Ecoutez l'interview du président du Museum national d'histoire naturelle, auteur de "Le jour où j'ai compris" aux éditions Grasset).
Regardez L'invité de RTL du 18 mai 2023 avec Yves Calvi.
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00:02 RTL matin
00:06 RTL il est 7h44, excellente journée à vous tous qui nous écoutez. Bonjour Bruno David. Bonjour. Vous présidez notre
00:12 magnifique muséum d'histoire naturelle, autrement dit vous êtes aux premières loges, pour ausculter l'état de notre planète et l'empreinte qui fut la nôtre,
00:19 notamment face à ce qu'on appelle aujourd'hui la biodiversité.
00:21 Vous venez de publier aux éditions Grasset "Le jour où j'ai compris". Le jour où vous avez compris quoi Bruno David ?
00:28 J'ai compris que la planète ne tournait pas très rond. Alors en fait ce titre est un petit peu une escroquerie
00:33 intellectuelle dans la mesure où c'est pas un jour où j'ai compris mais plein de jours où j'ai commencé à comprendre
00:38 progressivement que voilà il y avait des choses qui se passaient. Alors vous expliquez notamment que vous êtes un enfant des années 60 élevé en région
00:44 lyonnaise. C'est notre génération celle des baby boomers qui est responsable de ce chaos ?
00:48 Non c'est toutes les générations y compris d'ailleurs celles qui nous ont précédés. C'est une accumulation de choses et on n'est pas plus
00:56 responsable que beaucoup d'autres.
00:58 Simplement on a bénéficié à un moment donné du développement de l'économie et on en a aussi
01:03 profité mais comme d'autres en profitent aujourd'hui avec d'autres instruments.
01:07 Alors cela dit Greta Thunberg et nos enfants nous demandent des comptes non ? Ils ont raison ?
01:11 Non je pense pas parce qu'on peut pas juger rétrospectivement de ce qui s'est passé dans les années 60 ou 70 avec
01:16 la lecture qu'on peut en faire aujourd'hui. On n'avait pas les clés de compréhension.
01:20 Il y avait... c'était des décennies qui étaient très froides par rapport même à celles qui avaient précédé donc il n'y avait pas de changement climatique
01:26 perceptible en tout cas.
01:27 La biodiversité était en crise mais pas tant que ça et moi ce qui m'a frappé dès mon enfance mais
01:32 vraiment très très jeune ce sont les sujets de pollution parce que ça on les voyait.
01:36 Je rappelle que 60% des oiseaux ont disparu en Europe. Ce chiffre a été publié en début de semaine.
01:41 Une fois qu'on a cité justement ce chiffre effrayant, qu'est ce qu'on a dit et qu'est ce qu'on fait ?
01:46 C'est surtout que ce chiffre effrayant il remonte à la fin des années 90 seulement. Donc c'est depuis les années 90. Donc c'est bien les générations
01:53 actuelles. C'est bien le comportement qu'on a actuellement sur la planète parce que les oiseaux il y en avait plus auparavant.
01:58 Donc on voit bien qu'il faut relativiser les choses et qu'il faut se
02:02 garder de tout juger à l'aune d'aujourd'hui. On parle quand même de l'agriculture intensive, de ces pesticides mais parce qu'il a fallu
02:09 nourrir des milliards d'êtres humains.
02:11 On voulait faire manger notre planète Bruno David sur le fond on le comprend non ?
02:16 Oui sauf que quand on regarde les chiffres un peu plus en détail on s'aperçoit qu'il y a 30% de gaspillage alimentaire.
02:21 C'est à dire qu'entre ce qui est produit dans un champ et ce qui arrive dans notre assiette, ce qui arrive dans notre estomac même,
02:26 il y a 30% de pertes en ligne. Alors on n'aura jamais 0% de pertes mais on pourrait quand même avoir des gains assez considérables
02:32 si on évitait tout ce gaspillage de
02:34 l'alimentation qu'on fabrique.
