• il y a 10 mois
Nous recevons aujourd'hui Adrien Taquet, ancien Secrétaire d'Etat chargé de l'Enfance et porte-parole de la loi relative à la protection des enfants, dite "loi Taquet" et Christophe Daadouch, docteur en droit et formateur dans les institutions sociales et médicosociales.

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Transcription
00:00 Comment accueillir, comment protéger les mineurs de l'aide sociale à l'enfance dans un contexte de saturation des structures et de restrictions budgétaires ?
00:07 La question bien sûr n'est pas nouvelle mais elle est revenue au cœur de l'actualité ces derniers jours après la mort d'une adolescente de 15 ans dans le puits d'Aume.
00:14 Retrouvée pendue dans l'hôtel où elle était hébergée, faute d'avoir pu être accueillie dans un foyer ou dans une famille.
00:19 Et pourtant il y a deux ans, quasiment jour pour jour, une loi a été votée. Plus question d'héberger ces jeunes dans les hôtels.
00:26 Et cette loi, elle porte votre nom. Bonjour Adrien Taquet.
00:28 Bonjour. Vous avez été secrétaire d'état chargé de l'enfance entre 2019 et 2022, retiré de la vie politique.
00:35 Aujourd'hui vous allez nous dire quel regard vous portez sur la situation et puis sur les décrets qui ont été publiés justement hier pour accompagner la mise en œuvre de votre loi.
00:45 Je vais accueillir également Christophe Dadouche. Bonjour à vous.
00:47 Bonjour.
00:48 Vous êtes docteur en droit, formateur dans les institutions sociales et médicaux sociales.
00:53 Et je précise bien sûr que nous attendons les questions des auditeurs. Vous connaissez le numéro 0145 24 7000 et l'appelé France Inter.
01:03 Alors Adrien Taquet, on va peut-être rappeler les chiffres pour commencer.
01:06 De l'aide sociale à l'enfance, 200 000 jeunes placés, 9 milliards d'euros entièrement sur les épaules des départements.
01:13 Et des départements qui disent justement que votre loi, elle est irréaliste, elle est inapplicable.
01:18 Qu'est-ce que vous leur répondez ?
01:20 J'ai effectivement pu lire que c'était une loi d'intention.
01:23 Moi je pense que c'est surtout une loi de conviction.
01:25 La conviction qu'un enfant n'a rien à faire tout seul dans un hôtel.
01:30 C'est la conviction que les départements doivent oui effectivement, puisque c'est eux qui ont la responsabilité, enfin la responsabilité partagée, j'y reviendrai avec l'État.
01:38 Mais ce sont les départements qui ont cette responsabilité de faire en sorte de se doter des structures pour éviter qu'on ait à recourir à ce type de placement, d'établissement.
01:49 Vous trouvez que c'est une loi de conviction et trouvez dans le même temps que c'est irréaliste et inapplicable.
01:53 C'est pas incompatible.
01:55 Alors c'est pas incompatible mais c'est de la responsabilité politique de nous collectivement qui avons la responsabilité de ces enfants.
02:03 Et à titre pénal les présidents de départements, je le rappelle, de se donner les moyens, de trouver les moyens, de se donner les moyens de faire en sorte que ces établissements ne puissent plus être mobilisés.
02:15 Et c'est la responsabilité des départements mais aussi de l'État.
02:18 Et c'est un peu la question que l'on se pose, puisque vous évoquez cette loi qui a été votée effectivement il y a deux ans.
02:24 J'avais à l'époque donné deux ans, par réalisme justement, par pragmatisme.
02:28 Ça vous semblait suffisant deux ans ?
02:30 Écoutez, si je reviens même un peu en arrière, je l'avais annoncé sur un plateau de télévision en janvier 2021.
02:37 Donc j'ai pris personne par surprise.
02:39 Il y a eu trois ans pour commencer à réfléchir à quels moyens on allait mettre en œuvre pour faire en sorte que les enfants ne soient plus allotés.
