• il y a 5 mois
À 9h05, une table ronde Spéciale "Législatives 2024" avec Françoise Fressoz, Salomé Saqué, Jérôme Jaffré, Jean-Michel Apathie et Guillaume Roquette. À 9h40, la table ronde se poursuit avec Anne Levade, Dominique Rousseau et Bastien François. Plus d'info : https://www.radiofrance.fr/franceinter/podcasts/le-debat-du-7-10/le-debat-du-7-10-du-lundi-08-juillet-2024-8149324

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00:00« France Inter, le 7-10, édition spéciale ».
00:05Et c'est la suite, oui, de cette édition spéciale du 7-10, nous sommes maintenant
00:12en compagnie de Salomé Saké, journaliste à Blast, autrice de « Sois jeune et tais-toi »
00:19chez Payot, bonjour, avec Guillaume Roquette, directeur de la rédaction du Figaro Magazine,
00:26Jean-Michel Apathy, éditorialiste à Quotidien sur TMC, bonjour, Françoise Fressoz, éditorialiste
00:33au Monde, bonjour, et Jérôme Jaffray, politologue, chercheur associé au Cevipof, bienvenue sur
00:41Inter, premier tour de table, allons-y tout de suite, même question pour tout le monde,
00:47avez-vous été estomaqué, médusé, sidéré, je ne sais pas, oui, surpris par les résultats
00:57tombés hier à 20h, le nouveau front populaire en tête devant Ensemble et le rassemblement
01:02national, je vous demande de l'honnêteté dans vos réponses, on commence avec Guillaume
01:07Roquette ?
01:08Ah moi j'ai été absolument sidéré oui, sidéré parce que, même si on nous avait
01:12expliqué que l'ampleur des désistements pouvait modifier le visage qu'on avait cru
01:19voir être celui de la France au premier tour, pour le résumer en une phrase, le rassemblement
01:24national était numéro 1 au premier tour, numéro 1 des 3 blocs et au second tour, à
01:30l'issue du second tour, il est numéro 3 des 3 blocs, donc je trouve que la France
01:35est encore moins lisible aujourd'hui qu'il y a une semaine et je ne vois pas très bien
01:40comment est-ce qu'on fait pour construire un gouvernement et une action publique à
01:45partir d'une assemblée comme celle-là ?
01:46Ça, on va y venir, Salomé Saké, votre réaction en apprenant les résultats ?
01:51J'ai aussi été extrêmement surprise parce qu'il y a eu une campagne tellement importante
01:57de décrédibilisation de la gauche, que ce soit au niveau politique, que ce soit aussi
02:01au niveau médiatique, il y a également eu toute l'œuvre de Vincent Bolloré qui a
02:04mis en place tout ce qu'il pouvait pour pouvoir empêcher la gauche d'arriver au pouvoir,
02:09donc c'était un score qui était quand même assez inattendu, mais je tiens quand
02:14même à le relativiser, on a tout de même eu plus de 10 millions de personnes hier qui
02:19sont allées voter pour le RN, en nombre c'est le premier parti de France, il y a eu 7 millions
02:23de personnes qui ont voté pour le nouveau Front Populaire, donc ça a permis d'empêcher
02:28le RN d'arriver au pouvoir, mais les mentalités et l'adhésion à l'extrême droite, elle
02:34est encore là.
02:35Jean-Michel Apathy, même question.
02:37Vous avez employé le mot d'estomaquer, et ça correspond tout à fait à ce que j'ai
02:43ressenti quand j'ai vu les résultats, c'est-à-dire un coup à l'estomac, moi j'étais persuadé
02:47que Jordan Bardella serait à Matignon ce matin, je crois que lui aussi, donc voilà,
02:52je partage.
02:53Vous aviez même parié un euro je crois.
02:55Oui, un euro, mais je suis prêt à le donner, je le donnerai.
02:58Mais on attend.
02:59C'était pas plus ?
03:00C'était pas un peu plus ?
03:01Voilà, j'en suis là, et je dois dire que quand s'est constitué le Front Populaire,
03:05et j'ai lu le programme, il m'a semblé tellement dingue ce programme, mais tellement
03:11dingue, c'est un sentiment que j'ai encore ce matin, que je me suis dit bon, jamais ça
03:15sera appliqué, donc au fond, ne nous intéressons pas trop à la gauche, et la gauche est en
03:19tête du deuxième tour.
03:20Et voilà, donc estomaquer, renverser, bouleverser, et un peu embêté, je pourrais employer un
03:25mot plus trivial.
03:26Françoise Fressoz.
03:27Estomaquer, oui, parce que personne ne s'attendait à ce résultat.
03:31Après, une fois qu'on analyse, ce qui est très très positif à mon avis, c'est la
03:37dynamique du Front Républicain, qu'on croyait très diminuée ces dernières années, et
03:43au fond, qui a montré vraiment son amplitude parfaite.
03:46Et je trouve que c'est intéressant, parce qu'on disait la semaine dernière que le
03:51Rassemblement National était aux portes du pouvoir.
03:54La leçon, c'est que quand les forces s'unissent contre le Rassemblement National, il n'est
03:58pas aux portes du pouvoir, et par ailleurs, je pense qu'il y a eu aussi pendant cet entre-deux-tours,
04:02une grande faiblesse de ce parti, qui avait tout fait pour se ripolliner, et qui finalement
04:07a montré qu'il y avait des candidats antisémites, racistes, je pense que l'histoire, la polémique
04:13autour de la double nationalité a été très très difficile pour eux, et donc on voit
04:18bien que, oui, il y a une progression continue du Rassemblement National depuis des années,
04:23mais il y a aussi une possibilité de lui faire barrage.
04:26Jérôme Jaffray, vous êtes le dernier de ce tour de table, ça n'est pas une position facile.
04:30C'est sûr, je suis tombé à la renverse, bien sûr, moi aussi, on ne peut pas le nier.
04:36Dans cette élection, on sait qui a perdu, on ne sait pas qui a gagné.
04:40C'est ça la caractéristique, on sait qui a perdu, c'est Emmanuel Macron et sa dissolution,
04:45qui se retrouvent avec une assemblée bien pire que la précédente, et c'est le Rassemblement
04:49National qui nous avait expliqué que la majorité absolue était presque une évidence à
04:53portée de main, et qui en est extraordinairement loin.
04:56Mais on ne sait pas qui a gagné, en fin de compte, car cette assemblée ne détache,
05:02ne possède aucune majorité constructive possible.
05:06Et ça, c'est la première fois sous la Vème République, 17 élections législatives
05:10que ça se produit.
05:11Les électeurs, enfin, le nouveau Front Populaire crée victoire, mais en réalité les électeurs
05:18n'ont pas voté pour savoir qui gouverne le pays, mais pour combattre le Rassemblement
05:22National au second tour.
05:24Ça n'est pas du tout la même chose.
