"Le 13/14" reçoit aujourd'hui, 22 janvier 2024, Jacques Duplessy, chargé de mission Ukraine pour l’association SAFE, Ilona Cosson, Fondatrice de l'Association Avenir Franco-Ukrainien" et Nataliya Kabatsiy, Directrice du comité d'aide médicale d'Oujhorod.
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00:00 Les Ukrainiens vivent leur deuxième hiver de guerre et leur situation est toujours aussi précaire.
00:04 Selon des chiffres de l'ONU transmis la semaine dernière, en 2024, donc cette année,
00:10 14,6 millions de personnes auront besoin d'aide humanitaire, ça représente 40% de la population ukrainienne
00:17 et parmi elles, 8 millions ennemis sont à aider en priorité.
00:21 Cette aide qui continue d'être acheminée de France notamment, même si on en parle moins,
00:26 les réseaux de solidarité nés juste après l'invasion russe demeurent et permettent à bas bruit au pays de tenir.
00:32 Alors quels sont ces besoins ? Qui donnent ? Et quelles sont aujourd'hui les difficultés pour acheminer cette aide ?
00:37 On en parle avec nos invités, Jacques Duplessis, bonjour !
00:40 Bonjour !
00:41 Merci d'être avec nous dans ce 13-14, vous êtes chargé de mission Ukraine pour l'association SAFE.
00:47 Alors SAFE, particularité, c'est une association qui est spécialisée dans la santé,
00:51 qui a été créée au départ pour aider les victimes du VIH, du sida, c'est ça, à la fin des années 90 ?
00:56 Tout à fait, c'est une association qui a 30 ans et qui est spécialisée en santé publique.
01:00 Et pour des raisons d'histoire de certains des membres de SAFE,
01:05 on a commencé l'action en Ukraine avec une association ukrainienne qu'on avait contribué à fonder en 2000,
01:12 le Comité d'aide médicale ukrainien.
01:14 Et donc vous êtes extrêmement actif dans cette aide à l'Ukraine, plus de 160 camions je crois ?
01:18 C'est ça, le 169e camion part demain de Hollande.
01:22 Avec nous également Ilona Kosson, bonjour !
01:25 Bonjour tout le monde, merci de nous avoir invité.
01:29 Je vous en prie, vous êtes la fondatrice de l'association Avenir Franco Ukraine,
01:33 vous êtes installée à Nantes, vous vous avez créée Ilona, votre association, il y a deux ans, au début de la guerre, c'est bien ça ?
01:37 Oui, au tout début de la guerre, c'est ça.
01:39 Combien d'adhérents aujourd'hui autour de vous ?
01:42 Alors, on n'est pas très nombreux, on est environ une trentaine,
01:45 mais on a beaucoup de bénévoles qui ne sont pas encore inscrits officiellement dans notre association.
01:52 Mais on est très actifs et très efficaces.
01:54 Et beaucoup de solidarité autour de vous, vous allez nous en parler aujourd'hui
01:58 avec les auditeurs et les auditrices de France Inter qui nous appellent 01 45 24 7000.
02:03 Vous avez participé à des collectes il y a deux ans au début de la guerre,
02:06 vous avez arrêté ou vous continuez, vous n'hésitez pas à témoigner,
02:10 vous le faites également via l'application France Inter.
02:12 Je voudrais qu'on commence en parlant des besoins des populations,
02:15 en retrouvant en Ukraine quelqu'un avec qui vous travaillez, Jacques Duplessis et Natalia Kabatsy.
02:20 Bonjour Natalia, est-ce que vous nous entendez bien ?
02:23 Oui, bonjour.
02:24 Merci d'être avec nous. Vous êtes la directrice du comité d'aide médicale d'Uzhdorod.
02:29 C'est une ville qui se situe au sud-ouest de l'Ukraine,
02:31 c'est bien ça, tout près de la frontière avec la Slovaquie ?
02:35 Oui, on est près de la frontière avec la Slovaquie.
02:39 Vous recevez l'aide humanitaire qui est envoyée par l'association SAFE depuis la France.
02:44 Sur quels besoins est-ce que vous vous concentrez ? De quoi est-ce que vous avez besoin ?
02:48 La situation change chaque jour, mais la situation reste quand même très critique.
02:55 Elle dépend malheureusement des intensités des attaques de la Russie.
