• il y a 4 mois
Pierre Bellemare comme vous ne l’avez jamais entendu ! C’est la promesse de ce nouveau podcast imaginé à partir des archives exceptionnelles du Service Patrimoine Sonore d’Europe 1.
Affaires criminelles, true crime, crimes, enquêtes, crimes historiques ou plus récents, crimes crapuleux, crimes familiaux, crimes inexpliqués surtout : Pierre Bellemare est le pionnier des grands conteurs de récits radiophoniques. Dans les années 70, cette voix culte d’Europe 1 a tenu en haleine les auditeurs avec ses histoires extraordinaires. Des histoires vraies de crimes en tout genre qui mettent en scène des personnages effrayants, bizarres ou fous. Des phrases à couper le souffle, des silences lourds de suspense, un univers de polar saisissant et puissant.
Avec un son remasterisé et un habillage modernisé, plongez ou replongez dans les grands récits extraordinaires de Pierre Bellemare.

Deux détenus viennent de s’échapper de prison ! Nous sommes à Bâle, en Suisse, le 30 mai 1959 et la police est en émoi. Il faut immédiatement retrouver ces deux individus, considérés comme extrêmement dangereux.

Cette même nuit, alors que la cellule des malfaiteurs est vide, le corps d’un homme ensanglanté est découvert dans la rue. Il s’agit d’un certain Walter B., un homme de 34 ans. La victime est toujours en vie mais son état est critique : il a reçu 14 coups de marteau sur le crâne.

Les blessures sont si violentes qu’on soupçonne qu’au moins deux personnes sont responsables de l’acte. D’ailleurs, un témoin déclare avoir aperçu deux ombres dans la nuit… La police en est sûre, ce sont les évadés qui viennent d’agir.

Pourtant, le lendemain, dès l’aube, c’est un exploitant agricole qui se présente au commissariat. Il déclare avoir perdu son marteau, le même que celui retrouvé près de la scène de crime…

Pierre Bellemare raconte cette terrible histoire dans cet épisode du podcast "Les récits extraordinaires de Pierre Bellemare", issu des archives d’Europe 1 et produit par Europe 1 Studio.
Retrouvez "Les Récits extraordinaires de Pierre Bellemare" sur : http://www.europe1.fr/emissions/les-recits-extraordinaires-de-pierre-bellemare

Category

🗞
News
Transcription
00:00Bienvenue dans les récits extraordinaires de Pierre Bellemare, un podcast issu des archives d'Europe 1.
00:11On ne peut pas dire que la Suisse soit célèbre par ses malfaiteurs et ses criminels.
00:15Quand on parle de la Suisse, on pense lac, pente enneigée, légers raccents.
00:19On évoque le goût de la vie tranquille et le silence.
00:23Or, ce matin du 30 mai 1959, la police de Bâle est en émoi.
00:28La prison du canton vient de signaler l'évasion de deux malfaiteurs.
00:31Le gardien est incapable de dire à deux heures près à quel moment les deux hommes ont pris la fuite.
00:36Alors où les chercher ? Sont-ils à pied ?
00:39Avaient-ils organisé leur évasion avec des complices venus les attendre à proximité de la prison ?
00:45Le signalement dont on dispose est un peu vague.
00:47L'un des deux hommes serait nettement plus âgé que l'autre et boitrait légèrement.
00:52On leur prête des mœurs douteuses.
00:55Le directeur de la prison ajoute que l'un d'eux est un homme violent et dangereux.
00:59Il faut les retrouver.
01:02« Prévenez les patrouilles », dit l'inspecteur.
01:04« Avertissez les autres cantons qu'on vérifie les identités de tous les hommes à l'allure douteuse, en particulier de ceux qui boitent. »
01:10Quelques heures plus tard, aucune nouvelle des évadés.
01:13Mais la gendarmerie de Spys, une petite ville des environs, signale le vol de deux bicyclettes.
01:19On intensifie les recherches dans la région de Spys.
01:22Rien n'indique que les évadés de la prison soient les voleurs des vélos, mais la correspondance temps-distance permet de lier les deux faits.
01:30Il s'agit, le plus rapidement possible, d'intercepter deux individus nuisibles dont l'un est signalé particulièrement violent.
01:39La journée, effectivement, ne se terminera pas sans violence.
01:52Le lac de Thun
02:02Connaissez-vous le lac de Thun aux environs de Spys ? Non ?
