Les Vraies Voix avec Gérald Kierzek, médecin urgentiste, directeur médical de Doctissimo et auteur de “Leçon d’anatomie” publié chez Albin Michel.
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00:00Les Vraies Voix Sud Radio, le code projecteur des vraies voix.
00:04Avec l'école, la santé est au cœur des préoccupations des français.
00:09La lutte contre les aires médicaux et contre la pénurie de soignants sera l'une des priorités du gouvernement.
00:14Le temps est révolu où l'on avait la crainte de former trop de médecins.
00:19Ce qui m'intéresse, moi, c'est le travail quotidien des agents de la santé publique.
00:23Je serai aussi attentif avec mon équipe et l'équipe du gouvernement à cette situation.
00:28On ne va pas faire des miracles.
00:29Pourquoi là aussi, là encore, ne pas s'appuyer davantage sur des médecins retraités
00:34en leur permettant de reprendre du service avec un cumul favorable entre rémunération et retraite ?
00:42Vous venez de l'entendre, c'est l'une des idées annoncées par Michel Barnier hier
00:47pour répondre aux urgences de l'hôpital, faire revenir les médecins retraités en appoint.
00:51Le Premier ministre entend donc leur proposer un cumul d'emplois retraite favorable.
00:55Il veut également, sur le même principe, proposer à des enseignants retraités
00:59de reprendre du service, notamment pour épauler les plus jeunes collègues.
01:01Alors parlons vrai, est-ce que c'est une alternative durable dans le temps ?
01:04Et peut-on recruter massivement dans ces secteurs d'activité ?
01:08Et à cette question, éducation, santé, faire revenir les retraités, est-ce une bonne idée ?
01:12Vous dites non à 62%. Vous voulez réagir le 0826 300 300.
01:16Et un spécialiste, vous le connaissez, Gérald Kersiak, est avec nous, médecin urgentisé,
01:20directeur médical de Doctissimo, et auteur de leçons d'anatomie chez Albin Michel.
01:36Philippe Bilger.
01:37Alors j'ai entendu ce qu'a dit Gérald, mais je continue à préférer, très modestement mon point de vue,
01:47à partir du moment où il s'agit de solutions modestes, pragmatiques, qui seront laissées à la discrétion du volontariat,
01:57après, je l'espère, des évaluations et des contrôles, je trouve que cette idée n'est pas absurde.
02:06Elle ne prétend pas révolutionner les univers qui manquent de professionnels compétents,
02:12mais je trouve qu'elle n'est pas absurde dans une situation de crise.
02:16Françoise de Gaulle.
02:17Alors, sur le papier, elle paraît très bien, elle paraît pleine de bon sens.
02:21Mon problème, c'est que c'est le genre de situation d'urgence qui s'installe dans le temps.
02:25Ça veut dire que vous ne formez plus assez de médecins,
02:27et ça veut dire que vous considérez que vous n'embauchez plus de professeurs
02:30et que vous continuez dans cette médiocrité des revenus, etc.
02:33C'est ça qui me gêne le plus. C'est l'urgence qui dure, en réalité.
02:37Et j'attends surtout, Gérald, ce qu'il va nous dire sur cette question, parce que ça m'intrigue beaucoup.
02:42Je ne comprends pas le point sur la médiocrité des revenus.
02:47J'ai un peu de mal, Françoise.
02:48Écoutez, je pense qu'il faut embaucher des profs et qu'il faut les augmenter.
02:51Je pense qu'il faut former plus de médecins et qu'ils doivent mieux gagner leur vie.
02:54Donc, si vous ne comprenez pas le point de vue de la médiocrité...
02:57Il fallait juste l'expliquer.
02:58Je l'ai tout à fait expliqué, mon cher ami.
03:00Je vous jure que j'ai toujours peur des urgences qui durent.
03:04Il peut poser des questions sans se faire engueuler.
03:06Non, mais je sais très bien comment il les pose, comme un venin.
03:09Je commence à le connaître.
03:10Moi, je suis un peu comme Philippe.
03:12Je pense que ça reste une bonne idée, d'autant qu'on voit un certain nombre de...
03:16Moi, j'ai des médecins-conseils qui sont conseils d'administration de mes différentes entreprises.
03:20La plupart du temps, c'est des gens qui ont exercé,
03:23et c'est des gens qui vont monter des services à l'étranger, etc.
03:27Enfin, je dirais, leur savoir, leur expérience, leur expertise, elle a une valeur.
03:31Et en plus, il y a...
03:32Là, c'est en France qu'on en a besoin.
03:34Et derrière ça, il y a aussi une envie.
03:36Certains ont l'envie plus que le besoin, que de partager et que de continuer à exercer.
03:40Donc, si ça peut venir tant dans l'éducation nationale
03:43qu'au sein des services de santé,
03:45désengorger les problématiques qu'on connaît tous,
03:48dont on a souvent parlé ici,
03:49je trouve que c'est pas, en tout cas sur le papier, une mauvaise idée.
03:51Alors, je me tourne.
03:52Allez-y.
03:53Et on le laisse.
