoir eu des maîtres
10:17 qui vous ont apporté beaucoup de choses ?
10:18 - Absolument, c'est un privilège, ou du moins,
10:21 j'espère que non, qu'il y a quand même beaucoup de professeurs,
10:26 hommes ou femmes, qui réussissent à transmettre quelque chose,
10:31 mais je ne suis pas persuadé que la jeunesse ait tout à fait conscience
10:36 qu'il y a cette richesse d'avoir justement
10:40 cette possibilité d'aller à l'école.
10:43 Juste une digression, je corrige le mot,
10:45 j'ai aidé un de mes anciens du GIGN, qui a des soucis de santé,
10:51 mais sa fille a écrit avec lui un livre sur sa vie,
10:54 dont toute une partie de son enfance en Bretagne.
10:57 Et quand on voit ce qu'étaient,
10:59 pourtant il n'a que 4 ans de plus que moi,
11:01 ce qu'étaient les campagnes à notre époque,
11:04 et ce qu'étaient à une autre époque, qui n'est pas si éloignée que ça,
11:08 1940, et de voir le fait, la déception qu'il a eu
11:13 d'être obligé de s'arrêter à son certificat d'études,
11:17 parce que ses parents petits paysans n'avaient pas les moyens
11:20 de lui payer de continuer ses études,
11:23 on se rend compte quel est le privilège de notre jeunesse
11:25 qui ne le mesure pas toujours.
11:27 - Et on va évoquer une époque qui n'est pas 1940,
11:29 mais qui n'est pas très lointaine,
11:31 avec une autre date, le 9 avril 1975.
11:34 A tout de suite sur Sud Radio avec Christian Proutot.
11:37 - Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
11:39 - Sud Radio, les clés d'une vie,
11:41 on a invité Christian Proutot, fondateur du GIGN,
11:45 on va l'évoquer à travers un livre,
11:46 le GIGN par ceux qui l'ont commandé de Pierre-Marie Giraud
11:50 et les commandants du GIGN, vous avez été le premier,
11:52 chez Marie-Édition, et puis on continue votre parcours,
11:55 parce que votre parcours a commencé par des écoles,
11:58 par une envie de faire ce métier, et le 9 avril 1975,
12:02 ce sont vos débuts et je crois vos adieux au cinéma avec ce film.
12:05 "Peur sur la ville" d'Henri Verneuil,
12:11 vous descendez dans la scène finale,
12:13 en corde de rappel sur un hélicoptère.
12:15 - Ah oui, c'était un grand moment d'abord d'avoir croisé Bébel,
12:18 parce qu'on est tous des enfants,
12:22 et de croiser d'un coup un héros de cinéma,
12:25 même si ce n'est qu'un héros de cinéma,
12:28 c'est déjà un privilège,
12:30 et qu'ensuite ce héros de cinéma qui était Bébel,
12:33 qui était adoré, adulé,
12:35 lui-même vienne dire après, parce qu'il y a eu un après,
12:39 le tournage dire à tout le monde "j'ai tourné avec Proutot",
12:42 c'était quand même quelque chose d'assez surprenant,
12:44 et je ne pouvais pas ne pas le croiser,
12:46 soit dans ces cantines,
12:49 il nous est arrivé de nous croiser quelques fois,
12:51 et chaque fois il venait vers moi avec le souvenir de ce film.
12:54 Et en fait Verneuil avait vu un tournage sur le GIGN,
12:57 avait vu cette descente en rappel que nous avions inventée,
13:00 qui était un système pour approcher tous les bâtiments élevés
13:04 le plus discrètement possible,
13:06 et il s'était dit "il me faut ça dans mon film",
13:08 et il était allé voir l'agent Lamory,
13:10 il était d'abord venu me voir,
13:12 puis il était venu voir l'agent Lamory,
13:14 et il avait voulu absolument qu'il y ait cette scène finale,
13:19 où Bebel était accroché à un treuil,
13:21 mais nous on faisait vraiment les descentes en rappel,
13:24 et le final du film,
13:26 c'est avec le concours du GIGN,
13:27 et je dois avouer que ce film qui est beaucoup vu,
13:32 en plus, qui repasse souvent,
13:34 on se dit quand même que c'était incroyable d'avoir pu participer,
13:38 tout en étant gendarme,
13:39 à un film comme celui-là, très populaire et très apprécié.
13:43 - Il a fallu faire des répétitions,
13:44 c'était pas simple de régler le système pour que ça fonctionne ?
13:48 - Oui, on a fait 4 jours de répétition,
13:51 et nous nous descendions en rappel très vite,
13:54 et à un moment on voit arriver des ambulances,
13:57 et en fait il y avait des gens de loin qui n'avaient pas vu qu'il y avait une corde,
14:01 et comme on descendait à peu près à 10 mètres par seconde,
14:03 ça faisait presque la chute libre,
14:05 ils ont cru qu'il y avait quelqu'un qui était tombé de l'hélicoptère,
14:08 et le tournage avait été arrêté parce que les ambulances étaient en bas,
14:12 pendant qu'il aurait dû y avoir le tournage,
14:16 le ping-pong était un peu trop à ce moment-là.
14:18 - Vous aviez un gilet spécial je crois, Christian Proutot ?
14:20 - Oui, on avait, pour que les cordes ne brûlent pas l'épaule et pouvoir descendre plus rapidement,
14:26 on bricolait nous-mêmes nos blousons avec du cuir par-dessus,
14:31 parce que ça fumait, la corde passait sur l'épaule,
14:33 et on avait un mousqueton devant,
14:35 et on se tenait avec le bras pour descendre plus vite,
14:38 c'était à l'ancienne avant qu'il existe les descendeurs,
14:41 et évidemment on avait une allure un peu particulière avec ces blousons.
14:46 - Le problème c'était les cordes justement, parce qu'il n'y en avait pas assez au GIGN,
14:51 et je crois que les producteurs ont financé l'achat de cordes, Christian Proutot.
14:55 - Oui, c'est ce qui s'est passé, je me suis dit, mince, il faut profiter du tournage,
14:59 parce que Verneuil avait passé ce qu'on appelait une convention avec la gendarmerie,
15:05 et quand il a vu ce que l'un des gendarmerie lui demandait,
15:08 il dit "je signe où ? je peux même signer deux fois",
15:11 je me suis dit "ça prouve qu'il n'a pas dépensé assez de sous",
15:13 je suis allé le voir, je lui ai dit "on va manquer de cordes pour le tournage,
15:17 vous ne pourriez pas nous payer les cordes",
15:18 et je lui ai commandé de quoi faire nos entraînements pendant un an.
