• il y a 7 mois
Le psychothérapeute Didier Pleux prône un retour de l'autorité des parents mais aussi à l"école. Son livre "L'Autorité éducative, une urgence" parait aux éditions Odile Jacob.
Regardez L'invité d'Yves Calvi avec Yves Calvi du 01 mai 2024

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00:00Éducer le matin, 7h-9h.
00:03Il est 8h21, bonjour Didier Pleu.
00:05Bonjour.
00:06Vous êtes psychologue, psychothérapeute, spécialiste de l'éducation des enfants
00:09et vous publiez « L'autorité éducative, une urgence » aux éditions Odile Jacob.
00:13Le livre paraît demain.
00:15Il est urgent pour les parents de retrouver le bon sens éducatif, nous dites-vous.
00:19Enfin, on est bien d'accord, ce n'est pas une question, c'est une affirmation.
00:22Oui, oui, parce que je voyais ça avec un chauffeur de taxi ce matin,
00:25il me parlait d'éducation, il était dans le bon sens.
00:27Il me disait que j'aurais été sévère, il me remercie.
00:29Le bon sens, ce n'est pas se laisser piéger par toutes les hypothèses
00:32qu'on nous a mises dans le crâne depuis des décennies.
00:35Qu'observez-vous, vous, dans les consultations avec les enfants
00:37et accessoirement leurs parents, bien entendu, dans ce rapport à l'autorité ?
00:41C'est ce qu'on observe malheureusement tous les jours.
00:43Il y a des incidents de plus en plus violents, des choses comme ça,
00:45et je le vois en consultation.
00:46Les enfants ou les ados ne viennent plus pour des problèmes de dépression,
00:49d'estime de soi, ils viennent, colère pour les tout-petits,
00:52et les autres, décrochage scolaire, addiction multiple, etc.
00:55Donc des problèmes, moi que j'appelle des problèmes d'intolérance aux frustrations
00:58et qui, selon moi, viennent de carences éducatives,
01:01pas de carences affectives comme on nous a tout le temps lancinés.
01:04Carence éducative, je vais y revenir.
01:06Alors, du coup, est-ce que ça s'apprend l'autorité, Didier Pleu ?
01:10Moi, je crois que ça s'apprend, c'est pour ça que j'ai ce petit guide pour dire aux parents
01:13mais non, ce n'est pas une histoire génétique de
01:15j'ai un tempérament fort et je suis sévère comme ça, non, non.
01:18Ça s'apprend, c'est-à-dire, est-ce qu'on peut tenir compte
01:20des bonnes choses qu'on a apprises depuis les hypothèses psychos
01:23des dernières années sur la bienveillance, l'empathie, le respect de l'enfant,
01:26on est d'accord, mais est-ce qu'on peut aussi apprendre
01:28à être à la verticale de l'enfant, pour l'élever,
01:31à dire qu'on peut proposer, qu'on peut transmettre,
01:33qu'on peut être conflictuel, qu'on peut être contraignant,
01:36qu'on peut être sanctionnant, c'est ça qui n'est pas oublié,
01:38c'est la deuxième partie, amour mais pas de frustration.
01:40Au terme, moi, un doute quand même, c'est une bonne chose la bienveillance ?
01:43C'est une bonne chose, oui, mais vous savez, bienveillance,
01:45la définition c'est compréhension et indulgence.
01:49Compréhension, je suis d'accord, indulgence, non.
01:51Quand un enfant commence à passer cinq fois les passages de niveau, boum.
01:55Alors, quelle autorité d'ailleurs, parce que même quand il se rebelle,
01:58l'enfant en a besoin, ça le rassure, non, l'autorité ?
02:01C'est sécurisant l'autorité, c'est ce que je n'arrête pas de dire.
02:04En fait, je ne veux pas dramatiser,
02:07mais s'il n'y a pas d'autorité dans les familles,
02:09c'est l'ouverture à la toute-puissance de l'enfant.