03:02 Par exemple, au début de janvier, c'était la région de Kharkiv qui était très bombardée.
03:09 Il y avait beaucoup de quartiers qui ont resté sans le chauffage.
03:13 Donc on a dû tout de suite envoyer en urgence des radiateurs donnés par les électriciens sans frontières.
03:21 Après, il y avait beaucoup de villages qui ont resté sans l'électricité.
03:26 Grâce au soutien de SAFE, on a pu répondre et envoyer des génératrices.
03:32 La semaine dernière, par exemple, c'est la région de Tchernihiv qui était bombardée.
03:38 Il fallait en urgence acheter le matériel de construction pour fermer les fenêtres parce que c'est l'hiver.
03:48 Le temps que les gens commandent les nouveaux fenêtres, il fallait les bien fermer pour qu'ils aient chaud à la maison.
03:57 Après, la région de Novnytsky-Herson a 600% d'aide alimentaire très basique et parfois très primitive.
04:10 Parce que les gens ne peuvent pas travailler, rien ne marche.
04:14 Donc l'économie ne marche pas. Il dépend vraiment de l'aide humanitaire.
04:19 Mais comment vous faites pour être réactifs, Natalia ?
04:22 Parce que vous nous dites par exemple, une ville est bombardée, les gens n'ont pas de chauffage,
04:26 il y a besoin de radiateurs ou de générateurs.
04:28 Vous avez tout ça en stock à disposition et en nombre suffisant ?
04:32 Oui. Nous, on a ouvert en deuxième semaine de la guerre, notre entrepôt humanitaire en Transcarpathie.
04:41 Comme on est la région qui n'est pas touchée par la guerre, on a beaucoup de matériel.
04:47 Malheureusement, les besoins se répètent. En deux ans, il y a des besoins qui se répètent.
04:52 Donc on a certains produits qu'on sait qu'on a besoin d'avoir en stock,
05:00 comme par exemple des radiateurs ou des générateurs ou autre chose.
05:06 Pour nous, la priorité, bien sûr, reste aussi les structures de santé.
05:14 Et c'est les structures dont on concentre beaucoup notre aide.
05:19 C'est les hôpitaux, mais pas seulement les hôpitaux, c'est les centres de stabilisation aussi,
05:24 parce que c'est les centres qui sont gérés plutôt par les militaires, par les médecins en général,
05:33 mais qui sont attachés aux militaires maintenant.
05:35 Il y a la population civile qui reste à vivre là-bas et on les soutient beaucoup aussi.
05:41 Donc ça dépend des régions.
05:44 Un dernier mot, Natalia.
05:45 Le président ukrainien Volodymyr Zelensky insiste régulièrement sur l'aide militaire,
05:50 sans laquelle son pays, dit-il, ne pourra pas tenir.
05:53 Est-ce que vous diriez aujourd'hui que l'aide humanitaire,
05:55 elle est au moins aussi importante que l'aide et que le soutien militaire ?
06:00 Oui, elle est malheureusement toujours importante.
06:06 Il faut tenir compte que l'économie, quand le pays est en guerre,
06:10 elle ne peut pas marcher correctement et beaucoup de gens sont à la limite de ses réserves
06:17 et beaucoup dépendent vraiment de l'aide humanitaire.
06:20 Merci Natalia Kabatsy de ce témoignage.
06:23 Vous êtes la directrice du comité d'aide médicale de la ville d'Ouche d'Orode,
06:26 donc au sud-ouest de l'Ukraine.
06:28 Jacques Duplessis, vous travaillez avec Natalia.
06:31 Vous parvenez, vous nous parliez de ses plus de 160 camions depuis deux ans,
06:34 que vous avez pu faire parvenir.
06:36 Il y a des difficultés d'acheminement ? Il y a une route qui est sécurisée, si je puis dire ?
06:40 Oui, je voulais rebondir sur l'efficacité et la réactivité du comité d'aide médicale en Ukraine.
06:45 Entre autres, Natalia n'a pas évoqué un partenariat très important qu'elle a avec Nova Pojta.
06:50 Nova Pojta, c'est l'équivalent de DHL en France.
06:54 Ils ont un partenariat et ils leur transportent gratuitement 80% de la marchandise qu'ils reçoivent.
07:00 C'est une société de livraison qui travaille sur l'Ukraine ?
07:02 Exactement, c'est comme le DHL en France.
