• il y a 9 mois
Avec Guillaume Prévost, délégué général du think tank “VersLeHaut”, et Philippe Watrelot, ancien enseignant et auteur de "Je suis un pédagogiste" (ESF-Sciences Humaines, 2021).

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Transcription
00:00 (Générique)
00:05 Ou plutôt, on retourne au collège.
00:07 Alors, avec cette question qu'on posait, un brin provocant,
00:10 "Êtes-vous pour des groupes de niveau au collège ?"
00:14 C'est la question qu'on vous pose, c'est ce qu'avait promis au début
00:16 Gabriel Attal avant d'avoir rebaptisé la mesure des groupes de besoin.
00:20 Celle qui lui a succédé au ministère de l'Éducation,
00:23 Madame Belloubet a effectué un léger rétro-pédalage
00:27 en expliquant que ce ne seraient pas des groupes figés,
00:29 que ce ne seraient pas les bons élèves d'un côté et les mauvais élèves de l'autre.
00:31 Les groupes seraient établis en fonction des compétences à atteindre.
00:35 Ça concernerait le français et les mathématiques.
00:37 Est-ce une bonne idée ou pas ? On en parle avec nos deux invités.
00:40 Guillaume Prévost, bonjour à vous.
00:42 - Bonjour. - Bienvenue sur Sud Radio.
00:45 Vous êtes délégué général du Think Tank vers le haut.
00:48 Nous sommes également avec notre autre invité, Philippe Poitrelot.
00:50 - Bonjour à vous. - Bonjour.
00:52 Et bienvenue également sur Sud Radio.
00:54 Vous êtes un ancien enseignant et vous êtes auteur de ce livre
00:57 "Je suis pédagogiste" publié chez ESF Sciences Humaines en 2021.
01:02 Alors d'abord, j'aimerais qu'on rappelle deux ou trois définitions
01:04 parce que c'est vrai que les termes que j'ai pu employer
01:06 pouvaient apparaître confus.
01:07 C'est quoi des groupes de besoin, Guillaume Prévost ?
01:10 Ça consisterait en quoi ?
01:12 - Alors groupe de niveau, groupe de besoin,
01:13 c'est vrai que ce n'est pas forcément clair pour tout le monde.
01:15 De quoi parle-t-on exactement ?
01:17 À la suite des résultats de l'enquête PISA début décembre,
01:22 le ministre a décidé de mettre en place
01:25 un enseignement individualisé pour les collégiens
01:27 correspondant à leur niveau,
01:29 notamment dans les matières fondamentales
01:30 que sont la mathématiques et le français.
01:32 Citôt, il y a eu des réactions très vives
01:34 qui ont dit "mais en fait, si on fait des groupes par niveau,
01:37 on va créer mécaniquement des classes de niveau".
01:40 Et ces classes de niveau,
01:41 ni la recherche ni les études internationales
01:44 n'ont démontré leur pertinence, au contraire,
01:46 puisque mécaniquement, on reproduit les différences sociales.
01:49 Et donc très vite, le débat s'est déplacé
01:52 sur l'idée de groupe de besoin,
01:54 c'est-à-dire de groupe qui serait capable d'être reformé
01:57 plusieurs fois dans l'année en fonction de la progression des élèves.
01:59 En gros, si je vous suis bien,
02:01 si je vous suis bien, Guillaume Prévost,
02:03 on ne va pas mettre les mauvais élèves d'un côté,
02:05 les bons élèves de l'autre, les élèves moyens au milieu.
02:07 On va mettre d'un côté les élèves qui doivent progresser
02:10 sur la division euclidienne,
02:11 les autres sur la grammaire et ainsi de suite, quoi.
02:14 C'est ça ?
02:15 Exactement. Et on se rend compte que ça demande
02:18 une très grande agilité pour adapter sans cesse
02:21 les groupes en fonction des besoins des élèves.
02:23 Et ça, ça veut dire que les enseignants se mettent
02:26 dans une organisation de leur discipline
02:28 qui n'a rien à voir avec celle qu'elle est aujourd'hui.
02:30 Donc c'est tout changé.
02:31 C'est une bonne chose pour vous ou pas, en un mot ?
02:33 L'objectif était évidemment un objectif intéressant,
02:36 puisqu'il permet d'aller davantage à la rencontre
02:38 des besoins individuels,
02:39 c'est-à-dire de mieux s'adapter aux besoins des enfants.
02:41 Maintenant, la question qui est posée,
02:43 et notamment qui a été très vite posée par les chefs d'établissement,
02:45 c'est dans quelle mesure le système tel qu'il fonctionne
02:47 aujourd'hui au collège permet de le faire réellement ?
02:50 Et fondamentalement, ce qu'on dit, les chefs d'établissement,
02:53 c'est que la mécanique des emplois du temps est tellement complexe
02:56 qu'une fois qu'on aura formé des groupes de niveau,
02:58 on ne va pas les changer trois fois par an
02:59 parce qu'on n'est pas capable de le faire.
