Tous les jours de la semaine, invités et chroniqueurs sont autour du micro de Stéphanie de Muru pour débattre des actualités du jour.
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00:00Et on poursuit le décryptage de l'actualité avec Vincent Roy, écrivain et journaliste, Olivier d'Artigolle, chroniqueur politique.
00:07Alors c'est une nouvelle étape dont on parle maintenant contre les subventions de Pékin à son industrie automobile.
00:12Bruxelles annonce qu'elle va lourdement taxer les voitures produites en Chine, jusqu'à plus de 36% de taxes, ça fait cher quand même mais attention à la riposte quand même.
00:24Vincent Roy, ça veut dire que l'Europe a décidé d'être protectionniste à son tour, à l'instar des Etats-Unis, et sortir les griffes une bonne fois pour toutes ?
00:32Oui c'est marrant, ça dépend des domaines. Sur l'automobile, elle est très protectionniste l'Europe. Il y a des moments où la mondialisation a des limites, et puis il y en a d'autres où elle n'en a strictement aucune.
00:42Ils ont mis le temps quand même.
00:45Vous l'avez imaginé, je pensais à l'agriculture, mais 36% c'est beaucoup, comment voulez-vous que la Chine ne réplique pas ?
00:50Ce n'est pas sur tous les constructeurs, c'est ceux qui n'ont pas joué le jeu et qui n'ont pas coopéré avec Bruxelles, mais il y en a pour qui c'est 9%, pour Tesla par exemple, mais c'est vrai que 36% c'est énorme.
01:01C'est énorme, donc il est bien évident que la Chine va à un moment ou à un autre répliquer, et d'une façon ou d'une autre, vous savez, les Chinois ont une spécificité, ils ne font pas la guerre, enfin en tous les cas pas directement.
01:14Ils jouent aux échecs, ils renforcent les points forts.
01:16Mais alors quoi, on ne fait rien Olivier d'Artigolle, sous peur qu'ils répliquent ?
01:21D'abord, l'annonce est assez spectaculaire concernant l'Union Européenne, parce que vous l'avez dit, 36%.
01:27Aujourd'hui, il y a en effet une usine Tesla à Shanghai, c'est à peu près 10%.
01:31Oui, c'est ça, 9%.
01:32Aux Etats-Unis, c'est 100%, les véhicules électriques chinois.
01:36Et eux, ils ne se gênent pas, pourquoi on se gênerait ?
01:38D'abord, là où on rentre dans une difficulté, c'est qu'on a connu une riposte chinoise il y a peu de temps concernant cette guerre commerciale vis-à-vis du cognac, vous vous souvenez, des eau de vie de vin, mais aussi des produits porcins.
01:53On a vu combien ça pouvait avoir des conséquences difficiles, en particulier pour nos producteurs.
01:59Les Chinois vont bien évidemment, ont estimé qu'il fallait donc riposter, ce qu'on peut comprendre.
02:07Et ils ciblent aujourd'hui les produits laitiers, et donc on voit bien la direction que tout cela peut prendre.
02:15Je fais une parenthèse, effectivement, la Chine annonce aujourd'hui enquêter sur des pratiques commerciales de l'Union Européenne jugées déloyales concernant certains produits laitiers.
02:24Il faut quand même dire que les Chinois ont pris une avance assez spectaculaire concernant l'industrie électrique automobile, avec beaucoup de marques qui se sont développées,
02:34et viennent concurrencer bien sûr le marché européen avec des aides de l'état chinois conséquentes,
02:42ce qui peut bien sûr faire une rupture de concurrence, de loyauté, et mettre à mal la compétitivité des voitures européennes.
02:50Bon, on connaît tout ça, là où il va falloir être attentif, c'est l'unité dans la réaction au sein des états membres de l'Union Européenne.
02:58Parce qu'on voit bien que la France et l'Espagne sont assez allants pour dire il faut muscler notre jeu,
03:04et essayer d'envoyer un message très clair aux Chinois, mais un pays tel que l'Allemagne et d'autres sont un peu plus réticents.
03:13Ils ont voté non d'ailleurs à un vote un peu informel.
03:15Oui, ils ont la crainte de sanctions commerciales venant de la Chine plus fortes.
03:21Si l'Europe ne parle pas d'une seule voix dans les prochaines semaines sur ce dossier,
03:26elle sera à coup sûr affaiblie face aux Chinois qui n'ont toujours pas, qui ont une ambition.
03:32Vous savez, la Chine c'est quand même une complexité, mais les routes de la soie concernant les Chinois,
03:39c'est très important dans leur développement, ils sont sur un temps lointain,
03:43plus que ce que nous on peut faire dans nos politiques et nos projets.
