• il y a 2 mois

Tous les jours de la semaine, invités et chroniqueurs sont autour du micro de Stéphanie de Muru pour débattre des actualités du jour.
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00:00Fusillades, guerres des gangs, règlements de comptes, Grenoble connaît une flambée de violences quotidiennes,
00:05un nouveau commissariat déjà fermé à cause d'un incendie dans le quartier Piste 20 à Nîmes,
00:09fusillades également à Nice sur fond de règlements de comptes,
00:12semble-t-il la parenthèse sécuritaire des JO est déjà refermée, on en débat avec vous messieurs,
00:18Arnaud Benedetti et Antonin André, mais on est aussi avec Jean-Christophe Couville du syndicat Unité Police,
00:23bonsoir Jean-Christophe Couville.
00:25Oui bonsoir.
00:26Alors on évoque ce commissariat à Nîmes qui venait d'ouvrir et qui devait être d'ailleurs officiellement inauguré,
00:33vous en parliez d'ailleurs dans les médias quelques jours avant,
00:37alors on ne connaît pas encore les causes de cet incendie, s'il est d'ailleurs volontaire, mais forcément ça interroge.
00:42Ben oui ça interroge, bon après j'allais dire on savait très bien qu'on allait être testé entre guillemets,
00:49effectivement dès mardi on en parlait, l'inauguration devait avoir lieu lundi prochain, le 26 août,
00:54donc on savait très bien que ça allait faire tâche dans le quartier, que certains allaient voir ça d'un mauvais oeil,
01:00en revanche je peux vous dire que les habitants étaient très contents,
01:04et quand on discutait un petit peu avec eux, ils nous disaient que déjà depuis quelques jours, voire peut-être quelques semaines,
01:10ça a baissé un petit peu, on sentait que ça s'apaisait,
01:13et surtout c'est qu'on a construit alors ce commissariat pour reprendre le terrain,
01:18mais en même temps j'allais dire, c'est le quartier qui se transforme aussi, on fait tomber des barres,
01:24enfin des barres d'immeubles, on refait un petit peu la logistique,
01:30parce que nous, quand on doit rentrer dans des quartiers, c'est comme des châteaux forts,
01:34il y a une entrée, une sortie, donc il faut repenser aussi un petit peu,
01:38le vivre ensemble dans ces quartiers, et pour voir à ce que les policiers puissent intervenir plus rapidement, en meilleure sécurité.
01:44Alors avant évidemment d'en voir les conséquences, vous avez des informations sur sa réouverture ?
01:49Non, effectivement on est en train de voir les dégâts, il y a une enquête qui est menée,
01:56je pense que ça ne laisse pas trop de doutes quand même sur l'incendie,
02:00je ne crois pas trop au hasard, vous savez, il n'y a pas de hasard dans la vie.
02:04Et puis Jean-Christophe, c'est un an après la mort du jeune Fayed lors d'une fusillade sur le fond de trafic de drogue,
02:09et il faut préciser que c'est un lieu très important, vous l'avez dit, pour les habitants de ce quartier,
02:14c'est l'un des plus pauvres de France, gangrené par le trafic de drogue, les règlements de comptes.
02:20Alors c'est un quartier de reconquête républicaine, c'est très important parce que déjà,
02:25ça va être identifié effectivement comme un quartier avec des problématiques,
02:30il faut savoir que dans les quartiers de reconquête républicaine,
02:33il y a davantage de vols et de violences que sur le reste du territoire, c'est deux fois plus de vols et de violences.
02:38Donc on voit bien que la délinquance, elle y est ancrée,
02:41et effectivement, nous, ça fait depuis des années qu'on demande à revenir sur une police de proximité.
02:46Police de proximité, ça ne veut pas dire la police bisounours,
02:49ça veut dire juste de reprendre le contact avec les gens, de refaire de la présence sur le terrain,
02:54c'est glaner de l'information en direct, et puis c'est du renseignement opérationnel qu'on appelle.
03:00Et au fur et à mesure, c'est gagner les cœurs, voilà, dire que les policiers,
03:04ce sont des gens, des papas, des mamans, comme les autres, on a les mêmes ennuis,
03:07mais on est là pour que les habitants se sentent en sécurité et reprennent goût à la vie.