15:22 Ce qui fait que c'est la production du film "Peur sur la ville"
15:25 qui a permis au GIGN de faire pendant plus d'un an ses entraînements.
15:29 - Alors je précise que dans d'autres scènes,
15:30 Jean-Paul Belmondo pendant ce tournage a été blessé à deux reprises,
15:34 la main déchirée avec une suspension et une gouttière,
15:37 et quelques coupures lorsqu'il a traversé une verrière, il s'en est remis.
15:41 - Oui tout à fait, c'était en particulier aussi,
15:43 je crois qu'il a failli se prendre une...
15:46 quand il est sur le toit d'un métro,
15:49 Verneuil trouvait que ça arrivait pas assez vite,
15:53 ils ont mal calculé par rapport au freinage,
15:57 et il y avait un portique avec des feux,
16:03 et quand il a réalisé que le portique arrivait trop vite,
16:06 il a plongé et il s'était un peu foulé également le poignet dans cette situation.
16:11 Mais Bebel était extraordinaire parce qu'il voulait absolument
16:15 participer à tout et être le moins doublé possible.
16:19 - Et c'est grâce à ce film, Christian Proudhon,
16:22 que le public a découvert le tir simultané, le tir à l'arme au point.
16:26 - Alors le tir de lame de point, oui, mais pas forcément le tir simultané,
16:30 le tir simultané ça a été sur une grosse opération par la suite,
16:34 mais c'est vrai qu'on a surtout découvert l'existence de cette unité
16:38 qui naissait, qui était le GIGN, puisqu'on m'a demandé de créer l'unité le 24 août 73,
16:45 donc il y a eu 50 ans le 24 août 2023,
16:50 et cette année le GIGN va fêter ses 50 ans opérationnels.
16:53 - Alors ça commence je crois dans le bureau du général Hérault,
16:56 vous arrivez au garde à vous et vous proposez de créer le GIGN,
16:59 ce qui semble une aberration au départ.
17:01 - Oui, parce que pour la gendarmerie,
17:05 qui avait besoin d'unités un peu spécialisées,
17:09 avec des gens, avec un entraînement qui soit pas...
17:12 La gendarmerie préférait avoir des gens qui soient interchangeables.
17:17 Donc monter une unité avec des spécialistes,
17:20 poser un problème par rapport à des années et des années de formation militaire
17:26 où tout gendarme doit être capable d'occuper à peu près n'importe quel poste.
17:30 Elle leur a expliqué qu'il fallait une unité capable de faire que des arrestations
17:34 avec des tireurs d'élite.
17:36 C'était insensé pour la plupart, sauf pour le général Hérault,
17:40 qui l'avait quand même compris puisqu'il avait soutenu la formation
17:44 d'un centre d'entraînement dit commando au départ.
17:46 Et c'est grâce à ce centre d'entraînement commando
17:49 que malheureusement après le drame de Munich,
17:52 la prise d'otage qui s'est déroulée pendant les JO,
17:55 la gendarmerie a décidé de créer cette unité.
17:57 - Oui, parce que vous aviez repéré ce problème en lisant des tas de dossiers,
18:02 des tas de livres, vous aviez senti qu'il manquait quelque chose, Christian Touteau.
18:05 - Absolument, la gendarmerie avait connu deux gros échecs
18:08 dans des arrestations difficiles qu'on appelle les forcenés
18:11 ou les prises d'otage familiaux quand il y a un drame familial,
18:16 qui c'était malheureusement toutes les deux l'affaire Sesta en 69
18:22 et puis l'affaire Buffet-Bontemps dans une prison en 71,
18:26 terminée par la mort des otages, avec une mauvaise analyse,
18:30 une mauvaise interprétation psychologique des événements
18:33 et surtout après, donc déjà la gendarmerie avait connu ces deux gros échecs
18:38 et ensuite malheureusement il y a eu l'affaire de Munich
18:41 où les allemands, eux, ont connu cet échec énorme
18:44 qui a conduit à la mort de 11 otagistes israéliens
18:48 pendant les JO de Munich en 1972.
18:52 - Lorsque vous arrivez dans le bureau du général Hérault, Christian Proutot,
18:55 vous êtes jeune diplômé, mais les études ont été longues,
18:58 64-71, parce qu'il y a eu un parcours et vous avez redoublé.
19:03 - Oui. - Ce qui est assez rare dans ce métier.
19:06 - Il se trouve que j'aurais dû rentrer à Saint-Cyrco-de-Quidin en 2 ans
19:13 et je suis rentré en 3 ans, donc j'ai fait une année supplémentaire.
19:16 Les mauvaises langues disent que c'est parce que je me trouvais trop bien en prépa.
19:22 - On n'imagine pas le travail que ça représente
19:24 parce que ça a été des années de travail pour arriver à obtenir le brevet.
19:28 - Oui, parce que la formation militaire, contre moi, aux idées reçues,
19:32 est quelque chose de très long actuellement
19:35 pour faire un officier entre la prépa et les années d'école,
19:40 il faut au moins 5 ans.
19:42 Donc un jeune qui rentre en prépa, il a 18 ans,
19:48 pour peu qu'il cube, donc qu'il se fasse une année supplémentaire,
19:52 il ne se retrouve pas sous-lieutenant avant 23 ans.
19:55 - Je sais qu'au départ, votre père était très fier que vous preniez ce chemin,
19:59 mais votre mère a pleuré parce qu'elle aurait rêvé de vous voir dans le cinéma ou le théâtre.
20:03 - Voilà, maman voyait plutôt son fils comme un artiste
20:08 et tout d'un coup, le redécouvrir avec l'angoisse qu'elle avait déjà eue,
20:12 elle, pendant que mon père était au Maquis,
20:14 et puis quand il était en Corse à poursuivre,
20:18 mon père a quand même eu 12 meurtres à résoudre en 7 ans, ce qui n'est pas rien,
20:22 qui prouve que la Corse n'est pas toujours le pays tranquille
20:26 auquel on pourrait penser à travers les plages idylliques.
