Le 13/14 reçoit aujourd'hui, jeudi 13 juin 2024, Guénaëlle Gault, sociologue et directrice générale de L’ObSoCo et autrice notamment de "Quand l’info épuise" co-édition Editions de L’Aube et Fondation Jean-Jaurès en 2023 et Mathieu Sapin, auteur-dessinateur de bande dessinée, et réalisateur du film "Le Poulain".
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00:00Un Président de la République qui dissout l'Assemblée sans même en parler à son Premier Ministre.
00:04Un Président de parti qui, dans le plus grand secret, signe un accord personnel avec un
00:08parti rival, puis fait fermer ses locaux à double tour.
00:11Des représentants politiques qui se traitent de tous les noms pendant des semaines avant
00:14de signer un accord en quelques heures.
00:15Ou encore, une députée européenne accusée de trahison pour avoir lâché son parti trois
00:20jours après son élection.
00:21On savait que la vie politique pouvait être surprenante, mais là, depuis le début de
00:24la semaine, on atteint des niveaux de violence et de cynisme rarement vus, un spectacle
00:28qui s'offre à la vue de tous et que l'on peut suivre en direct, comme dans une série
00:32télé.
00:33La réalité a, de ce point de vue-là, dépassé la fiction et on peut s'interroger sur les
00:37conséquences de la séquence que nous sommes en train de vivre, ce que nous faisons avec
00:41Guénahel Go.
00:42Bonjour.
00:43Bonjour.
00:44Vous êtes Directrice Générale de l'OBSOCO, l'Observatoire Société et Consommation de
00:47la Fondation Jean Jaurès.
00:49Vous avez notamment publié l'an dernier « Quand l'info épuise », coédition édition
00:53de l'Aube et Fondation Jean Jaurès.
00:55Nous sommes également avec Mathieu Sapin.
00:57Bonjour.
00:58Bonjour.
00:59Auteur de bande dessinée, vous avez observé de très près la vie politique en suivant
01:03les présidents Hollande et Macron que vous avez dessinés, que vous avez croqués.
01:07Ça, c'était du réel.
01:08Il y a eu aussi la fiction et la politique, le ministère secret, la vie d'ancien président
01:12qui serait devenu des super-héros et puis la vie politique vous a aussi inspiré pour
01:17un film, « Le Poulain », avec Alexandra Lamy, sorti en 2017, on en écoutera dans
01:23les prochaines minutes un extrait.
01:25Je désappelle les questions des auditeurs pour vous, 0145 24 7000, avant de vous donner
01:29la parole à tous les deux, on va se replonger un peu dans l'ambiance de ces derniers jours.
01:33Écoutez bien, mélangez quelques-unes des déclarations fortes de ce début de campagne
01:37législative.
01:38Ce soir, c'était le 11 septembre de leur vivre ensemble.
01:42On est chez les dengues, maintenant ça suffit, il y a des français qui sont en train de
01:47bosser comme des cons, qui tous les jours espèrent croire en la démocratie et qui
01:51voient ce spectacle de fou.
01:52Écoute-moi bien, je rame peut-être dans les sondages, mais je peux te garantir qu'aucun
01:56élu du parti de Blum ne parraînera jamais ce nazi de Mercier ! Car autant au service
02:01des gens, pour se faire traiter de nazi par un bourgeois du 7e arrondissement, c'est
02:04passé l'âge !
02:05Écoutez, on a un taré à la tête de l'État, là.
02:07J'aime pas trop quand on m'appelle Gogol, hein.
02:08Dans ma bouche, c'est affectueux.
02:09C'est un pyromane de la République.
02:11Moi, je la connais bien, vous savez, elle cherche l'affrontement.
02:15Toujours plus arde.
02:16Toujours plus de buzz.
02:17C'est un cauchemar.
02:18Les militants ont tracté pour elle, les militants ont donné leur argent pour elle.
02:21Et au bout de 48 heures, elle les abandonne comme des chiens.
02:25Pour une femme, c'est plus compliqué.
02:26Qu'est-ce qu'ils se disent, on est cocus !
