• il y a 8 mois
Pierre Bellemare comme vous ne l’avez jamais entendu ! C’est la promesse de ce nouveau podcast imaginé à partir des archives exceptionnelles du Service Patrimoine Sonore d’Europe 1.
Affaires criminelles, true crime, crimes, enquêtes, crimes historiques ou plus récents, crimes crapuleux, crimes familiaux, crimes inexpliqués surtout : Pierre Bellemare est le pionnier des grands conteurs de récits radiophoniques. Dans les années 70, cette voix culte d’Europe 1 a tenu en haleine les auditeurs avec ses histoires extraordinaires. Des histoires vraies de crimes en tout genre qui mettent en scène des personnages effrayants, bizarres ou fous. Des phrases à couper le souffle, des silences lourds de suspense, un univers de polar saisissant et puissant.
Avec un son remasterisé et un habillage modernisé, plongez ou replongez dans les grands récits extraordinaires de Pierre Bellemare.

En 1865 aux Etats-Unis, cela fait maintenant plusieurs années que le pays se déchire dans une guerre civile entre le nord et le sud à propos de l’esclavagisme. Également à cette époque, à la programmation de nombreux théâtres, il y a John Booth. Un comédien à succès qui suscite l'admiration par son talent et sa beauté. Mais à 28 ans, le jeune homme souffre de laryngite chronique qui le contraint à arrêter la scène. Il se lance alors dans les affaires. Désormais, il est à la tête d’un groupe conspirateur. Son plan ? Organiser l’assassinat du président des états du nord des États-Unis : Abraham Lincoln. L’après-midi du 14 avril 1865, John Booth entre dans le théâtre de Washington. L’acteur est évidemment bien connu des lieux et son passage n’interpelle personne. John Booth se hisse au balcon, suit le corridor et derrière les loges, gagne l’avant-scène présidentielle. Ce soir, le président et sa femme doivent s’y rendre. Le spectacle à commencé et John Booth est dans sa cachette. C’est le début de l’acte 2. L’acteur John Booth s'élance alors et tire à bout portant sur le président, qui s’écroule, une balle dans la nuque. L’acteur saute ensuite sur la scène et sort, comme au théâtre, par les coulisses. Comment ce drame a-t-il pu se produire ? L’officier de garde rapprochée du président, également amant de madame Lincoln n’était pas présent ce jour-ci. Coup monté ou simple coïncidence ? De plus, un barrage a été élevé au niveau du pont “Navy Bridge”... alors qui a bien pu donner le mot de passe au meurtrier John Booth pour qu’il passe ? Le plus incroyable encore, c’est que le meurtre de Lincoln a été annoncé à la presse dès l’après-midi, alors que le drame n’avait pas encore eu lieu… D’ailleurs, où est passé John Booth ? Pierre Bellemare raconte cette incroyable histoire dans cet épisode du podcast "Les récits extraordinaires de Pierre Bellemare". Cette émission est issue des archives d’Europe 1 et a été enregistrée en 1976. Ce podcast est produit par Europe 1 Studio. 
Retrouvez "Les Récits extraordinaires de Pierre Bellemare" sur : http://www.europe1.fr/emissions/les-recits-extraordinaires-de-pierre-bellemare

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Transcription
00:00 Bienvenue dans les récits extraordinaires de Pierre Belmar.
00:07 Un podcast issu des archives d'Europe 1.
00:10 "Au temps en emporte le vent"
00:13 Un roman célèbre, un beau film.
00:16 Vous l'avez peut-être vu autrefois.
00:19 "Au temps en emporte le vent" raconte justement un des épisodes les plus poignants de l'histoire américaine.
00:25 La guerre entre le nord et le sud, la guerre de Sécession, mais vue à travers la vie d'un personnage étonnant, agaçant, exaltant.
00:32 Une jeune et jolie femme, Scarlett O'Hara.
00:36 Les malheurs de Scarlett n'ont pas fini de faire pleurer les foules.
00:39 Elle est sudiste, elle appartient donc au camp des vaincus.
00:42 Elle subit l'invasion, les bombardements, le siège d'Atlanta, l'incendie de la ville, l'exode, la famine et après la défaite, les exactions des profiteurs de guerre.
