Un enfant de 12 ans jugé pour apologie du terrorisme

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Dans Europe midi, Mickael Dorian et ses invités débattent de dernières informations.
Retrouvez "Europe 1 13h" sur : http://www.europe1.fr/emissions/europe-1-midi3

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Transcript
00:00Un adolescent originaire du Doubs, poursuivi pour apologie du terrorisme et provocation directe à un acte terroriste.
00:07Il est accusé d'avoir téléchargé et partagé des vidéos de propagande de l'État islamique sur les réseaux sociaux.
00:12Avez-vous une idée de l'âge de ce garçon ? 12 ans, c'est juste effrayant.
00:17D'abord évidemment à 12 ans on est mineur, mais le caractère des faits qui sont reprochés à cet enfant interroge sur l'enfance justement.
00:24Lorsqu'un mineur commet un délit, on pense à une bagarre violente, on pense à un vol, mais comment un enfant de 12 ans peut-il faire l'apologie du terrorisme ?
00:33Et même 10 ans, car apparemment ça faisait 2 ans que ce garçon visionnait et partageait ses vidéos de propagande.
00:40On nous dit que vu son très jeune âge, il ne peut pas être jugé devant un tribunal, il sera donc présenté à un juge des enfants.
00:49Il encoure uniquement des sanctions éducatives, Vincent Roy. Ça pose énormément de questions.
00:54Oui, ça pose énormément de questions, il encoure des sanctions éducatives, c'est bien là que le bas blesse.
01:00C'est bien une affaire d'éducation, comment un enfant de 10 ans ou 12 ans peut-il sur les réseaux sociaux propager de telles choses ?
01:11Et bien là il faut évidemment se retourner vers la responsabilité des parents,
01:14puisque ils sont quand même responsables de leur enfant, et aller regarder quelle éducation ce jeune garçon a pu recevoir.
01:22Parce que c'est tout à fait monstrueux, les bras nous en tombent lorsque nous entendons des choses comme celle-ci.
01:28L'éducation pose problème, il faut donc se tourner vers les parents, Nathan Devers ?
01:33Vers les parents sans doute, on ne connaît pas le détail de l'organisation de cette famille,
01:39mais aussi questionner les réseaux sociaux, internet, bref la révolution numérique.
01:46Le cas de ce qu'on appelle radicalisation de gens qui sont extrêmement jeunes,
01:52ce n'est pas un cas isolé, ce n'est pas un cas si rare.
01:56On se souvient au moment de l'état islamique, aux grandes heures de l'état islamique,
01:59qu'il y avait parfois des gens très très jeunes, peut-être plus de 12 ans,
02:03mais qui étaient tentés d'aller en Syrie, qui essayaient de s'y rendre, et qui s'y rendaient.
02:07La question est de savoir que se passe-t-il, quel engrenage se déploie-t-il
02:14entre le moment où vous passez d'une simple, ce qui est notre lot commun à tous, addiction aux écrans,
02:21et que certaines personnes peuvent depuis cette addiction tomber dans la radicalisation islamiste la plus totale,
02:28puisque manifestement ce jeune garçon regardait aussi des vidéos de comment faire exploser des bombes,
02:33et comment fabriquer des explosifs, etc.
02:35Il faut mettre en cause, par exemple, une chose qui est, je pense, gravissime et très intéressante.
02:40On se souvient que l'état islamique avait une communication numérique qui était extrêmement rodée,
02:46et qui consistait, et qui était en fait presque un pastiche, des jeux vidéo américanisés,
02:53des clips musicaux qui sont ceux de notre culture occidentale.
02:58Et qu'il reprenait tout cela, tout en évidemment le détournant contre notre propre société,
03:04tant et si bien que l'état islamique parvenait, avec cette communication-là, à séduire.
03:10Il faudrait aussi questionner de manière plus large, et là on sort même de la question de l'islamisme,
03:15la manière dont les réseaux sociaux sont aussi, pas que, mais aussi,
03:19un grand système de radicalisation dans toutes les directions, dans toutes les idéologies,
03:24poussant très souvent les individus à devenir la pire version d'eux-mêmes.
03:30Et ça, ça vaut pour les adultes, ça vaut particulièrement pour les enfants.
03:33Je pense que c'est un élément très important de la réflexion.
03:35Je ne dis pas ça pour invoquer la technologie, et pour dire que si vous voulez, en dehors de la technologie, il n'y a rien.
03:40Non, mais la technologie c'est central, parce qu'en l'occurrence c'est ce qui, concrètement,
03:44lie les individus les uns avec les autres, et c'est ce qui configure aujourd'hui une société.
03:49Oui, j'entends bien, mais dans le cas qui nous occupe là tout de même,
03:51on voit bien que ce gamin, manifestement, a été livré à lui-même.
03:56C'est-à-dire que, quand je dis « a été livré à lui-même », ça veut dire que les parents s'en sont peu, on peut l'imaginer.
04:02Je ne sais pas si c'est le cas, ou alors c'est terrible.