07:05 Du coup, ça va de la palette, du colis jusqu'au semi-remords qu'ils livrent directement dans les structures.
07:11 Derrière, le comité d'aide médicale contrôle la mode en 24 heures, ils reçoivent tout.
07:16 Donc, à l'intérieur de l'Ukraine, ça fonctionne bien.
07:18 Est-ce que de France à l'Ukraine, ça fonctionne bien ?
07:20 Ou est-ce que parfois, il y a des pertes, des vols, ou il y a de la déperdition sur la route ?
07:23 Non, pertes, vols, jamais.
07:26 Ensuite, ça se passe bien.
07:28 Après, il y a eu quelques blocages aux frontières.
07:30 Par exemple, on a eu des problèmes pour trouver des camions ukrainiens.
07:32 Parce que les camions français européens n'ont pas le droit d'entrer en Ukraine.
07:36 Donc, on passe par des sociétés privées ukrainiennes, des transporteurs,
07:39 qu'on charge en France, qui rechargent en France.
07:41 Ce sont eux qui viennent jusqu'en France ?
07:43 Oui, c'est ça. Et donc, ils repartent à plein avec de la marchandise humanitaire qu'on paye.
07:45 Donc, on paye les transports.
07:47 Un camion nous coûte en moyenne 3500 euros en ce moment.
07:51 Mais des fois, avec les problèmes de blocage...
07:53 3500 euros, c'est tout compris, valeur plus...
07:55 Non, non, non, le prix du transport.
07:57 Le prix du transport, c'est 3500 euros.
07:59 Le prix de transport, ça va de 100 000 à 600 000 euros.
08:03 Vous allez nous expliquer dans quelques minutes comment vous financez tout cela.
08:07 D'abord, je voudrais qu'on aille voir Ilona Kosson à Nantes.
08:09 Quels sont les biens que vous collectez, Ilona ?
08:11 Et auprès de qui ?
08:13 Alors, on fait un appel des dons un petit peu partout sur les réseaux.
08:17 Par connaissance, les amis...
08:21 Tout, en fait.
08:23 On essaie de lancer un appel tous les jours par nos propres réseaux.
08:29 Sur notre site, Instagram, Facebook.
08:31 Jusqu'à présent, grâce à nos bénévoles, grâce à des pharmaciens, des médecins...
08:41 On a reçu énormément de dons.
08:43 Surtout des dons médicaux, ce qui est essentiel pour l'Ukraine.
08:45 Du tout ce qui se passe, en fait.
08:51 Dans les habitats, il n'y a quasiment plus rien.
08:55 On a plus de 2000 victimes de la guerre.
08:59 Ce sont des blessés avec des blessures très importantes.
09:05 Il y a un handicap derrière la vie.
09:07 Donc, nous, on s'occupe des centres de réhabilitation.
09:09 On s'occupe des orphelins.
09:11 On s'occupe un peu de tout, en fait.
09:15 On va partout.
09:17 Dans la cheminée, tout nous aide monétaire.
09:21 A ma propre, on fait jusqu'au bout.
09:23 On sait où ça va.
09:25 On sait que ce n'est pas perdu, ce n'est pas volé.
09:27 La dernière trajet, c'était jusqu'à la première ligne de front.
09:35 De Nantes jusqu'au front ?
09:37 Jusqu'au front, jusqu'en basse.
09:39 Mais vous, vous faites la distribution ?
09:41 Vous allez jusqu'au bout de cette aide ?
09:43 Oui, on va jusqu'au bout.
09:45 C'est la priorité pour nous, pour être sûre qu'il n'y a pas de vol,
09:49 qu'il n'y a pas de perte.
09:51 Et on sait où ça va, on sait pour qui,
09:53 et pour quelles raisons.
09:55 Il y a deux ans, un peu moins de deux ans,
09:57 on va arriver au deuxième anniversaire du déclenchement du conflit.
10:01 Dans quelques semaines, il y a eu un élan de solidarité énorme en France.
10:05 On en entend moins parler aujourd'hui, Ilona.
10:07 Est-ce que ça veut dire que simplement on en parle moins,
10:09 ou il y a moins de dons aussi ?
10:11 Ou bien vous avez toujours une oreille et une attention
10:13 à la publicité ?
10:15 On a énormément de soutien, grâce à tous les Français
10:19 qui nous soutiennent jusqu'à là, ce jour-là.