03:12Concrètement, quelle est l'action de la police dans ces quartiers de reconquête ?
03:16Est-ce que vous, vous avez le sentiment que vos hommes ont la possibilité, la capacité de travailler correctement ?
03:23La capacité, ça va être les effectifs.
03:25C'est-à-dire qu'au début, effectivement, à la création en 2018 de ces quartiers de reconquête républicaine,
03:30il y a eu des effectifs qui ont été mis, et au fur et à mesure, les effectifs ont été redispatchés,
03:35et souvent ont tombé à des effectifs presque négatifs, j'allais dire.
03:39Donc en fait, si vous mettez des effectifs de façon pérenne, et que vous occupez le terrain de façon pérenne,
03:44au bout d'un moment, les policiers vont connaître tout le sociogramme du quartier.
03:48On va connaître pratiquement les enfants par leur prénom, on sait qui fait quoi, qui habite où,
03:53et en fait, on peut déjà, j'allais dire, déliminer certaines tensions.
03:56Et puis après, l'idée, c'est aussi d'interpeller les dealers.
03:59Et ça, il y a le côté répressif, qui doit bien sûr être maintenu.
04:04Donc c'est des effectifs, c'est un triptyque.
04:06Effectifs, derrière, c'est répressifs avec des officiers de police judiciaire qui sont en nombre et qui peuvent travailler.
04:12Et derrière, enfin, la justice avec des moyens, une réponse pénale ferme.
04:16Et aujourd'hui, on a un déficit de juges et de procureurs quand on se compare aux autres pays.
04:20Arnaud Benedetti, on a l'impression qu'on en parle depuis, je ne sais pas, on était jeunes.
04:25Il y a quoi, 20 ans, c'est place nette.
04:28Les opérations changent de nom, mais on n'y arrive pas.
04:32Et c'est de pire en pire, d'ailleurs.
04:33L'enjeu sécuritaire, il traverse la vie politique française depuis presque, allez, 4 décennies.
04:38Sur les trafics de drogue, enfin.
04:40Avec des sujets qui sont évidemment variables.
04:43On voit bien que la question aujourd'hui du trafic de drogue est devenue un sujet saillant dans un certain nombre de territoires
04:50qui sont en phase, en tout cas, qui sont censés être en phase de reconquête républicaine.
04:55Mais enfin, ce que mènent ces gangs, c'est une guerre de territoire contre l'État, clairement.
05:01Contre l'ordre public, contre les forces publiques.
05:04Il faut des moyens, certes.
05:05Il faut, en effet, des moyens à la fois policiers, des moyens judiciaires, mais il faut aussi des sanctions, clairement.
05:12Et finalement, c'est ce triptyque-là qui permettra vraisemblablement, à terme, de pouvoir reconquérir ces quartiers
05:18qui sont des quartiers, quand même, pour l'instant, un peu perdus pour la République.
05:22Alors, Gérald Darmanin, Antoine André, vous direz, là, il ne l'a pas dit en l'occurrence,
05:26puisqu'on n'a pas de preuves qu'il s'agit d'un règlement de compte ou d'une riposte,
05:30mais, vous direz, c'est parce qu'on les dérange, justement, ces trafics en drogue.
05:34C'est parce que notre action est efficace.
05:36J'ajouterais un aspect, quand même, à ce sujet, parce qu'effectivement, on parle du sujet sécuritaire depuis 40 ans,
05:42et la reconquête de ces quartiers avec des forces de l'ordre, plus de moyens pour la justice.
05:46Le sujet n'est pas que sécuritaire. On peut très bien se lancer dans une guerre sans fin,
05:50uniquement à coups de matraques, à coups de procédures judiciaires, de démantèlement des trafics
05:54qui viendront à apparaître à un autre moment.
05:56Il faut comprendre que, dans ces cités, l'économie et la vie des gens tournent beaucoup autour du trafic de drogue.
06:02Donc, c'est aussi des quartiers qui concentrent de la misère, de l'exclusion, l'absence de services publics,
06:06la désertion des services sociaux et des commerces qui, depuis longtemps, ont baissé le pavillon.