00:53 Comme elle est courageuse, égoïste, intelligente et désirable, Scarlett arrive toujours à se tirer des situations les plus désespérées.
01:01 La rage au cœur, car elle n'accepte pas les événements, elle en triomphe avec énergie sans jamais se résigner.
01:07 Le récit de ses aventures fait très bien comprendre la haine ressentie par les sudistes contre leurs assaillants venus du nord.
01:15 Une haine née de la guerre.
01:18 Or, quel est le motif de cette guerre ?
01:21 Le président Lincoln a interdit l'esclavage.
01:26 Les états du sud, qui veulent conserver leurs esclaves noirs, ont décidé de se séparer des états du nord.
01:33 Sécession inadmissible, incompatible avec le développement des Etats-Unis.
01:39 Le nord attaque, envahit le sud, gagne la bataille en 1865.
01:44 Le président Lincoln paiera de sa vie cette victoire.
01:49 Il sera le premier président américain à être assassiné.
01:53 Et dans des conditions spécifiques, vraiment particulières à son pays.
01:58 Et qui ne sont pas sans rappeler d'autres assassinats politiques outre-Atlantique, notamment celui de Kennedy.
02:04 Oui, un président américain ne meurt jamais comme un autre président d'un pays quelconque.
02:11 Pourquoi ?
02:13 [Musique]
02:31 Scarlett O'Hara, malgré la haine qu'elle ressent pour les fauteurs de guerre,
02:35 n'aurait jamais eu l'idée qu'on pût assassiner le président Lincoln.
02:39 Pourtant, pourtant, c'est lui qui a déclaré cette guerre, non ?
02:44 Elle pense d'abord, et la plupart des citoyens américains comme elle, à l'agrément de sa vie quotidienne,
02:49 à posséder une maison, à exploiter un domaine, à s'enrichir,
02:53 appartenir au peuple qui jouit du niveau de vie le plus élevé du monde,
02:57 et son problème numéro un, grâce à la liberté, la liberté d'entreprendre.
03:02 Après tout, c'est un idéal politique comme un autre.
03:05 Assez égoïste, il est vrai, et surtout très différent des principes de la politique européenne plus théorique ou philosophique.
03:11 On constate donc deux choses essentielles.
03:14 Primo, le président américain, qui pour des raisons internationales
03:19 se met en travers des préoccupations habituelles de son peuple, est menacé.
03:23 Secondo, celui ou ceux qui vont l'abattre ne sont pas des anarchistes du type de celui qui a tué, par exemple,
03:29 le président Duhmer à Paris, mais des nantis, j'allais dire des bourgeois,
03:33 qui défendent la liberté, leur liberté, pour ne pas dire le profit.
03:39 Quant au président, qu'il soit riche comme Kennedy ou pauvre comme Lincoln,
03:43 un ancien bûcheron, un self-made man, cela ne change rien à l'affaire.
03:48 Ce qui change, ce sont les assassins.
03:52 Pas de pauvres bougres sans foi ni loi.
03:55 Ils ont une situation des relations notamment politiques ou policières.
03:58 Leur main est téléguidée par de puissants personnages qui demeurent dans l'ombre.
04:05 John Booth appartient à une famille d'acteurs.
04:09 Son père, un comédien très célèbre, a aidé ses trois fils à monter sur les planches.
04:14 Ils y réussissent, leur spécialité, Shakespeare.
04:19 John, grand, beau, les cheveux noirs, les yeux profonds, sait admirablement faire vibrer les spectateurs
04:25 en s'approchant à l'avant scène et en les dévisageant pour dire « être ou ne pas être, telle est la question »
04:33 ou bien avant de sortir dans les coulisses en brandissant son épée et en hurlant « mon royaume pour un cheval ».
04:41 Malheureusement, il crie un peu fort. C'est la mode à l'époque.
04:45 Abîme sa voix, souffre de laringites chroniques et, à 28 ans, doit abandonner le spectacle.
04:50 Il se lance dans les affaires, le pétrole.
04:54 Il habite Washington. Il connaît le banc et l'arrière-banc de la politique et est fiancé avec la fille d'un sénateur.
05:01 Voyage beaucoup et, en particulier, se rend souvent au Canada.
