L'édito de Mathieu Bock-Côté : «Ce sont les Français qui sont piégés (Partie 2)

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Dans son édito du 27/08/2024, Mathieu Bock-Côté revient sur les questions autour d'Emmanuel Macron qui ferme la porte au NFP.

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00:00Emmanuel Macron parle de stabilité institutionnelle, qu'est-ce qu'il faut comprendre par là ?
00:05Ah oui, c'est de mon déclin même ancien, parce que ce n'est pas exactement du vocabulaire constitutionnel.
00:08Qu'est-ce qu'il entend par là ? Et on comprend assez clairement si on ne fait pas de plus dans la réflexion.
00:13Il nous dit qu'il y a très peu de partis qui sont compatibles aujourd'hui, dit-il, c'est ce qu'on doit comprendre, avec l'esprit de la République.
00:21Donc le problème c'est qu'il y a les Français votent, les Français votent massivement pour l'ARN, vous l'avez dit, Premier Parti de France,
00:27pour LFI, ils existent quoi qu'on en pense, on peut être très critiques, mais ils existent, ils représentent quelque chose.
00:32Donc les Français sont de plus en plus nombreux à se mettre hors-jeu sur le plan institutionnel en votant pour des partis interdits.
00:40Donc on est dans cette séquence politique très particulière où la stabilité institutionnelle, c'est l'autre nom du congédiement systématique de tous ceux qui votent pour les partis interdits.
00:51Je note qu'ils sont de plus en plus nombreux à voter pour les partis interdits.
00:55Donc qu'est-ce qu'on voit, ça fait 2-3 ans que je vous casse les oreilles avec l'idée de crise de régime, je pense qu'elle ne cesse de se déployer devant nous.
01:01Et on le voit avec le type de candidats évoqués depuis quelques semaines pour voir qui pourrait être Premier ministre.
01:06Je l'ai dit, Xavier Bertrand, M. Cazeneuve, on a aujourd'hui, j'ai entendu Mme Borne, apparemment certains ont rêvé d'elle un instant.
01:13Ce qui est intéressant là-dedans c'est que ce ne sont que des figures désavouées par la population, des figures qui ne sont pas populaires,
01:21qui sont sélectionnées en disant, lui pourrait gouverner, elle pourrait gouverner, et pourquoi pas celui-là, et pourquoi pas un autre.
01:26Donc moins vous êtes considéré par la population, moins vous avez un ancrage populaire, plus vous avez une chance de devenir Premier ministre en ce moment.
01:34C'est comme un effet système, c'est-à-dire plus vous êtes dans le système, moins vous êtes dans la population, plus vous êtes dans la population, moins vous êtes dans le système.
01:42Et le système choisit les siens pour gouverner.
01:45Mais ce qu'on comprend, c'est que les institutions, la République, le pouvoir, la démocratie, ça touche une partie de plus en plus réduite de la population.
01:52C'est un corps politique rétréci, détaché du peuple qu'il prétend représenter.
01:57Alors là, il y a la solution quelquefois de dernière seconde, la carte qu'on va jouer au dernier moment, c'est la carte, la figure importante de la société civile.
02:05Mais il faut bien comprendre ce que veut dire cette phrase.
02:07On a une classe politique à ce point déconsidérée, à ce point impuissante, à ce point incapable, qu'on doit se tourner vers des gens qui n'ont pas de vocation politique pour leur venir gouverner.
02:18Personne dans la classe politique n'en est capable.
02:20Et ceux qui sont plébiscités par le peuple, on n'en veut pas parce qu'ils sont frappés et interdits.
02:26On peut penser ici à Jordan Bardella, on peut penser à Marine Le Pen, mais on pourrait penser aussi à gauche, encore une fois, à des figures.
02:31Jean-Luc Mélenchon, c'est le femme, il y a très peu de partisans de droit chez lui, mais on peut reconnaître qu'il y a un véritable ancrage populaire dans une certaine partie du pays, frappé, interdit, lui aussi.
02:41Ce qu'on note finalement, je pense que c'est important de le dire, c'est que ce qu'on appelle l'État de droit aujourd'hui,
02:46ce qu'on appelle l'État de droit sert dans les faits de prétexte, les valeurs de la République, la promotion des valeurs démocratiques, la promotion des valeurs européennes,
02:55l'État de droit ne sert finalement qu'à frapper, d'interdit, une partie de plus en plus grande du pays.
03:02Il sert dans les faits à retirer des libertés aux Français, on le voit sur tout ce qui touche à la liberté d'opinion aujourd'hui.
03:07Il sert dans les faits, cet État de droit arbitraire, à quelquefois se permettre de fermer une chaîne télé.
03:13Imaginons, on n'est pas au Dagestan ici, mais la chaîne télé privée la plus populaire, on peut décider de la fermer parce qu'on considère qu'il s'agit d'une chaîne d'opposition.
