• il y a 6 mois
Véronique Bouzou, professeur de français en région parisienne, a suscité un vif débat en publiant un livre-choc : "Ces profs qu’on assassine". Elle revient avec un nouvel ouvrage de fiction largement inspiré de son expérience personnelle, "Un monde sans profs". Tout commence sur ce constat : la France est à l’arrêt pour une durée indéterminée. Une seule question se pose : pour quelle raison ? Une seule certitude : tout a commencé dans une salle de classe.
Véronique Bouzou décrit un monde enseignant confronté à l’insécurité, l’entrisme islamiste, l’invasion de la théorie du genre, le harcèlement sur les réseaux sociaux, les mesures sanitaires disproportionnées, des salaires trop faibles, la pression de certains parents ou bien encore l’arrivée de l’intelligence artificielle. Les défis ne manquent pas. L’école n’est finalement que le miroir de notre société, et c’est surtout le "politiquement correct" qui a tué la vocation d’enseignant.
Ce livre s’adresse aux professionnels de l’éducation mais aussi aux parents et aux élèves. En vérité, à tous ceux qui refusent que l’on s’achemine inéluctablement vers… un monde sans profs.

Category

🗞
News
Transcription
00:00 (Générique)
00:06 Véronique Bouzou, dont vous aviez apprécié le témoignage sur TVL,
00:10 publie un nouveau livre intitulé "Un monde sans preuves",
00:14 une fiction largement inspirée de son expérience personnelle
00:18 et une fiction, bien évidemment, qui est quand même plus que jamais d'actualité.
00:22 Véronique Bouzou, bonjour.
00:23 - Bonjour.
00:24 - Merci d'être venue défendre votre ouvrage.
00:26 La fiction dans le livre est bien présente
00:28 puisque dès le début, en exergue de l'ouvrage,
00:32 il y a une France qui est totalement à l'arrêt
00:35 pour une durée que l'on pense indéterminée.
00:38 Une seule question se pose, pour quelle raison ?
00:40 Et une seule certitude, tout a commencé dans une salle de classe.
00:44 - Tout à fait. J'ai voulu un petit peu planter le décor,
00:47 imaginer un monde dans lequel les professeurs auraient déserté leur salle de classe.
00:55 Et je pose la question, pourquoi, pour quelle raison ?
00:58 J'ai imaginé plusieurs personnages fictifs, ils sont dix,
01:02 des professeurs de fiction qui s'inspirent largement de mon expérience
01:07 et pour lesquels il va arriver un certain nombre d'aventures.
01:11 Je ne vais pas dévoiler, révéler ce qui leur arrive,
01:14 mais ils vont être confrontés à pas mal de difficultés
01:17 et ils vont prendre des décisions radicales, pour la plupart d'entre eux.
01:21 - On va en parler. Je rappelle bien évidemment que vous avez été,
01:24 vous êtes professeur de français en région parisienne.
01:28 Alors, il y a dans l'ouvrage la mise en cause du recrutement des professeurs.
01:32 Vous affirmez que le ministère de l'enseignement, à cet état d'esprit,
01:36 mieux vaut un mauvais prof que pas de prof du tout.
01:39 Et à travers donc des job dating, c'est-à-dire des recrutements express,
01:43 vous mettez le doigt sur l'effondrement qualitatif du corps professoral
01:47 et sur un phénomène qui est plus général, celui de la décompétence.
01:51 - Oui, de plus en plus de professeurs sont recrutés,
01:55 alors, il y a le recrutement express, pour ne pas dire le job dating,
02:00 ou le bon coin même.
02:01 Donc ce sont des professeurs qui n'ont pas toujours les connaissances
02:04 et les compétences requises pour enseigner dans les élèves.
02:07 Et donc au jour le jour, ils doivent se retrouver dans une classe.
02:11 Et pour certains d'entre eux, même des professeurs des écoles,
02:13 ils ne maîtrisent même pas l'orthographe.
02:16 Donc ils écrivent au tableau des textes remplis d'erreurs.
