La semaine dernière à l’occasion du cinquantième anniversaire de la révolution des œillets, David Castello-Lopes nous parlait de la dictature portugaise. Il continue cette semaine avec une anecdote personnelle inédite, qui fait intervenir Alain Delon...
Retrouvez la question de David Castello-Lopes dans le 7/10 (8h55 - date) Retrouvez toutes les questions de David Castello-Lopes sur https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-billet-de-david-castello-lopes
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AmusantTranscription
00:00David Castello-Lopez, bonjour ! La semaine dernière, à l'occasion du cinquantième anniversaire
00:06de la Révolution des œillets, vous nous avez parlé de la dictature portugaise.
00:10Vous continuez cette semaine avec une anecdote personnelle inédite sur cette dictature.
00:15Une anecdote qui fait intervenir Alain Delon.
00:19Oui.
00:20En 1967, Alain Delon, il a joué dans un film policier de Jean-Pierre Melville qui s'appelle
00:26Le Samouraï.
00:27Il joue un tueur à gages solitaire hyper compétent et surtout un tueur à gages qui
00:32a deux particularités.
00:34Un, il sourit zéro fois pendant le film et deux, il parle presque pas.
00:39Pour faire cette chronique, j'ai compté le nombre de mots prononcés par Alain Delon
00:43dans Le Samouraï.
00:44Je passe vraiment des week-ends délicieux.
00:46Il prononce 476 mots.
00:49476 mots, c'est moins qu'une chronique de 2 minutes 30 de Mathieu Noël, mais étalée
00:54sur 1h45, c'est très peu.
00:57Même s'il faut avouer que parmi ces 476 mots, il y a quand même des phrases pas mal.
01:01Comme par exemple.
01:02« Je n'ai jamais porté de moustache de ma vie ».
01:04Voilà.
01:05Ce film, il est sorti au Portugal en septembre 1968.
01:10Et septembre 1968, pour le Portugal, c'était pas un moment anodin.
01:14Pourquoi ? Et bien parce que le pays a appris ce mois-là que Salazar, le dictateur qui
01:18était au pouvoir depuis 40 ans, il était grave malade en soins intensifs à l'hôpital
01:23de la Croix-Rouge à Lisbonne.
01:25Vous allez me dire, mais c'est quoi le rapport avec la choucroute du samouraï ? Et je vous
01:28demanderai de vous calmer parce que j'y arrive.
01:31A cette époque, mon papa et mon oncle, ils étaient distributeurs de films au Portugal.
01:36Et c'est eux qui distribuaient le samouraï.
01:39Or, mon papa, c'était un monsieur qui aurait vraiment préféré être poète dans la vie
01:44que distributeur de films.
01:45Et donc c'était souvent lui qui rédigeait les publicités pour les films qui sortaient.
01:49Et là, il a brainstormé tout seul dans sa tête et il a eu deux idées.
01:54La première, c'est qu'il a traduit le samouraï de façon un petit peu freestyle par « Solidao
01:59do tigre », la solitude du tigre.
02:01La seconde, c'est qu'il a inventé un slogan publicitaire qui était « Matar com or, amar
02:13sempres, morir só », tuer avec honneur, aimer sans espérance, mourir seul.
02:19Il a fait placarder ça en 4x3 dans tout Lisbonne et puis il s'est barré en voyage.
02:24Sauf qu'un de ces 4x3 a été installé juste en face des fenêtres de l'hôpital de la
02:29Croix-Rouge où il y avait Salazar.
02:31Et là, il faut imaginer un agent de la police politique portugaise, la PIDE, qui est dans
02:36l'hôpital un matin, à côté de Salazar mourant.
02:39Il regarde nonchalamment par la fenêtre et il voit écrit en énorme « Pour la solitude
02:44du tigre, tuer avec honneur, aimer sans espérance, mourir seul ».
02:49Et donc évidemment, il se dit quoi ? Il se dit « Quelle est la vermine communiste qui
02:54insulte notre chef suprême Salazar dans un moment si difficile ? Quelle indignité ! Arrêtez-moi
02:59les responsables tout de suite ! » Et immédiatement, la PIDE a envoyé des agents arrêter mon
03:03père, sauf qu'il n'était pas là, et donc ils ont arrêté mon oncle qu'ils ont jeté
03:08en prison.
03:09Et là, mon oncle, il a dit « Non mais en fait, vous allez rire, on parlait de Alain
03:13Delon en fait, c'est marrant, non ? ». « Non, c'est pas marrant », répondit la PIDE, espèce
03:17de sale menteur communiste.
03:19« Non mais la vie de ma mère, si ! Le samouraï, tout ça, il tue des gens, il parle pas beaucoup,
03:23Mathieu Noël ! ». « Mathieu qui ? Tu te fous de ma gueule ? ». Alors mon oncle, il a fini
03:27par prouver sa bonne foi en faisant apporter des documents sur le film, et il a été relâché.
03:31Et c'est d'autant plus heureux que ce que la PIDE ne savait pas, c'est que mon papa
03:35donnait effectivement en scred de l'argent tous les ans aux communistes portugais.
03:40Bon, Salazar, il a quand même vécu encore un an et demi, et en 1974, il y a exactement
03:4450 ans, son régime est tombé grâce à un coup d'État militaire, où les militaires,
03:49une fois le coup d'État passé, ils ont rendu le pouvoir aux civils, ce qui n'arrive jamais.
03:55Les portugais, ils ne sont peut-être pas Goya ou Velazquez, mais ils sont hyper forts en révolution.