• il y a 7 mois
Avec Emmanuelle Galichet, enseignante chercheuse en physique nucléaire au conservatoire national des arts et métiers

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Transcription
00:00 12 ans de retard, je le disais. On parle du réacteur nucléaire EPR de Flamanville qui pourra enfin
00:07 entrer en fonctionnement cet été. On en parle avec notre invitée Emmanuelle Gallichet. Bonjour !
00:12 Bonjour !
00:14 Bienvenue sur Sud Radio. Vous êtes enseignante, chercheuse en physique nucléaire au Conservatoire
00:19 national des arts et métiers. Je le disais, 12 ans de retard pour l'entrée en service de ce réacteur
00:24 mais ça veut dire que le chantier en gros aura duré près de 17 ans. C'est une génération qu'il
00:31 aura fallu pour construire un réacteur d'un type nouveau en France. Comment ça s'explique une telle
00:36 durée ? Parce qu'effectivement les équipes ont rencontré énormément de problématiques sur le
00:43 chantier qui sont différentes. Le premier point c'est qu'effectivement il y avait eu une perte
00:49 de compétences sur certains métiers, sur certaines techniques et donc il a fallu réapprendre à
00:56 travailler, à faire des chantiers complexes parce qu'effectivement un réacteur tel que l'EPR c'est
01:02 un grand projet avec énormément de complexité. Donc ça c'est le premier point. Le deuxième point
01:08 c'est qu'effectivement au fur et à mesure qu'on a pris du retard, on a eu la sûreté, les exigences
01:17 de sûreté qui ont changé au fur et à mesure du chantier. Donc il a fallu prendre du temps pour
01:23 mettre en place les exigences de sûreté qui n'avaient pas été prises en compte au début
01:29 dans la conception, dans les plans etc. Donc vous voyez que c'est une petite paramétrique finalement
01:35 c'est tout ce projet et on voit qu'il y a eu plein de problématiques différentes qui ont fait que le
01:43 planning a dérapé. Que le planning a dérapé mais pas seulement le planning, le coût aussi. Est-ce
01:47 qu'on sait à ce stade combien de milliards d'euros aura coûté ce chantier du réacteur nucléaire
01:54 EPR de Flamanville ? Alors bon moi je vais pas rentrer dans les plusieurs instances où on donnait
02:01 des chiffres. Il faut voir qu'en gros ça sera un peu plus de 10 milliards effectivement pour le
02:07 chantier. Alors je vous pose cette question, elle est importante parce que c'est évidemment un
02:11 dépassement, on n'avait pas prévu que ça coûte aussi cher. L'état officiellement souhaite en faire
02:16 construire 14 ou EDF plutôt dans les années qui suivent. Est-ce qu'on a les moyens de construire
02:22 14 réacteurs nucléaires à 10 milliards d'euros pièce ou est-ce que au fur et à mesure qu'on
02:26 en construira de nouveaux ça coûtera de moins en moins cher ? Et bien vous avez exactement raison
02:30 effectivement. C'est ce qu'on appelle l'effet de série dans l'industrie, c'est à dire que là il
02:36 faut voir l'EPR comme un prototype. Donc peut-être la première fois qu'on le fait, effectivement les
02:43 coûts ont beaucoup dépassé et donc on espère, l'industrie nucléaire espère, qu'en en faisant
02:49 plusieurs et en ayant beaucoup appris sur les problématiques sur l'EPR, et bien on va pouvoir
02:55 avoir ce qu'on appelle l'EPR2, plus facile à construire. Toutes les ingénieries ont travaillé
03:03 pour rendre la construction et les plans beaucoup plus simples et on espère qu'au fur et à mesure
03:10 qu'on apprenne à travailler, bien évidemment ça va aller plus vite et donc un planning plus rapide
03:16 ça veut dire un coût diminué. Alors question de Néophyte, j'espère que vous me la pardonnerez,
03:22 mais qu'est-ce qu'il a de plus ce réacteur EPR ? Pourquoi c'est si important de partir sur un
03:27 nouveau modèle ? Après tout nos bonnes vieilles centrales marchaient très bien, on aurait pu faire
03:30 le même modèle qu'on savait construire. Oui alors je sais pas si au bout de 20 ou 25 ans,
03:36 on aurait su construire encore même les paliers que nous avons, les réacteurs que nous avons sur
03:41 le parc, parce que vous avez eu une perte de compétences, les anciens sont partis à la
03:45 retraite et les jeunes n'ont pas eu le temps sûrement de reprendre les vraies compétences,
03:51 puisque la compétence c'est l'expérience. Donc vous voyez, un jeune ne remplace jamais un vieux,
03:55 c'est ça qu'il faut savoir sur les projets d'une telle complexité. Et donc aujourd'hui,
04:01 bon, l'important c'est, entre le parc et les EPR et les EPR2, c'est vraiment des exigences
04:11 de sûreté beaucoup plus importantes. C'est-à-dire qu'aujourd'hui, au lieu de se dire "bon on essaye
04:17 de diminuer de manière drastique les probabilités d'accident", eh bien en plus, sur l'EPR,
04:25 et l'EPR2, et tous les réacteurs d'aujourd'hui à travers la planète, qui sont ce qu'on appelle
04:29 les générations 3, on se dit "bon bah ok, l'accident, même si la probabilité est très
04:35 très très très petite, peut-être qu'il peut arriver, et alors je mets les parades,
04:39 je construis et je dimensionne les parades de manière à ce que l'accident reste confiné à
04:46 l'intérieur du site". Donc la sûreté de l'EPR, c'est son premier atout par rapport aux autres
04:52 modèles, c'est ça ? Oui, complètement. Et le deuxième, c'est quoi ? C'est la puissance ? C'est
04:57 la puissance. On n'est jamais allé aussi haut en puissance sur le parc. Le dernier palier,
05:02 le dernier réacteur, c'est 1450 MW, et là on est à un petit peu plus de 1600 MW. Donc on a vraiment
05:09 le réacteur le plus puissant en France. Bon, il devrait entrer en service cet été, c'est ce qui
05:16 en tout cas a permis l'autorité de sûreté nucléaire. Est-ce qu'on sait s'il y a un autre
05:20 chantier, et si oui, où il pourrait avoir lieu, pourrait être lancé en France ? Alors le prochain,
05:26 après l'EPR, effectivement, il est déjà projeté, planifié, il sera à Pansly. Ce sera la construction
05:35 de deux EPR2. Eh bien écoutez, j'espère qu'on pourra en reparler avec vous, et si possible
05:40 avant 12 ans, tant qu'à faire, au moins on aura gagné en expérience. Merci beaucoup pour cet
05:45 éclairage Emmanuel Gallichet, enseignante chercheuse en physique nucléaire au Conservatoire national des
05:51 arts et métiers.

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