03:01 Et ça, c'est intéressant, parce que ça montre que
03:03 entre la parole, entre le débat, entre les clivages
03:05 un peu théoriques et doctrinaux, et la réalité de nos enfants,
03:08 il y a un gouffre qui ne cesse de s'agrandir
03:10 et qui est inquiétant à la fois pour les enseignants,
03:12 mais aussi pour les familles et pour les enfants.
03:13 Et c'est une des raisons pour lesquelles il y a eu
03:15 une certaine levée de bouclier à l'annonce
03:18 de l'instauration de ces groupes de besoins.
03:20 Par exemple, vous, Philippe Poitrelot, qui est avec nous,
03:21 je le rappelle, ancien enseignant, auteur de ce livre
03:23 "Je suis pédagogiste", pour vous, c'est une usine à gaz ?
03:27 Oui, c'est ce que vient de dire Guillaume Prévost.
03:30 Les chefs d'établissement l'ont tous dit
03:34 avec quand même une certaine fermeté et virulence.
03:39 La décision de Gabrielle Attal,
03:42 mais il ne suffit pas de dire pour faire,
03:44 c'est ça le problème de la gouvernance dans l'éducation nationale.
03:47 Elle intervient le 5 décembre.
03:51 Or, à ce moment-là, les dotations horaires globales dans le Japon,
03:54 ça veut dire quels moyens on donne pour assurer l'année prochaine,
04:00 la dotation horaire globale était déjà fixée.
04:04 Et concrètement, c'est très difficile,
04:07 voire quasi impossible, de mettre en place
04:10 une organisation telle que celle-là, qui est exigeante.
04:13 Et je rejoins Guillaume Prévost sur la distinction
04:16 entre groupes de niveau, des groupes fixes à l'année,
04:19 et des groupes de besoins qui doivent être flexibles et donc agiles,
04:23 selon l'expression en vire aujourd'hui.
04:25 Ça, ça demande des moyens
04:28 et ça demande aussi une organisation qui est extrêmement complexe.
04:32 Et une certaine agilité à l'éducation nationale
04:37 qui manifestement a du mal à en faire preuve,
04:39 si je vous écoute, Philippe Poitrelot.
04:41 C'est facile de blâmer...
04:44 Je ne blâme personne, je parle de l'institution.
04:46 ...et souvent par récocher les enseignants.
04:49 Soyons clairs, ça veut dire aussi pour les élèves
04:53 des emplois du temps avec des amplitudes horaires beaucoup plus grandes,
04:56 ça veut dire des trous dans les emplois du temps,
04:58 ça veut dire aussi que les élèves qui arrivent de CM2
05:03 et qui sont habitués à leur professeur des écoles,
05:06 là ils vont se retrouver avec des groupes qui seront différents
05:11 en maths, en français, etc.
05:13 Ça explose complètement le groupe classe
05:15 qui est quand même un repère important en ce début de scolarité au collège.
05:20 Donc il n'y a pas que des problèmes d'organisation,
05:25 si j'ose dire, et de logistique pour vous derrière cette idée.
05:29 Pour vous, c'est une mauvaise chose de séparer la classe
05:32 et de faire des groupes différents ?
05:34 Alors, tout dépend si c'est temporaire,
05:36 si c'est un endroit précis et sur lequel on revient.
05:39 Et ça, ça suppose des moyens qui ne sont pas présents aujourd'hui.
05:44 Bon, alors deux choses, mais vous disiez aussi que ça pouvait diviser le groupe classe,
05:48 c'est pour ça que je revenais sur votre propos Philippe Poitron.
05:51 Oui, et ça peut aussi, on l'a bien vu, stigmatiser,
05:53 parce qu'il y a de nombreuses recherches là-dessus.
05:55 La décision sort un peu du chapeau,
05:58 alors que la recherche nous dit exactement l'inverse.
06:01 Alors, en quoi, Guillaume Prévost, ce serait stigmatisant
06:05 de regrouper quelques élèves qui ont plus de mal
06:07 avec tel ou tel type, telle ou telle compétence à atteindre,
06:11 par exemple dans le programme de maths ou de français,
06:13 pour qu'ils rattrapent ce retard ?
06:15 En quoi c'est stigmatisant ?
06:17 Alors, moi j'aimerais reprendre un peu de hauteur sur le débat,
06:19 parce que finalement, on redescend très vite à l'égalité contre l'excellence,
06:25 et ce débat enferme.
06:26 Mais on y revient toujours en fait dans ce débat, c'est pour ça.
06:28 ...dont on ne sort pas depuis 40 ans.
06:31 Or, les besoins des enfants sont immenses,
06:33 et il faut se donner aujourd'hui les moyens de reprendre un peu de hauteur.
06:35 De quoi on parle au fond ?
06:37 Que dit le classement PISA ?
06:39 Le débat s'est largement attaché à la chute en mathématiques.