02:28C'est toi qui devrais être à ma place à couper des têtes, là.
02:30Les macronistes vont se prendre une deuxième raclée.
02:32Il faut arrêter les conneries.
02:33Traître, dégoût, fureur !
02:36Vous pensez que je vais m'en sortir ?
02:39Tu vas les scotcher.
02:40T'es la bosse.
02:41Avec ta petite tête de méchante, là.
02:43Je l'aime bien, ta tête.
02:44Voilà pour ce petit montage qui est un mélange de déclarations réelles d'hommes politiques
02:48et de femmes politiques en chair et en os ces dernières heures et puis de personnages
02:51de fiction sortis de la tête de scénaristes comme vous, Mathieu Sapin, puisqu'on a entendu
02:56un extrait du film Le Poulain 2017.
03:00Que vous inspire cette séquence ?
03:01Oui, c'est très révélateur, cet espèce de mélange réalité-fiction.
03:06Moi, c'est ça qui me passionne depuis que je suis le milieu politique, c'est de voir
03:10comment la réalité est toujours plus forte que la fiction.
03:14C'est un cliché, mais c'est vrai.
03:16Avec Noé Debré, mon co-scénariste avec qui on a écrit Le Poulain, on essayait toujours
03:21d'être au moins de rattraper cet effet de réalité.
03:24D'ailleurs, à l'époque, quand on avait écrit Le Poulain, on avait pensé à un truc
03:28qui nous paraissait complètement dingue qui était le Brexit, en se disant que ça n'arrivera
03:31jamais.
03:32Et quelques mois après, c'est arrivé.
03:33Donc, on a dû changer le scénario.
03:34Guénel Goh, on a souvent la mémoire courte, on n'a pas attendu 2024 pour savoir que la
03:39réalité pouvait être violente.
03:41Là, on a quand même le sentiment d'être dans une situation inédite par cette violence.
03:45Est-ce aussi le vôtre ?
03:46Alors, je pense que ce qui est intéressant dans la séquence qu'on est en train de vivre
03:52est l'explosivité.
03:53Et c'était vraiment très intéressant d'entendre justement ce montage, en fait, on ne voyait
03:57pas les coutures dans votre montage.
03:58C'est un peu ce dont on s'est rendu compte.
04:00Oui, c'est ça, ça marche très bien.
04:02Mais en fait, je pense qu'il faut revenir aux deux chocs de dimanche, c'est-à-dire deux
04:08chocs qui convécuent un certain nombre de Français et aussi une partie du personnel
04:11politique.
04:12Je me souviens, en 2002, il y avait le conseiller de Lionel Jospin, Gérard Legal, qui avait
04:17dit que la probabilité de Jean-Marie Le Pen au second tour, c'est statistiquement possible,
04:25mais politiquement, je n'y crois pas.
04:26Et depuis, si vous voulez, la classe politique, elle vit que là-dessus.
04:28Elle pense, elle refuse d'y croire, elle refuse, une majorité de la classe politique
04:34n'ose pas y croire, ne veut pas y croire.
04:35Et même en 2019, on a vu d'ailleurs que les choses s'étaient un peu retournées,
04:38donc ça leur donnait raison à la toute fin des élections européennes.
04:42Donc d'abord, il y a ce choc d'un résultat écrasant.
04:44Et puis, il y a ce qui l'allumette dans la flaque d'essence qui a été la dissolution.
04:49Là, on est dans un contexte politique qui est très compliqué, notamment pour les forces
04:54classiques, les partis politiques classiques, qui jouent leur vie et leur mort, et des carrières
04:57qui se jouent aussi.
04:58La vie et la mort de certains.
05:01C'est l'enjeu, finalement, qui explique les comportements et les mots, les insultes ?
05:06Oui, c'est ça.
05:07C'est-à-dire, c'est pas l'enjeu.
05:09C'est une façon de réagir à l'enjeu, plutôt que de répondre à l'enjeu.
05:13Si vous voulez, réagir, c'est vraiment instinctif, impulsif.
05:16Répondre, c'est quand on a le temps d'un peu métaboliser ce qui se passe et puis,
05:20pour le coup, de réagir de façon un peu articulée, analytique, calme.