02:12Parce qu'on nous a toujours dit que l'enfant était victime,
02:14que les parents étaient traumatogènes, attention, le père castrateur,
02:17il faut se rebeller, la mère fusionnelle, elle va l'anéantir.
02:20Non, l'autorité, elle est bonne parce qu'elle arrête ce qu'on appelle
02:23ce fameux principe de plaisir, le striatum chez l'enfant,
02:26il y a un noyau à Coubens dans le cerveau qui fait qu'on est addict au plaisir.
02:29S'il n'y a pas quelqu'un qui aide l'enfant à s'empêcher,
02:32parce que Camus disait dans son bouquin « Un homme, ça s'empêche »,
02:35moi je dis qu'un homme a beaucoup de mal à s'empêcher,
02:37alors vous imaginez un petit enfant quand il est dans le principe de plaisir,
02:40c'est tout, tout de suite, ça, ça s'apprend.
02:42Vous êtes en train de nous dire que l'autorité, ce n'est pas un gros mot,
02:44que ça ne doit plus être tabou ?
02:46Non, ça ne doit plus être tabou, moi je fais partie des générations 68,
02:49on a tout viré, ni Dieu ni maître, parce qu'il était temps,
02:51nous on était sous la coupole des blouses grises,
02:53des visions par deux, d'un paterfamilias, etc.
02:56On a dit non, non, non, non, mais on a été trop loin.
02:59C'est-à-dire qu'on a confondu autoritarisme et autorité.
03:02Est-ce que nos jeunes français vont de moins en moins bien, je vous pose la question,
03:05et si oui, comment l'expliquez-vous ?
03:07Ils ne vont pas tous moins bien, il y en a quand même qui vont bien.
03:10Mais c'est vrai qu'il y a 22 ans, j'écrivais de l'enfant roi à l'enfant tyran,
03:13on me disait « mais tu es un peu réac avec tes trucs, ta vision des enfants ».
03:17Non, je vois de plus en plus de petits nazillons dans les familles,
03:20et surtout à l'école, parce qu'il n'y a pas que l'autorité faible dans les familles.
03:24L'école, ça ne va pas du tout non plus.
03:26La faute à qui, à quoi ? Je rappelle que vous êtes auteur de « L'éducation bienveillante, ça suffit ».
03:30C'était là aussi chez Odile Jacob. Ça nous donne une petite idée ?
03:34De l'éducation bienveillante ? Il faut arrêter avec ça.
03:38On peut être gentil, bienveillant, empathique, mais il faut aussi être,
03:41je répète, dans une hiérarchie.
03:43On m'a toujours dit « démocratie familiale ».
03:45Non, pas de démocratie dans les familles.
03:47Qu'on respecte les enfants, mais pas de démocratie.
03:49C'est ce souci d'égalité, jeunes, vieux, enfants, parents.
03:52Il n'y a pas d'égalité. Je suis désolé.
03:54Vous travaillez sur ces questions depuis des années.
03:56Pourquoi les parents ont-ils tant de mal à faire preuve d'autorité ?
03:58Il y a un malaise, il y a un non-dit, il y a une perte de valeur,
04:01je ne sais pas, ils sont eux-mêmes perturbés.
04:03Vous comprenez ma question ?
04:05Oui, je pense qu'il y a aussi des parents qui sont assez intolérants aux frustrations,
04:08qui ont la même pathologie que leurs enfants,
04:11parce qu'ils sont fatigants d'être parents.
04:12Mais je crois aussi qu'on est victime de notre culture.
04:15Le français est rebelle, on est un peu régicide.
04:18Autorité, c'est un vilain mot quand même.
04:20Donc il y a cet aspect culturel.
04:21Et puis je crois que, malheureusement,
04:23toutes les lectures depuis 30 ans en psychologie de l'enfant
04:25vont dans le sens de « attention, l'enfant est fragile »,
04:28« attention, inconsciemment vous pouvez faire mal »
04:30et les parents sont paumés, paumés,
04:32parce qu'ils se disent, un peu comme disait Freud,
04:35« quoi que je fasse, ça se passera mal ».