02:35 Vous qui observez tout cela de très près est-ce que nous sommes déjà entrés dans un temps qu'on pourrait qualifier le temps de l'irréversible ?
02:41 Alors pour le climat je serais quand même relativement inquiet parce que c'est un système qui est cumulatif. C'est à dire qu'on a accumulé depuis en
02:48 gros la révolution industrielle 1850 pas mal de gaz à effet de serre dans l'atmosphère. Pour la biodiversité je suis plus optimiste parce qu'elle est très
02:54 résiliente et si on se comporte mieux à un endroit donné on en voit les fruits dans cet endroit là et finalement assez rapidement.
03:01 Donc ça doit nous pousser à l'action et on a des marges pour agir. Vous nous dites que la nature a une capacité de
03:08 cicatrisation plus importante qu'on ne l'imagine ? En tout cas qu'elle sait apporter les réponses dès qu'on la laisse respirer ?
03:13 Oui en tout cas côté biodiversité, oui côté écosystème, oui. J'en suis persuadé.
03:17 Une enquête nous apprend au début de semaine que ce sont bien les pesticides et les engrais, je le rappelle, qui ont contribué à la
03:23 disparition notamment de nos espèces d'oiseaux.
03:25 On mange comment et on mange quoi demain ?
03:27 Sur la planète de 12 milliards peut-être d'habitants un jour ?
03:32 D'abord on peut essayer de moins gaspiller, on peut essayer de manger un petit peu autrement aussi
03:37 et on peut peut-être essayer de cultiver en acceptant d'avoir des rendements un petit peu moindres de manière un peu différente également.
03:44 Je rappelle qu'au moment du Grenelle on s'était engagé à diminuer pour moitié
03:48 les pesticides introduits dans l'agriculture en France et que dix ans plus tard
03:53 non seulement on n'a pas diminué de moitié mais on a augmenté de 25%.
03:56 Alors ça veut dire qu'il y a de l'espoir en fait ?
03:59 Ça veut dire qu'on a des marges et qu'on devrait...
04:01 Des marges de manœuvre ?
04:02 Des marges de manœuvre exactement et que si on utilise ces marges de manœuvre
04:05 sans pour autant s'arrêter de respirer et s'arrêter de vivre,
04:08 on doit pouvoir trouver des solutions qui soient bénéfiques pour les écosystèmes et pour nous et bénéfiques pour les écosystèmes,
04:13 ça veut dire pour nous parce que si on ne prend pas en compte ces critères environnementaux,
04:18 ça va nous revenir dessus comme un boomerang au niveau de la société et au niveau de l'économie.
04:23 Comment on s'organise ? Chacun doit faire un petit peu...
04:25 On est dans un pays où on attend beaucoup du gouvernement et d'autorités politiques tout en la critiquant.
04:31 Voilà, quel équilibre peut-on trouver je dirais à l'échelle de chaque famille qui nous écoute,
04:36 de chaque auditeur d'airtel qui nous écoute aujourd'hui ?
04:38 On doit d'abord agir individuellement bien sûr, chacun à l'aune de ce qu'on peut faire.
04:42 Tout le monde ne peut pas faire la même chose et on n'est pas tous dans la même situation économique,
04:46 sur notre trajectoire de vie, etc. Ce que je montre dans le livre, on a une trajectoire de vie.
04:50 Donc on peut tous agir déjà comme ça, on peut agir au niveau des États bien sûr,
04:55 ou même au-dessus des États de manière internationale.
04:58 Et puis il ne faut jamais oublier les entreprises.
05:00 Les entreprises ont un pouvoir d'action très important, elles sont en train de prendre conscience.
05:05 Je suis en contact régulièrement avec des entreprises, avec des chefs d'entreprise qui me disent
05:09 globalement qu'est-ce qu'on pourrait faire ? Quelle est la situation ? Faites-moi un diagnostic.
05:12 Et derrière ça, qu'est-ce que je peux faire ?