05:26Et en d'autres termes, le nouveau Front Populaire, s'il ne fait pas l'effort de réviser son
05:32programme ou de modifier son système d'alliance en son sein, va se trouver assez vite probablement
05:37dans une impasse.
05:38Est-ce qu'on peut au moins dire que c'est la victoire du Front Républicain, Jérôme
05:42Jaffray ?
05:43Présenté ainsi, il n'y a pas le moindre doute.
05:45Le second tour de scrutin, si vous voulez, regardons les rapports de force en voie, car
05:50la statistique du ministère de l'Intérieur, accessible sur Internet facilement, nous
05:54dit des choses.
05:55C'est le Rassemblement National qui arrive en tête, au second tour comme au premier.
05:5937% des suffrages exprimés.
06:01Oui, mais il ne gagne que 4 points entre les deux tours, c'est trop peu, les réserves
06:05de voix étaient insuffisantes.
06:06Et le nouveau Front Populaire, 26% des voix au second tour seulement.
06:12Et la majorité présidentielle, 24%.
06:15Oui, mais majorité présidentielle et nouveau Front Populaire, ça s'additionne par le
06:20jeu des désistements au second tour.
06:22C'est-à-dire que le cocasse de la situation, c'est que les Insoumis ont fait réélire
06:27Mme Borne et les Macronistes ont donné 30, 40, 50 sièges à la gauche qu'elles n'auraient
06:32jamais eus sans eux.
06:33Dont François Ruffin, par exemple.
06:35Le Front Républicain était donné en état de mort cérébrale.
06:39Finalement, Guillaume Roquette, il est vigoureux.
06:43Je pense qu'il a été extrêmement vigoureux, il a même été triomphant jusqu'à hier
06:49soir 20h01.
06:50C'est-à-dire que sa capacité à empêcher le Rassemblement National d'arriver au pouvoir
06:56a été prouvée.
06:57En ce sens, il a été extrêmement performant.
06:59Et j'ai envie de dire « so what » ? C'est-à-dire que c'est uniquement une alliance négative.
07:04Et donc, maintenant, depuis quelques heures, là où on se dit « bon, où est-ce qu'on
07:09va ? Avec qui va-t-on gouverner ? Pour quels programmes ? » Ils ne sont d'accord sur
07:13rien.
07:14Et donc, nous sommes face à une situation de la démocratie française qui est extrêmement
07:18négative.
07:19C'est-à-dire que théoriquement, les élections, c'est fait pour proposer des solutions,
07:25des chemins, des majorités.
07:26Et en fait, ça ne sert plus à ça les élections aujourd'hui.
07:29Ça ne sert plus qu'à bloquer le Rassemblement National.
07:31Et je pense que ça montre qu'on a un problème très profond de ce qu'est notre système
07:36démocratique aujourd'hui.
07:37Salomé Saquet, puis Françoise Fressoz.
07:39Oui, il a été dit plus tôt qu'on ne savait pas qui, réellement, avait gagné.
07:42A mes yeux, ceux qui ont vraiment gagné, ce sont les membres du Rassemblement National
07:46qui ont remporté une véritable victoire idéologique.
07:49Ils se sont positionnés dans ce qu'on pourrait appeler la bataille culturelle.
07:52Ils l'ont dit eux-mêmes, ils ont fait une percée inédite.
07:54On n'a jamais eu autant de députés du Rassemblement National.
07:57Mais ce qui s'est passé aussi, c'est dans les esprits, dans les médias.
08:01On a eu un véritable basculement.
08:02Ça y est, le Rassemblement National est considéré comme un parti, comme les autres.
08:06Il a été complètement parachevé dans cette campagne.
08:08On le voit aussi dans le reste de la population, il y a une parole raciste qui s'est libérée.
08:12On l'a vu dans de nombreux reportages, il y a de nombreuses agressions racistes qui
08:16ont été recensées.
08:18Il y a également des journalistes, nos confrères Karim Rizoli, Mohamed Bouafsi, qui ont été
08:22menacés, qui ont reçu des menaces racistes.
08:24Tout ça, ça laisse des traces.
08:26C'est une victoire différée, comme dit Marine Le Pen ?
08:27Oui, moi je crois qu'en tout cas, si on continue comme ça, s'il n'y a pas de remise
08:31en question sur le cadre aussi de ces élections, effectivement, le Rassemblement National pourrait
08:35gagner les prochaines élections.
08:36Je terminerai sur le fait qu'ils ont réussi à imposer leurs thématiques.
08:39Et ça, c'est aussi une victoire.
08:40Une victoire déjà sur le champ sémantique, avec le vocabulaire du Rassemblement National
08:44qui a été repris par de nombreux médias, et les thématiques dont on a discuté.
08:47L'insécurité, l'immigration, qui ne sont pas nécessairement les premières préoccupations.
08:51En tout cas, il y a beaucoup de préoccupations qui ont été évincées.
08:54Et ils ont gagné avec cette idée que face au Rassemblement National, notamment les journalistes
08:58devaient être neutres.
08:59Or, la neutralité pour moi n'existe pas.
09:01Ce qui s'est passé, c'est qu'on a eu une tolérance de l'intolérance qui a augmenté.
09:05Et que s'il n'y a pas une remise en question profonde, notamment nous, dans notre manière
09:09d'exercer notre profession, le Rassemblement National va continuer.
09:12Et je terminerai juste sur la dernière leçon, c'est que ce qu'on a vu pendant ces sept
09:16dernières années, c'est qu'on ne combat pas l'extrême droite en lui faisant les yeux
09:19doux, en lui parlant, en essayant de reprendre ses idées et de les diluer, de les banaliser.
09:25Ça ne fonctionne pas.
09:26Donc à un moment, il faut qu'il y ait un sursaut face à ces idées qui ont gagné du terrain.
09:30François Asselineau.
09:31Je voudrais rebondir sur ce que disait Guillaume, sur les élections qui ne servent plus à
09:36clarifier la situation.
09:37C'est peut-être parce que les partis politiques ne sont plus en adéquation avec ce que demandent
09:41aussi les Français.
09:42Et je trouve que là, repose sur la gauche une responsabilité très très forte.
09:47L'unité s'est faite sur le combat contre le Rassemblement National et ça a été une
09:52unité des tripes de la gauche et c'est ce qui assure sa première place.
09:57Mais on voit bien qu'elle n'est pas prête aujourd'hui à gouverner, qu'il y a un gouffre
10:00entre ce que plaide Jean-Luc Mélenchon et ce que plaide Raphaël Glucksmann.
10:04Et je pense que c'est ça qui est en train de se jouer aujourd'hui, c'est comment le
10:08système, comment les partis politiques vont s'adapter à une demande des électeurs qui
10:13sont très très morcelés et qui demandent peut-être au fond d'essayer de régler nos
10:17problèmes en sortant de l'affrontement que vous avez organisé et qui a caractérisé
10:23la Vème République.