05:05 La police découvrira plus tard dans ce pays un complot sudiste.
05:09 Puis, ayant trouvé dans les papiers de John un chiffre et une correspondance chiffrée,
05:15 notamment avec le président de la Confédération sudiste, Jefferson Davis,
05:20 on en déduira qu'il était l'un des agents secrets du Sud.
05:25 John se réunit avec des amis dans une pension de famille de Washington, High Street, tenue par une veuve, Mrs. Surratt.
05:33 Il y a le fils de la propriétaire, un ancien séminariste, désormais un espion.
05:38 Il y a un émigré prussien de 29 ans, Georg Adzerod.
05:44 Un cocher qui connaît parfaitement les routes pour sortir de la ville.
05:48 Il y a un jeune homme de 19 ans, David Herold, étudiant en pharmacie, mais préférant à ses études la chasse aux perderies.
05:55 Il y a enfin trois déserteurs, Arnold et O. Laughlin,
06:01 tous deux camarades de classe de John Booth au Collège catholique de Saint-Timothy.
06:05 N'oublions pas que le site est catholique, grâce à nous les Français, et le nord-protestant, grâce aux Anglais.
06:10 Et enfin, Lewis Penn, un homme d'une force absolument prodigieuse.
06:14 Le groupe des conspirateurs attend les ordres de leur chef, l'ancien acteur négociant en pétrole, John Booth.
06:21 Tout est changé.
06:23 En consternation générale, le plan prévu consistait à enlever le président Lincoln pendant une de ses promenades,
06:28 à le conduire en un lieu sûr, à Porto Baco, sur le Potomac,
06:33 et à obtenir, grâce à cet otage de marque, de meilleures conditions dans les négociations de paix après la reddition de l'armée sudiste.
06:42 Alors, plus d'enlèvements, demande Serhat, et dire que tout est prêt.
06:47 Le steamer pour remonter le Potomac est réquisitionné,
06:50 les armes nécessaires pour stopper sur la route la voiture du président entreposée dans une auberge.
06:55 Non, pas d'enlèvements, confirme John Booth, c'est trop tard.
07:01 Je n'ai pas d'explication d'ailleurs à vous donner.
07:04 Notez seulement ce que vous aurez à faire.
07:07 Oh, tu exagères, remarque Arnold. Avec nous, on ne peut jamais discuter.
07:12 Si tu n'es pas content, c'est le même prix.
07:15 D'ailleurs, tu n'as plus le choix, mon vieux.
07:19 À moins que tu préfères...
07:22 Enfin, tu vois ce que je veux dire.
07:24 Non, non, non, non, c'est bon, c'est bon.
07:27 Je suis d'accord.
07:29 Toi, viens.
07:30 Toi, Herold, tu vas louer un cheval et le mettre avec le mien dans mon box au théâtre.
07:36 Le média a conservé ce privilège de disposer comme les autres acteurs de la troupe des écuries.
07:41 On dirait aujourd'hui du parking.
07:43 Mais qu'est-ce qu'on va faire avec ces chevaux?
07:45 Eh bien, le décèdera, le tien et le mien, le jour.
07:48 Et à l'heure que je t'indiquerai, et tu m'attendras aux abords dans la cour.
07:52 Et nous autres.
07:54 Attendez, toi, Géorgueux, tu te chargeras du vice-président Johnson.
07:58 On verra ça ensemble tout à l'heure.
08:00 Et toi, Lewis, du secrétaire d'État Seaworld.
08:03 Mais comment?
08:04 C'est très simple.
08:06 Il a eu un accident de voiture. Il est couché chez lui.
08:09 Alors tu lui apportes des médicaments, ceux que lui fournit le pharmacien au travail Herold.
08:13 Ben, alors pourquoi pas Herold?
08:15 Non, toi.
08:18 Herold n'est pas capable de le tuer.
08:23 Parce qu'on va tous les tuer?
08:26 Le président aussi?
08:29 Ça, c'est mon affaire.
08:32 Silence. Silence de mort, c'est le cas de le dire.
08:38 Olaf Blin se lève et s'apprête à quitter la salle.
08:43 Où vas-tu? Je m'en vais.