02:06Alors vous ne connaissez pas non plus l'îlet de Thun. Et c'est dommage.
02:10C'est un bien joli endroit.
02:12Une petite presqu'île, en fait, formée par une rivière se déversant dans le lac, et le canal qui conduit les bateaux jusque vers la gare.
02:20Rivière et canal se rejoignent à la pointe de l'îlet, et les rives des deux cours d'eau, verdoyantes à souhait, abritent deux petites maisonnettes à jardin,
02:29et forment un lieu rêvé pour promenade d'amoureux ou refuge de clochards et poivreaux.
02:34La vie est douce sur les bords de l'îlet.
02:37On s'y couche généralement tôt, comme dans les campagnes, on s'y lève tôt aussi,
02:41et si dans la nuit quelqu'un croit percevoir un bruit insolite ou un gémissement,
02:45personne ne s'en inquiète pour autant, ou bien c'est un brave homme qui a abusé du fendant, ou bien c'est un couple qui n'a pas envie d'être dérangé.
02:52Donc, en cette nuit du 30 au 31 mai 1959, comme les autres nuits, les riverains de l'îlet de Thun dorment en paix et la conscience en repos.
03:02Vers minuit, soudain, un pas régulier sur le quai succède des appels au secours répétés.
03:08Des volets s'ouvrent, des têtes incrédules apparaissent aux fenêtres.
03:12Un homme est là, debout, un corps étendu à ses pieds.
03:16« Vite, à l'aide, un accident ! Cet homme est en train de mourir ! »
03:20Quelques instants plus tard, un petit groupe endormi et berlué, affolé, se retrouve sur le quai devant un homme étendu dans une mare de sang, râlant et sans connaissance.
03:29« Je rentrais chez moi tranquillement et tout d'un coup j'ai vu ça. »
03:33Et chacun de dire son mot. « Mais il faut appeler l'hôpital, dis-le ! »
03:36« Il vaut mieux prévenir la police, dit un autre, ils enverront une ambulance. J'habite en face, je vais téléphoner. »
03:42On a rarement l'occasion d'appeler la police dans ce petit coin tranquille, à la rigueur la police cantonale, mais pas la police criminelle.
03:48La cantonale alertée arrive avec une ambulance.
03:51L'homme est très grièvement blessé. Personne parmi les témoins ne peut l'identifier.
03:56D'ailleurs, cela peut attendre, il faut d'abord le soigner.
03:59On l'embarque dans une ambulance, direction l'hôpital, et tout le monde retourne se coucher.
04:05Tout de même, qu'est-ce qui a pu provoquer un accident pareil dans ce coin si tranquille ?
04:11À l'hôpital, l'homme ne reprend pas connaissance. On fait l'inventaire de ses poches.
04:16Il s'appelle Walter B, 34 ans. Il est technicien radio, domicilier à Spiess.
04:23Pas trace de billet de banque, ni de la moindre pièce de monnaie, pas d'injet d'un non plus,
04:28juste une note au crayon dans son portefeuille vide,
04:31qui donne à penser qu'il a des relations, disons, étroites, avec un garçon d'étage d'un hôtel de Thun.
04:40Les deux hommes de la police cantonale s'interrogent.
04:43Ce n'est visiblement pas un accident.
04:46Alors une bagarre, une agression ?
04:49Et si l'homme ne s'en sort pas ? Un crime ?
04:52Et si c'est un crime ? Ce n'est pas l'affaire de la police cantonale, c'est celle de la criminelle.
04:59Eh oui, que de temps perdu.
05:01La criminelle intervenue sur le champ aurait examiné le terrain, pris des photos de la position du corps,
05:06recherché des indices immédiats. Rien de tout cela n'a été fait.
05:10On s'est peut-être privé d'indices essentiels.
05:13À deux heures du matin, quand deux policiers de la criminelle arrivent sur les bords de l'îlet,
05:17seule une mare de sang rappelle qu'il s'est passé là quelque chose.
05:22Minuit, deux heures du matin.
05:24S'il y a eu tentative de crime, l'agresseur a eu largement le temps de faire disparaître les traces de son forfait
05:30et d'organiser sa fuite. Sale histoire.
05:35Dans l'obscurité, à la lueur de torches, les policiers de la criminelle examinent la flaque de sang.
05:40Il y a là des éclats d'eau du crâne et des débris de matière cervicale.
05:44Le choc a donc été d'une extrême violence. On ne se blesse pas de cette façon en tombant.
05:48L'hypothèse de l'accident est définitivement décartée.