04:37Justement, peut-être qu'on est terrorisé par la peur de mal faire en tant que parent.
04:40Oui, mais c'est…
04:41Donc vous nous dites ce matin, « quoi qu'il arrive, de toute façon, vous ferez mal, au moins… »
04:44Non, non, ça c'est Freud qui disait ça.
04:46Mais mettez des limites aux enfants, je ne sais pas, expliquez-nous.
04:48Non, non, non, il faut mettre des limites,
04:50et puis ce n'est pas parce que l'enfant va vous regarder avec un air de dire
04:52qu'il ne vous aime pas à ce moment-là.
04:54Il faut accepter le désamour, parce qu'on n'est pas là pour se faire aimer.
04:57D'accord, il faut accepter le désamour.
04:58On est là pour élever.
04:59Donc, en fait, ce sont les parents qui ont des carences affectives,
05:01pas les enfants, du moins au départ, j'ai envie de vous dire.
05:03Non, non, mais ça c'est la version classique,
05:05que les parents, s'ils sont gentils, c'est quand même qu'on en souffère, etc.
05:07Non, je crois que c'est plutôt qu'ils ont des carences eux-mêmes éducatives,
05:10de temps en temps, parce que si un parent n'a pas connu l'autorité,
05:13je ne vois pas comment il pourrait en faire un peu à la maison.
05:16Vous aurez remarqué quand même que le gouvernement ne cesse
05:18de bandir le mot « autorité » en ce moment,
05:20souhaitant son retour partout, et notamment à l'école.
05:22C'est le rôle de l'école d'affirmer l'autorité ?
05:24Ça devrait peut-être commencer à la maison, non ?
05:26Ça commence à la maison, mais il faut que ça continue à l'école,
05:28parce que là aussi, on a eu des pédagogies centrées sur l'élève,
05:31des tas de choses comme ça, on parle même de pédagogie ludique.
05:34Non, non, non, je suis assez favorable à cette histoire
05:37de remettre des notes, de remettre le redoublement.
05:39Il ne peut pas avoir d'autorité sans sanction.
05:41On n'a pas dit autoritarisme, mais il faut des conséquences.
05:43Et bien, quand on ne travaille pas à l'école,
05:45on ne passe pas dans la classe supérieure, c'est tout bête.
05:47Et puis, quand on ne fait rien, on a une mauvaise note.
05:49Et quand on fait bien, on a des bonnes notes.
05:51Mais au profit de « il faut lui apprendre à vivre »,
05:54non, non, moi je suis comme Anna Arendt, on apprend le réel,
05:57pas le développement personnel ou l'art de vivre à l'école.
06:00Les mesures annoncées par le Premier ministre vous semblent justes ?
06:03Oui, oui, mais attention, parce que j'ai entendu le secrétaire d'État
06:05qui disait qu'il fallait fouiller dans les portables.
06:07Donc attention, on va avoir un mouvement de balancier, là.
06:10Et puis j'ai entendu aussi qu'il y aurait peut-être une loi pour les portables.
06:12Il faudra aussi une loi pour ranger la vaisselle,
06:14une loi pour les devoirs du soir, une loi pour se coucher,
06:16une loi pour… Non, non, non, il faut faire attention.
06:18S'il faut un flic dans chaque maison, c'est pas ça que je demande.
06:20L'autorité éducative, justement, entre le refus du personnel enseignant
06:24d'intervenir pour gérer les incidents et ainsi éviter les conflits,
06:27et le recours à un autoritarisme, on va dire daté,
06:29vous l'évoquiez vous-même il y a quelques instants,
06:31en disant « moi je suis un 68a », exigé notamment à droite,
06:34comment on trouve un juste milieu et un équilibre dans tout ça ?
06:36Le juste milieu, c'est ce que j'appelle l'autorité juste.