02:20 Donc comment voulez-vous qu'on puisse inculquer aux plus jeunes
02:24 la maîtrise de l'écriture, du calcul,
02:27 quand ceux-là même qui sont censés leur enseigner les dix connaissances
02:32 sont eux-mêmes dépourvus de celles-ci ?
02:36 - Vous évoquez même le cas, peut-être fictif,
02:39 d'un parent d'élèves qui voit que leurs enfants ont eu des fautes
02:42 d'orthographe à la dictée, et en fait il n'y avait pas de fautes,
02:45 c'est parce que le professeur qui corrigeait
02:47 trouvait que le mot "vin" s'écrivait "vin" plutôt que "vingt" pour faire simple.
02:51 - Oui, oui, il se plaignait auprès du directeur d'école,
02:54 mais le directeur d'école ne pouvait rien leur dire
02:56 puisqu'il manquait terriblement d'enseignants.
02:59 Et donc il était lui-même débordé, c'est un professeur qui a même été…
03:02 Enfin dans mon livre, j'imagine qu'il est totalement débordé,
03:05 il doit gérer énormément de problèmes,
03:07 et donc il gère les problèmes les uns après les autres,
03:10 et tant pis pour quelques erreurs d'orthographe,
03:12 parce que lui-même non plus n'a pas d'enseignant sous la main,
03:15 sachant qu'il n'y a quasiment plus de remplaçants.
03:18 - Concrètement, pour devenir professeur de français par exemple,
03:21 quel est le cursus normal et quel est celui qu'on pourrait obtenir aujourd'hui
03:26 par ces séries de recrutement express ?
03:29 - Quand j'ai commencé à enseigner, j'ai dû passer à un concours,
03:33 le CAPES, ce qui est toujours le cas aujourd'hui.
03:36 Alors beaucoup aujourd'hui de jeunes passent par des maîtrises
03:39 et ensuite passent ce concours de recrutement.
03:42 Donc c'est quand même BAC +5, voire 6,
03:45 et après on peut avoir des concours plus compliqués comme l'agrégation.
03:48 Mais le recrutement express, ça peut être des professeurs
03:51 qui ont passé une licence ou même qui n'ont pas tellement de diplôme,
03:57 qui ont quelques compétences dans un domaine et qui tentent leur chance,
04:03 et qui disent "voilà j'ai quelques notions, j'aime bien l'histoire,
04:08 donc allons-y gaiement, je vais être professeur d'histoire".
04:11 Moi j'en ai vu passer certains professeurs, ils ne durent pas longtemps,
04:15 parce que devant les élèves qui ne sont pas toujours faciles,
04:19 en fait ils se laissent déborder, et quand vous n'avez pas justement
04:22 les compétences et le bagage culturel pour transmettre des connaissances,
04:26 ensuite vous vous laissez vite déborder, les élèves chahutent,
04:30 et vous êtes totalement incapable de maintenir un semblant d'autorité dans votre classe.
04:36 - L'autorité elle naît de la compétence que l'on a en face de soi,
04:39 et les élèves reconnaissent cette compétence néanmoins,
04:42 donc plus on est compétent, plus ils ont tendance à se taire.
04:45 - Oui, tout à fait, parce qu'on a quand même un programme qui est sérieux,
04:49 on sait exactement quelles tâches il faut leur donner pour progresser,
04:53 et donc quand vous vous improvisez en permanence et que vous n'avez aucune connaissance,
04:57 c'est compliqué.
04:58 - Vous dites que la crise des vocations est sans précédent,
05:01 ce qui explique ce recrutement express, comment expliquer cela ?
05:05 J'ai noté, professeure, que souvent vos syndicats, ceux qui vous représentent,
05:10 avancent des raisons économiques, souvent d'ailleurs très justifiées,
05:14 les salaires pour faire simple,
05:16 et vous, vous allez beaucoup plus sur l'idée de la perte de l'autorité,
05:21 on le voit à travers un de vos 10 personnages qui s'appelle Rachel.
05:25 Est-ce que tous les professeurs sont concernés là aussi par cela ?
05:28 - On est tous concernés, même quand on a beaucoup d'ancienneté,
05:31 on est toujours concernés un jour ou l'autre par le problème d'autorité,
05:34 c'est-à-dire que vous êtes livré à nous-mêmes.