10:24Et donc un des éléments de cette élection, c'est l'introduction des germes de 4ème
10:28République, c'est-à-dire des partis émiettés qui représentent un morceau de la population
10:33mais pas toutes.
10:34Est-ce qu'ils vont arriver à gouverner ensemble ? Mais tout repose sur la gauche qui à un
10:40moment va devoir dire « oui, moi je suis prêt à faire quelques concessions » ou
10:44au contraire qui va dire « non, je continue la radicalité ».
10:48Jérôme Jaffray puis Jean-Michel Apathy.
10:50Oui, François Fresseau se plaide pour que l'affrontement cesse, je crois qu'il ne
10:54va cesser de croître.
10:55Jean-Luc Mélenchon, il a donné le tempo le soir du premier tour, le soir du second
11:01tour.
11:02Il ne faut pas le minimiser, le soir du premier tour, sa première déclaration a consisté
11:06à dire que la France Insoumise retirerait ses candidats quand le Rassemblement national
11:11était en tête et menaçait de gagner.
11:13Ça a permis à la France Insoumise de rentrer dans le jeu des désistements et de profiter
11:18finalement de la situation, de ne pas être mise au pan du second tour en jeu essentiel.
11:23Et au soir du second tour, il exige que le devoir d'Emmanuel Macron soit de nommer
11:28le Premier Ministre dans le nouveau Front Populaire et naturellement dans le groupe
11:32le plus important du nouveau Front Populaire CQFD.
11:36L'affrontement qui monte, c'est l'affrontement avec Emmanuel Macron.
11:40Car si Emmanuel Macron, comme tout permet de le penser, ne cherche pas un Premier Ministre
11:46dans le nouveau Front Populaire et en tout état de cause, pas dans la France Insoumise,
11:50la prochaine étape, c'est la demande de démission d'Emmanuel Macron de la part
11:55de la France Insoumise et le Rassemblement National probablement y souscrirait aussi.
11:59C'est-à-dire que nouveau Front Populaire plus Rassemblement National ont une majorité
12:04absolue de députés ensemble qui ne peut évidemment pas gouverner la France, mais
12:09qui peut bloquer à peu près toute politique et si ensemble ils exigent la démission du
12:14Président de la République dans les prochaines semaines et dans les prochains mois, la crise
12:18politique que nous venons de vivre pendant 4 semaines, elle va continuer, elle va embellir.
12:22Un troisième tour dans la rue Jean-Michel Apathie ? C'est ce que sous-entend Jérôme
12:25Geffray ?
12:26Ça j'en sais rien un troisième tour dans la rue, déjà finissant ce qu'on...
12:30Je dis plutôt vers l'Elysée le troisième tour que dans la rue.
12:34Avec quel Premier Ministre on termine cette série d'élections ? Personne n'est capable
12:38de le dire.
12:39Gabriel Attal va démissionner à 11h.
12:40Alors il va rester parce qu'il faut faire les Jeux Olympiques, alors très bien.
12:43Et puis après, qu'est-ce qui va se passer ? Aujourd'hui personne ne peut le dire.
12:46La gauche a gagné, dit-on, 180 députés, de 189 la majorité absolue, vous ne gouvernez
12:53pas comme ça.
12:54Si le Front Populaire se casse, c'est une trahison des électeurs quelque part, les
12:58socialistes sont 60, vous pensez qu'ils vont les gouverner avec des macronistes ? Personne
13:03n'a envie de faire ça.
13:04Donc on ne voit pas comment on termine ces élections.
13:08La France est le pays aujourd'hui d'Europe pratiquement le plus endetté.
13:13Si les fonctionnaires français sont payés aujourd'hui, c'est grâce aux prêts que
13:17nous consentent les marchés financiers.
13:19Vous pensez que les levées d'emprunts très importantes que pratique le Trésor, il en
13:24a pratiqué un il y a 10 jours dans des bonnes conditions, ces levées de fonds très importantes
13:28vont se poursuivre sereinement s'il n'y a pas de gouvernement, s'il n'y a pas
13:32de perspective de gouvernement ? Ce que nous risquons, ce n'est peut-être pas tant la
13:35rue qu'une crise financière très importante, d'autant que personne n'a lu vraiment
13:41le programme du Front populaire.
13:44Il est dit dans le programme du Front populaire que s'il est élu, ce Front populaire ne
13:49respectera pas le pacte de stabilité budgétaire.
13:51La gauche aujourd'hui dit ce que disait Marine Le Pen en 2017.
13:56L'euro, de fait, nous pourrions en sortir.
13:59Nous pourrions sortir des règles de l'euro, donc de l'euro.
14:02Vous croyez que nos partenaires européens voient tout ça avec sérénité et tranquillité ?
14:07Il y a là un potentiel de crise multiple qui pourrait terrasser littéralement ce
14:12pays.
14:13Et Emmanuel Macron n'a pas la ressource, l'autorité, la crédibilité pour résoudre
14:18cette crise.
14:19Dire que nous sommes dans un pétrin, c'est dire peu de choses par rapport à la situation
14:24dans laquelle nous sommes.
14:25Vous partagez ce pessimisme, Guillaume Roquette ?
14:27Non, pas complètement, pour une raison très simple, c'est que imaginons que le programme
14:33du nouveau Front populaire arrive au pouvoir.
14:36Je pense que dans les 15 jours, le directeur du Trésor irait frapper à la porte du ministre
14:40des Finances en disant « Monsieur le ministre, on a un problème, on n'arrive pas à emprunter
14:44les 100, 200 milliards qu'il nous faut pour payer les fonctionnaires ce mois-ci ».
14:47Je ne sais pas si ça se passerait exactement comme ça, mais je pense que le pays est tellement
14:52endetté que nous ne pouvons pas nous permettre ce genre d'excentricité.
14:55On n'est plus en mai 81, on a 3 115 milliards d'euros de dettes.
15:02Je ne crois pas à ce chemin-là.
15:05Le problème, c'est que je ne crois pas non plus à cette petite voie étroite social-démocrate
15:11qu'on commence à nous laisser entrevoir avec des gens de bonne volonté réunis autour
15:17de François Bayrou, c'est la nouvelle donne.
15:19Pourquoi vous n'y croyez pas ?
15:22Je n'y crois pas parce que je pense que la force électorale, mais aussi symbolique,
15:30sociologique des deux pôles radicaux du Parlement est trop forte pour cela.
15:37C'est-à-dire que le RN et la France Insoumise ne sont d'accord sur rien.
15:41D'ailleurs, à ma connaissance, LFI n'a jamais voté de motion de censure du RN.
15:45Je vous arrête, le RN a voté celle de LFI.
15:47Oui, la réciproque n'est pas vraie.
15:50Mais juste, je termine là-dessus.
15:51En revanche, je pense qu'ils sont d'accord pour ne pas accepter cela.
15:55Du coup, qu'est-ce qu'on va avoir à mon avis ?
15:57Un gouvernement technique qui va décider de ne rien décider pendant un an.
