• il y a 4 mois
Avec Patrick Ramael, ancien magistrat et avocat au barreau de Paris

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##C_EST_DANS_L_ACTU_3-2024-07-28##

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Transcription
00:00Bonjour Patrick Ramahel, ravi de vous retrouver sur l'antenne de Sud Radio.
00:09Alors cette fois, ce n'est pas pour une chronique juridique, mais pour une affaire belge,
00:12un cold case, l'affaire des tueries du Brabant. De quoi s'agit-il, Patrick ?
00:18Alors déjà, je viens d'entendre sur les ondes que demain, c'est le Grand Prix de Belgique.
00:24J'espère que ce ne sera pas le Grand Prix de l'erreur judiciaire belge,
00:26parce que demain, l'administration devrait rendre une décision dans cette affaire.
00:29Cette affaire des cold cases, c'est ce que j'appelle une fabrication d'un cold case,
00:36parce que les autorités judiciaires sont en train de fabriquer un cold case.
00:40Et fabriquer, ça veut dire quoi en fait ? On peut fabriquer un cold case ?
00:43Eh bien oui, ça paraît incroyable, puisque un cold case, c'est une enquête raclée.
00:47Mais l'idée de fabriquer, ça supposerait donc une volonté de saboter une enquête,
00:52mais c'est le cas et je vais vous le démontrer.
00:54Ah bon, bah écoutez, on a hâte.
00:56Alors déjà, peut-être nous rappelez quand même,
00:58parce qu'on ne connaît pas forcément ce qu'est cette affaire des tueries du Brabant.
01:02Bien sûr, entre 82 et 85, en Belgique, essentiellement dans la province du Brabant,
01:08c'est le sud de Bruxelles, une série de braquages extrêmement violents a eu lieu.
01:1328 personnes ont été tuées, dont des enfants.
01:15Des dizaines de personnes ont été grièvement blessées.
01:19D'accord, alors vous, vous êtes aujourd'hui l'avocat de quatre des partis civils.
01:23Vous avez été longtemps magistrat, on le sait,
01:25on vous a connu ici, président de la cour d'assises des Bouches-du-Rhône.
01:28Comment vous expliquez déjà votre intervention dans ce dossier ?
01:32Alors, en 1982, j'étais un jeune juge d'instruction dans l'Ordre de la France, à Bennes-sur-Elle.
01:38J'avais 25 ans.
01:39C'était mon premier poste et puis un matin d'août,
01:42le procureur de la République m'a saisi d'une affaire de tentative, au pluriel de meurtre,
01:46sur des policiers de mots beuges qui étaient intervenus sur un cambriolage en cours.
01:51Et on le saura plus tard, c'était la première fois que cette équipe,
01:55passée à l'acte avec violence, c'est une violence qui va même aller crescendo.
01:58À l'époque, on n'avait pas compris pourquoi, au lieu de s'enfuir en voiture,
02:02alors que les policiers étaient arrivés à pied,
02:04c'était à côté du commissariat, ils ne voulaient pas faire de bruit,
02:06pourquoi ils avaient ouvert le feu sur eux.
02:08Et donc c'était cette fameuse équipe des tueurs du Brabant, c'est ça, Patrick ?
02:12Exactement.
02:13Tous les faits qui vont suivre ont été commis en Belgique.
02:16La voiture utilisée à mots beuges, une Volkswagen Santana bleue,
02:19avait été volée dans le Brabant flamand au mois de mai 1982.
02:24Elle sera retrouvée incendiée dans un bois après Bruxelles,
02:27après l'attaque en mai 1982, après l'attaque, pardon, en septembre 1982,
02:32d'une armurerie à Wavre, donc dans le Brabant ou à Londres.
02:36Ce jour-là, un policier sera tué, puis deux gendarmes seront blessés par balle
02:40lors de la course poursuite avec cette voiture dont les plaques étaient françaises au départ
02:46et avaient été changées en plaques belges.
02:47C'étaient les premières victimes belges d'une longue série de vols à marmées,
02:51particulièrement sanglants.
02:53Pourquoi vous vous êtes retrouvé, vous, dans ce dossier, Patrick ?
02:56Alors, je vous ai dit que j'avais été le premier juge d'instruction
03:00en saisie d'un dossier imputable assez criminel.
03:02Et en fin 2021, j'ai quitté l'administrature après 42 ans de service
03:06et je me suis inscrit au Barreau de Paris comme avocat.
03:08Et puis, le 7 août 2023, je reçois un mail.
03:11Bonjour maître, je me présente, Jean-Pierre Adam,
03:14commissaire de police judiciaire à la retraite.
03:16Il s'en suivra de nombreux échanges avec cet ancien policier
03:21sur les découvertes de cet enquêteur faites à l'occasion de l'affaire Dutroux.
03:25Oui, l'affaire Dutroux, forcément, qui a bouleversé la Belgique, on peut le dire.
03:29Exactement. Cette affaire a bouleversé la Belgique.
03:31C'était l'enlèvement, le viol et le meurtre de fillettes d'adolescentes dans les années 95.
