• il y a 5 mois
Aspirante pilote de chasse dans sa jeunesse, Émilie Lefebvre partage son parcours jusqu’au poste de directrice générale de la SAPL, fondée par son arrière-grand-père il y a un siècle. Depuis quarante ans, l’entreprise est spécialisée dans la conception, fabrication et commercialisation d’armes et de munitions non-létales, et d’équipements de maintien de l’ordre.

Category

🗞
News
Transcription
00:00Bonjour Émilie Lefebvre. Bonjour. Écoutez, je suis ravie de vous recevoir sur ce plateau. Alors vous êtes la Directrice Générale de la SAPL.
00:12Donc SAPL, c'est la Société d'Application des Procédés Lefebvre, votre nom. Et donc vous êtes la quatrième génération en commande puisque c'est votre arrière-grand-père
00:21qui, il y a 100 ans maintenant, c'était en 1924, a créé cette entreprise dans l'Orne. Et vous êtes toujours d'ailleurs au lieu même du berceau de l'entreprise
00:29initiale, donc bravo. Alors écoutez, pour commencer, expliquez-nous déjà ce qu'est, on reviendra après sur votre parcours, mais c'est quoi SAPL, parce que ça
00:38paraît un peu obscur, c'est quoi, qu'est-ce que vous faites, les grands chiffres, la carte d'identité ? Alors SAPL, c'est une entreprise familiale avec un père,
00:48un grand-père, un arrière-grand-père qui étaient des inventeurs. Donc d'abord dans le domaine de l'armurerie, donc on a toujours cette casquette-là aujourd'hui,
00:54avec de l'armement, des munitions, une spécialité sur le non-létal et qui s'adresse aussi bien au grand public, aux civils qu'aux forces de l'ordre. Et puis avec les années,
01:04d'autres produits sont arrivés, des inventeurs, on voit un problème, on veut trouver une solution. Et donc on est arrivé jusqu'au développement de matériel de maintien de l'ordre,
01:14le plus connu étant le bouclier qu'utilisent les CRS, les gendarmes mobiles, l'administration pénitentiaire, voilà, donc bouclier d'autoprotection.
01:21Donc c'est une entreprise qui a 12 salariés. Pour un chiffre d'affaires, ça va dépendre un petit peu des années, mais entre 2,5 millions, 3,5 millions.
01:29Donc une jolie PME dans son territoire. Absolument. Très spécialisée. Et alors justement, votre clientèle, elle n'est pas qu'en France ?
01:38Non. Effectivement, elle est extrêmement variée, puisque donc en France, on a les particuliers et les différents ministères, donc l'État, et on travaille également à l'export
01:47avec des sociétés de sécurité privée, ou pareil, les ministères. Donc soit ça pète en Afrique, ça pète au Moyen-Orient, de plus en plus en Europe. Donc ça, on en est très contents.
01:58Très bien. Bon, donc on situe maintenant un petit peu comment fonctionne SAPL. Il y aurait beaucoup plus à en dire. On reviendra d'ailleurs sur les défis, bien sûr, que vous avez aujourd'hui,
02:07et sur la façon dont ça s'est passé pour vous. Mais revenons à vous, donc, au début de l'histoire, puisque c'est un portrait, donc c'est ça qui est intéressant.
02:13Au début de l'histoire, la première fois que votre père vous propose de le rejoindre dans l'entreprise, vous refusez. Alors, il est exact, vous avez à l'époque 19 ans, c'est peut-être un petit peu jeune.
02:21Et puis après, à 27 ans, donc 8 ans après, vous dites oui. Il s'est passé quoi entre-temps ?
02:26Alors entre-temps, mon rêve, moi, c'était de devenir pilote, puisque j'étais déjà pilote depuis mes 15 ans, donc plus jeune pilote de France et d'Europe.
02:34Et je voulais devenir pilote de chasse. Et comme tout me réussissait à ce moment-là, j'ai appris l'anglais à l'étranger, alors j'avais une peur bleue d'y aller et que je ne parlais pas du tout un mot d'anglais.
02:44J'ai réussi à passer mon brevet, mon permis de conduire, ça fait partie des victoires quand on a 18 ans, donc il n'y avait pas de plan B possible.
02:51Et sauf que je rate les sélections de pilote de chasse d'un petit chouïa, et qui m'élimine également pour pilote d'hélico et pilote de transal.
03:00Il vous restait pilote de ligne ?
03:02Il me restait pilote de ligne, mais je voulais vraiment piloter, ce qui est un peu moins le cas des pilotes de ligne, que je respecte bien évidemment.
03:09Donc là, il a fallu se remettre en question. Je suis repartie à l'étranger. J'étais d'abord en Afrique du Sud pendant un an et demi.
03:16Et donc là, je suis repartie à New York pour continuer à apprendre l'anglais, me spécialiser vraiment là-dedans, et j'ai démarré une école de commerce là-bas.
03:23Pour autant, quand je suis revenue en France, je n'avais toujours pas envie de reprendre...
03:27De rejoindre ?