16:01Ça veut dire quoi un gouvernement technique ?
16:03Ou ça veut dire qui, par exemple ?
16:05Le gouvernement technique est une fausse notion.
16:08Mais le Premier ministre peut être un non-politique habituel.
16:11Ça, c'est une chose qui permet un peu de réguler le système partisan.
16:15Et il aurait une majorité à l'Assemblée nationale ?
16:17Un mot sur ce qu'a dit Guillaume Roquet sur RN et LFI, d'accord sur rien.
16:21Il y a une majorité négative possible.
16:23Je prends l'exemple...
16:25LFI plus RN ne fait pas majorité absolue.
16:27Vous avez raison, mais le nouveau Front populaire croit qu'il a gagné.
16:31Il est donc maintenant enserré dans un système d'alliance dont il ne sortira pas.
16:35Il exige l'application du programme.
16:37C'est ça le fait nouveau d'hier soir.
16:39C'est-à-dire que la séparation du Front populaire que l'on pensait plausible
16:42entre ceux qui ne sont pas LFI et les LFI
16:46est devenue beaucoup plus complexe à mettre en oeuvre.
16:48Et vous avez une majorité absolue négative à l'Assemblée nationale.
16:52Vous avez raison de le souligner.
16:53Nouveau Front populaire, RN.
16:56Par exemple, un amendement sur l'abrogation de la réforme des retraites.
17:00Est-ce que vous croyez qu'il ne serait pas voté à la fois
17:03par le nouveau Front populaire et par le RN ?
17:06Est-ce que vous ne croyez pas que c'est un changement de politique absolument majeur
17:09qui se produirait, quel que soit le chef de gouvernement,
17:12quelle que soit la situation ?
17:13C'est les amendements au texte qui vont tout changer dans la vie politique française.
17:17Et l'abrogation de la réforme des retraites me paraît être
17:19une des premières mesures qui arrivera à l'automne.
17:21Françoise Fressoz ?
17:22Je plaiderais un peu la nuance en ce sens que
17:26si les extrêmes sont aussi forts que vous le dites,
17:29on n'aurait pas eu une résistance comme ça du Bloc central.
17:32Je pense que la situation à gauche est beaucoup plus complexe que ce qui apparaît.
17:36Marine Tendelier n'a pas du tout la même analyse que Jean-Luc Mélenchon
17:41et sans doute pas non plus que celle de François Hollande
17:44qui va réapparaître au Parlement.
17:45Donc je pense qu'il va y avoir un moment de vérité pour la gauche
17:49entre la gauche réformiste et la gauche radicale.
17:53Là où c'est extrêmement complexe et que tout le monde a évidemment les yeux tournés vers 2027,
17:58donc la gauche n'aura sans doute qu'un candidat à la présidentielle
18:02pour espérer marquer des points
18:05et qu'elle doit en même temps passer ces années entre 2024 et 2027.
18:11Et je pense que c'est la combinaison de ces deux choses
18:14qui rend la situation à la fois très compliquée, très intéressante.
18:17Parce qu'il peut y avoir aussi, sans que la gauche mouille sa chemise,
18:22essayer de laisser pendant au moins un an un gouvernement
18:26qui gouverne quand même pour que ce ne soit pas le cataclysme absolu en France.
18:30Donc moi je ne serais pas du tout aussi pessimiste que mes voisins.
18:34J'ai pas compris où étaient les raisons d'être optimiste.
18:38J'ai pas bien compris...
18:40Il y a une diversité française qui cherche à s'exprimer
18:43et il y a peut-être une possibilité d'essayer de trouver,
18:47en faisant confiance au Parlement et en faisant confiance aux forces politiques au Parlement,
18:52de dégager des majorités.
18:53Mais cher François, ça ne donne pas une...
18:55Mais imaginons que vos sociodémocrates se détachent effectivement de la France insoumise.
18:59C'est pas ceux de Françoise Fressoz, hein ?
19:01Le cercle de la raison.
19:03Les sociodémocrates se détachent.
19:05D'abord les écologistes, c'est une relation très compliquée avec les insoumis
19:09parce que les insoumis ont eu l'astuce en permanence de leur donner des circonscriptions très à gauche
19:13pour se faire élire,
19:15ce qui leur rend très difficile de lâcher complètement l'alliance avec les insoumis.
19:19Il n'y a qu'à regarder où sont élus les députés écologistes, c'est très clair.
19:23Mais imaginons que ce soit possible.
19:25Vous avez 80 députés socialistes et écologistes
19:28qui s'ajouteraient aux 160 députés de la majorité présidentielle si tous venaient.
19:33Ça nous fait 240 députés.
19:35Du coup la motion de censure devant cette alliance, elle est immédiate de tous les autres partis.
19:40Bref, l'ingouvernabilité est quand même ce qui ressort du scrutin d'hier
19:45et qui va peser très lourd dans la vie politique.
19:47Salomé Sake.
19:48Moi j'aimerais quand même revenir sur le péril dans lequel est notre démocratie
19:52et l'enfer qu'on a vécu pendant 4 semaines.
19:55Moi j'ai l'impression qu'on m'a volé 4 semaines de ma vie
19:57où je me suis demandé si j'allais pouvoir continuer à être journaliste,
20:00si j'allais pouvoir continuer à vivre dans une démocratie digne de ce nom.
20:03Là, le front républicain, il ne doit pas être terminé.
20:05C'est-à-dire que ce que je disais tout à l'heure,
20:07de toute façon on va se rediriger vers un parti qui met en péril les institutions.
20:11Un point qui a quand même été largement souligné et commenté pendant cette campagne.
20:15Donc là la question c'est comment on lutte contre le Rassemblement National,
20:18qu'on appartienne au camp macroniste de gauche,
20:21mais qu'on ait envie de consolider la République.
20:24A mes yeux ça passe par le fait de cesser avec des politiques néolibérales
20:28parce qu'il y a une corrélation extrêmement forte entre l'appauvrissement,
20:30l'augmentation des inégalités.
20:32Les régions d'ailleurs, qui sont désindustrialisées et qui sont pauvres,
20:35et le vote RN.
20:36Donc là, quel que soit notre bord politique,
20:39pour moi il faut absolument réussir à remettre à flot les services publics,
20:43à lutter contre la pauvreté, l'extrême pauvreté, le sentiment de déclassement.
20:47Et j'espère que les députés trouveront un point d'accord.
20:51Parce que sinon dans un an, deux ans, trois ans,
20:53on est re dans la même situation.
20:55Et je ne suis pas sûre que cette fois-ci la démocratie y survive.
20:57Guillaume Roquette ?
20:59Je pense que cette angoisse exprimée par Salomé Saké à l'instant,
21:05d'abord elle est partagée par beaucoup de français,
21:08la preuve c'est que ce fonds républicain a marché.
21:10Pour l'instant, moi j'ai le sentiment,
21:13et c'est peut-être l'un des enseignements de cette campagne,
21:16que rien ne l'accrédite vraiment.