03:37Et Jean-Pierre Adam, à l'époque, était gendarme à la cellule Dutroux.
03:41C'était avant la réforme des polices belges qui, justement, est liée à cette affaire.
03:45Et il enquêtait sur la mort d'un restaurateur près de Charleroi,
03:48possiblement en lien avec cette affaire Dutroux.
03:51Qu'est-ce qu'il va trouver à ce moment-là ?
03:53Il va trouver en France, en 2000, donc 18 ans après,
03:57dans les archives de la brigade de gendarmerie de Charleville-Mézières,
04:01un avis de recherche belge avec portrait robo établi le 4 octobre 82,
04:06quelques jours après l'attaque de l'armurerie de Wavre.
04:09Et cet avis se trouve dans le dossier d'un truand notoire
04:12qui faisait partie, avec son frère, de l'équipe.
04:16Tous les deux sont morts aujourd'hui.
04:18Ils étaient décrits à l'époque comme des criminels ultra-violents et antisociaux.
04:21Et les faits vont s'enchaîner de 82 à 83.
04:25Ils vont s'interrompre jusqu'à 85 pour reprendre en fin d'année 85.
04:32Pourquoi cette interruption pendant presque deux ans ?
04:34Alors ça correspond à l'incarcération de l'un des deux frères.
04:38Et ça s'arrête définitivement en 85, c'est ça ?
04:40Oui, parce que l'un des frères le plus jeune aurait été blessé à l'épaule
04:45lors du hold-up d'Allos, qui aurait eu lieu 8 morts.
04:49C'est un hold-up où une adolescente de 14 ans sera tuée par l'un des braqueurs.
04:54Elle s'est interposée entre ce braqueur et son père en criant
04:58« ne tirez pas, c'est mon papa ».
05:00Le tueur de grande stature a tué le père, la mère et l'adolescente.
05:05Son petit frère a pu s'échapper.
05:07Il sera grièvement blessé, il avait 8 ans.
05:09Et un autre père de famille sera également tué avec son enfant.
05:12Ce jour-là, la bande a échappé de peu à l'arrestation.
05:16Il faut dire que police et gendarmerie avaient eu leurs moyens
05:18considérablement renforcés.
05:21Armement, police et véhicules rapides.
05:23On se dit « Patrick, si les deux frères sont morts,
05:26qu'est-ce que vous pouvez faire aujourd'hui ? »
05:28Alors il existe des complices qui sont bienvenus.
05:30Et puis des investigations sont encore possibles
05:33pour établir judiciairement ce qui s'est passé exactement.
05:36On le doit aux victimes.
05:38C'est pour ça que j'ai demandé des actes complémentaires d'enquête
05:40à la juge d'instruction et qu'elle doit se statuer demain,
05:43selon la loi belge.
05:44Mais elle n'a manifestement pas envie de poursuivre son dossier.
05:48Pourtant, elle a écrit sur le site officiel de la police fédérale,
05:51qui diffuse toujours les portraits robots.
05:53« À ceux qui pensent qu'il n'y a plus d'espoir,
05:55que l'enquête piétine, que les auteurs ne seront jamais démasqués,
05:59je leur réponds qu'un combat perdu d'avance
06:01est un combat qu'on ne mène pas. »
06:02C'est elle qui parle, ce n'est pas moi.
06:04Et je peux reprendre ces mots.
06:05Et puis il y a toujours cette prime de 250 000 euros
06:09offertes à tout contre,
06:10fournir un renseignement qui permet d'arrêter les auteurs ou de les confondre.
06:13Alors Patrick, il ne nous reste pas trop de temps.
06:15Pour revenir rapidement à la fabrication, ce col de caisse, alors ?
06:19Eh bien, ce que j'explique, c'est une volonté.
06:23On prend une affaire qui est vivante,
06:25on la laisse reposer pendant des années.
06:27On fait même voter une loi pour modifier la prescription
06:29pour ne pas donner l'impression qu'on a préparé ce mauvais coup.
06:34Et puis, dans une salle prestigieuse d'un palais d'justice,
06:36des magistrats à la mine très tristes et sévères
06:39vous indiquent qu'à toutes les parties civiles,
06:42les pistes ont été explorées et qu'il n'y a plus rien à faire,
06:45ce qui est totalement faux.
06:46Oui, on imagine que personne n'est dupe.
06:49Pour terminer, pourquoi enterrer un dossier encore vivant ?
06:53Eh bien, tout simplement, c'est difficile de reconnaître qu'après Wavre,
06:56il y a eu 27 morts et des blessés graves
06:58et qu'on aurait pu empêcher cela.
07:00C'est coûteux d'indemniser des victimes et les familles de victimes
07:03et ce n'est pas facile de reconnaître une accumulation d'erreurs.
07:06En tout cas, merci beaucoup Patrick Ramel.
07:08On sent en tout cas que vous êtes au fond de vous-même.
07:10Restez magistrat d'ailleurs.
07:11Oui, j'aimerais surtout du j'instruction à Charles Roy en Belgique.
07:14Ah ben ça, pourquoi pas ?
07:16Merci en tout cas pour vos éclairages.
07:18A très bientôt.

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