20:30 Tout d'un coup, voir son fils endosser l'uniforme militaire
20:36 et ensuite de qui plus est de gendarme,
20:38 avec toutes les contraintes et les risques qui pouvaient y avoir,
20:41 ça ne l'a pas fait sourire.
20:43 - Et aujourd'hui, le mot GIGN est dans le langage courant,
20:45 tout le monde en a dit, comment il est né ce mot ?
20:47 Pourquoi le GIGN ?
20:49 - Au départ, c'était une petite unité,
20:53 donc il fallait trouver un mot qui ne soit pas commando,
20:57 et on a pensé à "intervention".
20:59 Et comme on n'était pas beaucoup, on a dit "c'est un groupe d'intervention",
21:04 comme il représentait la Gendarmerie nationale,
21:07 c'était le groupe d'intervention de la Gendarmerie nationale.
21:09 Quand on voit la taille du groupe de l'époque,
21:13 c'est-à-dire qu'on était 17 au départ,
21:15 et que maintenant, en comptant les différentes structures du GIGN,
21:22 on n'est pas loin de 1000 avec les antennes régionales et tout,
21:25 ça porte toujours le nombre de groupes.
21:28 Ça peut paraître un peu bizarre, mais c'est comme ça.
21:30 On a conservé l'acronyme qui lui va si bien.
21:35 - Et qui lui va tellement bien qu'on continue à en parler tout à l'heure avec ce livre,
21:39 et puis avec une autre de vos activités à travers une date, le 4 juillet 1982.
21:45 A tout de suite sur Sud Radio avec Christian Proutot.
21:47 - Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Pessis.
21:50 - Sud Radio, les clés d'une vie, mon invité est Christian Proutot,
21:54 fondateur du GIGN, à l'occasion de ce livre signé Pierre-Marie Giraud,
21:58 avec les commandants du GIGN dont vous êtes le premier,
22:01 le GIGN par ceux qui l'ont commandé chez Marie-Edition.
22:05 On va en parler tout à l'heure, on a évoqué vos débuts dans le GIGN,
22:08 comment vous avez créé ce groupe.
22:10 Et puis le 4 juillet 1982, vous avez changé d'orientation
22:14 puisque vous arrivez à l'Elysée comme conseiller du président de la République François Mitterrand.
22:19 - Oui, comme vous dites, vous arrivez, j'y suis arrivé, mais à reculons,
22:23 parce que je ne voulais pas y aller.
22:25 En fait, en 1981, lors de l'arrivée de la gauche,
22:27 le GIGN a joué sa vie, carrément, puisque la gauche était persuadée
22:32 que la droite ne supporterait pas l'élection d'un président de gauche,
22:37 et que vraisemblablement, il pourrait y avoir des actions d'extrême droite.
22:41 On a appelé ça le syndrome d'Allende, ça m'a d'ailleurs été confirmé
22:44 par le président lui-même, quelques temps plus tard.
22:47 Et il a été annoncé que le GIGN allait être dissous.
22:50 N'acceptons pas que mon État puisse être dissout,
22:52 non pas par rapport à des idées d'engagement politique personnel,
22:56 simplement parce que je trouve que c'était une unité indispensable pour mon pays.
23:00 Sans avoir le soutien de ma hiérarchie,
23:05 qui a carrément considéré que c'était une décision politique,
23:08 donc il fallait l'appliquer, avec un directeur me disant
23:11 "je ne veux pas entendre de bruit, prévenez vos hommes, ils vont être dissous".
23:15 Ça a commencé à transpirer dans la presse,
23:17 et j'ai trouvé le moyen de rencontrer M. Ernest,
23:23 - Il était ministre à l'époque. - Il était ministre de la Défense,
23:26 et à me faire fils de gendarme, peut-être ça a joué un petit peu,
23:30 et à me faire entendre, et lui dire "avant de décider quoi que ce soit
23:34 sur l'avenir de cette unité qui est indispensable pour le pays,
23:37 est-ce que vous pourriez lui donner une chance, M. le ministre,
23:41 de vous montrer ce qu'il est capable de faire, et surtout de ne pas faire,
23:44 puisqu'il y avait, d'une manière sous-jacente, tout le monde l'avait dit,
23:47 le fait que des tireurs d'élite pouvaient à un moment ou à un autre s'en prendre,
23:52 essayer de faire basculer une décision d'élection d'un président.
23:59 Et il a accepté, il est venu avec la Commission parlementaire de défense,
24:02 et il a dit "on ne peut pas se passer d'une unité comme le GIGN,
24:07 et je pense que messieurs les députés seront d'accord avec moi".
24:12 Et les parlementaires ont trouvé, avec la démonstration magnifique qu'on avait faite,
24:17 puisque on savait, j'avais dit à mes hommes "on joue notre avenir,
24:22 vous avez intérêt à être bons", et ils ont été plus que bons,
24:25 on a fait une superbe démonstration, et on nous a fait continuer.
24:28 Sauf qu'il y avait dans les conseillers, au moment des questions,
24:32 un des conseillers de Mitterrand, qui est devenu quelqu'un de très important
24:36 au niveau européen, qui s'appelle François Heisbourg,
24:39 qui lève le doigt parmi les questions,
24:41 "Quelles questions vous avez à poser ?"
24:43 Je leur demandais, après cette démonstration,
24:46 et il me dit "si M. Sadat avait été assassiné au mois d'octobre",
24:50 et la démonstration, donc au mois d'octobre 1981,
24:53 et là nous étions au mois de mai 1982, un an après l'élection.
24:58 Et il me dit "si vous aviez été en charge de la sécurité de M. Sadat,
25:03 est-ce qu'il serait vivant ?"
25:04 Je dis "M. le conseiller, j'ai vu les images, je ne peux pas vous dire,
25:09 ce que je sais c'est que les tueurs n'auraient pas franchi
25:12 la première marge de l'estrade."
25:15 Ça a dû avoir un effet, puisque un mois après, mon directeur me dit
25:19 "vous allez voir M. de Grossour."
25:20 Alors je dis à mon directeur "M. de Grossour, c'est qui ?"
25:24 "Enfin, mon commandant, c'est le conseiller spécial du président de la République,
25:29 allez le voir, allez le liser tout de suite."
25:31 Et j'ai rencontré François de Grossour, qui m'a dit "voilà,
25:34 lisez ce rapport."