05:14 Et si les entreprises mettent la biodiversité en amont dans la stratégie de leur entreprise,
05:19 c'est-à-dire pas simplement à la fin, une fois qu'il leur reste un peu d'argent pour dire
05:22 qu'est-ce que je peux faire pour l'environnement,
05:24 à ce moment-là, il y a des leviers de changement qui sont vraiment très importants.
05:27 J'avais quand même envie de vous dire, moi qui suis comme vous un enfant des années 60,
05:31 c'était pas mal la consommation de masse ?
05:33 Alors c'était pas tant que ça de la consommation de masse.
05:36 Parce que si on regarde les niveaux de consommation de l'époque, ils étaient sans doute très inférieurs
05:40 au niveau de consommation d'aujourd'hui.
05:42 Dans les années 60-70, on n'avait pas l'idée de prendre l'avion pour aller à New York.
05:46 C'était hors de prix. Même pour aller à Lisbonne, à Rome ou à Madrid.
05:50 C'était inenvisageable. On n'avait pas de téléphone portable, on n'avait pas de réseau.
05:54 Je rappelle que les réseaux, c'est 10% de la consommation de l'électricité mondiale.
05:59 Donc on n'avait pas tout ça. Donc il y avait plus une consommation d'équipement.
06:03 Mes grands-parents n'avaient pas de frigo, ils n'avaient pas de machine à laver, donc ils s'équipaient.
06:06 C'était une consommation d'équipement, c'était pas une consommation qui est plus une consommation de loisirs.
06:12 Il y a une part de la consommation d'aujourd'hui qui est une surconsommation.
06:14 Alors je ne veux pas vous réduire à ça, mais si je vous demande de prendre une mesure, à l'échelle de la planète,
06:20 une mesure peut-être simple, qui change la donne, vous me dites quoi ?
06:24 J'aurais tendance à dire qu'il faut changer de modèle d'agriculture, au moins dans les grandes plaines agricoles.
06:29 Et si on arrivait à planter 1% de haies dans nos grandes plaines agricoles...
06:34 - 1% de haies dans nos grandes plaines agricoles ? - Oui, 1%.
06:37 - C'est pas énorme ? - Non.
06:39 Bon, ça diminuerait sans doute les rendements, évidemment, mais ça amènerait une biodiversité,
06:43 ça permettrait une meilleure circulation de l'eau, ça fixerait l'humidité,
06:47 et ça serait finalement bénéfique pour tout le monde, non seulement en aménité,
06:50 c'est-à-dire au plaisir de se promener dans ces plaines agricoles qui auraient changé un petit peu les paysages,
06:55 et ça serait très bon aussi pour l'environnement.
06:58 Et évidemment, c'est pas le retour à un morcellement des parcelles comme on a pu avoir jusqu'aux années 50,
07:05 c'est pas ça que je dis.
07:06 - 1% de haies, ça paraît ridicule. - Oui, mais on le fait pas.
07:09 - Vous nous dites que... mais on ne le fait pas ? - On ne le fait pas.
07:12 - Pourquoi ? - Ah ben ça, c'est pas à moi qu'il faut poser la question.
07:15 Je suis désolé.
07:16 - Que dites-vous à la jeune génération avant de nous séparer ?
07:18 - Je leur dis, écoutez, faut pas s'invectiver,
07:21 faut pas reprocher à vos prédécesseurs ce qu'ils ont pu faire ou ne pas faire.
07:26 Le problème est trop grave pour qu'on perde du temps à ce genre de querelles un petit peu stériles.
07:32 Il faut qu'on l'aborde tous ensemble.
07:34 Et vous pouvez reprocher aux boomers aujourd'hui de ne pas avoir changé de comportement,
07:38 mais vous pouvez pas leur reprocher leur comportement passé.
07:41 Donc allons-y tous ensemble, on a besoin d'être collectif plutôt qu'individuel.
07:45 - Merci beaucoup Bruno David.
07:46 Je rappelle votre livre "Le jour où j'ai compris" qui paraît aux éditions Grasset.
07:49 Vous restez avec nous puisque...
07:50 [SILENCE]