05:23Là, les gens réagissent, les politiques réagissent, et on est dans un écosystème
05:27médiatique qui est maintenant très transparent, il y a une visibilité.
05:30Il y a une surenchère, un flux continu qui est un peu dopé aux réseaux sociaux aussi.
05:35Et une surenchère un peu du spectaculaire.
05:37Et on voit ça.
05:38Et les Français voient ça.
05:39En fait, c'est visible H24, parce que c'est peut-être pas nouveau, mais ce qui est nouveau,
05:43c'est que c'est visible.
05:44On a l'impression, Mathieu Sapin, qu'il n'y a plus de filtre.
05:46C'est-à-dire qu'avant, on parlait du « on » et du « off », c'est-à-dire les échanges
05:50que peuvent avoir les responsables politiques entre eux, lorsque les micros sont coupés.
05:54Et là, on sait que ça peut être très violent, mais là, ça éclate au grand jour, devant
05:57les caméras.
05:59Oui, il y a une mise en scène.
06:01Moi, c'est ça qui me passionne, c'est la mise en scène du pouvoir, de la politique.
06:05Aujourd'hui, on est beaucoup plus habitué, avec les réseaux sociaux, avec les téléphones
06:08portables, à capter des moments.
06:10Mais ça reste aussi trompeur, parce qu'il y a aussi beaucoup de choses qui se passent,
06:14j'imagine, entre textos, entre messages interposés.
06:17Mais nous, ce qui nous avait frappé dans l'écriture du Poulain avec Noé Debré, c'était aussi
06:22le fait qu'on a toujours l'impression, les politiques donnent l'impression qu'ils savent
06:25où ils vont, qu'ils savent ce qu'ils vont faire, qu'ils ont une feuille de route.
06:28Et en réalité, c'est comme quand on est enfant, on a l'impression que les adultes
06:31sont responsables.
06:32C'est faux.
06:33Tout le monde navigue à vue.
06:35Il faut l'admettre.
06:36Et quand les politiques prétendent savoir ce qu'ils font, savoir où ils vont, c'est
06:41illusoire.
06:42Ils sont comme tout un chacun.
06:43Alors, ça fait peur de s'en rendre compte, mais il faut composer avec ça.
06:47Il y a la violence verbale, on a entendu des insultes dans ces extraits, Guenahel Goh.
06:52Il y a aussi la violence dans les rapports humains.
06:55Je reprends la scène de dimanche, quand Emmanuel Macron explique à ses ministres et annonce
07:00à son premier ministre qu'il va dissoudre.
07:02C'est violent aussi.
07:03Oui, c'est violent.
07:06Mais en fait, moi, la violence principale, je trouve, aujourd'hui, c'est que ça creuse
07:13entre les politiques et les citoyens.
07:15Parce que là, ce qui est en train de se passer, et c'est une grosse violence symbolique, c'est-à-dire
07:19là, ce qui est en train de se passer, il faudrait que ça s'arrête assez vite avant
07:22le scrutin, c'est qu'en fait, les Français, ce qu'ils voient, ce n'est pas leur colère,
07:28leurs interrogations, leurs inquiétudes, etc.
07:30C'est la colère, les interrogations, les inquiétudes des politiques pour leur propre
07:34vie à eux.
07:35C'est-à-dire qu'on a déjà, dans nos sondages à l'Obsoco, 8 Français sur 10 qui nous disent
07:40que les responsables politiques ne se préoccupent pas de ce qu'ils pensent.
07:44Et donc là, si vous voulez, c'est manifeste.
07:47C'est dans un contexte électoral très tendu, très rapproché, et ça, c'est aussi d'une
07:53grande violence.
07:54Donc ça veut dire que ça va laisser des traces ? C'est ce que vous nous expliquez dans une
07:58rupture qui est déjà extrêmement forte ?
08:00Ça va laisser des traces, en tout cas, ça vient s'ajouter à quelque chose qui est déjà
08:06structurellement là, qui est ce fossé, et ça creuse un peu plus le fossé.