08:45 Je m'en vais, il n'a jamais été question d'assassinat, je ne suis pas d'accord.
08:49 Très bien.
08:51 Mais attends.
08:53 Tu sais ce qui t'attend?
08:55 C'est pas votre intérêt.
08:57 Et puis, de toute façon, on ne meurt qu'une fois.
09:00 Il sort.
09:03 John et les autres se concertent sur l'attitude à prendre.
09:08 Et si leurs camarades prévenaient la police?
09:11 À ce moment, un client de la pension de famille, Louis Weichmann, ouvre la porte du salon.
09:17 Je vous dérange?
09:19 Tout le monde s'étue.
09:21 Louis l'air goguenard, dévisage les amis réunis autour de la table, puis referme la porte et s'en va.
09:28 C'est lui qui dénoncera le groupe à la police.
09:34 Il reste un personnage important dont je ne vous ai pas encore parlé, peut-être le principal personnage du drame.
09:41 Edwin Stanton, secrétaire d'État à la guerre.
09:46 Il ne s'entend pas avec le président.
09:49 Lincoln voulait terminer la guerre au plus vite et la guerre finie par donner aux vaincus.
09:54 Et les prisonniers demandent Stanton, laissez-les rentrer chez eux, qu'ils se remettent au travail, le pays en a besoin,
10:01 surtout après toutes ces destructions.
10:03 Et les traîtres, ceux qui ne veulent pas des armées, on leur fasse comprendre que le mieux pour eux est de quitter le pays,
10:10 mais qu'on les laisse sortir.
10:12 Hein? Vraiment?
10:16 Cette méthode de pacification n'est pas celle de Stanton.
10:20 Ses instructions sont très différentes.
10:24 Il faut faire durer la guerre et couler assez de sang pour que le Nord haïsse le Sud.
10:29 Terminer la guerre avant que la nation soit résolue réellement à l'abolition de l'esclavage serait un échec.
10:35 La lutte doit être poursuivie, même après la victoire.
10:39 Il n'y a pas que les idées du secrétaire d'État qui sont curieuses.
10:42 Il y a ses actes.
10:44 Le vendredi 5, 14 avril, il donne l'ordre de couper le télégraphe.
10:49 Le général Grant, le chef de l'armée du Nord, est prévenu de ne pas se rendre au théâtre à une représentation de gala à laquelle doit assister le président.
11:00 Grant est-il prévenu par son ministre?
11:04 Enfin, et c'est le plus incroyable, des fonctionnaires du ministère auraient annoncé à la presse l'exécution de Lincoln dans l'après-midi,
11:13 alors que le drame allait se dérouler dans la soirée.
11:18 La collusion indirecte sans doute, mais réelle entre Stanton et John Booth semble donc probable.
11:25 De là à accuser le secrétaire d'État à la guerre.
11:40 Le 11 avril 1865, trois jours avant d'être assassiné, le président Lincoln prend le petit déjeuner avec son épouse Mary.
11:49 Celle-ci s'inquiète.
11:51 « Vous me semblez bien triste ce matin, ça ne va pas? À quoi pensez-vous dans? »
11:56 « Oh, c'est étrange. On parle beaucoup de songes dans la Bible.
12:01 Il y a, je crois, 16 chapitres dans l'Ancien Testament et 4 ou 5 dans le Nouveau où il en est question.
12:09 Vous croyez aux rêves? Je ne dis pas cela.
12:13 Et pourtant j'ai rêvé cette nuit que j'entendais des sanglots étouffés comme si beaucoup de gens étaient en train de pleurer.
12:19 Je ne voyais pas ces gens.
12:21 J'étais dans un immeuble sans fin. J'allais de salle en salle sans rencontrer personne.
12:27 Et tout d'un coup, je trouvais devant moi un catafalque avec autour des soldats au garde à vous.
12:33 Je demandais à un officier « Est-ce que quelqu'un serait mort à la Maison-Blanche? »
12:38 « Oui, le président. Il a été assassiné. »
12:43 Alors je me suis réveillé. Mais j'avoue que j'ai eu du mal à me rendormir.
12:50 Ne vous inquiétez pas, mairie, ce n'est qu'un rêve.