06:10Donc, si on se contente de la simple réponse sécuritaire, et je rends hommage à Jean-Christophe Couville,
06:15aux forces de l'ordre, parce que je trouve qu'elles ont le dos large,
06:17c'est-à-dire que la République leur demande de résoudre un nombre de sujets
06:21sur lesquels les autres services publics sont parfaitement défaillants,
06:25et ce n'est pas la police qui va tout pouvoir résoudre avec toute la bonne volonté du monde.
06:29On a entendu Jean-Christophe Couville, dont je trouve le discours est assez sage, en réalité,
06:33quand il parle de faire du lien avec la population, d'être là pour assurer la sécurité de gens
06:37dont le premier droit, c'est de vivre en sécurité, en réalité.
06:41Et donc, c'est bien nécessaire, mais ce n'est pas suffisant.
06:43Ça, ça marche avec la population.
06:45Antoine André, enfin, le dealer, il va aller faire du lien avec lui, je pense qu'il va se faire.
06:49Mais qu'on continue à considérer que le problème n'est que sécuritaire,
06:53on ne le résoudra pas, et vous aurez en face de vous des cartels de drogue
06:57qui aujourd'hui ont des moyens bien supérieurs, dans certains pays, aux Etats eux-mêmes.
07:00Oui, mais qui ne sont même pas en France, qui sont en Dubaï, qui sont en Maroc.
07:04Qui sont bien supérieurs aux Etats eux-mêmes.
07:06Excusez-moi, mais la politique du coup de poing et de déployer des forces de l'ordre dans les quartiers,
07:10ça fait 40 ans que ça dure, avec quels résultats ?
07:13La politique publique de la ville, ça fait aussi 35 ans que ça dure,
07:17on peut vous retourner la question, avec quels résultats ?
07:20Mais oui, mais il y a une question de la mise en oeuvre, ce n'est pas juste des...
07:23Je suis d'accord avec vous, mais le discours que vous tenez,
07:25l'analyse que vous faites, c'est une analyse que l'on fait depuis 3 décennies.
07:30Oui, sans en tirer de confusion, sans changer de braguette.
07:32Enfin, il y a eu quand même des moyens en termes de politique publique
07:34qui ont été mis budgétairement depuis 30 ans.
07:37Mais ce n'est pas seulement une question d'argent.
07:38Non, mais je suis d'accord.
07:39Mais le problème, c'est que les populations, et là je vous rejoins, qui sont exposées,
07:43ce sont les populations les plus exposées, ce sont les populations qui vivent dans ces quartiers.
07:46Absolument.
07:47C'est eux qui en souffrent.
07:48Et aujourd'hui, quand on les écoute aussi, quelle est leur demande ?
07:51Bien évidemment, c'est la demande de services publics.
07:53Bien évidemment, c'est la demande d'avoir un maillage territorial qui soit plus efficace.
07:57Bien évidemment, c'est une demande économique.
08:01Mais qu'est-ce qu'ils vous disent aujourd'hui ?
08:02Ils vous disent essentiellement, il faut rétablir la sécurité et rétablir l'ordre dans ces quartiers.
08:07Donc il y a quand même quelque part eu un déficit dans ce domaine-là depuis un certain nombre d'années.
08:12Et c'est ce qu'on paye, vraisemblablement.
08:14Vous parlez des transports, mais quand on sait que certains policiers,
08:16enfin je parle sous le contrôle de Jean-Christophe Couville,
08:20se font caillasser jusqu'aux pompiers...
08:24Je ne vous dis pas qu'il ne faut pas réprimer ces actes-là.
08:26Je ne vous dis pas que la question de la sécurité n'est pas un sujet.
08:29Je vous dis, si vous ne faites que du sujet sécuritaire
08:32que la seule réponse à apporter à des problèmes structurels qui sont bien plus lourds,
08:36on va continuer à se bagarrer.
08:38Mais enfin, pardonnez-moi, les moyens sécuritaires qu'on a mis à Marseille,
08:41qu'on a mis dans les grandes villes et sur lesquels on se focalise en attendant,
08:44à La Planoise, à Besançon, dans les villes moyennes,
08:47le trafic de drogue continue de prospérer allègrement.