21:18Parce que sur le plan des institutions,
21:20ceux qui proposent la révolution,
21:22c'est la France insoumise qui veut la 6ème République.
21:25Le RN a été très proche du pouvoir, en tout cas dans sa tête.
21:29Il croyait à la majorité absolue.
21:31Ce matin, je ne vois personne dans ce parti
21:34qui remette en cause le résultat des élections.
21:36Je ne vois pas de troubles particuliers,
21:39même si on a mis des barricades
21:42pour essayer de protéger les magasins sur les Champs-Elysées.
21:44Donc je pense qu'au contraire,
21:46il y a une forme de banalisation du RN
21:50qui je pense va continuer.
21:52Et le fait qu'ils aient quand même
21:54à peu près 50 députés de plus,
21:56fait qu'ils vont s'installer dans le paysage.
21:59Et que le problème pour eux,
22:01c'est moins la peur qu'ils provoquent
22:03que leur absence de professionnalisme.
22:06Et disons-le avec des candidats
22:08qu'ils ont présentés dans le moment qu'on puisse dire
22:10qu'ils n'étaient pas tous très présentables.
22:12Et que sur leur programme,
22:14ils ne sont pas complètement d'accord.
22:16Je ne voudrais pas oublier une chose,
22:18c'est que les raisons de fond
22:20qui expliquent cette progression
22:22qui est quand même constante du RN,
22:24tout ça, ça ne va pas disparaître demain.
22:26Il y a un très grand nombre de Français
22:28qui considèrent que l'immigration
22:30ne peut plus continuer comme aujourd'hui.
22:32Qu'il y a une justice qui est beaucoup trop laxiste.
22:34Tous ces ressorts du vote RN,
22:36je ne les vois pas disparaître
22:38sous prétexte qu'ils ont effectivement été battus
22:40par le Front Républicain.
22:42Un mot, Salomé Saké, puis Jean-Michel Apathy.
22:44Oui, j'agis juste sur le fait que le RN
22:46ne remettrait pas en cause les institutions.
22:48On a regardé ce qui s'est passé en Pologne, en Hongrie, en Italie
22:50où il y a des gouvernements qui ont collaboré
22:52avec le Rassemblement National, ou en tout cas
22:54qui ont été soutenus par le Rassemblement National
22:56où les institutions ont été directement attaquées.
22:58Et quand je parle d'institutions, je parle d'institutions...
23:00Mais on pourrait dire qu'ils ont cassé les élections et la gauche est revenue.
23:02Vraiment de justesse et surtout
23:04ça a abîmé la démocratie
23:06très très profondément. Quand je parle d'institutions,
23:08je parle d'institutions au sens très général.
23:10Le RN est un critique absolu
23:12de la justice, de la presse.
23:14Il a dit à plusieurs reprises qu'il allait privatiser par exemple
23:16l'audiovisuel public.
23:18Donc on sait que ça pourrait abîmer profondément la démocratie.
23:20Qu'on en revient difficilement.
23:22Et je passerai sur les candidats du RN
23:24très nombreux, qui ont tenu des propos
23:26qui sont clairement anti-républicains,
23:28qui sont plus que problématiques, qui sont racistes,
23:30qui sont antisémites. Donc oui, moi j'ai eu
23:32la sensation, pas la sensation d'ailleurs,
23:34j'ai observé en tant que journaliste que c'était un véritable
23:36danger pour la démocratie
23:38qui ne doit pas être minimisé.
23:40Jean-Michel Apathié, je crois que c'est Jérôme Jaffray
23:42qui aura le mot de la fin.
23:43Aujourd'hui le 8 juillet, le problème n'est pas de lutter
23:45contre le Rassemblement National.
23:47La lutte contre le Rassemblement National
23:49s'est temporairement terminée hier.
23:51Et le Rassemblement National a été
23:53défait.
23:55Le problème aujourd'hui
23:57c'est de trouver un Premier ministre
23:59et un gouvernement
24:01pour la France. Dans une période
24:03économique difficile
24:05et avec une guerre au bout de l'Europe.
24:07C'est ce problème là qui est devant nous.
24:09Et je constate,
24:11j'étais taxé notamment par Guillaume Roquet
24:13d'un pessimisme excessif là-dessus,
24:15mais je constate que la solution n'apparaît
24:17nulle part et pour personne.
24:19C'est un très grave
24:21problème.
24:23Dire qu'il faut mener des politiques
24:25anti-libérales, c'est-à-dire par exemple
24:27bloquer les prix, augmenter les salaires
24:29et augmenter les déficits,
24:31dans la situation financière
24:33de l'État, c'est dire quelque chose
24:35qui est extrêmement dangereux.
24:37Qui ne correspond absolument pas
24:39aux possibilités qui sont
24:41aujourd'hui celles de l'État français.
24:43Trouver une majorité
24:45pour mener une politique
24:47dite de rigueur, s'avérera sans doute
24:49difficile, sinon impossible.
24:51Et le gouvernement de Technicien,
24:53pour en terminer par là, est une chimère.
24:55Parce que vous nommez un Premier ministre
24:57X qui a
24:59une stature personnelle et particulière
25:01qui le fait accepter
25:03par l'Assemblée, déjà je ne peux pas vous le dénicher,
25:05c'est oiseau. Mais après il faut composer
25:07un gouvernement. Un gouvernement, il faut
25:09qu'il soit homogène et solidaire.
25:11Il faut que la politique que mène le ministre
25:13de l'Intérieur soit assumée
25:15et défendue par tous ses copains
25:17au gouvernement. Il faut que les choix
25:19éducatifs faits le soient également.
25:21Ça n'existe pas un
25:23ministère technique. Et la seule
25:25personne qui pourrait régler les horloges
25:27c'est le Président de la République.
25:29Il est, après cette
25:31dissolution manquée,
25:33dépourvu de toute autorité
25:35pour faire le travail qu'on attend de lui.
25:37À conclusion, Jérôme Jaffray,
25:39est-ce que vous
25:41venez tous de décrire une crise
25:43de régime ?
25:45La crise de régime effectivement est possible
25:47mais je reviens quand même
25:49sur la banalisation du Rassemblement
25:51National dont parlait
25:53Guillaume Roquet. Moi ce que je retire
25:55de cette élection c'est qu'il est tout sauf
25:57banalisé au contraire. Ce que le
25:59Rassemblement National a vécu
26:01dans ce deuxième tour des législatives
26:03c'est l'équivalent des deuxièmes tours
26:05de présidentielle où on écarte
26:07absolument le candidat dont on ne
26:09veut pas qu'il soit élu. Et pourquoi
26:11ça s'est passé comme ça ? Ça s'est passé
26:13comme ça parce que le Rassemblement National
26:15a présenté le risque pour les Français
26:17et c'est apparu de l'explosion du
26:19racisme dans la société française s'il
26:21arrivait au pouvoir. Premier risque.