12:54 Bon, je reprendrai bien un peu de thé. »
12:58 Trois jours plus tard, donc dans l'après-midi du vendredi 5, 14 avril,
13:03 l'ancien acteur John Booth se rend au théâtre sous prétexte de rencontrer des amis qui répètent.
13:08 Il monte au balcon, suit le corridor derrière les loges et gagne l'avant-scène présidentielle.
13:14 Elle se compose de deux pièces séparées par une cloison et d'une porte qu'on peut verrouiller.
13:19 John perd sa trou à travers la cloison avec un vilebrequin, dévisse le verrou de la porte,
13:25 enfin dépose sa canne dans un coin. Personne ne l'a vue.
13:31 Le soir, Lincoln, sa femme, un aide de camp accompagné de sa fiancée,
13:35 assiste à la représentation, une comédie, Notre Cousine d'Amérique.
13:39 Le président, bon public, s'amuse franchement.
13:42 Mairie est au premier rang, elle désire surtout être vue de la salle.
13:46 Elle s'est mise sur son 31, n'est-elle pas la première dame de l'Amérique?
13:50 L'aide de camp et sa compagne se sont assis dans le fond de la pièce sur un canapé.
13:54 Ils se tiennent par la main et s'occupent davantage d'eux-mêmes que du spectacle.
13:58 Deuxième acte. John Booth, après avoir bu un verre de brandy au bar, monte au balcon.
14:06 Les contrôleurs qui le connaissent le saluent.
14:09 Il arrive jusqu'à l'avant scène présidentielle.
14:13 Il entre dans l'antichor. Théoriquement, il devrait s'y trouver un officier de garde.
14:19 Il n'y a personne. Une chance.
14:23 Il ferme la porte qui donne sur le couloir et place sa canne contre la serrure de manière à ce qu'on ne puisse pas l'ouvrir du dehors.
14:31 Il regarde par le trou à travers la cloison.
14:34 Rien ne gêne son passage pour atteindre le président.
14:38 Alors, il ouvre l'autre porte qui donne directement sur l'avant scène et dont le verrou dévissé saute facilement.
14:45 Un poignard dans la main gauche, un pistolet dans la droite.
14:50 Il s'élance et tire à beau portant sur le président qui tombe une balle dans la nuque.
14:56 L'aide de camp s'est précipitée, mais trop tard.
14:59 Il attrape John par les basques de son habit, mais le meurtrier se dégage avec son poignard,
15:04 blesse l'officier et saute par-dessus la balustrade sur la scène.
15:09 Acteur avant tout, John regarde le public et s'écrit "Mort aux tyrans, vengeance pour le Sud".
15:17 Les spectateurs stupéfaits et croyant à un artifice de mise en scène ne bougent pas.
15:23 Une actrice, seule sur le plateau à ce moment-là, reste médusée.
15:29 John Booth sort, comme au théâtre, par les coulisses.
15:33 Dans la cour attend son complice et rolte avec les deux chevaux.
15:36 Ils se mettent en selle, s'enfuient au galop, traversent la ville et gagnent la campagne.
15:41 John, en sautant du balcon sur la scène, s'est foulé la cheville.
15:44 Il s'arrête en route chez un médecin de ses amis, qui le soigne pendant 48 heures,
15:48 puis il repart avec l'espoir d'arriver en Virginie, où il pourra se cacher sans être dénoncé.
15:56 Il souffre toujours de son pied. Il doit s'arrêter pendant six jours dans une forêt,
16:00 où son ami et Rolde s'occupent de lui.
16:02 Enfin, les deux complices atteignent les rives du Potomac.
16:05 En face, c'est la liberté. Mais comment traverser la rivière ?
16:10 Il y a bien un passeur qui loge dans une cabane près de l'endroit où son bateau est amarré,
16:14 mais peut-on lui faire confiance ?
16:16 Des affiches promettent déjà 10 000 dollars à celui qui livrera John Booth.
16:23 Arrivent par chance trois soldats sudistes libérés qui retournent chez eux en Virginie.
16:27 John se fait connaître. N'est-il pas un héros pour le Sud ?
16:31 Les soldats n'hésitent pas.
16:33 Ils emploient la force pour obliger le passeur à traverser le Potomac,
16:36 avec à bord l'assassin de Lincoln.