02:47 Et d'ailleurs, un certain nombre de départements l'ont fait.
02:50 Des départements d'ailleurs qui, dès avant la loi, s'étaient dotés des dispositifs, des places, des villages d'enfants, des appartements en semi-autonomie,
02:58 qui étaient accompagnés d'un accompagnement éducatif pour ne pas laisser les enfants seuls, ces grands enfants seuls dans ces lieux.
03:06 Et puis depuis la loi de 2022, il y a un certain nombre de départements qui ont lancé des appels à projets pour justement se doter de places.
03:14 - Mais on aurait pu la mettre en place cette loi, c'était possible, c'est juste qu'il y a un manque de volonté.
03:18 - Écoutez, en tout cas, moi je m'étonne un peu que ce soit la veille de la date butoir, que tout d'un coup on commence à dire que ce n'est pas applicable,
03:26 que c'est irréaliste et qu'on n'en a pas les moyens.
03:28 Alors, à l'inverse, ça ne veut pas dire que l'État est déchargé de toute responsabilité.
03:32 C'était aussi à l'État, et ça reste à l'État, d'accompagner les départements sur ce chemin qui n'est pas aisé pour tout le monde.
03:38 De façon d'ailleurs très différente d'un département à l'autre.
03:41 Les départements ne sont pas face à la même solution, mais pour trouver les dispositifs pour accueillir, accompagner ces enfants.
03:47 Parce qu'il y a la question de l'hôtel et puis il y a la question des gamins qui étaient laissés dans ces lieux-là sans aucun accompagnement éducatif.
03:54 - On va en parler du rôle de l'État, sont-ils effectivement que l'État prenne davantage sa part ? C'est ce que disent aussi certaines associations.
04:00 D'abord, Christophe Dadouche, sur cette loi, sur la loi Taquet, vous qui avez écrit plusieurs ouvrages sur le sujet,
04:05 notamment "La protection de l'enfance, un droit en mouvement",
04:07 est-ce que vous pensez qu'elle avait, alors que c'était une loi de conviction, il faut reprendre les termes d'Adrien Taquet,
04:12 est-ce que vous estimez vous aussi, comme les départements, qu'elle était inapplicable ?
04:16 - Je pense qu'elle est applicable. D'abord, on parle d'une disposition, celle sur le placement hôtelier.
04:21 Cette loi ne se résume pas à une seule disposition.
04:24 L'une des difficultés qu'on a, et M. Taquet le sait, depuis 2007, c'est qu'on en est à trois lois,
04:29 et de nombreuses dispositions qui ne sont pas mises en œuvre.
04:32 Alors l'argument des moyens, on l'entend un peu systématiquement.
04:36 Moi, j'habite sur le département des Hauts-de-Seine.
04:38 Le département des Hauts-de-Seine a des gamins qui sont dans des structures complètement délabrées.
04:42 C'est d'ailleurs le premier mort dans un hôtel, c'était sur le département des Hauts-de-Seine,
04:46 un département qui finit l'année avec 300 millions d'euros d'excédent.
04:49 Donc l'argument des moyens financiers, il a parfois bon dos.
04:52 On en est à trois lois, les unes comme les autres,
04:55 quelles que soient leurs ambitions et leur volontarisme, montrent les limites.
05:01 Il y avait des dispositions sur le projet pour l'enfant depuis 2007, M. Taquet le sait.
05:05 17 ans après, ce n'est pas appliqué.
05:08 Et là, il n'y a pas de mort. Donc on n'en parle pas.
05:10 Donc pour vous, Christophe Dadou, ce n'est pas une question législative,
05:13 c'est plutôt une question d'application.
05:15 D'ailleurs, les décrets ont mis du temps à arriver derrière l'adoption de cette loi.
05:19 Oui, c'est la volonté du gouvernement de mettre en œuvre ou pas les dispositions.
05:24 Pour moi, ce n'est pas une loi Taquet, c'est une loi de la République.