26:23Deuxième risque, une incompétence économique
26:25criante. Et enfin
26:27un personnel politique qu'il présentait
26:29dans les circonscriptions. D'abord
26:31des candidats qui ont choisi
26:33d'aller au Rassemblement National alors
26:35qu'ils partagent une idéologie raciste
26:37et extrémiste et que le Rassemblement
26:39National a choisi comme candidat
26:41également. C'est tout ça qui fait
26:43que finalement le pays s'est dressé.
26:45L'inconvénient, c'est Jean-Michel
26:47Apathy qui le soulignait, c'est que ça ne donne
26:49aucune gouvernabilité
26:51de la France. Et la question de la crise
26:53de régime, on va la poser à Anne Levade, Dominique
26:55Rousseau, Bastien François
26:57à suivre juste
26:59après Delgrèce.
27:01Merci à tous.
27:03Salomé Saké, Guillaume Roquette,
27:05Jean-Michel Apathy, Françoise Fressoz
27:07et Jérôme Jaffray.
27:09France Inter
27:11Le 7-10
27:13Édition spéciale.
27:15Oui, on termine cette édition spéciale
27:17du 7-10 en compagnie
27:19de trois constitutionnalistes.
27:21Anne Levade, professeur
27:23de droit public à l'université
27:25Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
27:27Dominique Rousseau, professeur
27:29de droit constitutionnel
27:31à l'université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
27:33Et Bastien François,
27:35professeur de science politique
27:37à Paris 1 Panthéon-Sorbonne.
27:39Auteur
27:41de « Le régime
27:43politique de la Ve République ».
27:45C'était publié
27:47en mai 2024 aux éditions
27:49La Découverte. Merci d'être
27:51au micro d'Inter ce matin.
27:53Soyez les bienvenus.
27:55On va vous demander de faire un peu de politique
27:57avant de revenir sur la constitution
27:59et sur le droit.
28:01Même question qu'on posait à nos confrères
28:03et consœurs journalistes politiques
28:05tout à l'heure. Avez-vous été
28:07surpris par les résultats
28:09d'hier soir, Anne Levade ?
28:11Surprise,
28:13oui, et dans le
28:15même temps, on savait que ces
28:17législatives ne seraient pas des législatives
28:19ordinaires, à la fois parce qu'elles faisaient suite à une
28:21dissolution et que donc pour ce motif, elles ne
28:23pouvaient pas l'être. Et puis ensuite, parce
28:25qu'entre les deux tours, on se doutait
28:27bien, au soir du premier tour, compte
28:29tenu du nombre de triangulaires, puis ensuite,
28:31compte tenu du nombre de désistements, que
28:33sans doute, les résultats ne seraient pas
28:35ceux imaginés le 30 juin.
28:37Et vous, Dominique Rousseau ?
28:39Oui, surpris, parce que je crois que c'est la
28:41première fois dans l'histoire de la Vème République,
28:43mais je parle sous le contrôle de
28:45Bastien-François, qu'il y a un retournement
28:47entre le premier et le
28:49second tour. En principe,
28:51le second tour confirme les résultats
28:53du premier tour. Or, là, il les
28:55affirme. C'est-à-dire que le
28:57premier tour donnait le Rassemblement National
28:59quasiment vainqueur. Souvenez-vous,
29:01on disait qu'il aurait quasiment 300 sièges.
29:03Et là, on le retrouve en troisième
29:05position avec 143.
29:07Oui, donc une véritable
29:09surprise. Et ça, c'est l'effet de quoi,
29:11Bastien-François ? Du fonds républicain ?
29:13Des désistements massifs pour faire
29:15barrage au RN ? Cette distorsion
29:17finalement de l'entre-deux-tours ? Oui, parce que
29:19c'est une distorsion effectivement historique. Je crois que la
29:21dernière fois qu'on a eu une distorsion, mais c'était pas du tout
29:23dans un système bipolaire,
29:25c'était les élections de 1978.
29:27Tout le monde avait pensé que la gauche
29:29arriverait au pouvoir, etc.,
29:31le premier tour. Et puis au second tour, de très
29:33peu, la droite l'avait emportée.
29:35Donc là, effectivement, on est dans une
29:37configuration différente. Alors, c'est l'effet
29:39du front républicain.
29:44C'est l'effet aussi du mode de scrutin.
29:46C'est-à-dire le mode de scrutin qui a des effets
29:48de distorsion dans tous les sens. C'est-à-dire que
29:50si on compte les voix, en réalité,
29:52le RN est en tête.
29:54Il pourrait y avoir plus
29:56de sièges.
29:58Mais là, le système
30:00a fonctionné dans ce sens. On a un système
30:02qui est très compliqué à comprendre
30:04parce qu'il y a très
30:06souvent une très grande distance entre
30:08le nombre de voix et le nombre de sièges.
30:10C'est-à-dire qu'on peut... C'est un système où un
30:12parti, enfin une grosse minorité
30:14peut avoir une majorité en sièges. Il est sain
30:16ce système à Nevada ?
30:18Euh...
30:20En tout cas, il a été
30:22choisi délibérément. Je rappelle qu'en
30:241958, Michel Debray était même encore
30:26favorable à un système plus brutal.
30:28C'est-à-dire le système britannique dont on
30:30a vu les effets il y a quelques jours.
30:32Un système majoritaire à un seul tour.
30:34Parce qu'effectivement, il est réputé
30:36normalement assurer
30:38une majorité absolue
30:40ou en tout cas une majorité suffisamment
30:42confortable pour que le gouvernement soit
30:44assuré d'avoir un soutien à l'Assemblée.
30:46C'était aussi l'expérience
30:48acquise de la proportionnelle sous
30:50la Quatrième République qui avait
30:52amené à faire évoluer les choses.
30:54Maintenant, on voit bien que
30:56depuis deux élections législatives,
30:58on a en réalité... Parce que le
31:00panorama, le paysage politique a
31:02évolué. On a un scrutin majoritaire
31:04qui, tout en conservant des effets de
31:06distorsion, ne produit plus
31:08les effets auxquels on était accoutumés.
31:10On a donc trois blocs.
31:12Aucun n'est en situation de gouverner.
31:14Est-ce qu'il y a des retours vers la Quatrième République,
31:16Dominique Rousseau ?
31:18Non.
31:20Pourquoi ?
31:22Parce que la Constitution de 1958 a précisément
31:24été pensée pour qu'il n'y ait pas
31:26de retour à la Quatrième République.
31:28Toute la Constitution de 1958
31:30se comprend par
31:32une critique de l'ingouvernabilité
31:34de la Quatrième République.
31:36Et n'oubliez pas que
31:38ceux qui ont rédigé la Constitution
31:40ont en tête « jamais il n'y aura
31:42de majorité absolue en France ».
31:44Et par conséquent, ils introduisent
31:46dans la Constitution tous les moyens
31:48possibles pour qu'un gouvernement qui
31:50n'a pas la majorité à l'Assemblée nationale
31:52puisse quand même gouverner.