03:47Donc c'est très intéressant à suivre.
03:49Mais l'Europe ne parlera pas d'une seule voix.
03:52Elle n'a pas parlé d'une seule voix pour le Mercosur.
03:56Exact.
03:57Pourquoi voulez-vous...
03:58C'est vrai que les intérêts ne sont pas les mêmes.
04:00Les intérêts de l'Allemagne...
04:02Vous demandez à BMV ou Volkswagen, ce n'est pas la même chose.
04:04Évidemment.
04:05Renault et Stellantis, bon ben...
04:08Et c'est ce qu'on avait pu remarquer également pour le Mercosur.
04:11Les intérêts de l'Allemagne sont très différents de ceux de l'Espagne,
04:13qui sont avec les nôtres assez connexes d'ailleurs,
04:17mais très différents des nôtres et de ceux de l'Italie.
04:20Donc l'Europe ne parlera pas d'une seule voix.
04:22Il ne faut pas se leurrer sur cette question.
04:24Et par conséquent, ça ne va pas être sans problème et sans conséquence.
04:28Olivier, avant de vous redonner la parole, je voudrais vous faire écouter Alexandre Marian,
04:31consultant spécialiste du secteur auto du cabinet Alix Partners,
04:35au micro d'Aurélien Fleureau.
04:37Qu'est-ce que vous pensez du développement de cette réplique ?
04:40On peut s'attendre à soit des impacts à la fois sur l'industrie automobile,
04:44que ce soit pour les constructeurs étrangers, notamment européens,
04:47ou que ce soit pour les équipementiers,
04:49soit vers d'autres secteurs qui sont aussi plus attractifs pour les Européens,
04:53vers le marché chinois.
04:55Donc il faudra voir à quel niveau de réponse il s'approche,
04:58mais c'est plausible qu'il y ait une escalade des niveaux de tarifs
05:01et qu'en fait on voit une situation qui va continuer à se tendre.
05:05Vincent Roy, c'était ce que vous nous disiez tout à l'heure au préalable,
05:08mais enfin ça veut dire quoi ? Qu'on ne fait rien ?
05:10Les Américains, encore une fois, ne se gênent pas.
05:13Vous l'avez dit, ils parlent d'une voie,
05:15mais c'est vrai qu'il ne faut pas se faire marcher sur les pieds quand même.
05:19Ça ne veut pas dire qu'on ne fait rien,
05:21mais ça veut dire aussi que je pense qu'à tout niveau,
05:24et notamment là, un dialogue doit pouvoir s'engager.
05:27C'est-à-dire qu'on doit pouvoir faire revenir les Chinois à récipissance.
05:32Ils ont essayé, non ?
05:34Emmanuel Macron a même offert du cognac à Xi Jinping la dernière fois.
05:37Oui, la preuve que tout n'a pas été mené jusqu'au bout.
05:42Je ne pense pas qu'il faille en arriver là en tous les cas, pas tout de suite.
05:46Il faut être un petit peu plus raisonnable,
05:48et puis il faut savoir mettre de temps en temps son orgueil sur son mouchoir et dialoguer.
05:52Je pense que c'est très important, d'autant que les Chinois vont jouer sur les dissensions européennes.
05:58C'est à coup sûr.
06:01Les Chinois, vous savez, les taoïstes connaissent parfaitement l'art de la guerre.
06:05Oui, c'est sûr. Ils ont déjà un plan B, d'ailleurs.
06:08Les Chinois ont mis des usines, notamment en Hongrie, pour assembler, pour échapper aux taxes.
06:14C'est vrai qu'on a toujours l'impression qu'ils ont une longueur d'avance, au léger d'article.
06:18Je pense que le tempérament de Xi Jinping, le premier Chinois,
06:22les effluves de cognac sont derrière lui.
06:25Il est passé à autre chose.
06:28Il y a quelque chose d'intéressant à suivre pour poursuivre le propos de Vincent.
06:33C'est que l'Europe, aujourd'hui, n'a pas, en effet, sur ce terrain-là de la guerre commerciale,
06:40avec les différents grands blocs, une voie unie et rassemblée.
06:46Le Chinois aurait tort de ne pas jouer sur les dissensions européennes.
06:50C'est logique qu'il puisse le faire.
06:53Et systématiquement, vous remarquerez qu'il y a quand même, aujourd'hui,
06:57l'Allemagne, accompagnée souvent de la Hongrie, l'Autriche, d'autres pays,
07:02qui sont très réservés sur des ripostes plus rudes.
07:10Après, il y a la question de la balance commerciale.
07:13C'est-à-dire que tout ça, au final, c'est regarder...