06:39C'est-à-dire est-ce qu'on peut effectivement tenir compte
06:41que l'enfant n'est pas un légume, que l'adolescent ça se respecte,
06:44mais est-ce qu'on peut aussi contredire l'adolescent en crise
06:46qui doit se rebeller, tuer le père pour aller mieux ?
06:48C'est toutes ces choses-là.
06:50Il faut ne plus écouter les sirènes des dogmes psy,
06:53avoir du bon sens et puis surtout renouer avec la bonne autorité
06:57qui est « je t'aime, je frustre, mais je t'aime », voilà, les deux.
07:00– Les deux coexistent.
07:01– Oui, mais même si j'aime pas trop le côté ensemble, on peut faire les deux.
07:05– Au fond, les questions sont toujours les mêmes.
07:07Quelles limites imposer à un enfant ?
07:08Comment les faire respecter, sans violence et dans son intérêt ?
07:12Visiblement, nous adultes, aujourd'hui, on a un petit peu de mal
07:15à assumer tout ça et à trouver l'équilibre.
07:17On est perturbé en tant que tel ?
07:19– Oui, parce que de toute façon, ce qu'on confond,
07:22c'est pour ça que j'ai peur quand on est dans l'autoritarisme,
07:24c'est-à-dire qu'on est souvent en colère quand un enfant transgresse
07:27ou passe les feux rouges, qu'il ne nous obéit pas.
07:29Donc c'est là qu'il faut aider les parents.
07:31En colère, ça veut dire « il devrait m'obéir ».
07:33Autoritarisme, non.
07:34Être sauf, c'est de se dire « je souhaiterais que mon enfant,
07:37mais s'il a un tempérament fougueux, il y a de grandes chances
07:39qu'il va falloir que je passe par la case autorité ».
07:42Il faut aider les parents à baisser l'émotionnel,
07:45parce qu'ils ont peur de ça, d'être violent,
07:47d'être le sanctionneur un peu trop disproportionnel.
07:49Il faut leur dire « non, non, non, non, non, non,
07:51n'écoutez pas ceux qui vous disent que la bienveillance ça suffit,
07:54n'écoutez pas vos émotions, il va falloir travailler ensemble
07:57sur du concret, c'est-à-dire un enfant,
07:59il a besoin d'être construit dans la frustration ».
08:02– Qu'est-ce qui vous frappe quand vous recevez,
08:04aujourd'hui, des familles dans vos cabinets ?
08:06– Ce qui me frappe, c'est qu'ils sont perdus,
08:08ils sont complètement perdus.
08:09Il y a encore une dame qui m'a demandé un rendez-vous
08:11pour son enfant de 3 ans qui pique des crises tout le temps,
08:13et puis au téléphone elle m'a expliqué
08:15« mais j'essaie de voir, il y a peut-être un sens derrière,
08:17on m'a dit qu'il n'y avait pas de caprices chez les enfants de 3 ans ».
08:19J'ai dit « mais si il y a des caprices,
08:21il n'y a que des caprices chez les enfants de 3 ans ».
08:23Quand ils piquent des colères, ce n'est pas parce qu'ils sont
08:25en détresse existentielle, c'est parce qu'ils veulent un bonbon,
08:28ils veulent dormir, ils veulent un câlin.
08:29– Et donc, à cette maman, vous allez l'aider
08:31à apprendre ce qu'on appelle l'autorité,
08:33qui est pour moi la chose la plus difficile.
08:34– Oui, parce qu'elle voulait que je prenne son enfant.
08:35J'ai dit « non, non, non, je ne peux pas,
08:37mais je vais faire de la guidance parentale,
08:39je vais vous aider madame ».
08:40– Guidance parentale ?
08:41– Oui, ça veut dire quoi ?
08:42– Ça veut dire que je vais aussi faire l'autorité
08:44auprès de cette dame-là.
08:45– Merci beaucoup Michel Pleu, vous êtes psychologue,
08:47psychothérapeute, et votre livre « L'autorité éducative,
08:49une urgence » paraît donc demain aux éditions d'Il Jacob.
08:51Bonne journée à vous.
08:52– Merci beaucoup.

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