05:27 Une loi de la République, il n'est pas normal, si vous voulez,
05:29 que deux ans après, les décrets n'aient pas été publiés
05:32 ou n'ont pas été publiés vraiment à la toute dernière minute.
05:35 Donc il y a quelque chose de la volonté politique d'une mise en œuvre.
05:38 Il n'y a pas de portage politique de ce sujet-là.
05:41 Ça, c'est vraiment la grande difficulté qu'on rencontre.
05:43 Et surtout, en dehors des règles, c'est le contrôle des règles.
05:46 Parce que si on met des règles, mais qu'il n'y a aucun moyen de contrôler
05:50 la mise en œuvre de cette disposition, on se retrouvera à peu près dans la même situation.
05:55 Sur le placement hôtelier, je peux vous donner deux ou trois exemples
05:58 de dérives déjà d'ores et déjà.
06:01 Hier, il y a un décret qui est paru au journal officiel
06:04 qui précise que les jeunes de 16 à 21 ans pourront être accueillis
06:07 dans des structures d'hébergement de jeunesse, c'est-à-dire un peu des centres de vacances,
06:11 alors qu'ils devront être surveillés par des professionnels de jour comme de nuit.
06:15 Dit ce texte, est-ce que vous y voyez une bonne manière, Adrien Taquet,
06:19 de mettre en œuvre l'interdiction d'héberger dans les hôtels que prévoyait votre loi ?
06:24 Alors, il faut que les choses soient bien claires.
06:26 Le décret publié hier, effectivement, précise un certain nombre de choses.
06:29 Mais je rappelle une fois encore que la loi du 7 février 2022,
06:34 et le décret ne revient pas dessus, pose le principe d'interdiction
06:39 de recueil des enfants dans des établissements qui ne sont pas autorisés
06:44 ou qui font juste l'objet d'une habilitation, c'est-à-dire avec beaucoup moins de contrôle.
06:49 Pour autant, la loi, dès le début, prévoyait qu'en cas d'urgence
06:54 ou d'impérieuse nécessité de mise à l'abri d'un enfant,
06:58 qu'on puisse avoir recours à ce type d'hébergement pour des enfants de plus de 16 ans
07:06 qui ne souffrent pas d'un handicap ou de problèmes psychiques
07:11 pour une durée de deux mois maximum et avec un encadrement renforcé.
07:16 Et c'est cela que le décret qui est paru hier vient préciser, notamment...
07:22 Est-ce que c'est une bonne chose ? Est-ce que c'est une bonne réponse ?
07:25 - Le centre de vacances plutôt que les hôtels, c'est vrai qu'on...
07:28 - En fait, on parle d'hôtels, mais c'est un raccourci de langage qui est une réalité.
07:32 Évidemment, on reconnaît les hôtels, mais ce sont des établissements
07:36 qui ne bénéficient pas du régime normal d'autorisation dans le cadre de l'Aide sociale à l'enfance
07:41 délivré par le département et avec un certain nombre de règles bien plus précises.
07:47 Donc ça concerne à la fois les hôtels, les centres de loisirs, etc.
07:49 Là-dessus, il n'y a pas de différence par rapport à ce qui est évoqué.
07:52 Ce que le décret amorce, et il faut aller plus loin encore, je pense,
07:57 ce sont notamment les conditions de l'encadrant renforcé dont doivent bénéficier ces enfants
08:02 dans un cadre, une fois encore, extrêmement dérégatoire et dans des cas d'urgence.
08:07 La présence d'une personne la nuit et le fait que les personnels qui sont là doivent être formés,
08:13 bénéficier, être titulaires d'un diplôme.
08:15 Et ça, ça renvoie à un deuxième sujet.
08:17 On ne va pas trop rentrer dans la technique, mais il y a un décret qui reste encore à publier.
08:21 C'est un décret sur les normes d'encadrement.
08:23 Dans tous les établissements, là, ça ne concerne pas que les hôtels ou les établissements qui sont là.