25:35 Il avait fait faire une étude par l'ancien SDEC, qui venait s'appeler la DGSE,
25:41 sur la sécurité du chef de l'État, qui montrait qu'il n'y en avait pas.
25:46 Et il m'a dit "vous avez un quart d'heure pour lire ce rapport,
25:51 et venez me donner vos conclusions."
25:54 Donc je reviens le voir, j'ai écouté...
25:57 Si les gens qui ont fait ça, puisqu'en gros ils avaient eu pour mission
26:00 de tuer le président de la République,
26:02 si les gens qui ont pu faire ça n'ont pas eu d'aide,
26:05 n'ont pas utilisé leur carte professionnelle et tout, c'est insensé.
26:08 J'imaginais pas, Christian Proutot,
26:11 que le président de la République puisse être à ce point,
26:14 ou du moins ne puisse pas être à ce point,
26:16 protégé, étant le premier personnage de l'État,
26:19 élu au suffrage universel, avec tout ce que ça comporte par rapport à un pays,
26:24 par rapport à l'équilibre.
26:25 Et on voit les troubles que ça a pu causer, en particulier aux États-Unis,
26:29 avec des régimes présidentiels.
26:31 Il me dit "Non, non, je suis d'accord avec vous, c'est n'importe quoi,
26:34 donc vous avez une semaine pour me faire des propositions."
26:37 Et j'ai fait une étude en lui disant "Voilà, il faut une unité,
26:41 formée à l'instar du GIGN, avec des gens sélectionnés,
26:45 et avec un objectif sur la sécurité,
26:48 qui ne s'arrête pas simplement à la sécurité de contact,
26:51 que l'on appelle les gardes du corps,
26:53 mais quelque chose d'un peu plus en profondeur,
26:56 donc une sécurité à quatre niveaux, à quatre cercles, que l'on appelle."
26:59 Il m'a dit "Bon, c'est très bien."
27:01 Au bout d'une semaine après lui avoir rapporté ça,
27:03 "Vous allez voir M. Rousselet, qui était à l'époque
27:06 le directeur de cabinet de François Mitterrand,
27:10 et vous lui dites que je suis d'accord,
27:13 que votre proposition, c'est très bien."
27:15 Donc je vais voir Rousselet, je lui explique ce que me dit De Grosso,
27:20 il me dit "Moi j'y connais rien en sécurité,
27:22 si De Grosso dit que c'est bon, c'est bon pour moi aussi."
27:25 "Bon, vous commencez demain."
27:26 "Ah non, non, non, je ne fais pas du tout ça,
27:30 moi je suis GIGN, je commande le GIGN, je vous fais l'unité,
27:35 mais mon commandant vous n'avez rien compris, c'est vous qu'on veut."
27:38 Et après plusieurs tractations, refus et autres,
27:43 au bout de la troisième fois quand même,
27:45 parce qu'entre temps il m'a dit "Qui pourrait vous conseiller,
27:48 vous vous rendez compte de ce qu'on vous propose,
27:50 conseiller du président de la République,
27:52 votre directeur, il l'appelle Charles Barbeau,
27:55 qui était le directeur de la Gendarmerie,
27:57 je ne comprends pas, j'ai le commandant devant moi,
27:59 il ne veut pas prendre le commandement de l'unité qu'il doit créer,
28:03 est-ce que vous ne pourriez pas lui faire entendre raison, etc."
28:07 Puis à la fin je crois avoir une idée lumineuse,
28:09 je lui dis "Bon, d'accord, je vais accepter,
28:11 si François Mitterrand me dit qu'il est d'accord pour que ce soit moi."
28:16 Et il me dit "Mais pourquoi pas ?"
28:17 Et on était le 5 ou 6 juillet,
28:20 il appelle devant moi le secrétaire arrière,
28:23 et il lui dit "Voilà, trouvez-moi un rendez-vous pour le commandant Prouto,
28:28 qui est devant moi, avec le président."
28:30 Et mon dernier argument s'écroulant,
28:33 je me suis retrouvé le 13 juillet 1982,
28:38 devant François Mitterrand,
28:41 qui en fait était content de me voir,
28:43 mais bon, on lui avait dit que c'était Prouto, pourquoi pas.
28:46 - Alors il se trouve qu'en plus la sécurité de François Mitterrand n'était pas simple,
28:49 parce qu'il se baladait souvent dans Paris,
28:52 il avait joué au golf,
28:53 un jour il va chez Dalida, à Montmartre,
28:56 il y va sans garde du corps,
28:58 c'était un peu compliqué pour vous, Christophe Prouto ?
29:00 - Oui, c'était non seulement compliqué que...
29:03 je ne connaissais pas tout.
29:05 Puisque quand j'ai...
29:08 donc je monte mon unité,
29:10 la première chose qu'il me demande, nous étions le 13 juillet, je le rappelais tout à l'heure,
29:15 il me dit "Mais demain, vous venez avec moi,
29:17 on va descendre les Champs-Elysées ensemble."
29:19 Donc, avant même d'avoir monté quoi que ce soit,
29:22 comme si ma seule présence pouvait présenter un rempart,
29:25 si tant est qu'il y ait eu un danger,
29:28 j'ai accompagné le président de la République pour son deuxième 14 juillet,
29:32 en tant que chef d'État.
29:34 François Mitterrand donc.
29:36 Et...
29:37 je lui dis "Voilà, je vais partir voir les Américains,
29:42 mais débrouillez-vous, c'est votre mission,
29:44 je pars aux États-Unis, je vois un peu comment travaillent les Américains,
29:48 je reviens et je lui demande, je lui dis "Monsieur le Président,
29:51 qu'est-ce que je dois couvrir ?" Parce que la sécurité d'un chef d'État,
29:54 contrairement à ce qu'on imagine, ça ne s'arrête pas à lui,
29:56 ça serait trop simple.
29:58 Parce que les gens qui sont importants pour lui peuvent,
30:01 s'ils sont l'objet de menaces et tout,
30:03 représenter une pression sur lui,
30:05 ou servir de moyen de pression.
30:08 Et je dis "Qu'il faut que je vois..."
30:11 Alors il me dit "Mais mon épouse,
30:13 donc Mme Mitterrand,
30:15 elle a son équipe de...
30:17 on appelait ça les VO à l'époque, Voyages Officiels,
30:20 elle ne veut pas de...