05:52Mais qui dit crime dit arme du crime.
05:55On n'en trouve trace nulle part. On ne sait même pas à quoi elle pourrait ressembler.
06:00À l'hôpital, les médecins décident de tenter sur le blessé une opération d'urgence.
06:04Sur la demande de la police, un médecin légiste y assistera.
06:07Il est le seul à pouvoir déceler à l'examen des blessures des indices susceptibles de faire avancer l'enquête.
06:145 heures du matin. La police est informée effectivement que la victime a reçu près de 14 coups sur le crâne.
06:21Des coups assénés sans doute avec un marteau ou une hache.
06:25La moindre des choses. L'état très précaire du blessé ne permet pas de pousser plus loin l'examen.
06:32Un marteau ou une hache.
06:35On n'a peine à croire, n'est-ce pas, que 14 coups de marteau ou de hache sur le crâne puissent laisser un homme vivant.
06:43Ordre de priorité, les policiers font alerter toutes les polices des cantons environnants.
06:47Ils font empêcher le criminel de quitter le pays.
06:49Et puis ils décident de retourner sur les lieux, accompagnés cette fois de leur meilleur chien.
06:54Deux objectifs, effectuer ou essayer d'effectuer une reconstitution et mettre le chien sur la piste.
07:00Deux objectifs, oui, mais deux échecs.
07:04Ceux des riverains qui ont vu Walter B. avant son transfert à l'hôpital n'ont, vous le savez, que des souvenirs assez flous.
07:09Ils ont eu à peine le temps de se réveiller qu'on emportait déjà le blessé.
07:12Sur la position du corps, les témoignages concordent à peu près.
07:15Par contre, sur l'état vestimentaire de la victime, c'est plus contradictoire.
07:19« Sa chemise et sa veste étaient tirées vers le haut, disent les uns. Non, c'est son pantalon qui avait glissé, disent les autres. »
07:25Il n'y a souvent rien de plus décourageant, c'est bien connu, que les témoins de bonne volonté.
07:31« Moi, dit pourtant une femme, j'ai vaguement entendu du bruit vers 23h30.
07:35J'ai retrouvé un volet, mais je n'ai rien vu de suspect.
07:38Juste deux silhouettes qui s'éloignaient rapidement en direction de la pointe de l'îlet.
07:42Mais je ne pourrais pas vous dire à quoi elles ressemblaient.
07:44C'est courant des promeneurs par ici. »
07:47Deux silhouettes.
07:48Deux silhouettes.
07:50Pour des coups portés avec une telle violence, il est bien possible qu'il s'y soit mis à deux.
07:55Le chien policier de son côté ne trouve rien.
07:57Il a plu à Verse depuis minuit.
07:59Toutes les pistes sont brouillées.
08:02Les hommes et l'animal rentrent bredouilles.
08:06Au quartier général de la police sont faits le point des événements des dernières 24h.
08:11Deux évasions de malfaiteurs à Yamata, deux bicyclettes volées à Spiess quelques heures plus tard,
08:15et la nuit dernière une agression criminelle.
08:18Pour une petite ville où il ne se passe jamais rien, c'est beaucoup.
08:22De l'évasion et du vol de vélo, aucune nouvelle.
08:25Sur l'agression, peu d'indices, sauf peut-être quelques précisions concernant la nature de l'arme du crime
08:30et puis les deux silhouettes dans le lointain.
08:33Maigre butin pour ce début d'enquête.
08:37Aux premières heures du jour, les policiers se présentent au domicile de Walter B. à Spiess.
08:42Une chambre toute simple, toute propre.
08:45Sur les murs, des photos de nus, des croquis, confirment au premier coup d'œil l'hypothèse d'homosexualité.
08:52Vous vous souvenez, la petite note au crayon trouvée dans le portefeuille du blessé.
08:57« Oui, M. Walter recevait bien des jeunes gens de temps en temps, dit la logeuse.
09:00Mais vous savez, moi, tant qu'il n'y a pas de scandale, que personne ne se plaint et que le loyer est payé...
09:05Ah non, non, ça je sais pas du tout, il est allé hier soir.
09:08Vous savez, moi, si on me dit rien, je demande pas, hein.
09:11Mais qu'est-ce qu'il y a, Josette ? Tu vois bien que je cause avec ces messieurs.
09:15Moi, je l'ai vu hier soir, M. Walter, maman.
09:18Même qu'il m'a acheté un billet de loterie pour la fête de l'école.