05:36 Quand il y a le chahut dans une classe,
05:38 ou quand un élève ne veut pas obéir, même ne veut pas être sanctionné,
05:42 et bien parfois les parents aussi s'y mettent et viennent contredire votre jugement,
05:48 c'est-à-dire remettre en cause une ordre de retenue,
05:51 et à partir de là, il y a un engrenage qui peut s'enchaîner,
05:55 c'est-à-dire que vous êtes livré à vous-même et on vous montre du doigt.
05:58 Si un professeur a du mal à tenir une classe, ça va être de sa faute,
06:02 il manque d'autorité, il n'est pas capable.
06:05 On ne va jamais remettre en question un élève qui chahute.
06:09 On peut très bien maintenir une autorité dans une salle de classe
06:12 avec 25 élèves, avec 28 élèves,
06:14 mais s'il y en a deux qui refusent de travailler et qui sèment la terreur,
06:17 ces deux-là vont empêcher le bon fonctionnement du cours.
06:21 Sachant qu'on demande souvent aux enseignants de ne jamais exclure d'élèves,
06:25 il se retrouve livré, encore une fois, à lui-même,
06:29 et il va devoir parfois se justifier.
06:31 Et donc c'est le pas de vague qui domine.
06:34 D'ailleurs aujourd'hui sort un film "Pas de vague".
06:37 J'ai vu la bande-annonce, ça m'a l'air tout à fait crédible.
06:40 Je vais aller le voir.
06:42 Je pense que le réalisateur a dû s'inspirer du réel.
06:46 D'ailleurs même dans mon livre, il y a un professeur
06:50 qui est victime d'un pas de vague, qui est victime d'un harcèlement.
06:54 Une élève qui va le dénoncer à tort
07:00 et il va devoir pareil, les jeter en peinture aux médias,
07:03 il va devoir se défendre tout seul.
07:06 – Des cas que l'on rencontre souvent dans la presse,
07:09 qui sont rapportés par la presse.
07:11 Il y a quand même tout au long de l'ouvrage,
07:12 il se reste sur cette notion-là, la charge contre les parents.
07:16 On a l'impression qu'ils sont incapables d'élever leurs enfants,
07:18 mais ça c'est peut-être de tout temps.
07:20 Mais par contre, le phénomène que vous décrivez,
07:23 c'est le manque de considération à l'égard des enseignants.
07:27 Et là c'est la même question, est-ce que c'est partout le cas ?
07:29 Et qu'est-ce qu'on fait concrètement ?
07:31 Est-ce qu'on retire les parents de leur responsabilité dans l'enseignement ?
07:36 Est-ce qu'on crée des conditions où ils ne sont plus en contact avec les professeurs ?
07:40 Est-ce qu'on revient à ça ? Enfin, quelle est la solution ?
07:42 – Moi je pense que c'est plutôt aux parents d'éduquer et aux professeurs d'instruire.
07:46 Je pense que… le mot éducation nationale,
07:50 peut-être pourrait être changé en instruction nationale.
07:53 Seulement le rôle premier d'un professeur, c'est d'instruire ses élèves.
07:56 Or quand vous avez des élèves qui ne savent même pas dire bonjour en début d'heure,
08:00 ou qui se tiennent mal, ou qui vous répondent mal,
08:03 vous vous dites qu'il y a un problème d'enseignement.
08:07 C'est-à-dire qu'il y a un problème d'éducation, d'éducation parentale.
08:10 Alors je ne jette pas la pierre sur tous les parents.
08:12 Il y a des parents qui savent très très bien éduquer leurs enfants,
08:14 et certains d'entre eux tentent de faire ce qu'ils peuvent,
08:17 mais sont parfois complètement découragés,
08:22 parce qu'ils font de leur mieux, et leurs enfants ne se comportent pas
08:26 de la même manière chez eux qu'à l'école.
08:29 Mais c'est vrai que ce que je déplore, c'est quand certains parents
08:31 remettent en question en permanence les sanctions.