07:16Moi, je comprends que les Allemands défendent les intérêts.
07:19Je comprends que les Français puissent se dire qu'on a peut-être quelque chose à y gagner.
07:23Et puis, surtout, on parle de balance commerciale et d'intérêts financiers.
07:26Mais enfin, regardez, le Français, qui a des problèmes de pouvoir d'achat,
07:30il peut acheter une voiture chinoise de qualité à prix attractif.
07:34Il faut aussi le comprendre, peut-être qu'il donne la préférence à ces voitures.
07:38Là où il y a une grande hypocrisie, aujourd'hui, dans la politique française
07:41concernant ce basculement vers la voiture propre et électrique, ou hybride,
07:47c'est que ça reste, pour les classes populaires et moyennes, hors de prix.
07:51C'est-à-dire que c'est inaccessible.
07:53Et il est vrai qu'aujourd'hui, les produits chinois qui arrivent,
07:57notamment les derniers, sont que les prix sont extrêmement bas.
08:01Donc, bien sûr, il y a une distorsion de concurrence.
08:03Mais il y a aussi, en France, une difficulté d'amener sur le marché,
08:07enfin, une automobile européenne ou française à portée d'achat.
08:13Ils y travaillent.
08:15Ça permettra peut-être de gagner du temps.
08:18J'entends ce que vous dites, sauf que ça ne marche pas.
08:20Les Français ne veulent pas acheter de voitures électriques chinoises.
08:23Parce que...
08:25Laisse faire un peu.
08:27Pour l'instant, à l'heure où nous parlons, ça n'intéresse pas les Français.
08:30Les voitures électriques en général, c'est vrai.
08:33Les voitures électriques en général et les voitures chinoises.
08:35Dans l'imaginaire français, la voiture chinoise, pour l'heure,
08:41j'ai pas d'intérêt.
08:43Il a peut-être une boule de cristal.
08:46Pour l'instant, ça ne marche pas.
08:48Les Français n'aiment pas les voitures électriques chinoises.
08:51Mais est-ce qu'ils ont conscience, quand même, qu'ils achètent chinois ?
08:54Non, mais attendez.
08:56D'abord, vous avez des noms...
08:58Je vous avais une chose qui est tout à fait remarquable.
09:00Vous avez des noms ridicules de voitures chinoises.
09:02Ne soyez pas des obligeants, mon cher.
09:04Vous allez nous créer une crise diplomatique, mon cher Vincent.
09:06Vous avez des noms qui, commercialement, si vous voulez,
09:08ne sont absolument pas attirants.
09:10Mais je vous assure que vous avez des papiers hantiers là-dessus.
09:12Et les Français, dans leur imaginaire,
09:14la voiture chinoise, vous savez, vous avez toujours,
09:16dans un immergement, vous avez la voiture italienne,
09:18qui représente des choses. Vous avez la voiture allemande.
09:20Et bien entendu, l'italienne aussi, dites-donc.
09:22Oui, oui, attention.
09:24Non, il ne faut pas rigoler. Alfa Romeo, ça compte.
09:26Et donc, vous avez cet imaginaire.
09:29Et les Français, pour l'instant,
09:31on ne peut pas dire que, de toute façon,
09:33le marché chinois de la voiture électrique en France
09:35soit flamboyant.
09:37Enfin, ça ne serait pas le moment aussi de relancer
09:39la réindustrialisation un petit peu en Europe.
09:41Dacia le fait en Roumanie ou au Maroc.
09:43Ce n'est pas là aussi la solution
09:45et en tirer un petit peu les conséquences,
09:47non, Olivier Dardigaud ?
09:49Elon Musk, je me souviens, avait fait quelques promesses
09:51sur l'implantation de Telsa en France.
09:55On n'a pas vu le coup venir.
09:57Il y a une absence, mais on le connaît.
09:59On l'a déjà un peu abordé
10:01lors des élections européennes.
10:03C'était un débat intéressant.
10:05Sur quelles politiques industrielles
10:07à l'échelle de l'Europe,
10:09avec quelles complémentarités.
10:11Mais on voit bien aujourd'hui que, quand même,
10:13chacun essaye de tirer
10:15un peu les marchés à soi.
10:17Avec, pendant longtemps,
10:19les Allemands qui ont joué
10:21d'un différentiel
10:23dans la balance commerciale
10:25à leur avantage.
10:27Mais au sein
10:29de l'Union Européenne.
10:31C'est-à-dire, c'était d'abord là qu'ils allaient chercher
10:33l'intérêt.
10:35Ça laisse quelques souvenirs.
10:37Merci en tout cas à vous,
10:39merci Olivier Dartigolle, merci à Vincent Roy.