États-Unis : la justice menace la fortune et l'empire immobilier de Donald Trump. Explication avec Jean-Claude Beaujour, avocat et spécialiste de la politique intérieure des États-Unis.
Regardez L'invité d'Yves Calvi du 21 mars 2024 avec Yves Calvi.
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00:00 Vous êtes sur RTL.
00:02 RTL matin.
00:08 Bonjour Jean-Claude Beaujour, vous êtes un spécialiste de la politique américaine.
00:24 Merci de nous rejoindre sur RTL.
00:25 On vient d'entendre Donald Trump, J-4.
00:27 Le compte à rebours est lancé pour l'ancien président américain.
00:30 Il a jusqu'à lundi pour trouver 454 millions de dollars, 420 millions d'euros en gros.
00:34 C'est le montant de l'amende pour faute financière qu'il doit la justice new-yorkaise.
00:38 Une somme qui augmente chaque jour de 87 500 dollars jusqu'à son remboursement.
00:42 Jean-Claude Beaujour, la fortune de Trump est-elle vraiment en danger ?
00:46 Écoutez, il a une fortune estimée par Forbes en 2024 de 2,6 milliards de dollars.
00:53 Mais vous venez de passer un son dans lequel il disait qu'il avait 8 milliards de dollars.
00:59 Il ne me semble pas qu'il ait perdu autant.
01:01 Quoi qu'il en soit, sa fortune n'est pas en danger.
01:04 Mais le vrai sujet, sera-t-il en mesure de payer les 460 millions de dollars d'ici à lundi ?
01:12 Vous avez entendu le procureur de New York dire, la tournée générale dire,
01:17 si je n'ai pas mon argent, c'est une expression qui est très américaine,
01:20 si je n'ai pas mon argent d'ici à lundi, nous irons chercher l'argent là où il est.
01:25 En d'autres termes, on va exécuter le jugement.
01:28 Ça se traduit par quoi pour celui qui envisage de redevenir président des Etats-Unis ?
01:33 Ça peut se traduire d'une part par le fait que ses biens vont être saisis.
01:38 Alors attention, c'est pas dès lundi, il ne va pas devoir déménager,
01:42 mais il y a des procédures.
01:43 On saisit une propriété ? On va directement sur les comptes bancaires ?
01:46 Mar-a-Lago, ça peut être les comptes bancaires, Mar-a-Lago vaut à peu près 220 millions, 240 millions de dollars.
01:54 Vous savez, c'est sa très grande propriété de Floride, l'une des propriétés de Floride.
01:58 Il y a aussi les golfs, il y a aussi les actifs, il y a un certain nombre de choses
02:01 qui peuvent être gelées dans les médias, saisies, et puis après éventuellement,
02:05 il y a des procédures qui peuvent emmener à la vente des biens.
02:08 On n'en est pas encore là, mais en tout cas, ça veut dire qu'il ne pourra pas disposer des biens en question.
02:12 Et puis, il y a l'immeuble du 40th Street à New York, la Trump Tower à saisir.
02:20 Une petite précision quand même, n'oublions pas que Trump, c'est avant tout une marque.
02:25 Il n'est pas certain qu'il soit propriétaire de tous les biens que l'on connaisse.
02:30 Il y a des montages juridiques, il n'est pas non plus idiot,
02:32 il y a certainement des montages qui vont éviter qu'il soit complètement déployé.
02:37 Est-ce que c'est un château de cartes qui peut s'effondrer dans les circonstances actuelles ?
02:41 Alors, ma réponse est non sur le plan financier, parce que là encore, il a quand même 2,5 milliards de dollars.
02:49 Ils le poquettent.
02:50 Non, vous savez, ce sont la valeur de ses actifs, etc. Ils ne sont pas des moines.
02:55 Donc, il ne risque pas de s'écrouler.
02:57 La deuxième chose pour meuler la campagne, je rappelle que pour une présidentielle américaine,
03:01 on est loin du compte en France.
03:02 Pour la présidentielle américaine, c'est à peu près 1 milliard de dollars.
03:06 Donc, il a des fonds qui vont arriver. Donc, ça ne risque pas.
03:09 Il a des donneurs, des bailleurs de fonds.
03:11 S'il est dans une dynamique de victoire, et il est parfois un tout petit peu en avant sur certains états par rapport à Biden,
03:18 il aura les avoirs nécessaires pour pouvoir, enfin les fonds nécessaires pour pouvoir faire sa campagne.
03:23 Donc, son avenir politique n'est pas, au moment où nous parlons, menacé réellement.
03:27 On n'envisage pas qu'il ne puisse pas faire la campagne,
03:29 on n'envisage pas qu'il ne puisse pas d'une façon ou d'une autre trouver l'argent.
03:31 Sur le plan financier, non. Sur le plan campagne financière, non.
03:35 Est-ce que ça a une implication dans l'opinion publique ?
03:37 Est-ce que ça peut jouer contre lui à l'élection présidentielle ?
03:40 Écoutez, je pense que l'électorat de Donald Trump est un électorat extrêmement motivé, extrêmement pugnace.