08:26 Dans les établissements les plus classiques, l'aide sociale à l'enfance est le seul secteur dans notre pays
08:30 où il n'y a aucune norme d'encadrement qui n'est prévue.
08:32 Quand vous mettez votre enfant en crèche, il y a un décret qui vous dit que pour les enfants
08:36 qui crapent à hutte à quatre pattes, il faut un adulte pour tant d'enfants
08:40 et qu'il en faut un pour tant d'enfants, pour les enfants qui marchent.
08:43 Dans l'aide sociale à l'enfance, ça n'existe pas.
08:44 Pendant un an, nous avons travaillé avec les départements, avec les associations gestionnaires,
08:50 avec les associations d'anciens enfants placés, pour établir des premières normes d'encadrement dans les établissements.
08:56 Ce décret n'est toujours pas sorti, il n'a pas vu le jour.
08:59 Mais ça renvoie à ce sujet-là.
09:01 C'est-à-dire que ce décret sur l'hôtel fait un premier pas dans le bon sens,
09:04 mais il faut aller encore plus loin, être plus précis sur ces aspects-là.
09:07 Avant de vous donner la parole, Christophe Dadouche, sur la question de l'encadrement,
09:10 qui est effectivement une question cruciale aussi, on va se rendre au standard où nous attend Michel.
09:15 Bonjour !
09:16 Oui, bonjour.
09:17 Quelle est votre question ?
09:18 Alors ma question concernait la protection juridique des enfants placés.
09:23 Et je me demandais pourquoi chaque enfant placé ne bénéficiait-il pas de la protection d'un avocat
09:30 défendant ses droits et son choix de vie.
09:32 En particulier de choisir la déchéance parentale s'il le souhaite,
09:37 ou un projet d'adoption simple, si c'est plus facile, ou plénière.
09:46 Voilà. Je voudrais que chaque enfant placé bénéficie d'une protection juridique et d'une défense d'un avocat.
09:56 Eh bien on va voir si c'est le cas. Merci Michel pour votre question.
09:58 Christophe Dadouche, qu'en est-il aujourd'hui ?
10:00 Sur cette dernière question, on est un certain nombre à se battre pour que l'avocat soit rendu obligatoire en assistance éducative.
10:06 Ce n'est malheureusement toujours pas le cas dans la loi.
10:09 Il y a un petit progrès dans cette loi, puisque le juge peut souhaiter qu'un avocat soit désigné.
10:14 Mais effectivement il faut généraliser l'avocat en assistance éducative.
10:18 Qu'est-ce que ça changerait, Christophe Dadouche, très concrètement ?
10:20 Dans quel cas ces jeunes pourraient avoir besoin de cette assistance ?
10:24 Ça permettrait de s'assurer que leurs droits soient bien respectés, ce qui n'est pas toujours le cas.
10:30 Ça a été dit, il y a des procédures qui pourraient être mobilisées, les gamins eux-mêmes ne les connaissent pas.
10:35 Et s'il n'y a pas quelqu'un qui porte la voix de l'enfant, elle ne peut pas être portée par ses parents par définition,
10:40 si on est en audience en assistance éducative.
10:42 Le juge des enfants peut évidemment représenter l'intérêt de l'enfant,
10:48 mais je voudrais quand même redonner un chiffre qu'on n'a pas en tête.
10:50 On a 360 juges des enfants en France qui gèrent 400 000 dossiers.
10:53 Le chiffre est suffisamment clair et parlant.
10:58 Ils gèrent le civil et le pénal.
11:00 Il faut qu'il y ait dans les procédures en assistance éducative un équilibre dans cette procédure,
11:05 que la voix de l'enfant soit portée à leur administrateur ad hoc ou avocat, en tout cas qu'il soit systématisé.
11:10 Au pénal, ça a été systématisé.
11:12 On ne peut pas avoir un enfant au pénal sans que l'avocat soit présent.
11:16 Et au civil, l'avocat est là parfois et parfois pas.