08:34 C'est-à-dire, ça ne se fait pas, vous n'avez pas le droit
08:37 de mettre une mauvaise note à mon enfant,
08:40 vous lui avez mis zéro en dictée alors qu'il a quand même écrit.
08:45 Ce n'est pas vrai, vous lui avez dit qu'il n'avait pas lu le livre, mais il l'a lu.
08:48 Vous avez dit que mon fils avait bavardé en classe,
08:50 mais il m'a assuré qu'il n'avait pas bavardé.
08:53 – Qu'est-ce qu'on fait concrètement, professeure ?
08:55 On empêche les parents d'aller voir les professeurs ?
08:57 On crée des forces d'interposition ?
08:59 – Non, je pense que je suis toujours pour le dialogue.
09:01 En fait, il faut dialoguer, mais il faut absolument qu'on soit soutenu
09:04 par une hiérarchie, c'est-à-dire que quand on pose une sanction,
09:06 il ne faut pas que le chef d'établissement vous dise
09:08 "on va s'expliquer avec le parent", c'est la parole de l'élève
09:10 contre la parole du professeur.
09:11 Je pense que le professeur doit rester le maître dans sa classe,
09:14 ce qui n'empêche pas un dialogue, c'est un juste milieu.
09:16 En revanche, tout doit se faire dans la bonne humeur
09:22 et dans le respect mutuel, c'est-à-dire que moi je peux accepter
09:25 des parents en discussion quand on ne vous insulte pas
09:28 ou quand on ne se met pas à tenir des propos orduriers,
09:33 c'est le cas parfois.
09:35 Et pareil, ce qui s'est passé, ça peut aller très loin,
09:39 puisque quand des parents mentent sur ce que vous avez pu faire,
09:43 ça peut conduire parfois à des drames.
09:45 L'affaire Samuel Paty, c'est quand même partie d'une diffamation,
09:48 une élève qui a menti, le parent qui a cru l'élève,
09:51 qui n'est pas allé discuter avec le professeur
09:53 et on sait ce qui s'en est suivi.
09:55 Donc je pense que c'est quand même important
09:58 que le professeur, encore une fois, reste maître dans son cours,
10:01 ce qui n'empêche pas la discussion.
10:03 Mais quand un professeur pose une sanction,
10:05 elle doit être d'emblée acceptée.
10:09 – Véronique Bouzou, vous poursuivez dans votre analyse,
10:12 pour expliquer cette désaffection autour de ce qui fut
10:15 peut-être le plus beau métier du monde.
10:17 Et vous trouvez à travers un personnage qui s'appelle Thibault,
10:20 une explication, alors là, qui est très taboue,
10:23 il faut bien le dire, c'est l'impact de la crise sanitaire
10:27 sur l'enseignement, sur les enfants, sur les enseignants
10:31 et bien évidemment sur les parents.
10:33 – Oui, là j'imagine un professeur qui refusait de porter le masque,
10:36 qui décide de prendre une visière à la place.
10:39 C'est vraiment… le port du masque pour moi a été terrible.
10:43 D'ailleurs j'ai songé à quitter l'éducation à ce moment-là,
10:46 alors que je n'avais jamais songé auparavant à démissionner.
10:49 – Je vais vous dire ce qu'on vous aurait dit sur le plateau de BFM,
10:54 mais il fallait protéger les enfants.
10:57 – Protéger les enfants qui s'empressaient de retirer leur masque
11:00 à la sortie des établissements scolaires
11:02 et de se faire la bise joyeusement,
11:04 donc une minute après avoir quitté les grilles du collège.
11:09 Donc non, c'est une aberration.
11:11 Tous les journalistes des plateaux télé
11:13 qui justement disaient qu'il fallait porter le masque,
11:16 ne le portaient pas eux-mêmes.
11:17 Un enseignant parle à longueur de journée devant un public
11:20 et ça a été une vraie souffrance.
11:21 – Autre aspect du déclin de l'enseignement,
11:23 il touche les élèves eux-mêmes qui s'adonnent à un mal profond
11:26 que vous avez intitulé par un néologisme "l'aquabonisme",
11:30 une répartie qui sonne le glas de toute véléité de transmission.