30:22 bon, il y aura mon équipe, mes petits-enfants,
30:24 parce que donc il avait ses petits-enfants,
30:26 ses fils avaient des enfants très jeunes,
30:29 je ne veux pas qu'il leur arrive quelque chose du fait
30:32 du poste que j'occupe,
30:34 et il me dit "Pour le reste, allez voir Rousselet,
30:37 fera Sibylline s'il en est."
30:39 Alors il y avait un bureau à travers, c'est-à-dire le secrétariat particulier,
30:43 je vais voir Rousselet, "Mais enfin, vous me dérangez,
30:45 mon commandant, qu'est-ce qui se passe ?"
30:47 Je lui dis "Écoutez, voilà, j'ai vu le président
30:49 pour faire son entourage de protection,
30:52 il m'a dit ce que je devais protéger,
30:54 qui je devais protéger, son frère qui était général,
30:57 qui était à l'époque menacé par Action Directe,
31:00 sa sœur, et il m'a dit "Pour le reste, de voir avec vous."
31:03 "Ah, c'est délicat et tout, allez voir Degrossouvre."
31:06 Il me prend par le bras,
31:08 et il me conduit vers l'extérieur,
31:10 "Je vais voir Degrossouvre."
31:11 Il me voit arriver, je tape,
31:13 "Enfin mon petit, je suis très occupé."
31:15 Il appelait tout le monde "mon petit",
31:16 "Qu'est-ce qui se passe ?"
31:18 J'ai découvert la phrase magique,
31:19 je lui dis "Je sors de voir le président."
31:21 "Ah bon, entrez."
31:22 Alors là, à ce moment-là, d'un coup,
31:24 il s'est montré plus aimable,
31:26 je dis "Voilà, il m'a dit que..."
31:28 Je lui ai demandé, pour le reste de sa sécurité,
31:30 qui je devais, en dehors de toutes les personnalités
31:33 que nous avions à protéger,
31:36 dont lui, bien sûr,
31:37 qui il fallait que je protège,
31:40 et le reste, M. Rousselet m'a dit
31:41 "Venez voir avec vous qui c'était."
31:44 Il dit "Écoutez, c'est compliqué,
31:46 il y a une deuxième famille."
31:48 Voilà comment j'ai découvert l'existence
31:49 de Mazarine et de sa maman,
31:51 avec tout le poids qu'elles pouvaient représenter,
31:54 la difficulté de devoir,
31:56 en plus d'un système officiel,
31:59 avoir une deuxième famille officieuse à protéger.
32:02 - Et vous lui avez permis, Mazarine,
32:03 de passer une enfance heureuse et discrète,
32:05 je crois, Christophe Roux.
32:06 - Oui, c'est ce dont je suis le plus fier,
32:08 je me dis que quelqu'un comme elle,
32:11 a pu, grâce à cette chape de plomb
32:14 qu'on a mis autour d'elle et sa maman,
32:16 qui bien évidemment n'a pas été facile à vivre pour eux,
32:19 lui a permis quand même d'avoir une enfance
32:23 à l'écart de tout ce qui se passe au niveau médiatique
32:27 quand vous êtes la fille non connue
32:32 d'un président de la République.
32:34 - Et puis vous avez eu une autre mission
32:36 un peu plus tard, écoutez.
32:38 - Je proclame l'ouverture des Jeux olympiques d'Alberville.
32:43 - Car vous avez aussi été chargé de la sécurité
32:46 des Jeux olympiques d'Alberville en 93,
32:48 qui étaient les derniers Jeux d'hiver
32:50 qui coïncidaient avec ceux d'été à Barcelone.
32:52 Et là aussi, ça a été 10 000 hommes
32:53 et pas mal de soucis, Christian Prouto.
32:55 - Tout à fait, c'est 92 en fait,
32:57 puisque, comme vous le dites,
32:59 c'était les deux derniers Jeux olympiques
33:01 qui coïncidaient avec les Jeux d'été.
33:03 Et ensuite, il devait y avoir un décalage
33:04 qui a eu lieu avec les Jeux d'hiver norvégiens,
33:08 l'Ille de Hameur.
33:09 Et au départ, j'ai considéré ça un peu comme punition
33:13 parce que j'avais ambitionné une autre partie de carrière.
33:17 Et puis, j'allais dire,
33:19 quelques soucis récurrents qui me poursuivaient.
33:21 On conduit à ce que le poste qui devait m'être confié,
33:24 qui devait être pour moi un peu le Graal,
33:28 la direction de la Gendarmerie ne m'a pas été confié,
33:31 et qu'on m'a confié les Jeux olympiques.
33:33 Et de la même manière que je suis allé à reculons
33:35 pour la sécurité de François Mitterrand,
33:38 je suis allé dans un premier temps à reculons,
33:41 n'ayant pas ce que je voulais.
33:44 Puisqu'entre temps, j'étais passé préfet,
33:46 donc il aurait été très possible que je prenne ce commandement.
33:49 Je suis passé au JO et j'ai découvert
33:53 qu'en fait, ce n'était pas du tout une petite mission.
33:56 Et j'ai eu ce privilège pendant quatre ans
33:59 de travailler sur des Jeux avec des moyens
34:02 et avec la possibilité de créer une mission inter-service
34:07 où tous les corps qui étaient impliqués ont pu travailler
34:10 sous un même commandement, puisque j'avais fait désigner
34:14 par zone olympique des sous-préfets,
34:16 dont l'un d'entre eux qui était auprès du comité d'organisation,
34:21 M. Stroda, qui est devenu un ami après,
34:23 a été directeur de cabinet du président de la République actuel pendant des années.
34:27 – Et vous avez géré les moindres détails
34:28 grâce à un système de gestion de crise que vous avez inventé.
34:31 – Ah bah, vous êtes vraiment au courant de tout.
34:33 Oui, on a développé un système qui est un système d'aide à la décision
34:37 qu'on appelle maintenant l'intelligence artificielle
34:40 et qui est un système qui, à l'époque, avec les outils,
34:42 les moyens informatiques qu'il y avait,
34:44 qui étaient un peu préhistoriques par rapport aux moyens actuels.
34:47 À titre indicatif, je dis toujours qu'il y a
34:49 100 fois moins de puissance de mémoire dans mon téléphone portable
34:54 que j'en avais dans des bécanes qui étaient pratiquement grosses
34:58 comme les meubles, le porte haut-parleur qu'il y a derrière vous.