09:21Il voulait en prendre deux, mais il n'avait pas assez de monnaie.
09:24Il n'avait qu'un billet de 500 francs.
09:28500 francs suisses, n'est-ce pas ?
09:31Il avait donc une somme relativement importante sur lui, ce soir-là, cet homme que l'on a retrouvé sans un sou.
09:37C'était le jour de la paix.
09:39Et quelle heure était-il, Josette, s'enquire le policier ?
09:42Je sais pas, moi.
09:44On était dans le hall de la gare, il pouvait être 6h30, 7h ?
09:496h30, 7h.
09:51Et l'agression avait dû avoir lieu vers 11h30 du soir.
09:56Que s'était-il passé entre-temps ?
09:58Ah, bien sûr, des passants avaient pu voir Walter montrer à la fillette son billet de 500 francs,
10:03le suivre à sa sortie de la gare et l'attaquer pour le voler.
10:06Mais...
10:08Il leur aurait fallu tant de temps ?
10:10Les policiers réfléchissent, les photos sur les murs de la chambre de Walter,
10:14les coordonnées de ce garçon d'étage de l'hôtel de Thun.
10:18Ben oui, il connaît bien M. Walter, le garçon de l'hôtel.
10:21Enfin, il le connaît, disons plutôt qu'il lui rend des petits services de temps en temps.
10:25Hier, par exemple, il lui a fait rencontrer deux Italiens.
10:28Ils avaient rendez-vous au buffet de la gare.
10:31Ah, il ne faut rien négliger, surtout quand il s'agit de cette partie de l'emploi du temps de la victime
10:36qui reste un point d'interrogation.
10:37Les deux Italiens sont retrouvés sans difficulté.
10:40Ils habitent l'hôtel.
10:42Oui, ils ont passé un grand moment hier soir avec Walter B.
10:45Ils ont bu un verre, peut-être même deux.
10:47C'est Walter qui a payé.
10:49Et puis ils se sont séparés à 22h40, très exactement,
10:51car les deux hommes attendaient un ami au train de 22h45.
10:54A Libye confirmé, irréfutable.
10:57Et pas plus que les Italiens, le personnel du buffet de la gare
11:01ne peut dire dans quelle direction est allé Walter à 22h40.
11:04C'est désespérant.
11:06Au QG de la police criminelle, le bilan des enquêtes est piteux.
11:09Pas de nouvelles des évadés, aucune trace des vélos.
11:12Et l'on n'est pas beaucoup plus avancé sur le drame de l'îlet de Thun.
11:16À leurs habitants du matin, les policiers décident de donner l'alerte publiquement, tout azimut.
11:21Appel à la population par voie de presse, de radio, priant toute personne
11:24pouvant fournir un quelconque renseignement sur l'agression de se faire connaître.
11:28Enquête auprès des teinturiers, des blanchisseries.
11:30Leur arrêtant à porter ce matin des vêtements tachés de sang.
11:33Enquête enfin naturellement sur les lieux de travail de Walter
11:36où sont particulièrement étudiés les alibis des homosexuels et des ouvriers
11:39ayant déjà fait l'objet de condamnations.
11:43Ah oui, et vous, on a toujours raison de faire appel au concours du public.
11:46Un riverain se présente, il apporte à la police l'arme du crime.
11:51Il vient de la trouver dans son jardin, à dix mètres à peine du lieu de l'agression.
11:55C'est bien un marteau.
11:56Un marteau de un kilo sang, encore plein de sang de cheveux et de terre.
12:00La police le fait aussitôt photographier pour affichage dans toute la région.
12:04Avis à la population, à qui appartient cette arme ? Où l'a-t-on volée ?
12:10Une dame aussi vient faire une déclaration spontanée.
12:13A l'heure du crime, elle se trouvait dans sa voiture en stationnement dans une rue toute proche du lieu du crime.
12:18Vers minuit, elle a vu passer deux hommes courant dans l'obscurité en direction de la gare.
12:22Les deux silhouettes déjà signalées.
12:23L'un des hommes était jeune, ajoute la dame, et courait facilement, mais l'autre ?
12:26La quarantaine environ, traînait la jambe, suivait difficilement et portait des chaussures très lourdes.
12:32Le voile se déchire.
12:34La lumière est au bout du tunnel.
12:36Les deux agresseurs sont sans nul doute les évadés de la prison recherchés depuis la veille,
12:40et dont on sait, rappelez-vous, que l'un est nettement plus âgé que l'autre, qu'ils boitent,
12:44et que tous deux sont probablement homosexuels, comme Walter.