16:40 La suite des événements est sujet à caution.
16:44 Nous y reviendrons, mais je voudrais d'abord relever quelques anomalies de ce dossier.
16:49 Alors imaginons, si vous le voulez bien, que j'interroge un journaliste américain.
16:54 Appelons-le Harry.
16:56 Dites-moi, Harry, vos présidents sont si mal gardés qu'on puisse les approcher avec autant de facilité ?
17:03 Vous savez, chez nous, un président se considère comme vous et moi.
17:07 Il n'aime pas tellement être protégé.
17:09 Enfin, depuis le début de la guerre, Lincoln se savait menacer.
17:13 Il n'était pas gardé.
17:15 Si, si, mais ce soir-là, un officier de garde est allé boire un verre.
17:19 Cela vous paraît normal ?
17:22 S'il est exact qu'il était l'amant de Mme Lincoln, il faisait un peu ce qu'il voulait.
17:28 Ah, parce que Mme Lincoln n'aimait pas son mari.
17:31 Elle le trompait, en tout cas, avec un peu n'importe qui.
17:35 Même avec le jardinier, dit-on.
17:37 C'était une femme vaniteuse, intéressée.
17:40 Ses frères, vous le savez, servaient dans l'armée sudiste.
17:43 Vous savez ce qu'on disait d'elle ?
17:45 Elle est aux deux tiers pour l'esclavagisme, le tiers qui reste pour la sécession.
17:51 Et Lincoln supportait ça ? Que voulez-vous ?
17:55 Il était déjà très vieilli à l'époque.
17:57 Il paraissait beaucoup plus que ses 56 ans.
18:00 Il n'est d'ailleurs pas impossible que sa femme ait trompé dans le complot.
18:03 Du moins, on l'a prétendu.
18:05 Cela me paraît un peu exagéré.
18:07 Moi aussi.
18:08 La décision de supprimer le président vient de plus haut.
18:11 Le secrétaire d'État à la guerre, alors ?
18:14 Peut-être.
18:16 Après l'assassinat, toutes les routes du nord ont été bloquées.
18:20 Pas celle du sud, qui était pourtant la route normale que devait prendre le meurtrier.
18:26 Et puis, il fallait passer d'un pont, le Navy Yard Bridge, où il y avait un barrage.
18:33 Alors, qui a donné le mot de passe à John Booth ?
18:37 Ce n'est pas tout.
18:39 Un détachement a été lancé à la poursuite de John Booth.
18:42 Son commandant a reçu l'ordre de rebrousser chemin le 21 avril.
18:46 Un jour de plus et il rattrapait les fugitifs.
18:51 Je ne comprends pas bien pourquoi le secrétaire d'État aurait-il favorisé la fuite de John Booth.
18:58 Tout simplement pour le faire arrêter par l'armée au moment où ça l'arrangeait ?
19:02 Alors c'est pour ça que John Booth a été pris dans une ferme en Virginie,
19:06 cerné par des cavaliers qui lui ont mis le feu ?
19:09 Il s'est suicidé plutôt que de se rendre, non ?
19:12 Pour ça, ce n'est pas sûr du tout.
19:14 Même le soi-disant cadavre de John Booth accuse le secrétaire d'État
19:18 ou quelques autres personnages importants dans la politique et les affaires.
19:22 Figurez-vous, une admiratrice de John est allée après sa mort lui couper une mèche de cheveux.
19:29 Elle a montré plus tard cette relique.
19:32 Des cheveux châtains.
19:34 Alors que John était brun.
19:37 Très brun.
19:39 Mais alors ce n'était pas lui ?
19:41 Probablement pas.
19:43 On ne l'a pas autopsié ?
19:44 Si, bien sûr.
19:46 Mais c'est un peu comme pour Kennedy.
19:49 Vous vous rappelez du rapport Warren ?
19:51 Dans l'affaire Lincoln, aussi, les conclusions de l'autopsie sont contradictoires.
19:56 John Booth a été identifié grâce à une cicatrice au cou.
20:01 Ensuite, le chirurgien général a prélevé deux vertèbres.
20:05 Et l'opération a fait disparaître la cicatrice.