03:20Dagestan, non. Turkménistan, non. France, oui.
03:24Une sur 300.
03:25C'est quand même assez original.
03:26Alors, ayons cela à l'esprit, le peuple français, dans la séquence politique qui est la nôtre, ça va changer inévitablement, n'est plus le bienvenu dans ses propres institutions.
03:35Donc, ce qui fait que tous regardent la vie politique et parlementaire à la manière d'un étrange spectacle.
03:40C'est-à-dire, on voit une classe politique s'agiter, on les voit se distribuer des postes imaginaires, on les voit se nommer les uns, les autres,
03:46et au final, on a l'impression d'une classe politique spectrale, calcifiée, enfermée en elle-même et détachée de ce qui traverse réellement le pays.
03:54Intéressant de s'arrêter sur le RN dans cette séquence.
03:57Est-ce que le parti de Jordan Bardela est désormais hors-jeu ?
04:00Ils ont 11 millions de voix, ils arrivent en tête en voix, partent en siège, on dit qu'ils ont gagné, ils ont perdu.
04:06Si la démocratie consistait à tenir compte des préférences populaires, le RN serait un acteur majeur de la vie politique.
04:13Mais nous savons très bien que la démocratie, ce n'est plus ça du tout.
04:15La démocratie consiste à se méfier du peuple lorsqu'il ne vote pas comme ses élites.
04:19Lorsque le peuple vote mal, on appelle ça populisme.
04:21Et lorsqu'il vote bien, on appelle ça valeur de la République.
04:24Quoi qu'il en soit, ce qui est fascinant dans la présente séquence, c'est le fait qu'une partie croissante du peuple français est traitée comme un corps étranger.
04:30Un corps étranger en son propre pays.
04:32Un corps étranger qui a le principal obstacle à traverser, le principal obstacle à démonter, le principal obstacle à liquider pour que la France puisse sur-européaniser, se multiculturaliser, se mondialiser en paix.
04:44Donc le RN ici n'est pas considéré comme le représentant d'une partie légitime de la population avec laquelle on peut être totalement désaccord.
04:51C'est présenté à la manière d'une forme de tumeur.
04:54C'est l'expression d'un cancer.
04:56C'est l'expression d'une maladie profonde du corps social et dès lors, avec cette maladie, il ne faut pas discuter, il faut l'amputer.
05:03Je note une chose, le pouvoir est assez impuissant pour répondre aux enjeux fondamentaux.
05:08Immigration, identité, insécurité, j'y reviendrai dans un instant.
05:12Mais il se veut tout puissant pour mater les dissidents, pour mater ceux qui pensent mal, pour mater ceux qui votent mal, pour neutraliser la portée politique de leur choix électoral.
05:22Je note, soit dit en passant, qu'il suffit de toucher au RN de près ou de loin pour attraper soi-même la maladie.
05:28C'est le cas de M. Ciotti.
05:30Alors, ça nous ramène à la question abordée à plusieurs reprises, la question de la « diabolisation ».
05:35Le RN dit « nous ne censurons qu'un seul gouvernement à tout prix », c'est un gouvernement qui s'inspirait de la plateforme NFP.
05:42Donc le RN cherche encore à dire « regardez, le diable est de l'autre côté », donc il cherche lui-même, il poursuit sa stratégie de dédiabolisation en disant « regardez, la diabolisation c'est de l'autre côté ».
05:52Mais lui-même se montre très discret, en regardant le bilan politique du RN depuis quelques mois, il s'est montré discret devant les grands enjeux politiques, que ce soit en France ou en Europe.
06:00Une étrange discrétion alors qu'il représente tant de gens.
06:03Pour en arriver, ce sera mon point de conclusion, à cette dissociation effrayante entre une vie politique, je l'ai dit, spectrale, auto-référentielle,
06:11entre des gens qui se partagent les limousines, des gens qui se partagent les palais de la République, des gens qui se partagent entre eux les avantages du pouvoir,
06:17les privilèges, mais non plus les devoirs et qui ne gouvernent plus vraiment un pays,
06:21et de l'autre côté, un pays qui, après la trêve des vapeurs olympiques, où on a l'impression qu'il suffisait de gagner quelques médailles d'or pour d'un coup abolir tous les problèmes,
06:30mais le réel est de retour, le réel c'est l'insécurité, le réel c'est l'islamisation, le réel c'est l'antisémitisme, le réel c'est l'immigration massive,
06:37le réel c'est la crise de la dette qui s'en vient, le réel est de retour mais les institutions ne s'y intéressent pas
06:43parce qu'on est occupé à distribuer des postes pour l'instant à des premiers ministres imaginaires.

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