03:54Gérald Thiersec, est-ce qu'il y a déjà des médecins retraités qui exercent ou pas ?
03:58Non, mais quel pays ?
03:59On avait le meilleur système de santé au monde il y a 30 ou 40 ans.
04:02Notre système s'est cassé la gueule.
04:03Ça fait 20 ans qu'on a le diagnostic d'un système qui devient médiocre.
04:06Et je reprends vraiment ce mot-là, avec des inégalités terribles.
04:09Avec une seule volonté, c'est-à-dire que les professionnels médecins ou infirmières,
04:13ils pensent qu'un truc, c'est partir le plus vite possible
04:16parce que la pression est trop dure.
04:18On voit que le burn-out est important.
04:20Il y a des taux de suicide importants.
04:21Sébastien qui parlait de médecins dans les conseils d'administration,
04:24nous, on a besoin de médecins qui soignent des malades.
04:25Vous voyez, moi, je sors de garde aux urgences à l'Hôtel Dieu.
04:28Non, mais les médecins, ils partent de plus en plus tôt
04:30dans des conseils d'administration ou dans la montée des start-up
04:32parce que qu'est-ce qu'ils veulent faire ?
04:33Ils veulent s'éloigner des malades parce que c'est trop difficile de s'occuper.
04:36Les conditions de travail sont devenues trop difficiles pour s'occuper des malades.
04:39Donc on a beaucoup de médecins maintenant qui essayent de partir vers d'autres spécialités.
04:42D'urgentiste à devenir médecin du travail, médecin conseil à la sécurité sociale
04:46ou monter des start-up.
04:47Quant à l'argument de dire que c'est une solution en situation de crise,
04:51l'urgence, ça fait 20 ans qu'on la connaît.
04:53On a même des projections démographiques qui nous montraient les choses très clairement.
04:56En plus, quand on est chirurgien, on a besoin d'une précision de geste,
05:00on a besoin d'être recyclé, avoir un médecin retraité de 70 ans.
05:03En termes de capacité physique, c'est des métiers extrêmement difficiles.
05:06Moi, ça pose question.
05:07Mais on voit bien qu'on est sur des situations.
05:09Là, quand je parlais de côtère sur une jambe de bois,
05:11il faut changer la jambe, il faut remettre une prothèse,
05:14il faut revoir le système de fonton comble.
05:16Ça fait 20 ans qu'on le dit, il faut remettre.
05:18Mais bien sûr, il n'y a rien de nouveau.
05:20Et qu'est-ce qu'on va nous proposer ?
05:21Je reprenais, alors on va recruter des retraités.
05:24Encore faut-il qu'ils veuillent revenir
05:25puisque les gens pensaient qu'un truc, c'était partir plus vite.
05:27Donc, aller en trouver et qu'ils veuillent revenir.
05:31C'est pareil pour les profs, c'est la même chose.
05:33C'est un boulot épuisant.
05:35Qu'est-ce qu'on va nous proposer ?
05:37Des assistants médicaux, ils sont formés comment ?
05:39On les prend où ?
05:40C'est des infirmiers, des aides-soignants, c'est quoi ?
05:42Des bus médicaux.
05:43Mais vous vous rendez compte, on n'est pas dans un pays sous-développé.
05:45On va nous proposer des bus sous-développés
05:47comme on fait dans les pays sous-développés
05:49alors qu'on avait un maillage territorial.
05:51Moi, je vais vous dire, pour répondre à votre question, ce qu'il faut faire.
05:53Il faut arrêter de faire des Grenelles, des Ségures, des Hippocrates.
05:57Il faut remettre des soignants aux manettes
05:59parce que les gens qui prennent ces décisions
06:01de mettre des médecins retraités ou de faire des Grenelles
06:03ou des Hippocrates, c'est des technocrates,
06:05des énarques ou des directeurs d'hôpitaux.
06:07On crève de directeurs d'hôpitaux
06:09pléthoriques dans les administrations
06:11et à l'hôpital et dans les agences régionales de santé.
06:13Ça coûte un pognon de dingue
06:15pour reprendre une expression célèbre.
06:17Ça ne sert à rien, ça ne soigne pas les malades.
06:19On a besoin d'infirmiers, d'aides-soignants, de médecins.
06:21Et ces gens-là, il faut les aider
06:23à mieux travailler, il faut revaloriser
06:25les salaires, ça c'est clair, à l'hôpital.
06:27C'est scandaleux le salaire des infirmiers, des aides-soignants
06:29et même des médecins hospitaliers.
06:31Vous savez qu'à Paris, ils ne peuvent pas se loger, mes jeunes médecins.
06:33Ils ne peuvent pas se loger.
06:35Dans Paris, intra-muros, alors qu'ils sont BAC plus 10 ou BAC plus 12.
06:37Il faut les remettre aux manettes
06:39des organes de décision, ça veut dire que la gouvernance
06:41et je regardais le cabinet de Michel Barnier,
06:43vous prenez les mêmes et vous recommencez.
06:45C'est des gens qui font des carrières de directeurs d'hôpitaux,
06:47d'énarques dans la santé publique depuis 20 ans.