35:03 Et c'est ce qui s'appelait des DPX1000
35:05 et qui était pourtant à l'époque le nec plus ultra-informatique.
35:09 Et on a développé un système de gestion de crise générique,
35:12 c'est-à-dire que non, on ne gérait pas la crise en fonction de chaque événement,
35:17 je prends un truc, une attaque terroriste,
35:19 un emneigement trop important, un déraillement, un accident aérien,
35:24 mais le système est un système générique qui apportait une réponse,
35:28 une aide à la décision par rapport aux moyens indispensables
35:32 pour apporter une réponse et une aide technique
35:35 à celui qui avait le commandement de la sécurité des jeux,
35:38 c'est-à-dire votre serviteur et le préfet de Savoie.
35:40 – C'est une belle aventure, il y en a eu d'autres
35:42 et vous les racontez dans ce livre qu'on va évoquer à travers une autre date,
35:45 le 7 décembre 2023.
35:47 À tout de suite sur Sud Radio avec Christian Proutot.
35:49 – Sud Radio, les clés d'une vie, Jacques Tessis.
35:52 – Sud Radio, les clés d'une vie, mon invité Christian Proutot,
35:56 nous avons évoqué vos débuts au GIGN, votre carrière à l'Élysée,
36:00 les Jeux Olympiques et puis donc le 7 décembre 2023,
36:03 à tous les livres que vous avez publiés s'ajoute celui signé
36:07 Pierre-Marie Giraud et les commandants du GIGN,
36:09 le GIGN par ceux qui l'ont commandé chez Mareuil Éditions
36:13 et pour la première fois, vous, comme les autres commandants,
36:16 racontent cette unité.
36:18 Vous avez voulu participer à ce livre qui était important
36:20 pour compléter tout ce que vous aviez écrit.
36:22 – Oui, je crois qu'il était essentiel puisqu'on est dans la période
36:27 des 50 ans de la création du GIGN mais surtout de son passage opérationnel,
36:32 puisque comme je le rappelais tout à l'heure,
36:33 le GIGN a été formellement créé quand on m'a donné la mission,
36:37 donc en août 73, le temps de former les hommes,
36:45 il est devenu opérationnel le 1er mars, c'était une gageure,
36:49 je ne vous le cache pas, mais la Gendarmerie voulait avoir
36:51 un outil très rapidement, le 1er mars 74.
36:55 – Mais je crois d'ailleurs qu'il y avait des volontaires,
36:59 ils ne savaient pas du tout ce qu'ils venaient faire,
37:01 il y avait 25 personnes, vous en avez gardé 18,
37:03 et après il y a eu un sacré entraînement.
37:05 – Oui, parce que bien évidemment lorsque vous créez une unité
37:09 et on demande des volontaires, moi ce que je voulais au départ,
37:13 ne pas me retrouver dans le chemin dans lequel s'étaient retrouvés les Allemands
37:18 ou pour monter l'opération qui a été ce désastre qu'on évoquait tout à l'heure,
37:22 ils ont pris des gens qu'ils ont désignés pour aller faire une opération difficile,
37:27 s'opposer à un commando, ce n'est pas n'importe qui qui peut le faire,
37:32 donc si vous ne préparez pas les gens, c'est une escroquerie.
37:35 Donc il a fallu les sélectionner en tant que volontaires,
37:38 sauf que comme vous le soulignez, ils ne savaient pas trop où ils allaient,
37:41 la plupart d'ailleurs ont choisi ce boulot d'une manière
37:46 qui n'était pas tellement objective, puisque certains,
37:48 c'est parce qu'ils m'avaient connu en tant qu'instructeur au centre commando,
37:52 donc ils trouvaient que j'étais un peu atypique par rapport aux autres,
37:55 et d'autres parce qu'on leur avait parlé de moi en disant "ben plutôt,
37:59 une manière de me qualifier par rapport à la taille,
38:02 par rapport au... tu sais le grand qui porte des lunettes,
38:05 ou qui a les pantalons pâtes d'éléphant, parce que j'avais fait tailler mes pantalons
38:09 à la mode de l'époque, ce qui n'était pas courant chez les officiers de gendarmerie,
38:13 et ce côté atypique, pour un certain nombre de garçons,
38:16 qui étaient pour la plupart un peu en rupture de banc
38:20 avec une gendarmerie traditionnelle, c'était le moyen de faire quelque chose de différent.
38:25 Et c'était ça qui a fait la force du groupe, justement, c'est d'avoir à la fois des gens,
38:30 comme on dit chez les militaires, très carrés,
38:33 et des gens qui, par rapport à leur personnalité,
38:36 étaient un peu en opposition avec une gendarmerie traditionnelle.
38:39 - Alors, il y a eu, après vous, 11 directeurs du GIGN,
38:43 donc ces 12 patrons se sont réunis pour ce livre,
38:48 parce que finalement, vous ne cachez rien, c'est-à-dire que c'est un livre sans langue de bois,
38:52 où il y a la passion et l'émotion.
38:54 - Oui, parce qu'il faut bien se dire que, d'abord, les hommes que vous avez sont exceptionnels,
39:01 et ce passage de commandement, pour tous les 11,
39:04 puisque, en fait, c'est 12, mais 11, puisque Favier a eu le privilège d'être deux fois le patron du GIGN,
39:13 à la fois pour Marignane, la fameuse opération qui a marqué tous les esprits en 1994,
39:18 mais également lors de la grande réorganisation,
39:21 qui a conduit à ce que le GSIGN, qui regroupait les deux grandes entités que j'avais créées,
39:26 qui sont le GIGN en tant que tel, opérationnel, antiprise d'otages,
39:31 et le GSPR, étaient sous un même groupement, commandement.
39:35 Et pour des raisons de stratégie par rapport au ministère de l'Intérieur,
39:40 il a fallu que la Gendarmerie muscle le GIGN, qui est devenu cette grande entité,
39:45 et c'est Favier qui a pris ce commandement.
39:47 Et effectivement, à ce moment-là, tous les patrons, quand ils y passent, au groupe,
39:52 ça ne vous laisse pas indifférents.
39:53 Vous retrouvez à commander des hommes comme ceux-là,
39:56 et surtout les opérations dans lesquelles vous êtes engagés,
39:59 fait que votre vie après est impactée à jamais.