08:11Est-ce que ce n'est pas aussi, Mathieu Sapin, à l'image des rapports humains dans la société
08:17qui peut-être se tendent aussi ? Ce sont des scènes auxquelles parfois on peut assister
08:22et finalement, les responsables politiques, aujourd'hui, n'y échappent pas, ne se retiennent pas ?
08:27C'est ça qui est beau aussi, c'est que ça reste humain.
08:32C'est des passions, c'est l'expression des passions.
08:34Il y a beaucoup d'hubris, beaucoup de tentations, de la tentation du vide aussi.
08:40Et je pense qu'il y a des politiques et aussi peut-être des journalistes qui prennent un
08:45certain plaisir à ce qui se passe en ce moment parce qu'il y a une forme d'excitation,
08:49une forme, alors j'ose le mot, d'hystérie collective, mais qui fait qu'on est tellement
08:56habitué à consommer des séries et à être dopé au coup de théâtre et à des scénarios
09:03avec des retournements de situation.
09:05On voit ça comme une interpénétration de la réalité et de la fiction.
09:09On sait que les responsables politiques regardent ces fictions ou les lisent.
09:13Vous pensez qu'ils sont influencés parce qu'ils ont vu House of Cards, parce qu'ils
09:18ont vu Baron Noir, pour parler de quelques-unes des fictions politiques qui ont marqué les
09:24esprits ces dernières années ?
09:25Oui, c'est ma conviction.
09:26Depuis 2012, je dirais, j'avais suivi la campagne de François Hollande, j'étais au
09:29sein de l'équipe de campagne comme observateur et des membres de l'équipe se comparaient
09:34à des personnages de la Maison Blanche de West Wing en disant « moi, je suis tel personnage
09:41».
09:42Donc oui, bien sûr, il y a une influence.
09:44Je pense qu'Emmanuel Macron aussi est quelqu'un qui a regardé des séries et ça, c'est naturel.
09:49On est plutôt la même génération que Jacques Chirac et François Mitterrand, ou Nicolas
09:53Sarkozy et François Hollande, et donc peut-être des réflexes culturels, des habitudes culturelles
09:58différentes.
09:59Guénael Go, vous partagez cette analyse ?
10:02Oui, en partie.
10:03Je pense qu'il y a des choses aussi que les Français aiment voir dans la fiction et un
10:07peu moins chez leur politique.
10:08West Wing, c'est différent, Borgen, c'est différent, et les Français aiment bien la
10:17fiction de manière générale, ça leur permet aussi d'apprendre à décoder un certain nombre
10:21de choses.
10:22En revanche, tout ce qui est de l'ordre de l'outrance ou de l'injure, même si ça peut
10:26les faire rigoler au début, ça continue de saper un peu la confiance avec les politiques
10:35et ça les fait se retirer un peu, et c'est ça qui est peut-être un peu dangereux.
10:39Il y a deux ans, on a reconduit en ce moment une étude sur la fatigue informationnelle
10:47et on voit que, si vous voulez, il y a sept Français sur dix qui, de temps en temps,
10:52s'abstraient de l'information, sortent des actualités, s'en détournent.
10:56Et la principale cause qu'ils invoquent, c'est justement parce que c'est trop agressif et
10:59trop polémique.
11:00Et on avait déjà vu ça au moment de la dernière présidentielle, dans des Cali, justement,
11:06où vous voyez les gens dire…
11:07– Des enquêtes qualitatives.
11:08– Des enquêtes qualitatives, un peu comme dans la fièvre, où vous voyez les gens qui
11:11nous disaient « moi j'arrête de regarder les réseaux sociaux, j'arrête de regarder
11:13la télévision parce que ça ne me représente pas, je ne m'y retrouve pas et c'est beaucoup
11:19trop agressif ».
11:20Et si vous voulez, pour quelques Français, une proportion qui vont être dans ce jeu-là,
11:24il y en a quand même beaucoup pour qui ce n'est pas la façon dont ils aimeraient
11:32voir la scène politique et le débat public se dérouler.