11:21 Ça rejoint la question de l'encadrement que vous évoquiez tout à l'heure, Adrien Taquet.
11:25 Joël nous attend également au standard. Bonjour Joël.
11:28 Bonjour, je suis travailleuse sociale à Clermont-Ferrand.
11:31 J'aimerais évoquer la question des aides éducatives, qu'elles soient administratives ou judiciaires.
11:38 Tout de suite, on est confronté à deux problèmes.
11:40 Une liste d'attente pour la mise en place de mesures éducatives, qui est de 6-8 mois, parfois une année,
11:48 ce qui est considérable.
11:50 Et puis, ces mesures sont exercées au rythme d'environ une visite par mois,
11:55 ce qui est largement insuffisant pour résoudre des problèmes qui sont déjà bien ancrés dans la famille.
11:59 Et donc, on en arrive à des placements.
12:01 Et je pense qu'un meilleur travail de prévention en amont éviterait ce genre de situation.
12:06 Merci Joël pour ce témoignage.
12:10 Moi j'ai le sentiment Adrien Taquet, que tout ce qu'on évoque,
12:13 l'hébergement, les aides administratives, la question de l'encadrement, de l'assistance juridique,
12:19 ça ramène finalement au même sujet, on parle de moyens.
12:22 C'est là toute la question, non ?
12:24 On parle de moyens, mais il faut aussi qu'on s'interroge tous collectivement
12:31 sur notre façon de fonctionner, sur l'organisation des services, sur l'efficience.
12:37 On vous l'avait rappelé en propos liminaires, l'aide sociale en France,
12:40 sans même compter les coûts de personnel, c'est 9 milliards d'euros.
12:45 Donc peut-être doit-on aussi s'interroger collectivement sur la qualité de la protection.
12:50 C'est de l'argent mal utilisé ?
12:52 Moi j'avais toujours, je parle au passé désormais, des difficultés à rentrer toujours par les questions budgétaires.
12:58 Je pense que la question des budgets, des moyens alloués, doit être la conséquence d'une vision que l'on essaye de porter.
13:03 Alors sans nier la question des moyens, puisque comme l'a dit Madame,
13:08 il y a encore effectivement un certain nombre de décisions qui prennent beaucoup de temps à être mises en œuvre,
13:15 au risque de mettre les enfants en danger.
13:18 On sait que parce qu'il y a aussi une prise de conscience collective bien plus grande ces dernières années,
13:23 sur les violences faites aux enfants, sur les violences sexuelles,
13:25 mais pas uniquement, il y a beaucoup plus de signalements et donc beaucoup plus d'enfants
13:29 qui bénéficient fort heureusement d'une mesure de protection.
13:32 Pas que placement d'ailleurs, c'est ce qu'évoquait Madame à l'instant, mais aussi des mesures à domicile.
13:37 Et que donc effectivement ça interroge les structures et le nombre de places disponibles.
13:43 Mais nous avions investi d'ailleurs en amont de la loi,
13:46 pour justement qu'il puisse y avoir davantage de places, davantage de dispositifs qui puissent être mis en œuvre.
13:53 Il y a probablement, enfin c'est pas qu'il y a probablement, il y a des efforts supplémentaires à faire.
13:57 Et je me permets peut-être de mettre l'emphase, s'il y a un effort à apporter, c'est probablement sur les travailleurs sociaux.
14:04 Ce sont aujourd'hui grosses crises, on peut faire toutes les lois qu'on veut.
14:08 Aujourd'hui si on n'a plus de personnes pour s'occuper des enfants,
14:10 aujourd'hui vous avez près de 30 000 postes dans le travail social,
14:13 pas uniquement à l'Aide Sociale Enfance, dans le travail social en général, qui ne sont pas pourvus.
14:16 Vous avez plus de 70% des établissements qui sont en sous-effectifs.
14:20 Donc il y a un gros travail à faire de revalorisation, à la fois financière, c'est votre question,
14:24 mais aussi symbolique, j'ai envie de dire.