11:34 L'aquabonisme, c'est quoi ?
11:35 – Oui, enfin c'est-à-dire que ce que je dis aux élèves,
11:37 c'est que ça ne nous dérange pas qu'ils manquent de connaissances.
11:40 Je suis là pour leur transmettre des connaissances
11:42 et je suis d'ailleurs disposée à répondre à toutes leurs questions.
11:44 Mais ce qui est désespérant, c'est quand ils vous disent
11:47 "Oh, il faut apprendre, il faut étudier cet auteur, il est mort"
11:50 et donc moi je ruse, je travaille énormément mes cours
11:54 pour qu'ils puissent s'intéresser
11:56 même à des notions un petit peu plus compliquées.
11:58 Ça finit par fonctionner, mais je dépense énormément d'énergie
12:03 dans mes cours à la fin d'une heure, moi je suis fatiguée à la fin de la journée,
12:07 j'ai besoin de me ressourcer un petit peu.
12:09 C'est comme un comédien qui prendrait une pièce de théâtre,
12:13 quand vraiment vous vous donnez à fond dans ce métier,
12:15 aujourd'hui pour intéresser les élèves c'est compliqué.
12:19 Non, les élèves s'interrogent beaucoup sur leur devenir,
12:23 sur leur orientation, et le problème c'est
12:27 qu'ils ne s'intéressent plus à grand chose,
12:29 hormis aujourd'hui les réseaux sociaux, les téléphones portables,
12:32 les écrans, tout doit aller vite,
12:34 c'est un petit peu la génération du zapping, du tout et tout de suite,
12:38 et donc le temps long, ils ont beaucoup de mal,
12:41 et comme ils manquent terriblement de vocabulaire,
12:43 ils ont du mal à se concentrer pour lire, pour écrire,
12:46 et ce manque de concentration s'est aggravé ces cinq dernières années.
12:52 Je pense que le confinement n'a rien arrangé,
12:56 et l'abus d'écran a également empiré les choses.
13:00 – Allez, autre problématique, il y en a beaucoup que vous évoquez dans le ouvrage,
13:05 c'est créé aussi avec l'assentiment de certains ministres
13:08 qui se sont succédés à l'éducation Ruth Grenell,
13:12 je pense au wokisme, cette idéologie totalitaire,
13:15 compte bien faire de l'école son nouveau terrain de jeu,
13:18 et vous donnez plusieurs cas confondants.
13:21 – Oui, alors les écoles non genrées,
13:24 c'est sûr que c'est la priorité d'un chef d'établissement
13:27 de s'intéresser aux écoles non genrées,
13:29 quand il n'y a pas de chauffage, quand il y a des trous dans le plafond,
13:32 quand il manque terriblement d'enseignants devant les élèves,
13:35 ils vont vraiment avoir comme priorité les écoles non genrées.
13:38 – Là vous donnez l'exemple d'un directeur qui lutte
13:40 parce qu'il fait trop froid dans son établissement,
13:42 pour des raisons d'économie, il ne dispose pas des moyens de chauffer les classes,
13:47 et le ministère vient lui rendre l'aménagement non genré de sa cour d'école.
13:53 – Tout à fait, et donc là bien sûr c'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase,
13:57 donc il y a ça, il y a aussi les quelques projets un petit peu pédagogiques,
14:02 ubuesques ou des pièces de théâtre un petit peu douteuses,
14:06 après la plupart des enseignants, malgré ce qu'on peut en dire dans les médias,
14:12 ne s'intéressent pas tellement à ces projets ubuesques,
14:16 le problème c'est qu'ils sont confrontés aujourd'hui à tellement de problèmes,
14:19 de discipline, d'autorité, de niveau déplorable par contre de certains élèves,
14:25 qu'ils sont confrontés à l'urgence du quotidien.
14:29 Donc hormis quelques-uns bien sûr qui veulent absolument imposer les idéologies,
14:34 la plupart des enseignants sur le terrain restent quand même dans le bon sens,
14:40 mais c'est vrai qu'on a tellement pendant des années développé le laxisme,
14:47 considéré que l'autorité était un gros mot,
14:50 qu'aujourd'hui on en paye les peaux cassées.