03:49 Et pour lui, finalement, tout cela repose sur quoi ?
03:52 Repose sur deux choses.
03:54 Premièrement, et le président ne cesse de le dire, il dit, je reprends sa phrase,
03:59 "la guerre juridique est en réalité une interférence politique".
04:03 En d'autres termes, c'est un montage tout cela.
04:05 Il ne répond pas sur le fonds, il ne répond pas sur le fait d'avoir augmenté la valeur de ses actifs
04:10 pour se faire prêter ou garantir un certain nombre de fonds.
04:14 Il ne répond pas sur le fonds.
04:15 Il dit, tout cela, c'est finalement une guerre politique que l'on me mène,
04:18 et c'est une guerre contre l'Amérique.
04:20 Je ne dis pas que c'est ce que je suis en train de dire, mais c'est lui, c'est son argument.
04:23 Donc ça nourrit son image de rebelle.
04:25 Ça nourrit son image, ça galvanise son électorat.
04:28 Mais attention, ça pour l'instant nous sommes dans les primaires et nous sommes dans les premiers sondages.
04:34 Attention, le 5 novembre, il devra aller chercher aussi des électeurs centristes,
04:39 malgré tout, qui sont des gens un petit peu moins actifs, plus raisonnables,
04:44 et qui peuvent être gênés par ce côté "va t'en guerre" de Donald Trump.
04:48 En tout cas, je ronds avec tout le système.
04:51 Cette rupture peut gêner un certain nombre d'électeurs centristes.
04:55 Je passe de l'autre côté, pourquoi Joe Biden peine-t-il à ce point à rassembler ?
04:58 C'est à cause de son âge, finalement ?
04:59 Non, je ne pense pas que ce soit.
05:01 Alors, c'est aussi une question d'âge, mais Joe Biden est en début de campagne.
05:06 Vous avez vu qu'il a, depuis le discours de l'Union, il a changé en quelque sorte de cap.
05:11 Il n'est plus sur les résultats économiques et sociaux, il est sur les valeurs,
05:16 il est sur l'avortement, sur la démocratie en danger,
05:20 sur des sujets qui tiennent à l'Amérique, à son électorat.
05:26 Il est en train de rassembler l'électorat démocrate.
05:28 Nous sommes très loin encore du 5 novembre, nous ne sommes qu'à la mi-mars.
05:32 Donc, il reste encore du chemin.
05:34 J'ai le sentiment qu'il part beaucoup plus lentement.
05:36 C'est vrai que dans le camp démocrate, et dans ce qu'un conseiller d'Obama disait,
05:39 "attention, on est en danger", dans le camp démocrate, on recommence à se mobiliser.
05:44 Alors, je vais vous poser une question bien française.
05:46 Faut-il avoir peur pour la démocratie américaine si Donald Trump est effectivement élu en novembre ?
05:50 Je ne le pense pas, parce que les institutions sont assez fortes.
05:53 Il y a une Cour suprême, elle a beau être conservatrice, mais il y a une Cour suprême,
05:57 il y a des juges, il y a des instances.
05:59 Et vous savez, finalement, quand vous regardez la Constitution américaine, deux choses.
06:02 Finalement, le président américain a moins de pouvoir que le président français.
06:06 Il est obligé de composer en permanence avec le Congrès.
06:09 Et à ce sujet, le 5 novembre, il va se jouer non seulement l'élection présidentielle,
06:13 mais aussi l'élection d'un certain nombre de membres du Congrès.
06:17 La majorité est très faible d'un côté comme de l'autre.
06:20 Donc, Donald Trump devra s'assurer d'avoir un Sénat majoritaire.
06:24 Et je rajoute une chose, si vous me permettez, c'est que ces candidats,
06:28 les candidats de "Make America Great Again", MAGA,
06:31 donc les candidats Trumpistes, les plus fervents,
06:34 ont du mal à se faire élire dans leur circonscription, pour faire court.
06:39 Donc, attention à ce qu'il ne soit pas président sans une majorité au Sénat.
06:45 Ce qui lui compliquerait la tâche.
06:47 Une toute dernière question, vous qui connaissez si bien ce pays,
06:49 finalement, sur quel thème va se jouer la présidentielle américaine, selon vous ?
06:52 Sur les valeurs. Vous avez vu que les démocrates sont assez attachés à la question,
06:59 par exemple, la relation israélo-palestinienne.
07:02 Elle est attachée à la liberté.
07:05 Donc, ça va se jouer sur ces thèmes-là.
07:07 Est-ce que Donald Trump peut être une menace pour la démocratie américaine,
07:12 pour les libertés publiques ?
07:13 Ça va être ça qui va être, pendant toute la campagne,
07:15 la crainte de Donald Trump et le retour d'un certain nombre d'extrêmes.
07:19 Merci beaucoup, Jean-Claude Beaujour.
07:21 Vous êtes spécialiste de la politique américaine.
07:23 Très bonne journée à vous.
07:24 Merci.
07:25 [SILENCE]