11:34– Sur les conséquences, justement, on a deux questions sur franceinter.fr, je vous
11:38les soumets, Guéna Elgaud.
11:40Question de Nathalie, est-ce que toutes ces violences et outrances, et alors elle, elle
11:43parle même du débat parlementaire de ce qui se passe à l'Assemblée ces deux dernières
11:46années, est-ce que, dit-elle, ça aurait des conséquences sur la montée du RN ?
11:49Ça, c'est la première question.
11:51Et Benjamin qui nous dit, est-ce que ça ne risque pas à nouveau de détourner les électeurs
11:54du vote ?
11:55Donc là, il pointe à un risque d'abstention.
11:57– Oui, c'est vrai qu'il y a un penseur américain qui s'appelle Albert Eichmann
12:03qui dit que devant une situation de mécontentement, en fait, il y a trois réactions.
12:06Il y a « exit », « voice », « loyalty ».
12:08« Exit », c'est-à-dire qu'il y a une défection, et ça, ça peut être l'abstention.
12:13« Voice », c'est la prise de parole, c'est faire connaître son mécontentement, c'est
12:16protester.
12:17Et ça, effectivement, et on voit que ça monte depuis des années et des années en France,
12:20et c'est plutôt un vote d'extrême droite.
12:24Et puis « loyalty », et on voit que cette « loyalty », en revanche, elle diminue.
12:29Donc, je ne sais pas, moi, ce qui va se passer, effectivement, dans 15 jours.
12:33Je pense qu'il y aura moins de défections parce qu'il va y avoir davantage d'enjeux,
12:38mais je pense que la prise de parole va être forte parce que, justement, ce qui était
12:42intéressant avec ces élections européennes, c'est que le vote RN, il est venu de partout,
12:49comme pour renvoyer, justement, une forme de classe politique à sa responsabilité.
12:54Et donc, on va voir, justement, à quel point cette prise de parole va être forte dans 15 jours.
13:01Est-ce qu'à contrario, Guénaël Gault, un parti ou des responsables politiques qui
13:05joueraient vraiment la modération, la douceur, l'image lisse, au moins dans l'expression,
13:12est-ce que ça, ça peut permettre de se distinguer, de tirer son épingle du jeu dans une séquence
13:16comme celle-ci ?
13:17La douceur, la modération et lisse, c'est plusieurs choses.
13:25Effectivement, je pense que…
13:26Ça ne renvoie pas forcément à la même chose.
13:27Ce n'est pas le même champ sémantique.
13:29Mais en revanche, la nuance et la modération, oui, je pense vraiment.
13:36D'ailleurs, moi, ça me marque beaucoup parce que je fais effectivement des études qualitatives
13:40ou des études de recherche et des études quantitatives.
13:44Et souvent, en fait, ce qu'on observe même sur les sujets les plus brûlants, c'est
13:49beaucoup plus de nuances chez les Français qu'il y en a chez leurs politiques.
13:52Ou en tout cas, qu'on est rendu visible.
13:55Et donc, je pense en effet qu'il y a vraiment un espace pour…
13:59Sans doute pas du lisse, parce que les Français attendent aussi des décisionnaires, mais
14:05en tout cas de la modération et de la nuance.
14:06Et c'est aussi ce qu'ils nous disent par rapport à l'information.
14:09Cette information, elle polarise et il ne s'y retrouve pas.
14:14Donc, en effet, il y a un espace.
14:17C'est peut-être d'ailleurs l'espace qu'essaie d'attraper là Emmanuel Macron.
14:21Mais bon, il a un passif vis-à-vis des Français.
14:27Question divine sur franceinter.fr que je vous soumets Mathieu Sapin.
14:31Il nous demande la chose suivante.
14:32Est-il possible de faire un briefing de tout ce qui s'est passé depuis la dissolution
14:36de l'Assemblée ? Parce qu'on s'y perd.
14:38Il y a trop d'épisodes, ça s'enchaîne trop vite, les événements arrivent trop rapidement.
14:43Quand on écrit des scénarios comme vous, est-ce que c'est une question qu'on se pose ?
14:46C'est-à-dire qu'il faut que le spectateur digère ce qu'il est en train de voir à l'écran.