14:52 – Et puis il y a aussi bien évidemment ce que vous dénoncez,
14:55 ce sont ce qu'on pourrait appeler les dérives communautaires incessantes.
14:58 – Les dérives communautaires, vous parliez aussi du WOK,
15:01 c'est l'écriture inclusive qui est une vraie aberration,
15:03 quand on reçoit des lettres avec une écriture inclusive, on a envie de pleurer.
15:07 Et puis les dérives communautaires, elles sont de toujours,
15:12 elles sont aussi religieuses, mais ce n'est pas nouveau.
15:14 Ce qui est fou c'est que beaucoup ont alerté des professeurs,
15:19 depuis des années, ont alerté sur ces dérives communautaires,
15:24 vous parlez j'imagine des dérives religieuses.
15:27 Il y a eu le rapport aubain sur les manifestations
15:31 des signes d'appartenance religieuse dans les établissements scolaires
15:34 et avec la montée, en tout cas les revendications de l'islam radical,
15:40 avec les tenues vestimentaires et encore une fois le pas de vagues,
15:45 on a demandé pendant des années aux chefs d'établissement
15:47 de régler les problèmes eux-mêmes et de mettre sous le tapis,
15:51 encore une fois, les problèmes, pour ne pas faire remonter
15:54 au grand public ce qui se passait.
15:56 Mais en 30 ans les choses n'ont fait que s'empirer.
15:59 – On a eu Samuel Paty, on a eu bien sûr le professeur Arras,
16:03 on a aujourd'hui un proviseur, celui de Maurice Ravel
16:07 dans le 20ème arrondissement, qui est confronté à cet extrémisme islamiste
16:12 et qui décide de démissionner.
16:14 On est vraiment dans votre ouvrage à chaque jour ?
16:17 – Oui, apprendre n'y pense pas tous les jours.
16:20 Quand on est devant les élèves, moi je suis professeure de français
16:23 donc j'ai peut-être moins de soucis que certains professeurs d'histoire
16:26 qui s'auto-censurent, je me suis toujours refusée de m'auto-censurer.
16:30 Quand je travaille avec mes élèves sur certains textes,
16:32 je vais jusqu'au bout de ma démonstration.
16:35 – Vous avez un cas précis de difficulté d'acceptation d'un texte
16:42 ou d'un auteur par l'ensemble de vos élèves ?
16:46 – Là, c'est surtout quand on aborde en classe de 3ème la Seconde Guerre mondiale
16:57 et donc les textes font référence à toute l'époque avec le nazisme
17:01 et donc on sent quand on aborde la question de l'antisémitisme,
17:05 certains se taisent mais parfois c'est un silence assourdissant.
17:09 C'est-à-dire que si je leur demande exactement ce qu'ils pensent
17:14 sur certains sujets, je pourrais avoir des surprises.
17:16 Maintenant, quand ils sont allés voir le film "Une vie de Simone Veil",
17:22 il n'y a pas eu de récalement dans la classe,
17:23 c'est-à-dire qu'ils sont capables aussi d'écouter.
17:25 Quand on leur explique l'histoire posément et qu'on arrive à leur démontrer
17:29 qu'il ne faut pas tomber dans certains propos extrêmes,
17:35 ils les écoutent, enfin ils essayent en tout cas.
17:37 J'ai l'impression que le devoir de l'adulte et du professeur
17:41 est quand même de ne pas s'auto-censurer.
17:43 Mais je sais que j'ai des collègues d'histoire qui évitent d'aborder
17:47 la question du conflit israélo-palestinien pour ne pas avoir de problème
17:52 dans leur salle de classe.
17:54 On s'en parlait même des caricatures.
17:56 Mais comment voulez-vous que les professeurs aient envie de prendre tous les risques
18:01 quand ceux-là même qui sont censés les protéger ne font rien ?
18:04 Le professeur n'est pas un punching ball.
18:07 L'école, c'est le microcosme de la société.
18:09 Il ne faut pas se leurrer, ce qu'on vit dans la société aujourd'hui,
18:12 on le vit à l'école.
18:14 Et c'est une forme de loupe puisque tout est accentué.
