Chaque vendredi dans la matinale de Dimitri Pavlenko, Catherine Nay livre son regard sur l'actualité.
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00:00 Mais comme chaque vendredi, tout d'abord, Catherine Ney est avec nous. Bonjour Catherine !
00:04 Bonjour Dimitri, bonjour à tous !
00:06 Voilà, stylo en main pour peaufiner son papier jusqu'à la dernière seconde.
00:09 Marie-France Garot est décédée cette semaine à l'âge de 90 ans, c'était mercredi.
00:14 Catherine, sacré personnage, Marie-France Garot que les moins de 40 ans ne peuvent pas connaître.
00:18 Alors qu'elle fut, sous l'ère Pompidou, la femme la plus puissante de France.
00:23 Oui, mais son nom est indissociable de Pierre Juillet,
00:27 avec lequel elle a fait équipe d'abord à Matignon, de 67 à 68,
00:31 ensuite à l'Elysée où il s'installe au premier étage dans l'aile droite.
00:35 Alors ces deux-là se sont trouvés, parce que tous les rapprochent,
00:38 ce sont deux provinciaux, racines bourgeoises, lui de Creuse, elle du Poitou,
00:42 ils ont la tripe nationale, droite-tière, sont impitoyables pour les médiocres,
00:47 détestent l'esprit centriste, ils croient que c'est être complaisant avec les forts.
00:52 Mais lui, il a posé ses conditions, il ne veut pas être là tout le temps,
00:54 revenir dans sa Creuse, quand bon lui semble, où il élève des moutons,
00:57 il s'entoure de mystères.
00:59 Elle assure la permanence, et chaque jour, elle reçoit, et beaucoup,
01:03 des élus, des journalistes, offre le thé avec une mise en scène chaleureuse,
01:08 et elle est très drôle, avec un don spontané de la formule qui pique,
01:11 métaphore amoureuse et guerrière, d'ailleurs on les retrouvait chaque semaine
01:14 dans les papiers du Monde, de l'Express, du Nouvel Obs,
01:18 ce qui signe bien son influence.
01:20 Puis savoir, que veulent-ils ?
01:21 D'abord, tout savoir, savoir ce qui se passe dans la majorité,
01:24 pour informer le Président, mais plus, ils veulent repérer les sujets d'avenir,
01:28 les futurs ministres, pour faire pièce au baron Gaulliste, que Juillet déteste.
01:32 - Jacques Chaban d'Elmas, nommé Premier ministre, va commettre la faute
01:36 de les ignorer, Catherine.
01:37 - Ah ben oui, et puis son discours de la nouvelle société,
01:40 qui est encensée par la gauche, par la presse, va signer sa paire,
01:43 d'ailleurs, ils ne vont cesser de le démolir,
01:46 et il est plus haut dans les sondages que le Président,
01:48 lequel est très agacé que le Premier ministre ait fixé une ligne,
01:51 sans le prévenir, un programme de gauche,
01:53 mais pourquoi donc, alors que la majorité est à droite ?
01:55 Le pouvoir va vite repasser à l'Elysée,
01:58 et en 72, Chaban est viré,
02:01 alors qu'il vient d'obtenir à sa demande un vote de confiance.
02:04 "Si Chaban n'est pas parti dans 15 jours, moi je m'en vais",
02:06 disait Juillet, "vous vous rendez compte quel culot ?"
02:08 Et Pierre Messmer, et ben il s'en va, et Pierre Messmer,
02:11 qui est plus docile, lui succède,
02:13 et lui, il ne manquera pas de venir les saluer quand il vient à l'Elysée.
02:16 - Alors Chaban éliminé, on peut dire que le couple Juillet-Garraud
02:20 a fait derrière la carrière de Jacques Chirac.
02:22 - D'abord il s'était connu à Matignon,
02:24 et puis lui, chaque soir, il passait les voir.
02:28 Donc il était secrétaire d'État au budget,
02:30 auprès de Giscard, qui s'en inquiétait,
02:32 mais qu'allait-il faire ? Est-ce qu'il est allé cafter ?
02:35 Mais Chirac est leur poulain, d'abord il a du talent,
02:38 et il voit en lui l'espoir de la droite.
02:40 Donc après le budget, ils vont l'essayer,
02:42 on le nomme aux relations avec le Parlement,
02:44 où il se montre très mauvais, c'est pas son truc.
02:46 À l'agriculture, où là il est excellent.
02:49 Et la maladie de Georges Pompidou,
02:51 qu'ils vont d'ailleurs nier jusqu'au bout,
02:53 d'ailleurs c'est bien simple à les entendre, il est mort guéri,
02:55 les incite à le nommer au ministère de l'Intérieur,
02:58 en vue de la présidentielle qui doit avoir lieu en 1976.
03:01 Mais il sera alors leur candidat.