08:49Je suis d'accord.
08:50Tant qu'on n'aura que le prisme uniquement de dire
08:52qu'il faut envoyer les forces de l'ordre là où ça castagne,
08:54je ne suis pas sûr qu'on va...
08:56On va redonner la parole à Jean-Christophe Couville.
08:58C'est juste que j'ai mis une réserve sur la simple approche sécuritaire.
09:00Vous allez faire l'arbitre, Jean-Christophe ?
09:02En fait, le 17, si vous n'êtes pas content, on intervient.
09:05Non, non, mais effectivement, on fait un bilan.
09:09Le bilan actuellement, c'est que dès qu'il y a un problème sociétal,
09:12on appelle le 17, justement, que c'est la police qui doit gérer.
09:15La police, historiquement, elle est au centre de la société.
09:19Moi, je dis souvent que c'est le ciment de la société.
09:21Déjà, en grec, police, c'est ça, c'est la ville, la société, etc.
09:27Et donc, c'est normal qu'on soit au centre.
09:30Mais en même temps, on nous a donné des missions très répressives.
09:32Et donc, on a une image vis-à-vis de ces quartiers
09:35où on est vu comme une bande, j'allais dire, des adversaires.
09:43En même temps, c'est votre rôle de policier, j'imagine.
09:46Oui, mais en fait, la prévention et la répression, c'est deux jambes obligatoires.
09:51C'est comme la police et la justice, c'est la même chose.
09:53C'est les deux jambes de la République.
09:54Et donc, en fait, il faut qu'on ait les deux.
09:56Il faut être ferme, courtois, mais ferme.
09:58Ça, c'est normal.
09:59Et après, il ne peut pas y avoir, effectivement, qu'une réponse policière.
10:02L'État est capable d'avoir une réponse.
10:05On l'a vu, notamment, pendant la COVID.
10:07C'est quoi votre sentiment, Jean-Christophe Couville, sur le terrain ?
10:09Est-ce que vous avez le sentiment qu'il n'y a qu'une réponse répressive
10:12et pas assez préventive ?
10:13Qu'est-ce que vous constatez ?
10:15Alors oui, effectivement, la prévention, on a laissé la prévention à la police municipale, quelque part.
10:19Et donc, la police nationale doit être aussi là pour occuper ce terrain-là.
10:23Les gamins, vous savez, l'été, on les emmène souvent.
10:27Avant, on avait des crédits.
10:29On emmenait les gamins un petit peu, bah oui, faire du sport, faire des journées, j'allais dire, chlorophylles.
10:33On les aérait.
10:34Et puis, les gamins, ils me disaient, tiens, c'est marrant, les policiers sont avec nous.
10:37On a une autre image de la police.
10:39C'est sans le cloisir jeunesse.
10:41Ça, il faut le continuer.
10:43Après, attention, ce n'est pas le monde des bisounours.
10:47Effectivement, il faut qu'il y ait la répression.
10:49Mais surtout, c'est qu'effectivement, on a vu l'année dernière, par exemple,
10:52pendant les dernières émeutes, qu'est-ce qui a brûlé ?
10:54Les bibliothèques, les lieux de savoir, en fait.
10:57Les lieux de savoir, les lieux d'expansion,
10:59les lieux où on pouvait se désenclaver un peu les quartiers.
11:02Or, aujourd'hui, on voit bien qu'il y a une partie de la délinquance
11:05qui veut justement éviter ce désenclavement.
11:08Ils veulent garder les gens dans la cité.
11:10Et quand on met, par exemple, un commissariat,
11:12on ouvre un commissariat, on voit bien qu'on gêne.
11:14Parce que du coup, on est vu comme une bande, j'allais dire, agressive par rapport aux tueurs.
11:18Merci Jean-Christophe Kouvi du syndicat Unité Police d'avoir été avec nous.
11:22Merci Antona André, vous aussi.
11:24Bon courage pour la journée de demain.
11:25J'imagine que vous allez être aux premières loges à 10h30 sur le pont.
11:28Je vous vois pas, j'ai dit des dés aux petits oignons pour ce week-end.
11:30Absolument. Et Arnaud Benedetti, merci à vous aussi.

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