18:20 Donc ces dernières années, je n'ai pas eu de problème avec mes textes,
18:24 mais il y a longtemps que je l'avais fait étudier,
18:26 la Symphonie pastorale d'André Gide,
18:28 et je me souviens sur la couverture du folio, il y avait une croix.
18:31 Il y avait une élève qui m'avait demandé pourquoi il y avait une croix
18:33 quand on était dans une école laïque.
18:35 J'avais expliqué que la France était chrétienne,
18:40 que c'était la fille née de l'Église,
18:43 et qu'on avait une culture et une histoire.
18:47 Et quand j'avais dit ça, tout allait, il n'y avait pas eu de souci.
18:52 Quand on affirme notre identité, je crois qu'on est davantage respecté.
18:58 La laïcité, oui, mais elle ne doit pas servir de cheval de troie
19:01 en revendication de certains extrémistes.
19:05 Il faut affirmer notre identité, notre histoire, notre langue, c'est important.
19:09 On ne sera respecté que comme ça.
19:10 Et d'ailleurs, il faut donner aussi envie aux jeunes
19:13 qui viennent de pays étrangers,
19:16 de leur donner envie d'aimer notre histoire,
19:21 et puis leur donner des figures, des modèles.
19:25 Si certains sont allés rejoindre le djihad,
19:28 et certains le font encore aujourd'hui,
19:30 c'est qu'ils ont besoin d'adrénaline,
19:32 parce qu'ils ont l'impression qu'on leur proposerait un retour.
19:35 Et je pense qu'il faut leur proposer quelque chose.
19:38 – Est-ce que vous êtes aidée par vos ministres, Ruth Grenell ?
19:41 J'ai noté quand même, je vois votre sourire,
19:44 depuis 2017, il y a cinq à s'être succédé à Ruth Grenell,
19:48 dont Mme Odea Castera, elle qui a battu à un encore,
19:51 elle est restée 28 jours, je crois.
19:54 Est-ce qu'il y a un ministre qui sort du lot ?
19:59 Au moins dans cet gouvernement Macron.
20:03 – Je pense qu'elle sort du lot, comme dirait un certain Michel Audiard,
20:05 c'est une synthèse, elle tout seule.
20:07 Quand elle a dit qu'il fallait créer de l'immolation dans les salles de classe,
20:12 et que justement, il fallait être nombreux dans les salles de classe
20:15 pour éviter de s'ennuyer,
20:16 je pense qu'elle a confondu un stade olympique à une salle de classe.
20:21 Quand on a trop d'élèves dans une salle de classe,
20:23 c'est plutôt le bordel que le calme.
20:26 Donc non, aujourd'hui vous avez des ministres qui passent de l'agriculture
20:30 au ministère de l'éducation, puis à la justice, qui n'y connaissent rien.
20:33 Le temps qu'ils prennent connaissance des dossiers, ils ne sont déjà plus là.
20:36 Donc non, c'est… d'ailleurs c'est aberrant.
20:39 – Qui dirige en fait, qui dirige l'enseignement aujourd'hui ?
20:42 Ce sont les recteurs, ce sont les proviseurs, ce sont les élèves ?
20:46 Qui dirige ?
20:47 – Ben disons que je dirais que…
20:49 c'est pour ça que je compare l'école à un grand Titanic.
20:52 Je pense que sans des professeurs motivés, idéalistes,
20:57 qui tiennent à bras-le-corps le bateau école, le bateau aurait déjà coulé.
21:02 Et d'ailleurs je pense que les ministres, justement les recteurs,
21:05 comptent sur notre professionnalisme, savent que si on ne démissionne pas,
21:08 si on reste… enfin si tous les professeurs ne démissionnent pas,
21:11 si on est là, c'est qu'on a une exigence vis-à-vis de nos élèves,
21:15 qu'on ne veut pas les abandonner.
21:16 Ils le savent très bien tout ça.
21:18 Et aujourd'hui on a des… comment dire…
21:22 on nous donne des ordres plus ou moins paradoxes, enfin…
21:26 – Contradictoires.
21:27 – Oui, contradictoires.