40:02 — Oui, votre vie, si vous la conservez, parce qu'il y a eu beaucoup de morts depuis le début du GIGN.
40:08 — Alors malheureusement, le GIGN, disons, dans l'entité des 4 premières lettres,
40:15 parce que maintenant, ça regroupe toutes les unités qui, maintenant, sont la composante du grand GIGN,
40:22 la partie intervention, donc celle qui a fait les prises d'otages,
40:25 qui a fait Marignane, qui a fait Djibouti, ou l'Oyada, suivant l'appellation qu'on veut lui donner,
40:30 les détournements d'avions qu'il y a eu avant, Jacques Robert,
40:34 la prise d'otages qu'il y avait eu à l'hôtel Fech avec les Corses, etc.
40:38 Cette unité a perdu 10 hommes à l'entraînement et 2 hommes en opération.
40:46 10 hommes en tout, 8 en l'entraînement et 2 en opération.
40:50 Ce qui montre que le prix qu'il a fallu payer, malheureusement, était très lourd.
40:55 — Et puis vous-même, vous avez été blessé. Et à ce moment-là,
40:58 vous avez compris la solidarité qui existait dans ce groupe, Christophe Poutot.
41:02 — Oui, parce que même si je savais que mes hommes étaient suffisamment exceptionnels pour me porter...
41:08 Parce qu'en fait, le commandement, c'est fascinant.
41:10 Quand vos hommes vous portent, vous avez pas besoin de vous retourner.
41:14 Vous savez qu'ils sont derrière.
41:15 Et en fait, quand on réfléchit bien sur la manière de diriger une équipe,
41:21 c'est ça qui fait que les équipes gagnent.
41:24 C'est cette volonté qu'il y a, qui est bi-univoque.
41:27 C'est celui qui anime.
41:28 Et l'adage militaire, c'est une troupe manœuvre à l'image de son chef.
41:33 Mais un chef est porté par ceux qu'il dirige.
41:38 Et ce côté bi-univoque fait que quand j'ai pris mon coup de fusil,
41:43 mes hommes m'ont gardé...
41:45 Toutes les nuits, ils ont dormi à côté de moi, pendant que j'étais à l'hôpital.
41:50 — Alors, il y avait très peu de moyens au début.
41:53 Et vous le racontez dans ce livre, le GIGN s'est né avec des bouts de ficelle.
41:56 Vous n'aviez même pas de quoi acheter un stand de tir, Christophe Poutot.
41:59 — Oui, on s'entraînait où on pouvait, dans les stands de tir que l'on empruntait.
42:04 Et je me suis dit qu'on n'y arrivera pas.
42:05 J'avais connu ça un peu avec mon papa quand il était arrivé en Corse,
42:09 dans une brigade que vous l'évoquiez tout à l'heure, AXIONACH,
42:14 où la première chose qui s'est passée quand on a ouvert les volets, ils sont tombés.
42:17 Donc la armée était très pauvre.
42:19 Elle était à l'aune de tous les moyens de notre pays, qui était presque à la sortie de la guerre.
42:26 En 1952-1953, la France n'était pas riche.
42:30 C'était avant les Trente Glorieuses.
42:32 Donc on était dans une situation difficile.
42:36 Et j'ai vu un gendarme qui était en même temps un pionnier.
42:40 Mon père a construit, a utilisé ces gendarmes qui avaient tous eu un petit métier avant,
42:47 se disant « Tu t'aides pas, on t'aidera pas ».
42:51 Et c'est ce que j'ai fait avec mes hommes.
42:53 Et on a construit nous-mêmes, par exemple, notre stand de tir,
42:56 qui faisait notre fierté, et où toutes les unités du monde,
42:59 avant que nous ayons le grand centre que j'ai pu construire,
43:04 avec la reconnaissance qui est venue par la suite,
43:06 en particulier après l'opération de l'Oyada,
43:09 qu'on a pu faire à Satori avec ce grand centre, avec le stand de tir en dessous.
43:13 Mais jusqu'aux années 81, on était à Maisons-Alfort,
43:18 avec notre stand de tir dans les voûtes du fort,
43:21 fait de briques et de brocs, mais nets, avec des fleurs et tout.
43:25 Et tout ce qui fait le gotha de l'antiterrorisme
43:29 est passé voir le GIGN faire des démonstrations dans ce stand de tir.
43:33 - Alors on apprend aussi votre autorité vis-à-vis de vos hommes, Christian Pouteau.
43:37 Un jour, il y a un de vos hommes qui refuse de porter un gilet pare-balles,
43:40 et vous insistez.
43:42 - Oui, j'insiste parce qu'on avait mis en place
43:46 quelque chose dans l'esprit d'être le plus opérationnel possible,
43:50 parce qu'on venait d'avoir les gilets pare-balles, qui pesaient 4 kilos,
43:54 mais qui, du fait de leur poids,
43:57 pouvaient amener une certaine difficulté dans la progression, dans l'aisance.
44:03 Et j'avais toléré pendant à peu près un an
44:06 le fait que les gens choisissaient avoir un gilet ou pas en avoir, ou pas en mettre.
44:12 Et une nuit, juste avant une opération,
44:15 j'ai fait un cauchemar, comme on en fait le matin,
44:18 qu'un homme était transpercé d'un coup de fusil
44:23 au moment d'être premier à marcher, c'est-à-dire foncer pour arrêter l'homme.
44:29 Je me dis "C'est pas possible, tu as des gilets pare-balles, tu vas te le reprocher toute ta vie".
44:34 J'ai dit à mon adjoint de réunir tout le monde,
44:38 à partir d'aujourd'hui, 9h,
44:42 on réunit tout le monde, et je vais leur dire "Le gilet est obligatoire".
44:46 Et quand on s'est retrouvé en opération à midi,
44:50 et le garçon que vous évoquez arrive sans gilet pare-balles.
44:54 "Ah mais, je devais être capitaine, mon capitaine,
44:57 jusqu'à aujourd'hui, c'était pas obligatoire".
45:00 "Ah oui, mais depuis ce matin, c'est obligatoire, vous mettez le gilet".
45:03 Et premier coup de fusil,
45:05 dans son gilet pare-balles, il a été sauvé par le gilet pare-balles.
45:08 Comme quoi, de temps en temps, il y a quelque chose qui nous traçande.