14:26 C'est à la fois du pouvoir d'achat et du pouvoir d'agir, pour les travailleurs sociaux,
14:30 sans lesquels, en fait, on n'arrivera pas à bien protéger nos enfants.
14:32 J'allais vous poser la question, Christophe Dadouche, vous qui justement intervenez dans les institutions sociales,
14:36 médico-sociales, vous êtes au contact de ces éducateurs, est-ce qu'ils se sentent un petit peu laissés à l'abandon ?
14:43 Est-ce qu'ils sont suffisamment formés, outillés, accompagnés,
14:46 justement pour eux-mêmes accompagner des jeunes qui en ont besoin ?
14:49 Ça a été dit, il y a une pénurie de recrutement, donc aujourd'hui on n'en trouve plus dans les écoles.
14:53 Il y a de vraies difficultés à trouver des gens qui ont envie de faire ces métiers du social en général,
14:59 et la protection de l'enfance en particulier est confrontée à cette difficulté.
15:04 Qui a envie de travailler dans un foyer aujourd'hui, en sous-effectif ?
15:07 On a plein de structures qui fonctionnent avec des gens qui font fonction.
15:11 On a des stagiaires qui se retrouvent, stage première année d'école d'AS ou d'éduc,
15:15 à faire un travail d'éducateur temps plein.
15:17 Donc ça a été dit, je crois qu'on partage tous le constat de la nécessaire revalorisation de ces métiers.
15:23 Effectivement, c'est la difficulté d'ailleurs du décret qui ne sort pas sur l'autodendrement,
15:28 dans les structures de droit commun comme ça a été dit.
15:30 Pourquoi on ne sort pas le décret ? Parce que le jour où on sort le décret,
15:33 on ferme la moitié des établissements qui fonctionnent en sous-effectif.
15:36 Donc ça c'est vraiment une question.
15:38 Je voudrais revenir juste une demi-seconde sur la question des moyens et des aspects financiers.
15:42 On a supprimé la prévention spécialisée.
15:45 On n'a pas fait des économies en supprimant la prévention spécialisée.
15:48 L'état de la pédopsychiatrie, les dispositifs d'accompagnement à la parentalité,
15:53 tout ça c'est des moyens qu'on devrait mettre en amont,
15:55 plutôt que des moyens dans des structures d'hébergement.
15:58 Vous avez tout à fait raison et je vous rejoins.
16:01 Je mets dans le lot aussi de ces politiques de prévention absolument nécessaires,
16:07 toute la stratégie autour des 1000 premiers jours de l'enfant,
16:09 les investissements qu'on a pu faire sur la psychiatrie périnatale,
16:12 et qu'ici ils ne sont pas pérennisés, mais en réalité tombent au fond du trou.
16:17 Mais on voit aussi que la question de la pédopsychiatrie que vous évoquez a raison,
16:20 parce que ça vient percuter de plein fouet la question de l'aide sociale à l'enfance
16:24 et le travail quotidien des travailleurs sociaux.
16:28 En fait, on a mis beaucoup de moyens sur la pédopsychiatrie.
16:30 Mais pour former des pédopsychiatres, pour les attirer, pour les former,
16:33 on sait que ça prend beaucoup de temps.
16:34 C'est les mêmes questions qu'on retrouve au niveau de la santé.
16:36 Malheureusement, ce ne sont pas que des questions de moyens.
16:39 Il y a des problématiques de moyens, mais ça va bien au-delà malheureusement.
16:42 En tout cas, on sent que vous êtes d'accord sur le constat.
16:44 Pas forcément sur les solutions à mettre en œuvre, mais sur le constat, tout le monde semble en accord.
16:49 Merci à tous les deux.
16:50 Adrien Taquet, ancien secrétaire d'État chargé de l'enfance, Christophe Dadouche,
16:53 docteur en droit formateur, je rappelle votre ouvrage "La protection de l'enfance, un droit en mouvement"
16:57 aux éditions Berger, Le Vreau, très belle journée à vous.

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