03:28Non, non, non, toujours pas, toujours pas. Je voulais grandir en dehors de l'ombre du puissant chêne qui était mon père.
03:33Et finalement, les choses ont fait qu'à 27 ans, il nous redemande encore une fois de venir.
03:39Et je finis par dire oui.
03:41Et vous m'avez dit que quand vous aviez dit oui, même si avant vous n'aviez pas envie, dès l'instant où vous avez dit oui, alors là vous aviez profondément envie et vous étiez engagée à 200%.
03:49C'est ça, parce que malgré tout, je m'en sentais toujours pas capable puisque j'avais peu d'expérience professionnelle, pour ne presque pas dire pas du tout.
03:55Donc la marche était très haute. Mais effectivement, face à l'obstacle, si je décide d'y aller, j'arrête de me dire que c'est trop grand pour moi et j'y vais.
04:02C'est une bonne façon de voir les choses, bien sûr.
04:04Alors comment ça s'est passé le démarrage ? Vous m'avez dit que vous faisiez des cartouches quand vous étiez petite, mais ça c'est pas suffisant.
04:11Adolescente, oui, le job d'été.
04:13Comment ça s'est passé ? Qu'est-ce que vous avez trouvé ? Je crois que la situation n'était pas très facile.
04:17C'était l'horreur.
04:18C'était l'horreur. J'arrive dans une entreprise en difficulté, dont j'arrive à peine à saisir les difficultés, ni connaissant pas grand-chose.
04:26Donc il n'y a plus de R&D, il y a une guerre civile entre les salariés, la force commerciale s'est réduite.
04:32Ce n'est plus votre père qui dirigeait, il faut le dire, parce que je pense qu'il y avait quelqu'un d'autre depuis quelques années.
04:38C'est une entreprise familiale, mais je n'ai jamais travaillé avec mon père, donc effectivement j'avais un prédécesseur.
04:42Donc l'entreprise allait mal, elle était au bord de la cessation de paiement, et donc il a fallu tout reconstruire.
04:48Alors normalement on dirait un projet après l'autre, peut-être deux projets en même temps, parce que sinon c'est trop dangereux de vouloir trop prendre d'un coup.
04:55Mais là il y avait urgence, il y avait urgence, le risque était majeur, c'était que l'entreprise ferme.
04:59Je serais venue pour fermer l'entreprise, ce qui n'était pas du tout dans l'objectif.
05:04Donc il a fallu tout reprendre, j'ai commencé d'abord par l'équipe, en me séparant de certaines personnes,
05:09qui avaient des décisions difficiles à prendre, en en recrutant d'autres.
05:13Donc là c'est pareil, on apprend à recruter.
05:16Ensuite il a fallu relancer le commercial, donc comme ma formation de base c'était l'export,
05:21et qu'en plus j'étais bilingue, etc., je suis partie directe sur l'export pour relancer cette partie-là.
05:30Il a fallu recréer un bureau R&D, donc j'ai embauché un armurier et un dessinateur industriel.
05:36Voilà, mon équipe un peu folle, mais avec qui on a fait des choses incroyables.
05:41Donc on a plongé encore un peu plus quand je suis arrivée, mais pour remonter beaucoup plus haut derrière.
05:46Vous me disiez, vous avez entendu Isabelle Rabier qui parlait des vertus de l'accompagnement dont elle avait bénéficié,
05:53et je sais que vous aussi vous avez eu à un moment du soutien.
05:57Donc ce soutien c'était qui, au pluriel, puisqu'il n'y a pas qu'une personne,
06:00et qu'est-ce que ça vous a vraiment apporté, comment vous avez pu réagir par rapport à ça ?
06:05On me pose souvent la question, qu'est-ce que tu changerais si tu pouvais changer quelque chose,
06:09et je ne dis absolument rien si ce n'est une seule chose.
06:12C'est le fait de m'entourer plus tôt que je ne l'ai fait.
06:14C'est-à-dire que je me suis entourée au début, mais pas des bonnes personnes,
06:16ce qui fait que ça a été complètement catastrophique.
06:18Donc il faut aussi choisir les personnes qui nous entourent, et on n'a pas besoin d'en avoir 50 000 non plus.
06:23Donc j'ai d'abord eu mon avocat qui était là, qui m'a aidée pour tout ce qui était RH, social,
06:29parce que c'est quand même des points névralgiques.
06:32Et ensuite j'ai eu mon entourage proche.
06:36Et enfin, ce qui a fait vraiment une grande différence, c'est que j'ai changé d'expert comptable.
06:43Une femme qui m'a palliée.
06:44L'importance des experts comptables aussi a souligné, bien sûr.
06:46Oui, tout à fait.
06:48Et je n'arrivais pas à racheter l'entreprise, parce qu'elle était en telle difficulté que les banques ne voulaient pas accompagner le projet.
06:53Les soutiens que j'avais à l'époque n'arrivaient pas à trouver de solution.
06:55Donc ma nouvelle expert comptable du groupe FIDORG à Caen, Anita Trochon, m'a aidée à monter un plan qui était simple, propre,
07:03et qui permettait vraiment d'être concret et de repartir.