12:48Une découverte ne venant jamais seule, toutes les questions se posent.
12:51Une découverte ne venant jamais seule, toutes les questions se posent.
12:54La police de Bâle fait savoir que les deux évadés viennent d'être arrêtés au moment où ils allaient passer en Allemagne.
12:59Ils étaient en train de jeter leurs bicyclettes volées dans le Rhin.
13:02La criminelle de Thun respire.
13:15Le plus jeune des fugitifs est en pantoufles, l'autre, nettement plus âgé, boite de la jambe gauche,
13:18essuie d'une polyomyélite.
13:21En sortant de la prison, il avait volé des chaussures de ski et marche difficilement.
13:26Sur les mains et les vêtements du plus jeune, des traces de sang évidentes.
13:30« Comment les expliquez-vous ? » demande un policier.
13:34Il ne les explique pas.
13:37Qu'importe, les policiers tiennent leur coupable, ils vont avouer, c'est une question de temps.
13:41Une confrontation avec Walter B. pourrait accélérer les choses,
13:45mais il n'en est pas question, la victime n'a toujours pas repris connaissance.
13:48D'emblée, les deux accusés nient formellement à voir quoi que ce soit à voir avec le crime de Thun.
13:55« Il va falloir le prouver », menacent les policiers.
13:59Eh bien, ils le prouvent.
14:03C'est vrai, le matin, ils étaient à Spiess, ils y ont volé les vélos,
14:07et puis ils se sont réfugiés jusqu'à la nuit chez des amis à Bâle.
14:11Ensuite, ils sont allés camper dans les bois, vers 23 heures.
14:14Ils ont d'ailleurs croisé en route la Volkswagen beige de la police locale.
14:19Et puis, il s'est mis à pleuvoir, alors ils ont cherché un abri dans une grange abandonnée.
14:24Ils ont croisé une Renault avec remorque qui s'est arrêtée devant une ferme isolée.
14:29Enfin, ils ont repris leur route,
14:32et il faisait encore nuit quand, dans une petite ville à 30 km de Thun,
14:36ils ont vu un grand autocar rouge, chargé des touristes dans la cour d'une usine à poudre.
14:40Deux kilomètres plus loin, ils ont croisé un auxiliaire de la Croix-Rouge en uniforme sur sa moto.
14:49Les policiers sont confondus, tous les indices concordés,
14:53mais tous les alibis sont vérifiés et confirmés.
14:59Les deux événés ne sont pas les auteurs du crime.
15:02Leur mémoire fantastique, leur sens de l'observation les ont sauvés d'une accusation pour meurtre,
15:06qui, pour la police, n'était même pas une présomption, c'était une certitude.
15:11Une semaine plus tard, le 9 avril, en fin de matinée,
15:14un exploitant agricole se présente au siège de la police criminelle de Thun.
15:18Et c'est le coup de théâtre.
15:21« Je viens pour l'affiche du marteau, » dit l'homme.
15:24« Ce matin, j'ai mon ouvrier italien qui m'a esquinté la porte de l'étable en manipulant une grande pelle.
15:29Alors, j'ai voulu aller chercher mon marteau qui reste toujours accroché.
15:32Il n'était pas là.
15:35Alors, j'ai demandé à Di Triva, c'est mon ouvrier.
15:39Il est devenu tout rouge et il n'a pas voulu répondre.
15:42Et d'un seul coup, j'ai pensé à votre affiche.
15:45Avec le marteau.
15:47Ce serait pas mon marteau, des fois ? »
15:49Et oui, c'est bien son marteau.
15:52L'arme qui a servi à fracasser le crâne d'un homme qui, depuis dix jours, lutte contre la mort à l'hôpital.
15:56Dans la chambre de l'Italien, on découvre une serviette de toilette pleine de sang.
16:00Au fond d'un placard, un pantalon de velours côtelé est limé aux genoux et taché de sang.
16:04« Appréhendé, » dit Triva, « ni formellement.
16:07Il peut le jurer sur la madone, il n'est pas un assassin.
16:10Et alors, le sang sur la serviette de toilette, sur ton pantalon ?
16:13Je me suis coupé avec mon rasoir. »
16:16Le laboratoire est formel, le sang de Di Triva est du groupe O.
16:20Il est devenu tout rouge et il n'a pas voulu répondre.