06:42 En fait, on se rend compte que cette chute en mathématiques,
06:44 elle concerne 80% des pays étudiés,
06:48 et le classement PISA s'attache à ceux qui s'en sortent.
06:52 Et ceux qui s'en sortent, pourquoi ils s'en sortent ?
06:54 Ils s'en sortent parce que les élèves sont accompagnés
06:57 dans leur progression de façon individuelle par les enseignants.
07:01 Ils s'en sortent parce que les parents s'impliquent dans la scolarité.
07:04 C'est un critère absolument déterminant,
07:06 notamment de la réussite des enfants venus de milieux populaires.
07:09 Et ils s'en sortent parce que les outils numériques sont bien utilisés.
07:13 Quand on regarde les pays qui s'en sortent le mieux,
07:14 en Asie du Sud-Est, en Estonie,
07:16 c'est l'accompagnement, l'implication des parents,
07:19 le bon usage de numérique.
07:21 Or, quand on regarde l'école française,
07:22 c'est sur ces trois critères très exactement
07:25 que nous sommes en net recul par rapport aux meilleurs pays.
07:29 Donc le sujet, effectivement,
07:30 il est celui de mieux accompagner les enfants.
07:33 Il est celui de mieux se porter à la rencontre de leurs besoins concrets.
07:36 Maintenant, dire si on crée des groupes,
07:39 si on accompagne les enfants, on stigmatise, on ne stigmatise pas,
07:41 ça dépend de la façon dont on le fait.
07:42 On se rend bien compte que tout est dans la qualité de la relation
07:45 et que là où notre école pêche,
07:47 ce n'est pas dans des groupes de niveau, des classes de niveau,
07:49 des organisations ou des dotations en arrière global
07:51 auxquelles personne ne comprend rien, soyons clairs.
07:54 C'est dans notre capacité humaine, très concrètement,
07:57 à nous porter à la relation dont les enfants,
07:59 parce qu'on parle d'enfants au collège,
08:01 ont besoin pour progresser, s'épanouir et grandir sereinement.
08:05 On voit bien aujourd'hui,
08:07 j'aimerais rapporter le sujet sur une autre dimension de l'éducation,
08:11 qui est les souffrances psychiques des enfants.
08:13 On voit qu'on a une hausse très forte des angoisses,
08:16 de la difficulté des enfants à se projeter dans l'avenir.
08:19 Là où notre système pêche, ce n'est pas dans les dotations horaires,
08:22 le point d'indice des enseignements, etc.
08:24 C'est notre système qui a concrètement, en tant qu'adultes,
08:27 nous porter à la rencontre des besoins des enfants.
08:29 C'est là qu'est le besoin, pas dans des discours politiques ou contre politiques,
08:33 ou dans des débats sans fin,
08:35 qui ne font pas avancer notre école ni nos enfants.
08:37 D'autant plus qu'à la fin, si on a une mauvaise note,
08:40 c'est stigmatisant aussi.
08:41 Donc de toute façon, c'est quand même le serpent qui se mord la queue.
08:44 Je vous ai vu vous étrangler,
08:45 je vous ai entendu vous étrangler, Philippe Poitrelot,
08:47 je vous laisse le mot de la fin pour réagir.
08:49 Non, mais je crois qu'on ne peut pas faire l'impasse quand même
08:53 sur des moyens qui sont en baisse.
08:55 Là, il y a un plan d'économie,
08:57 il y a 700 millions qui sont retirés du budget de l'éducation nationale.
09:02 Ce n'est pas rien.
09:03 Donc, cette réforme, si on veut qu'elle marche,
09:06 d'abord, il lui faut du temps et de la formation des enseignants.
09:10 Alors là, je rejoins ce qui a été dit tout à l'heure.
09:13 Et il faut aussi admettre qu'il faut quand même un peu de moyens.
09:18 Il faut des enseignants surnuméraires,
09:19 il faut des organisations qui soient plus souples.
09:23 Mais ça, ça ne s'improvise pas du jour au lendemain.
09:25 Il ne suffit pas de dire le 5 décembre,
09:28 je veux ceci pour qu'à la rentrée prochaine,
09:30 ça marche impeccablement.
09:32 L'éducation nationale, ça prend du temps.
09:34 Le temps de l'éducation n'est pas celui du politique.
09:37 Je crois avoir déjà dit ça sur votre antenne.
09:39 Et vous le redirez, pourquoi pas ?
09:40 Parce qu'on en redébattra avec plaisir avec vous deux.
09:43 Pourquoi pas ?
09:44 Et en studio sur Sud Radio la prochaine fois.
09:46 Merci à vous, Philippe Poitrelot, qu'on entendait à l'instant.
09:48 Je rappelle que vous êtes l'auteur de ce livre,
09:50 "Je suis pédagogiste",
09:51 c'est publié chez ESF Sciences Humaines, c'était en 2021.
09:54 Merci à vous également, Guillaume Prévost,
09:55 délégué général du Think Tank vers le haut.
09:58 A bientôt sur Sud Radio.

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