06:49Einstein disait, on ne va pas régler
06:51les problèmes avec ceux qui les ont créés.
06:53C'est ceux qui les ont créés qui sont encore aux manettes.
06:55Et après, on va nous dire, on va prendre des retraités,
06:57on va prendre des assistants, etc.
06:59Mais arrêtons les médecins généralistes, arrêtons de les emmerder,
07:01de les contrôler avec des médecins sécu
07:03qui pensaient là aussi qu'un truc, c'est sortir
07:05du chevet du malade pour faire autre chose
07:07et avoir une vielle peinard, j'allais dire
07:09et qui embêtent les pauvres collègues généralistes
07:11qui au bout d'un moment disent, on va dévisser notre plaque
07:13et nous aussi, on va faire médecin à la sécu
07:16pour contrôler les autres.
07:17Moi, j'ai une solution que je prône depuis des années,
07:19c'est une direction bicéphale à la tête
07:21des hôpitaux ou des agences régionales de santé.
07:23Vous mettez un administratif
07:25et vous mettez un médecin en binôme.
07:27Ça marche très bien, les hôpitaux militaires fonctionnent comme ça.
07:29Avec un médecin qui est chirurgien
07:31ou urgentiste ou réa, qui a fait le tour,
07:33qui a 40 balais, on va le former un an à l'école
07:35de santé publique et ce mec-là ou cette nana
07:37devient médecin directeur.
07:39Et là, on a quelqu'un qui a
07:41des compétences, qui a une vision,
07:43qui a l'expertise. Pareil au niveau
07:45du directeur de cabinet de Michel Barnier.
07:47Mais Gérald, pourquoi est-ce qu'ils ne veulent pas ?
07:49Parce que les directions d'hôpitaux se sont auto-reproduites.
07:51C'est une profession qui n'existait pas, qui s'est créée
07:53dans les années 50-60 et qui
07:55progressivement a pris le pouvoir.
07:57Et celle qui a donné le pouvoir, c'est Roselyne Bachelot.
07:59C'est la loi Bachelot, la loi hôpital, patient,
08:01santé, territoire en 2009. Rappelez-vous
08:03le discours de Sarkozy à Bordeaux qui disait
08:05il n'y aura qu'un seul patron, messieurs, dames,
08:07ça sera le directeur de l'hôpital. Donc on n'arbitre
08:09plus sur qu'est-ce qui est bon pour soigner
08:11mais qu'est-ce qui coûte moins cher ?
08:13Comment on va rationaliser ? Comment on va
08:15diminuer, et je vois encore dans le discours
08:17du Premier ministre, des regroupements.
08:19On va regrouper encore, fermer des petits hôpitaux,
08:21fermer des maternités. Vous avez des femmes qui accouchent
08:23sur des parkings, dans des ambulances.
08:25Mais c'est dramatique. On est en train de se paupériser,
08:27de se tiermondiser.
08:29Vous ne le voyez même pas comme une petite chance,
08:31Gérald ?
08:33Non mais ce n'est pas l'avenir. Moi je veux une vision,
08:35je veux de l'avenir, je veux de la perspective.
08:37C'est une solution qui est
08:39court terme. Moi je dis, Gérald Kersiak,
08:41ministre !
08:43Non mais des gens de terrain,
08:45qu'ils soient ministres ou qu'ils soient directeurs
08:47de cabinet, oui, ou à la tête des agences régionales
08:49de santé, on crève d'une bureaucratisation.
08:51Mais oui, mais il l'a dit,
08:53il l'a dit avec la paperasse des médecins généralistes.
08:55Mais ce n'est pas uniquement ça. C'est les bureaucrates
08:57qui sont des parasites du système.
08:59Donc c'est les forteresses des directeurs d'hôpitaux qu'il faut assiéger.
09:01Mais bien sûr. Alors le problème c'est qu'est-ce que vous en faites
09:03de ces gens, puisque vous avez des promotions qui ont été formées.
09:05Qu'est-ce qu'on en fait ? Bah vous les gardez,
09:07ils peuvent servir quand même. Je vais me faire des copains.
09:09Je ne sais pas, mais je pense qu'on va monter
09:11une émission sur la santé.
09:13Très bonne idée. Gérald Kersiak,
09:15merci d'avoir été avec nous, médecin urgentiste,
09:17directeur médical d'Octissimo,
09:19et auteur de ce livre
09:21qu'il faut lire, Leçon d'anatomie,
09:23chez Albin Michel. Et il en connaît
09:25des choses, Philippe David, sur l'anatomie.
09:27Ça on le sait que pour lui, chez lui...
09:29Très belle planche anatomique.
09:31Vous allez vous perfectionner.
09:33Dans un instant, les amis, on va vous parler
09:35d'un autre secteur qui souffre, c'est le secteur
09:37du bâtiment. On en parle dans quelques instants,
09:39ce sera les vrais voix responsables. Merci Philippe,
09:41merci Françoise, merci Sébastien Ménard.
09:43Merci les amis, c'était un plaisir. Continuez à faire des jeux de mots.
09:45Vraiment, ça nous va bien autant.
09:47Vous progressez.
09:49Coupez-moi ce micro.