16:23Le laboratoire est formel, le sang de Di Triva est du groupe O.
16:26Celui qui attachait le linge du groupe A, comme celui de Walter.
16:30Le laboratoire rappelle aussi que sur les vêtements de Walter, on a retrouvé des fibres de velours côtelé.
16:36Mais Di Triva nie toujours, aveuglément, avec violence.
16:39Aveuglément, c'est bien le cas de le dire.
16:41Un policier lui met brusquement sous le nez sa propre photo.
16:43Il hurle. « Je ne le connais pas ! »
16:46La police italienne, mise à contribution, fait rapidement son enquête.
16:49Les renseignements fournis sont bien mauvais.
16:50Il laiterait, élevé dans un milieu misérable.
16:53Joueur, buveur, paresseux, violent.
16:55L'homme avait quitté depuis trois mois sa famille et sa calabre natale,
16:58et revenant de temps en temps pour rapporter le produit de ses vols en Suisse.
17:02Devant ce rapport accablant, Di Triva avoue.
17:06« Il m'est arrivé de voler, ça c'est vrai.
17:09Mais assassiner, par la madone, ça jamais ! »
17:12Alors le juge d'instruction a une idée.
17:15Il va emmener Di Triva au chevet de sa victime à l'hôpital.
17:18On verra bien.
17:20Le spectacle de cet homme maintenu miraculeusement en vie par les prodiges de la médecine
17:25est quelque chose de tellement affreux
17:28qu'on ne sait jamais, ça peut déclencher une réaction inespérée.
17:32Devant le lit de Walter, Di Triva est livide.
17:35Le juge se tait.
17:37D'une voix faible, l'Italien articule.
17:40« Je ne le connais pas ! »
17:43Et puis encore plus faiblement.
17:45« Pauvre type ! »
17:48Et il s'effondre.
17:50Et il avoue.
17:52Enfin, si l'on veut.
17:54Et il était allé se promener sur les bords de l'îlet,
17:57avait été abordé par Walter,
18:00qui lui avait fait des propositions malhonnêtes.
18:03Il s'était débattu, et comme justement il avait un marteau sur lui,
18:07il lui en avait asséné trois ou quatre coups,
18:09pour le faire tomber par terre,
18:11mais par la madone !
18:13Il n'avait pas voulu le tuer, ni le voler !
18:15Amené sur les lieux du crime,
18:17il reprend très exactement la position du corps de Walter,
18:20là où il est tombé.
18:22Il indique exactement l'endroit où il a jeté le marteau.
18:25C'est bien là qu'on l'a retrouvé.
18:27Reconnaissez que la thèse de légitime défense
18:29est bien difficile à soutenir,
18:31quand on va se promener avec un marteau dans sa poche,
18:34d'autant que Walter a la réputation d'être un homme doux,
18:37discret et réservé.
18:39Un homme doux, discret, réservé,
18:41qui a attendu les aveux de son assassin pour mourir,
18:44car il meurt le jour même.
18:46Et figurez-vous qu'on retrouve chez lui
18:48le fameux billet de 500 francs,
18:50qu'il était sans doute allé ranger
18:52avant son rendez-vous avec les Italiens.
18:54L'ouvrier Calabret a massacré cet homme à coup de marteau,
18:57pour quelques francs.
18:59Un crime,
19:01qui de plus a failli engendrer
19:03une stupéfiante erreur judiciaire.
19:05Qui donc a dit que 100 indices
19:08ne constituaient pas une seule preuve ?
19:11L'ouvrier Calabret d'Itriva a été condamné aux assises
19:14pour assassinat suivi de vol avec circonstance atténuante
19:18du fait de ses antécédents.
19:20Le jury lui a infligé 15 ans de travaux forcés
19:24et demandé son expulsion de Suisse.
19:45Vous venez d'écouter
19:47Les Récits Extraordinaires de Pierre Bellemare.
19:50Un podcast issu des archives d'Europe 1
19:53et produit par Europe 1 Studio.
19:55Réalisation et composition musicale
19:58Julien Tharaud.
20:00Production Lisa Soster.
20:02Patrimoine sonore
20:04Sylvaine Denis, Laetitia Casanova, Antoine Reclus.
20:07Remerciements à Roselyne Bellemare.
20:10Les Récits Extraordinaires sont disponibles sur le site
20:12et l'appui Europe 1.
20:14Écoutez aussi le prochain épisode
20:17en vous abonnant gratuitement sur votre plateforme d'écoute préférée.