20:09 Le tour a été joué.
20:11 Et qui est devenu le vrai John Booth alors ?
20:14 Ça, allez savoir.
20:16 En 1870, un type qui s'appelait John St. Hélène a prétendu qu'il était John Booth.
20:22 Il a accusé, lui, le vice-président de Johnson d'avoir tout organisé pour se débarrasser du trop vertueux Lincoln.
20:29 Le nord industrialisé voulait profiter du sud agricole.
20:33 En 1903, un certain David est mort dans l'Oklahoma.
20:37 On a embaumé son corps et on l'a promené dans les foires en le présentant comme étant John Booth.
20:43 Vous savez, à partir du moment où un homme entre dans la légende, toutes les interprétations deviennent possibles.
20:50 Voilà ce qu'aurait pu me dire un journaliste américain.
20:53 En fait, un bref résumé de ce que pensent les Américains en général sur ce premier assassinat
20:58 qui inaugure la série noire des meurtres politiques aux États-Unis
21:01 et toujours dans ce même climat aphériste et de mystère.
21:05 L'assassin John Booth semble s'être volatilisé, protégé par on ne sait quel ange ou démon,
21:10 tandis qu'on présente au public un faux cadavre.
21:13 Les complices de John, eux, sont pendus.
21:16 Madame Surratt, la directrice de la pension de famille, érole, peine, hadesrod.
21:20 Le fils Surratt, lui, s'est échappé.
21:23 Il s'est engagé au Vatican dans les gardes pontificaux.
21:26 Certains en ont conclu que le pape était mêlé à la fête.
21:30 Le complot catholique est une des thèses du dossier.
21:33 Je le dis tout de suite, une des moins solides.
21:35 En conclusion, qui est le véritable responsable au plus haut niveau?
21:41 En m'écoutant, vous avez sans doute pensé comme moi
21:44 que le personnage le plus suspect est le secrétaire d'État à la guerre, Stanton.
21:49 Eh bien, j'ai découvert dans le dossier un détail.
21:53 Stanton habitait à Washington,
21:56 une de ces maisons de style colonial entourée d'un jardin.
22:00 La nuit du crime.
22:02 Plusieurs hommes viennent chez lui et sonnent à sa porte.
22:05 Personne n'ouvre.
22:06 Alors, ils rôdent autour de la maison, cherchent par où passer,
22:10 hésitent semble-t-il à escalader le mur,
22:12 dépassant des voisins en non témoigné.
22:14 Ils reviennent devant le portail, sonnent à nouveau,
22:17 toujours pas de réponse.
22:19 Alors, ils se décident à s'en aller.
22:21 En réalité, Stanton était bien chez lui,
22:24 mais sa sonnette, paraît-il, ne fonctionnait pas.
22:28 C'est disent ces partisans ce qui l'a sauvé,
22:31 car les hommes en question venaient l'assassiner.
22:33 Avec Lincoln, le ministre Seward, le vice-président Johnson,
22:37 Stanton était sur la liste des hommes à abattre.
22:40 Alors, si cela est vrai, il est donc innocent.
22:44 A moins qu'il ne se soit inscrit lui-même sur la liste pour donner l'échange.
22:51 À propos, quand un fonctionnaire du ministère s'est présenté la même nuit chez lui
22:57 pour annoncer la mort du président,
23:00 il a sonné, et on lui a ouvert.
23:05 Quand on parle des États-Unis, il ne faut jamais oublier que ce pays
23:10 est vraiment le seul au monde où tout, absolument tout, est possible.
23:17 [Musique]
23:35 Vous venez d'écouter les récits extraordinaires de Pierre Belmar,
23:39 un podcast issu des archives d'Europe 1 et produit par Europe 1 Studio.
23:44 Réalisation et composition musicale, Julien Taro.
23:48 Production, Sébastien Guyot.
23:51 Patrimoine sonore, Sylvaine Denis, Laetitia Casanova, Antoine Reclus.
23:56 Remerciements à Roselyne Belmar.
23:59 Les récits extraordinaires sont disponibles sur le site et l'appli Europe 1.
24:04 Écoutez aussi le prochain épisode en vous abonnant gratuitement sur votre plateforme d'écoute préférée.