10:23 Mais on a toujours besoin de votre soutien,
10:25 on a toujours besoin d'aider en Ukraine.
10:29 Et encore, maintenant, il y a plus de besoins qu'au début de la guerre,
10:33 parce qu'il y a plus de victimes, il y a plus de gens
10:35 qui sont sans abri, qui n'ont plus rien, plus d'électricité.
10:39 Il y a quasiment plus d'hôpitaux en Ukraine.
10:43 Tout ce qui reste, ce sont des hôpitaux qui fonctionnent très très mal.
10:45 C'est pour ça qu'on a créé un projet qui s'appelle Keep Life.
10:49 Ce sont des hôpitaux mobiles qui se déplacent partout dans les régions.
10:53 Il n'y a plus du tout d'aide médicale.
10:57 Et on fournit des appareils pour faire des échographies,
11:03 des appareils pour faire de la radiologie, tout ce qui...
11:05 Mais ce sont des choses mobiles.
11:09 Il y a des médecins, des bénévoles, qui sont prêts à sacrifier leur vie
11:15 et à faire partie de cette équipe mobile médicale.
11:19 C'est pour ça qu'on a besoin d'aide.
11:21 Évidemment, ces structures-là demandent beaucoup de fonds.
11:25 Je vous coupe, mais pour donner la parole à Jacques Duplessis, il nous reste une minute trente.
11:27 Monsieur Duplessis, la question de l'argent, Gérard nous dit,
11:30 au risque d'être mercantile, est-ce que ces deux associations permettent une déduction fiscale ?
11:34 Alors, un, SAFE donne une déduction fiscale, non seulement pour les dons en liquide,
11:39 on peut retrouver toutes les informations sur notre site web, safe.asso.fr,
11:44 et aussi pour les entreprises qui font des dons en nature.
11:47 Parce que nos camions sont remplis à 80% par des dons d'entreprises.
11:53 Par exemple, une entreprise nous donne un semi-complet de compresses
11:57 qui ont eu par exemple un souci d'emballage ou qui vont arriver à des dates d'opéremption
12:01 de trois mois, six mois, et qui ne peuvent plus vendre en France.
12:05 Et donc, nous, nous transportons et nous distribuons en Ukraine.
12:08 Et ça, ça ne se dément pas ? Vous arrivez toujours aussi facilement à obtenir ces dons des entreprises ?
12:12 Oui, mais en fait, on en a besoin, je veux dire, davantage.
12:15 Donc, tout ce qui est par exemple matériel médical, que ce soit des lits, des compresses, pansements,
12:20 les produits d'hygiène, l'alimentaire, des pompes à eau,
12:25 nous, on collecte, on va chercher dans les entreprises,
12:29 on transporte dans nos entrepôts et après on les envoie en Ukraine
12:32 et on peut donner une déduction fiscale à toutes les entreprises.
12:35 D'un mot, la situation sur place que vous constatez quand vous arrivez avec vos camions,
12:39 elle se dégrade ? Les Ukrainiens tiennent ?
12:42 Alors, les Ukrainiens tiennent, mais la situation est vraiment très difficile.
12:45 Moi, j'étais en Ukraine, je suis revenu en décembre.
12:47 Oui, vous y étiez récemment, c'est pour ça que je vous pose la question.
12:49 J'étais à Kharkiv, j'étais dans l'oblaste d'Odnipro.
12:51 C'est clair que la situation est difficile. Il n'y a plus de bombardements depuis le début de l'année.
12:56 Et donc c'est pour ça que c'est essentiel, avec l'hiver, les Russes cherchent toujours à utiliser l'hiver comme arme de guerre.
13:01 Et c'est pour ça qu'on doit vraiment intensifier l'aide humanitaire,
13:05 surtout avec l'hiver et les bombardements.
13:07 « Safe », c'est le nom de votre association Jacques Duplessis.
13:11 L'association Dylona Cosson à Nantes, également, je la retrouve.
13:17 Association Avenir Franco-Ukraine.
13:20 Et puis Carmen qui nous signale cette collecte de médicaments,
13:24 samedi après-midi, Paris, 14h30, 18h.
13:27 C'est 6 rues de Palestine, métro Jourdain, c'est donc dans l'Est de Paris.
13:32 Merci d'avoir accepté l'invitation de ce 13/14, 13h45.