31:54Avec un principe simple.
31:56Un gouvernement ne doit pas
31:58avoir 289
32:00voix de soutien.
32:02Un gouvernement ne doit
32:04pas avoir 289 voix
32:06contre lui. Autrement dit, la
32:08charge de la preuve de la confiance
32:10n'appartient pas au gouvernement.
32:12La charge de la preuve que le gouvernement
32:14ne peut pas gouverner appartient
32:16aux députés.
32:18Et ça, je crois que
32:20les parlementaires ou la classe politique
32:22ne l'ont pas encore complètement compris
32:24de ce rôle de l'arithmétique.
32:26Partons de la situation actuelle. Nouveau Fonds Populaire
32:28a 182, 195
32:30députés. On verra
32:32quand les comptes seront réellement
32:34figés et terminés.
32:36Qu'est-ce qui se passe ? Parce que là, en l'occurrence,
32:38il peut y avoir une majorité contre
32:40ce Nouveau Fonds Populaire.
32:42Gouvernable ou ingouvernable, cette Assemblée ?
32:44Anne Le Vade ?
32:46En réalité, je crois
32:48qu'on y verra plus clair
32:50peut-être les
32:5218, 19 et 20 juillet.
32:54Pourquoi ? Parce que ça va
32:56aller assez vite. Nous n'avons pas à nouveau
32:58quatre semaines à attendre, à peine dix jours.
33:00Pourquoi ? Parce que c'est
33:02à ce moment-là que vont se mettre en place
33:04les groupes politiques.
33:06Et que, pour l'instant,
33:08on raisonne sur la base de trois blocs
33:10qui sont ceux dont on a pris
33:12l'habitude depuis deux semaines.
33:14Mais on oublie que les groupes
33:16politiques qui seront
33:18constitués à l'Assemblée ne sont ni liés par
33:20les dits trois blocs, ni d'ailleurs
33:22liés par les partis politiques.
33:24Et de ce point de vue-là,
33:26on est indiscutablement
33:28aujourd'hui dans une situation inédite puisque
33:30on a en l'État,
33:32si l'on présuppose que pourraient être
33:34les groupes, que des groupes minoritaires.
33:36J'ajoute que, normalement, lors de la
33:38constitution des groupes,
33:40autre élément inédit, il appartient
33:42aux groupes qui le souhaitent de se déclarer
33:44d'opposition. Mais, aujourd'hui, je ne
33:46sais pas d'opposition à quoi.
33:48Puisque, normalement, l'opposition est par rapport à un
33:50gouvernement. Or, le Président de la République
33:52a dit qu'il attendait la structuration
33:54de l'Assemblée et que, donc, d'une certaine manière,
33:56le gouvernement viendrait après
33:58à la manière classique d'un régime
34:00parlementaire, mais pas dans
34:02les conditions qui sont celles auxquelles on est habitué.
34:04Donc, on n'est pas forcément au bout des surprises
34:06parce que, justement,
34:08peut-être, les députés pourraient
34:10s'émanciper de
34:12la pratique antérieure et imaginer
34:14quelque chose de nouveau
34:16afin de répondre à cette situation.
34:18Les journalistes et éditorialistes
34:20qui vous précédez à ce
34:22micro décrivaient
34:24tout de même, avec un pessimisme
34:26extrêmement
34:28sombre, une situation
34:30d'ingouvernabilité
34:32de la France. Est-ce que
34:34vous pensez que c'est une vue de l'esprit,
34:36Bastien-François ? Comme le disait
34:38Dominique Rousseau, on a quand même une constitution
34:40qui a été faite, qui a été vraiment
34:42pensée entièrement pour gouverner
34:44sans majorité absolue.
34:46Avec des outils, effectivement,
34:48qui sont ou qui peuvent être
34:50dans leur usage très brutaux. On l'a vu
34:52les deux dernières années.
34:54Notamment le 49-3.
34:56Mais pas simplement le 49-3. Il y a toute une série de mécanismes
34:58qui permettent de protéger le gouvernement.
35:00Et en particulier, on vient
35:02d'évoquer le calcul
35:04de...
35:06Comment on calcule
35:08le nombre de députés utiles
35:10pour maintenir ou pas
35:12un gouvernement. Bien. Donc c'est
35:14très sophistiqué, de ce point de vue, la constitution
35:16de la cinquième réplique. C'est vraiment une série de verrous
35:18de ce point de vue-là. Bon.
35:20Donc, constitutionnellement,
35:22je serais tenté
35:24de dire, il n'y a pas de problème.
35:26On pourrait même avoir un gouvernement minoritaire.
35:28Bon.
35:30Le problème, c'est de savoir, en réalité...
35:32En fait, c'est d'abord
35:34un problème politique. Il va gouverner
35:36sur quel programme ? Et là,
35:38les constitutionnalistes, franchement, c'est pas leur
35:40job. C'est-à-dire, nous, on n'est pas capables,
35:42malheureusement, de vous faire ce matin,
35:44même si on vient tous les trois de Paris 1,
35:46on n'est pas capables de vous faire le programme...
35:48C'est dommage.
35:50On se tourne vers vous pour avoir des réponses.
35:52Alors, par exemple, réponse
35:54à cette question. Emmanuel Macron doit-il
35:56appeler à Matignon le ou
35:58la leader du groupe arrivé en tête ?
36:00Dans la logique...
36:02Dominique Rousseau ?
36:04Dans la logique parlementaire,
36:06et n'oubliez pas que la constitution de 1958
36:08a une structure parlementaire.
36:10Donc,
36:12dans la logique parlementaire, le président
36:14de la République devrait
36:16appeler, nommer
36:18le Premier ministre la personnalité
36:20que le groupe
36:22le groupe
36:24Front Populaire aura
36:26dégagé, à charge
36:28pour cette personnalité
36:30de constituer une
36:32coalition ou de s'assurer qu'il n'y aura pas
36:34une majorité contre
36:36lui.
36:38Il échoue. Il s'adressera
36:40à ce moment-là au groupe qui arrive
36:42en deuxième position, c'est-à-dire
36:44ensemble.
36:46Il échoue.
36:48Qu'est-ce qui reste ?
36:50Il reste la situation à la Mihéran
36:52en 1924, donc il y a 100 ans, un siècle.
36:54C'est un centenaire que...
36:56Alors, décrivez-le.
36:58C'est l'hypothèse qu'on a appelée la grève
37:00des ministres. Alexandre Mihéran
37:02était
37:04président de la République et
37:06tous les prétendants,
37:08tous ceux qu'il nommait ou qu'il voulait nommer
37:10Premier ministre, étaient
37:12retoqués par l'Assemblée
37:14nationale, par la Chambre des députés, disait-on.
37:16Résultat, Mihéran a démissionné.
37:18Anne Levat, c'est une des clés
37:20de la suite pour vous ? C'est prématuré de poser
37:22la question de la démission du président de la République ?