04:05Mais s'en sont peu occupés, et que par conséquent, s'en occupant peu,
04:09regardant peu ce qu'il faisait, discutant sans doute peu avec lui,
04:13des dangers, par exemple, d'une radicalisation, etc.,
04:17il a été davantage en proie à la révolution numérique dont vous parlez.
04:21C'est parce qu'on ne s'est pas occupé de lui, que peut-être il était un...
04:25Peut-être parce qu'on n'a pas discuté avec lui, qu'on ne lui a pas montré
04:29quels étaient les dangers, justement, de cette radicalisation,
04:33que, sans doute, il a été davantage en proie à la révolution numérique dont vous parlez.
04:37Alors nous, on va discuter avec Delphine, qui est au Standard d'Europe 1.
04:40Bonjour Delphine !
04:41Bonjour !
04:43Vous souhaitiez réagir sur ce sujet, et un sujet qui a attiré votre attention,
04:48notamment parce que vous êtes du même département que ce garçon, c'est ça ?
04:53Vous nous appelez du Doubs, Delphine ?
04:55Voilà, oui, c'est ça, j'habite dans le Doubs.
04:57Vous êtes où exactement dans le Doubs ?
04:59Pardon ?
05:00Où êtes-vous dans le Doubs, Delphine ?
05:02Ben, je suis dans le Doubs, voilà, je ne me trompe pas.
05:04D'accord, ok, pas de problème.
05:05Voilà, donc j'habite une petite commune du Doubs,
05:09et c'est vrai qu'on a pu remarquer ces dernières années
05:12une très forte montée d'insécurité et de délinquance dans les grandes villes du Doubs.
05:17Mais à part ça, là, en ce qui concerne cet enfant de 12 ans,
05:21le problème numéro un reste l'éducation.
05:24Où sont les parents ? J'ai lu un article concernant, dans le Figaro,
05:29apparemment les parents sont divorcés, il vit avec sa maman,
05:32et le restant de la fratrie.
05:34Comment un enfant peut passer autant de temps sur les réseaux sans surveillance des parents ?
05:39Les causes sont nombreuses, l'éducation, les réseaux sociaux,
05:43n'importe qui peut s'ouvrir un compte, Facebook, Twitter ou autre,
05:47avec une fausse date de naissance.
05:50Donc voilà, après, qu'est-ce qu'il a fait ?
05:53C'est très difficile de trouver une cause, on ne sait pas ses origines,
05:57qu'est-ce qu'il a attiré dans ses vidéos de Daesh,
06:01et puis le fait de les rediffuser ? Est-ce que c'est sa religion ?
06:04Est-ce qu'il est vraiment radicalisé ? Est-ce que c'est pour faire son malheur ? On ne sait pas !
06:08On ne sait pas grand-chose Delphine, mais vous avez raison de pointer du doigt
06:13ce problème du contrôle des écrans.
06:15On parle d'un enfant qui avait 10 ans quand ça a commencé,
06:18donc comment à 10 ans, est-ce que des parents peuvent laisser un enfant sans contrôle devant des écrans ?
06:23Effectivement, ça pose problème.
06:25Merci Delphine d'avoir réagi avec nous cet après-midi sur Europe 1,
06:29un problème dont le Président de la République, Emmanuel Macron,
06:32avait également mis le doigt lors de sa campagne de son deuxième mandat, Nathan Devers.
06:39Oui, exactement, mais encore une fois, il ne faut pas se tromper,
06:43à mon avis, quand on aborde ce genre de sujet.
06:45Imaginer que les parents peuvent venir vérifier, dans tous les cas,
06:50exactement chaque site sur lequel va son enfant de 10 ans,
06:54ça n'a pas de sens de dire ça.
06:55Certains parents peuvent avoir cette envie, peuvent réussir à le faire, peu importe,
06:58ça n'a juste pas de sens.
07:00Le principe même de la révolution numérique dans laquelle on est en train d'aller,
07:04comme dans toutes les révolutions technologiques,
07:06ce n'est pas la volonté qui peut la faire reculer, qui peut l'effacer.
07:11La question est de savoir quel rapport aux écrans on va vouloir nourrir demain.
07:15J'aimerais juste alerter aussi sur ça.
07:17Il ne faut pas croire que c'est nécessairement,
07:19là on n'a pas beaucoup d'informations sur cette famille-là,
07:21que c'est nécessairement parce qu'il y a forcément une carence du fait des parents.
07:25On a vu, encore une fois, aux grandes heures de l'État islamique...
07:27On parle d'un enfant de 10 ans, moi j'ai des enfants qu'on stage là,
07:31quand on leur met une tablette ou un ordinateur entre les mains,
07:37peut-être qu'on ne sensibilise pas assez encore les gens sur ce problème-là,
07:42mais il faut absolument être derrière.
07:45On sait bien aujourd'hui que les réseaux, qu'Internet,
07:48c'est une porte ouverte à tout pour un enfant.
07:50C'est précisément ce que je dis.
07:51À mon avis, c'est surtout sur le contenu de ce qu'il y a sur les réseaux sociaux,
07:56sur le contenu de ce qu'il y a sur Internet, qu'il faut attirer notre attention.