45:11 - Et dans ce livre, Christophe Proutaud, vous évoquez aussi des secrets défense,
45:15 car il y a des opérations qu'on n'a jamais connues et que vous révélez pour la première fois.
45:19 - Oui, il y a des opérations, par exemple le soutien qu'il y a eu
45:24 à la garde nationale saoudienne pour la prise d'otage de la grande mosquée,
45:29 qui a fait que si on n'avait pas construit cette opération,
45:34 parce qu'on l'a construite, ces barils à l'époque que j'avais envoyés
45:38 pour former la garde saoudienne,
45:41 on l'avait équipée, on avait mis en place ce schéma tactique,
45:45 et grâce à ce schéma tactique, les gilets pare-balles que l'on a donnés, les armes,
45:49 et surtout un produit miracle de l'époque qui s'appelle le CB pur,
45:54 on a pu, alors que les mutins étaient retranchés dans les souterrains de la grande mosquée,
45:59 pour éviter l'affrontement de l'armée de la garde nationale,
46:03 qui avait perdu déjà presque 600 hommes,
46:06 on a pu faire en sorte que grâce à ces gaz,
46:10 rendant l'œil irrespirable du souterrain, ils ont dû sortir,
46:14 et ils ont pu faire l'arrestation et la grande mosquée a été libérée.
46:17 - Et puis il y a aussi une chose plus insolite, c'est le pirate amoureux que vous évoquez,
46:22 Peter Kinscher, qui a été lui aussi aidé ou sauvé par le GIGN.
46:27 - Oui, mais cette opération, ce n'est pas moi qui l'ai faite.
46:30 - Voilà, je la signale dans le livre.
46:31 Et puis il y a aussi une chose importante, car on ne le sait pas,
46:33 il y a eu des femmes dans le GIGN, notamment Christelle, la première femme.
46:37 - Oui, alors en fait, il s'est passé qu'à partir du moment où il y a eu la fusion,
46:43 les unités comme le GSPR,
46:46 qui avaient, eux, le GSPR, avaient des femmes,
46:50 ces femmes ont pu rejoindre le GIGN.
46:52 Mais il n'y a toujours pas, dans la partie que l'on appelle maintenant l'inter,
46:57 c'est-à-dire ceux qui vont combattre directement, qui vont au feu,
47:01 il n'y a pas de femmes.
47:02 Les femmes, maintenant, sont plutôt dédiées à la négo et au renseignement.
47:07 - Et il y a beaucoup de candidats, de plus en plus de candidats,
47:09 je crois que sur les cinq dernières années, il y a eu plus de 200 demandes de candidats,
47:13 ce que vous n'auriez jamais pu imaginer au début, Christian Proutaud.
47:15 - Oui, très rapidement, on est monté quand même à des demandes qui étaient,
47:19 sans mais, le GIGN est victime de son succès.
47:23 Et bien évidemment, pour beaucoup de jeunes,
47:25 tout d'un coup, accéder au Graal,
47:27 c'est-à-dire pouvoir rejoindre cette unité d'exception,
47:31 est quelque chose, pour ceux qui en ont les capacités,
47:35 parce qu'au départ, il faut un potentiel physique
47:37 et une détermination qui puissent conduire à cela.
47:40 Mais ils acceptent de faire cette sélection incroyable,
47:44 ce qui fait que, par exemple, actuellement, tous les ans à peu près,
47:48 sur 200, il en reste 20.
47:50 - Surtout que c'est d'autant plus important que les terroristes ont changé,
47:54 ils sont de plus en plus violents,
47:55 ce ne sont plus les mêmes opérations que lorsque vous étiez patron du GIGN, Christian Proutaud.
47:59 - Alors, ça c'est une approche qui est effectivement,
48:03 du fait de l'évolution du terrorisme,
48:06 on n'est plus face à des prises-otages telles qu'on les a connues,
48:09 et la riposte que l'on est conduite à avoir,
48:14 elle est malheureusement souvent après l'action.
48:16 C'est-à-dire que, autant la prise-otage a été pendant un moment,
48:19 un élément pour faire connaître ces groupes terroristes,
48:23 autant depuis, avec le succès des unités de type GIGN,
48:27 on est plus passé dans l'action violente,
48:29 et l'action du GIGN, malheureusement, ne se fait plus qu'a posteriori,
48:34 au moment où soit ils se sont retrouvés retranchés après avoir raté une opération,
48:41 ces preneurs d'otages,
48:42 soit ils ont été en opposition directe,
48:46 parce qu'ils ont été surpris pendant qu'ils faisaient leur action.
48:49 - Est-ce que vous imaginiez, quand vous avez créé le GIGN,
48:51 que 50 ans après on en serait là, Christian Proutaud ?
48:54 - Pas du tout, j'étais persuadé, je suis un peu idéaliste,
48:57 je m'étais dit que le monde changerait, qu'il deviendrait meilleur,
49:00 et que grâce à une unité comme le GIGN,
49:02 qui empêcherait ce chantage énorme qu'est la prise d'otages,
49:06 et bien la géopolitique ferait le reste,
49:09 et le monde deviendrait un peu comme nous le voudrions tous,
49:13 un monde pacifié, où chacun s'accepte.
49:16 - Ce n'est pas hélas le cas, et on le comprend en lisant ce livre
49:19 de Pierre-Marie Giraud et des commandés du GIGN,
49:22 le GIGN par ceux qui l'ont commandé chez Marais et Lysion,
49:25 et je précise que les droits d'auteur seront versés à la fondation Maison de la Gendarmerie,
49:29 c'est une chose à laquelle vous teniez tous, je crois.
49:31 - Oui, tout à fait, parce que la gendarmerie,
49:33 ce n'est pas simplement ce qu'on voit le plus,
49:36 c'est tous les hommes, tous les gendarmes,
49:39 et le tribut payé par la gendarmerie, comme beaucoup de grands corps,
49:42 est suffisamment lourd pour penser à pouvoir aider les familles quand on le peut.
49:46 - Ce livre les aidera, je le recommande à celles et ceux qui nous écoutent,
49:49 parce que c'est le livre passionnant d'un passionné, et de plusieurs passionnés.
49:53 Merci Christian Proutot, les Clés d'une vie, c'est terminé pour aujourd'hui,
49:57 mais on se retrouve bientôt, et vous restez fidèles à l'écoute de Sud Radio.
50:00 Merci.
50:01 Merci à tous !