37:24Alors, de mon
37:26point de vue, c'est prématuré de
37:28s'interroger sur la démission du président.
37:30Si je reviens sur
37:32l'hypothèse qu'évoquait Dominique Rousseau,
37:34moi, j'ai
37:36un doute sur le caractère
37:38automatique, si j'ose dire,
37:40de la démarche qui voudrait que le président
37:42se tourne vers, aujourd'hui,
37:44le nouveau Front populaire. Pourquoi ?
37:46Parce que, en l'état, ça n'est pas
37:48un groupe. Je ne reviens pas sur ce que je disais tout à l'heure.
37:50Mais, en l'état, c'est
37:52une force politique, identifiée
37:54dans le paysage politique,
37:56mais rien d'institutionnalisé,
37:58en quelque sorte, rien qui se
38:00soit structuré de telle sorte
38:02que, même dans une perspective très
38:04parlementaire, dans une interprétation très
38:06parlementaire du régime, il soit automatique
38:08de devoir se tourner vers lui.
38:10J'ajoute qu'il y a
38:12d'autres recompositions qui
38:14pourraient se dérouler pendant
38:16les dix jours qui viennent. Et puis, enfin,
38:18et je prolonge ce que disait
38:20là Bastien-François,
38:22effectivement, on a un système
38:24dans lequel on peut avoir un gouvernement minoritaire.
38:26En revanche, parce qu'on parle beaucoup
38:28de nos voisins européens, de l'Allemagne,
38:30de l'Italie, de la Belgique,
38:32qui n'a pas eu de gouvernement pendant plusieurs mois,
38:34etc. Mais ce qu'il ne faut pas oublier, c'est
38:36qu'en revanche, la Ve République n'a pas
38:38été conçue comme un régime reposant
38:40sur une coalition politique. Parce que, justement,
38:42le général De Gaulle souhaitait
38:44avant tout que le régime
38:46soit le plus indépendant possible
38:48des partis. Donc,
38:50de ce point de vue-là aussi,
38:52on est certes devant une situation inédite,
38:54une situation à laquelle
38:56la Constitution permet
38:58d'apporter des réponses, mais
39:00ces réponses ne peuvent être mises en œuvre
39:02que si les politiques le décident.
39:04Votre point de vue, Bastien-François, sur le fait
39:06d'appeler
39:08le leader ou la leader
39:10du parti,
39:12groupe, mouvement à arriver en tête ?
39:14J'ai exactement la même opinion que
39:16Anne Levand, c'est-à-dire que...
39:18C'est d'ailleurs pourquoi le Président de la République
39:20a eu cette formulation
39:22un peu bizarre en disant qu'on va attendre la restructuration
39:24de l'Assemblée.
39:26Parce que,
39:28effectivement, il y a un jeu qui peut s'ouvrir
39:30pour lui. Il va falloir voir ce que va
39:32décider, va construire
39:34la coalition de gauche, là, dans la
39:36semaine qui vient.
39:38C'est le Président de la République qui va décider.
39:40C'est clair.
39:42C'est dans ce sens-là que ça se passe ?
39:44Oui, c'est le Président de la République qui va décider.
39:46Ce n'est pas des partis
39:48qui vont se réunir...
39:50Anne Levand dit non.
39:52Non, non, si, si.
39:54Le Président de la République,
39:56le Président va décider.
39:58Le Président va décider.
40:00On est quand même dans une configuration
40:02où les choses ne sont pas si nettes
40:04que ça. Il n'y a vraiment personne
40:06qui a une majorité
40:08où la différence soit très importante.
40:10Effectivement, on va voir
40:12ce qui va se passer le 18 juillet
40:14et la suite. Parce qu'il va y avoir des groupes
40:16qui vont se composer. Il va y avoir un Président
40:18ou une Présidente de l'Assemblée nationale.
40:20Ça va donner une indication.
40:22Donc, là, le Président de la République
40:24a encore la main. Alors, il a la main
40:26en étant extrêmement faible.
40:28C'est ça, toute la difficulté.
40:30Je vous avais posé la question de la crise de régime
40:32il y a
40:3415 jours, 3 semaines, je crois, quand vous étiez venu
40:36sur France Inter.
40:38Vous m'aviez dit, en substance,
40:40rendez-vous dans 15 jours, 3 semaines,
40:42on pourra vous répondre. On y est.
40:44Donc, je vous repose la question.
40:46Est-ce qu'il y a une crise de régime aujourd'hui ?
40:48Il y aurait
40:50une crise de régime
40:52si toutes les tentatives
40:54faites par Emmanuel Macron
40:56pour nommer un Premier ministre,
40:58imaginez qu'il nomme, encore une fois,
41:00le leader ou la leader
41:02de l'alliance de gauche
41:04qui se fait renverser
41:06par l'Assemblée nationale.
41:08Imaginez qu'ensuite, il nomme quelqu'un
41:10d'ensemble qui se fait renverser
41:12par l'Assemblée nationale.
41:14À ce moment-là, on sera effectivement
41:16dans une situation
41:18de crise, parce que si on n'a pas
41:20de gouvernement, alors bien sûr, Gabriel Attal
41:22peut continuer à expédier
41:24les affaires courantes, mais jusqu'à un certain point.
41:26C'est-à-dire que si
41:28l'Assemblée nationale
41:30refuse toutes les propositions
41:32faites par le Président de la République,
41:34on sera, à mon avis,
41:36dans une crise de régime.
41:38Anne Le Vade, rapidement.
41:40Je vous ferai presque la même réponse
41:42qu'il y a 15 jours.
41:44Non, pas rendez-vous dans 15 jours,
41:46mais pour l'instant,
41:48nous ne sommes pas dans une crise de régime
41:50et nous ne sommes pas même dans une crise
41:52politique, puisque, en général,
41:54c'est la crise politique qui, ensuite,
41:56peut le cas échéant si le régime n'y apporte pas de solution.
41:58Les affaires courantes, c'est combien de temps les affaires courantes ?
42:00Il n'y a pas de durée.
42:02Bastien François, crise,
42:04pas crise ?
42:06Pas crise, mais ça ne veut pas dire
42:08pour autant que la Ve République va bien.
42:10Ça ne veut pas dire pour autant
42:12qu'on peut se satisfaire de ce système
42:14politique. Ça ne veut pas dire pour autant que la
42:16conception du pouvoir qui est inscrite
42:18dans nos institutions
42:20totalement verticales, caporalistes
42:22dans l'exécution, monarchistes dans la
42:24communication, correspond
42:26à la société d'aujourd'hui.
42:28Bien reçu. Merci à tous les trois.
42:30Anne Levade, Dominique Rousseau, Bastien
42:32François, un tableau,
42:34un plateau, pardon,
42:36de gens formidables de l'université
42:38parisien Panthéon-Sorbonne.
42:40Merci d'avoir été sur Inter.

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