21:28 Là avec les groupes de niveau qui doivent se mettre en place,
21:31 c'est vraiment l'usine à gaz, ça déstabilise tous les…
21:34 enfin au collège c'est du grand n'importe quoi.
21:36 Il ne s'agit pas du tout de classe de niveau d'ailleurs,
21:38 enfin ça va être des groupes avec…
21:40 je ne vais pas vous rentrer dans les détails tellement ça donne mal à la tête,
21:43 mais c'est contre-productif ce qu'ils sont en train de mettre en place.
21:46 Il y aurait des solutions bien plus faciles à mettre en œuvre,
21:49 il me faudrait une heure pour les expliquer, mais elles sont faciles,
21:52 et là on marche sur la tête.
21:54 Dans mon livre d'ailleurs, j'ai intitulé le ministre Adrien D'Homme.
21:57 Donc Adrien D'Homme c'est le personnage de Belle du Seigneur,
22:04 et c'est un petit fonctionnaire en fait qui travaille à la Société des Nations,
22:08 et qui est incompétent, donc j'ai choisi,
22:11 ce n'est pas pour rien que j'ai choisi le nom de mon ministre,
22:13 enfin j'ai donné à mon ministre Adrien D'Homme,
22:15 pour montrer que les ministres aujourd'hui essayent encore une fois
22:19 d'appliquer la politique du pas de vague,
22:22 même si Gabriel Attal a fait croire qu'il voulait s'intéresser à l'éducation,
22:28 mais il est parti très vite.
22:30 Donc il a amené avec lui, à Matignon, l'éducation,
22:34 mais à mi-temps, si on s'intéresse vraiment à l'éducation,
22:38 on y reste à plein temps.
22:40 – Reste quand même la question que vous posez dans votre ouvrage,
22:42 sans point d'interrogation, est-ce que la solution c'est d'aboutir
22:45 à un monde sans prof ?
22:47 – Un monde sans prof, un monde sans humains, pourquoi pas,
22:51 un monde totalement déshumanisé, où on lobotomiserait les élèves,
22:54 et on leur donnerait une pilule pour apprendre la même chose,
22:57 pour être mieux manipulables, j'espère pas.
23:00 Je pense qu'il est primordial qu'on ait des professeurs compétents,
23:05 et qui apprennent aux élèves à penser, à réfléchir par eux-mêmes,
23:08 et à avoir des bases solides et des connaissances solides.
23:10 D'ailleurs si j'ai écrit ce livre, c'est justement pour alerter,
23:13 alerter les parents d'élèves, alerter l'opinion publique,
23:16 et pour qu'il n'y ait pas de monde sans prof.
23:19 – Exclusivement en vente sur le site de TVL, sur laboutiqueTVL.fr,
23:24 vous connaissez bien évidemment le chemin pour vous procurer cet ouvrage.
23:27 Allez, toute dernière question, il me reste une minute,
23:29 une question très personnelle, est-ce que ça vaut encore le coup
23:31 de se battre pour les gamins ? Pour ces gamins-là ?
23:34 – Moi je pense que c'est un devoir moral, oui, il faut se battre,
23:38 devant l'adversité il faut se battre, je pense qu'on est quand même
23:41 détenteurs d'une histoire, d'une culture, on a nos parents, nos grands-parents,
23:46 nos arrière-grands-parents qui se sont battus pour défendre certaines valeurs,
23:49 et si on ne se bat pas aujourd'hui, quelle image, quelle trace
23:52 on va laisser de nous-mêmes, donc oui ça vaut la peine,
23:54 c'est le futur qui est en jeu.
23:56 – Et il y a encore des enfants qui vous surprennent ?
23:58 – Tout à fait, et les enfants quand on voit leurs yeux qui brillent,
24:03 et quand ils viennent vous voir des années plus tard en vous reberçant,
24:06 vous vous dites qu'il faut continuer sur ce chemin,
24:09 que vous avez choisi le bon chemin.
24:10 – Voilà, un monde avec des preuves alors.
24:12 Merci beaucoup Irénie Boussoud.
24:13 – Merci.
24:14 [Générique]

Recommandations