03:03 Seulement, le président meurt en 1974, trop tôt,
03:06 ils vont donc torpiller Lacan d'attirer de Chaban,
03:09 tenter de lancer Mesmer,
03:11 mais ça ne marche pas, donc ils vont se rabattre sur Giscard,
03:13 l'ennemi des Gaullistes.
03:15 Ils croient que Giscard est un homme faible,
03:17 qu'ils pourront le conseiller, c'est-à-dire manipuler.
03:19 Jacques Chirac voulait aller aux finances,
03:21 Giscard le nomme Premier ministre,
03:23 en croyant qu'il était un sireur de parquet,
03:26 qu'il ferait avec lui comme il était avec Pompidou.
03:28 - Très vite, l'histoire est connue,
03:31 ensuite le couple Giscard-Chirac tourne à l'aigre.
03:33 - Oui, parce que Chirac s'aperçoit que d'abord,
03:35 il n'a pas le choix de ses ministres,
03:36 5 sur 16, alors qu'ils sont majoritaires à l'Assemblée, les UDR,
03:40 puis JSS, l'ennemi déclaré du général de Gaulle,
03:43 qui nommait ministre des Réformes.
03:45 Alors là, Jacques Chirac s'étouffe.
03:48 Michel Pognatowski, ministre de l'Intérieur,
03:50 qui déclare haut et fort qu'il faut casser l'UDR,
03:53 lui mettre un genou à terre et que Chirac va s'en charger,
03:56 qu'il va giscardiser l'UDR.
03:58 Mais quel fantasme !
03:59 Julliet et Garraud, aidés de Charles Pasquois,
04:02 vont organiser un vrai hold-up,
04:04 ils veulent chirakiser l'UDR,
04:06 écarter les barons,
04:07 et profitant d'un voyage de Giscard aux Antilles,
04:09 Chirac se fait élire président du parti gaulliste.
04:12 Pognat comprend que le Premier ministre roule pour lui,
04:15 va lui déclarer la guerre,
04:17 au fil des mois, rien ne va plus.
04:19 Julliet et Garraud somment Chirac de démissionner,
04:22 ce qu'il fait en août 1976,
04:24 alors que Giscard l'aurait bien gardé,
04:26 Raymond Barre le remplace.
04:27 - La fameuse phrase "je n'ai pas les moyens de ma politique",
04:29 la phrase de Jacques Chirac.
04:30 Le grand coup de génie de Marie-France Garraud,
04:32 c'est ensuite, toujours pour Jacques Chirac, la mairie de Paris.
04:35 - Sans elle, vous vous rendez compte,
04:36 ils voulaient se présenter à Aigleton, en Corrèze,
04:38 la base logistique pour des ambitions futures.
04:41 Eh bien, Giscard ayant choisi le maire de Deauville,
04:43 pourquoi ne pas y aller lui-même,
04:46 une campagne époustouflante,
04:48 il s'installe à Paris,
04:49 où il sera élu et réélu,
04:51 chaque fois le grand chelem,
04:52 mais jour après jour,
04:54 on a eu l'impression, nous les journalistes,
04:56 de vivre dans un western.
04:57 - La grande faute, c'est enfin l'appel de Cochin,
05:00 du génie de Jacques Chirac,
05:01 avant les européennes de 78.
05:03 - Oui, Jacques Chirac a eu un accident de voiture,
05:06 sur la rue de Corrèze,
05:07 il est transporté à l'hôpital Cochin,
05:09 et Pierre Julliet en profite pour lui faire signer un texte,
05:11 qui provoque une déflagration,
05:13 quand il s'agit de l'abaissement de la France,
05:15 le parti de l'étranger est à l'oeuvre,
05:17 sous-entendu Giscard,
05:18 trop c'est trop,
05:19 d'ailleurs la liste Chirac fera un bil,
05:21 16%, c'en est fini de leur collaboration,
05:24 parce que Bernadette y a mis le haut là,
05:26 elle menace le divorcé.
05:27 Jacques, je vous le dis,
05:28 ce sera elle ou moi,
05:30 exit les Médicis,
05:31 nous lui avions taillé un costume trop grand,
05:34 dira Marie-France.
05:35 - Voilà, les souvenirs de Marie-France Garot,
05:37 signée Catherine Ney,
05:38 on la retrouve d'ailleurs,
05:40 dans vos souvenirs, souvenirs,
05:41 évidemment Catherine Ney,
05:43 la double méprise,
05:44 votre livre en 1980,
05:45 ça raconte toute cette histoire là.
05:46 - Tout, mais en détail, il y en avait trop.
05:48 - Merci beaucoup Catherine Ney,
05:50 toujours un plaisir,
05:51 on vous retrouve évidemment sur Europe 1.fr
05:52 et à vendredi prochain.