07:59J'aimerais juste rappeler, par exemple, qu'encore une fois,
08:01aux grandes heures de l'État islamique,
08:02quand on regarde le profil des adolescents qui étaient attirés par l'État islamique,
08:06par cette propagande, et qui essayaient de se rendre en Syrie,
08:08et qui parfois s'y rendaient, il y a des gens qui grandissaient
08:10dans des familles absolument parfaites, impeccables,
08:13avec des parents très responsables, et il y avait un engrenage qui était pris.
08:16Il faut s'intéresser à la propagande islamiste qui est faite sur un certain nombre de réseaux sociaux.
08:21Il faut s'intéresser à la manière dont des théologiens stupides,
08:23vraiment imbéciles, qui agitent uniquement la superstition,
08:26qui ne connaissent rien à leur propre religion,
08:28séduisent comme ça des jeunes, des profils psychologiques fragiles, vulnérables,
08:33et les appâtent.
08:34Ça, à mon avis, c'est le grand sujet.
08:36Ensuite, évidemment, la question éducative, elle se pose.
08:38Non mais le mot a été lâché,
08:40profil psychologique fragile, ou instable.
08:44Donc, vous prenez un profil psychologique fragile,
08:49vous l'ajoutez à ceci que les parents ne s'en occupent pas,
08:52et que par conséquent, comme je le disais,
08:54il est bien davantage en proie aux réseaux sociaux,
08:57et dans ce cocktail terrible, vous avez un résultat comme celui-ci.
09:02Mais il n'est pas question, encore une fois, de dire à toute force,
09:06c'est de la faute des parents, c'est pas ça que l'on dit.
09:09On dit quand même que la responsabilité des parents est tout de même engagée,
09:12ne serait-ce que juridiquement,
09:13parce que quand on est un parent, on est responsable de son fils de 10 ans ou de 12 ans,
09:17et on est par conséquent responsable de ce qu'il fait, de ce qu'il écrit,
09:20et par conséquent, et comme vous le disiez très justement,
09:24vous vous devez, à partir du moment où vous lui laissez une tablette entre les mains,
09:27vous vous devez d'être là et de surveiller un peu ce qu'il fait.
09:30Bien sûr qu'on ne peut pas tout surveiller, Nathan, vous avez raison,
09:33ce serait une chimère de penser que, d'autant que les tablettes sont partout,
09:36qu'Internet est partout, etc., comment suivre à la piste ?
09:40Mais je pense que pour le discours, par exemple,
09:44avoir un dialogue, dialoguer avec son enfant, etc.,
09:47dialoguer de tout, même quand il a 12 ans,
09:50c'est lui dire les dangers de la radicalisation islamiste,
09:54c'est lui dire les dangers, c'est lui dire ce qu'a représenté le nazisme,
09:58c'est le prévenir d'un certain nombre de choses,
10:02historiques ou non, de réalités dont, de toute façon, il entendra parler.
10:07Il y a quand même un dialogue qui s'instaure entre les enfants et les parents, non ?
10:10Et puis il faut le redire, encore une fois, aux parents qui nous écoutent,
10:14Internet, c'est la rue.
10:16Quand on ne laisse pas un enfant de 10 ans, son fils ou sa fille de 10 ans,
10:21voire même de 12 ans, seul dans la rue,
10:23on ne laisse pas son fils ou sa fille de 10 ou 12 ans seul sur Internet.
10:27Et puis je vais vous dire une chose,
10:29avant, lorsqu'il n'y avait pas Internet,
10:31les gens disaient des horreurs, des insanités, etc.,
10:33ça se passait au café du commerce.
10:35Et on disait, non mais toi, tais-toi,
10:37aujourd'hui tout le monde peut prendre la parole,
10:39puisque tout le monde a mis Internet.
10:41Oui, mais les enfants de 10-12 ans ne se retrouvaient pas au café du commerce.
10:43Eh bien, c'est ce que j'allais vous dire,
10:45les parents ne les laissaient pas rentrer dans le café du commerce.
10:47Eh bien, pour moi, c'est exactement la même chose.
10:49Maintenant, évidemment, c'est beaucoup plus difficile.
10:51Un dernier mot, Nathan.
10:52Internet, ce n'est pas la rue, c'est pire que la rue.
10:54Il y a une violence qui est débridée sur Internet.
10:56Oui, parce qu'elle est anonyme.
10:59Bien sûr, j'élargis un tout petit peu le sujet.
11:01Le nombre de gens, adultes ou enfants,
11:03mais par exemple, le nombre d'enfants
11:05qui écrivent des horreurs absolues sur Internet,
11:07qui ne seront jamais punis pour cela,
11:09qui participent à des logiques de harcèlement,
11:11le nombre de gens qui sont victimes de harcèlement,
11:13sur Internet, c'est bien pire que la rue.
11:15Regardez le jeune Louis Boyard.
11:17Je fais un petit clin d'œil.
11:19Le premier ministre.
11:21Ce garçon n'a pas eu beaucoup de dialogues avec ses parents, sans doute.
11:23Merci Vincent Roy, merci Nathan Devers
11:25d'avoir été avec nous sur Europe 1 cet après-midi.

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