14:52Il faut qu'il puisse suivre l'histoire, les différents rebondissements.
14:56Là, on a manifestement des auditeurs et lecteurs qui nous disent on est perdu, on ne suit pas.
15:01Oui, on a l'impression que ce n'est pas très bien écrit parce qu'il y a trop d'infos.
15:04Il y a trop d'infos en même temps et ça perd un peu le spectateur.
15:07Et il faudrait un petit peu rythmer différemment.
15:11Et ces questions de rythme sont très importantes quand on écrit parce qu'il faut doser,
15:16avoir des moments d'accalémie pour que tout d'un coup, il y ait un coup de théâtre.
15:18Et là, on a l'impression qu'il y a coup de théâtre sur coup de théâtre sur coup de théâtre.
15:21Mais la réalité, elle se fiche de ça.
15:23Donc, chacun essaie de tirer la couverture à soi.
15:29Mais pour aussi réagir à ce qu'on se disait à l'instant sur la nuance, malheureusement,
15:33ce qui est compliqué, c'est aussi le champ médiatique.
15:38Parce que, par définition, la sphère médiatique se nourrit aussi de ce qui est spectaculaire,
15:45de ce qui est frappant, marquant.
15:47Et quelqu'un qui a un discours beaucoup plus mesuré, beaucoup plus apaisé,
15:51va moins être, j'allais dire, un bon client pour les médias.
15:55Donc, il y a responsabilité des médias.
15:58Nous sommes dans la couverture.
16:01Si on va rendre compte de quelle manière on rend compte de ces rebondissements et de ces déchirures.
16:07Ce n'est pas une façon d'accuser.
16:08C'est juste de dire que le système d'attraction, l'esprit humain,
16:12est toujours plus attiré par quelque chose de nouveau, de fort, qui fait du bruit.
16:17Parce qu'il y a une espèce de réactivité.
16:19Et c'est très difficile de décélérer et de prendre du champ.
16:22Quand je fais mes bandes dessinées, j'aime bien aussi prendre du temps et passer plusieurs mois
16:27à observer un sujet pour pouvoir le raconter, même des mois après,
16:30pour essayer de comprendre ce qui s'est passé.
16:32Parce qu'à chaud, c'est très compliqué.
16:34Est-ce que cette tension, cette vitesse de réaction,
16:36c'est la chose qui vous a frappé le plus quand vous avez découvert l'envers du décor ?
16:40Quand vous avez suivi François Hollande ou quand vous avez suivi Emmanuel Macron ?
16:45Oui, c'est-à-dire que c'est surtout addictif.
16:48Moi, ce qui m'a frappé, c'est que c'est addictif.
16:49J'ai mis du temps à me désintoxiquer.
16:51Là, aujourd'hui, je suis un peu plus loin de ce milieu.
16:55Mais j'ai passé, en effet, presque une dizaine d'années vraiment au cœur du réacteur.
16:59Et c'est excitant, il faut l'avouer.
17:01Il faut être honnête.
17:02C'est quelque chose de tout à fait excitant, tout à fait kiffant
17:06de voir l'objet politique en train de se faire et d'être témoin direct de ça.
17:14Oui, d'où peut-être le succès des séquences qu'on voit en ce moment
17:17et l'attraction qu'on peut avoir pour ce spectacle politique,
17:21même s'il n'est pas toujours le plus noble.
17:22Merci de l'avoir décrypté avec nous, Guénael Goh de l'Obsoco.
17:28Je remercie également Mathieu Sapin.
17:31Je renvoie à l'un des derniers ouvrages que vous avez supervisé dans la collection Cocopelo.
17:37C'est ça ? C'est aux éditions d'un beau ?
17:38Cocopelo, c'est l'auteur et la collection, c'est la collection Embarqué.
17:41Et c'est des bandes dessinées d'Embarqué où Cocopelo,
17:43avec un titre qui s'appelle La Tour de Babel,
17:45voyage au cœur du grand bazar européen.
17:47Donc, c'est évidemment d'actualité.
17:50Merci à tous les deux.