07:06C'était de la simplicité dont on avait besoin.
07:08Et la personne ultime, ça a été un consultant en management, Jean-Pierre Guérin,
07:14qui a pris le problème avec moi, mais il ne m'a jamais dit ce que je devais faire.
07:21Il m'a toujours posé des questions.
07:22Il m'a aidée à mettre des mots sur ce que j'avais envie de faire et de ce que je pensais que l'entreprise était capable de faire.
07:27Et après une discussion de trois heures, il m'a dit, tu viens de faire ton business plan sur cinq ans.
07:31Donc il fallait juste le mettre sur les rails.
07:33C'est quelqu'un qui m'a appris la méthode pour mettre un plan sur les rails,
07:37créer une stratégie, créer les tactiques qui vont avec, etc.
07:41C'est très napoléonien tout ça.
07:43C'est la stratégie de développement.
07:45Bien sûr, et c'est ce qui change.
07:47Quand on sait où on va, quand on sait où on emmène notre bateau,
07:50c'est mieux que de ramer au milieu de la Méditerranée sans trop savoir quelles seront les étapes et surtout la ligne d'arrivée.
07:56Donc il faut absolument savoir où est-ce qu'on veut aller, comment on va y aller, sur combien de temps, quelles seront les étapes, etc.
08:02Jean-Pierre m'a beaucoup aidée avec ça.
08:04Vous aviez manifestement de grandes capacités d'apprentissage très rapides, avec une volonté marquée qui plus est.
08:12Aujourd'hui, vous êtes bien installée.
08:14Bien installée, on n'est jamais bien installée, parce que tout est toujours...
08:17Le siège peut être parfois bancal.
08:19Aujourd'hui, si je vous demande juste en quelques mots, puisque je voudrais parler aussi de votre engagement,
08:23les défis auxquels vous êtes maintenant confrontée, c'est quoi vos enjeux ?
08:27Les défis, il y en a eu plusieurs, parce que c'est vrai qu'on a traversé un nombre incroyable de crises,
08:33toutes plus inédites les unes que les autres.
08:35Mais maintenant, ce d'aujourd'hui.
08:37Aujourd'hui, déjà, il faut que je continue de moderniser l'entreprise avec la digitalisation.
08:42Il faut que je la rende plus résistante aux crises qui peuvent arriver, comme la pandémie, l'Ukraine, etc.
08:50Il faut que je continue de créer des nouveaux produits.
08:53Parce qu'une entreprise qui n'innove pas est une entreprise qui est amenée à mourir, clairement.
08:58Et pourtant, innover, ça ne se fait pas comme ça.
09:00Il faut comprendre les capacités ou les compétences qui nous manquent,
09:05et aller chercher, soit en soi, par des formations, soit chez quelqu'un d'autre,
09:09à savoir admettre qu'on a des trous dans la raquette et qu'on ne peut pas tout faire soi-même.
09:12Je m'avais dit également que vous avez bénéficié du plan France Relance 2030,
09:16qui est un très beau plan qui permet aux entrepreneurs d'innover.
09:20Tout à fait. Effectivement, ça nous a permis de moderniser notre outil de production avec des tours numériques.
09:26Puisqu'entreprise centenaire, on a des machines très anciennes.
09:29C'est un beau musée, mais en termes de productivité, ce n'est pas suffisant.
09:32On est passé aussi à l'impression 3D, pour pouvoir faire du prototypage.
09:36Et à terme, ce qu'on veut faire, c'est de la production de pièces en série par l'imprimante 3D.
09:41On a dû aussi investir dans un logiciel GPAO, production assistée par ordinateur,
09:46créer une gestion par code barre.
09:48Tout ça, ça paraît peu, mais ça a apporté une productivité absolument énorme.
09:52Et ça a fait monter les salariés en compétences et en responsabilités.
09:55Vous avez trouvé la bonne solution et vous avez eu le soutien qui va bien.
10:00Ça rejoint ce que disait Isabelle Rabier sur le fait que dans notre pays,
10:04on a une capacité d'entreprendre, d'accompagnement qui est importante.
10:07Donc, il faut veiller à ce qu'elle demeure.
10:09Absolument, ça s'entretient.
10:11Je ne vais pas continuer parce que je n'ai pas le temps, mais vous êtes également engagée
10:14puisque vous avez également lancé le réseau des femmes du Medeb de l'Orne.
10:17Donc, on aura une prochaine occasion.
10:19En tout cas, merci beaucoup pour votre énergie communicative.
10:22Merci beaucoup.
10:24Notre émission est terminée.
10:26C'était la dernière avant le break de l'été.
10:28Si vous avez envie de vous replonger ou de découvrir des témoignages passionnants d'entrepreneurs
10:34et de voir également en quoi l'écosystème entrepreneurial est au top en France,
10:39vous avez 60 capsules, 60 interviews consultables en replay sur Bismarck
10:45et puis bien sûr sur les plateformes de streaming.
10:47Donc, je vous remercie. Merci pour votre fidélité. Merci pour votre attention.

Recommandations