Trafic de drogues à Grenoble : «Un point de deal à Grenoble c'est 30.000 euros de chiffre d'affaires par jour» rappelle Eric Vaillant, procureur de Grenoble

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Vendredi, samedi et dimanche dans Europe 1 Soir Week-end, Pascale de La Tour du Pin reçoit un invité au cœur de l'actualité politique.
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00:00Allez, je voudrais qu'on parle, s'il vous plaît, un instant, qu'on revienne sur la situation à Grenoble, je l'évoquais tout à l'heure, pourquoi on a choisi de reparler de Grenoble,
00:06qui est régulièrement dans l'actualité, juste depuis le mois d'août, je ne sais pas combien de fois nous avons parlé de Grenoble.
00:14Donc là, ce matin, eh bien, il y a un jeune, armé d'une arme de guerre, qui tire en l'air, dans le marché, près du marché, qui est évidemment bondé, c'est dimanche matin,
00:23il est 10h, cette semaine, pardon, il y a deux jours, un fourgon blindé, qui attaquait en plein centre-ville, évidemment, la mort de cet agent municipal, au début du mois de septembre,
00:33et je ne vais citer que ces trois faits. J'avais tout à l'heure le procureur de Grenoble, qui était avec nous, et qui nous explique, évidemment, que la ville de Grenoble est gangrénée par le trafic de drogue,
00:44mais savez-vous combien rapporte ce trafic de drogue ? Les chiffres sont vertigineux.
00:50Ce n'est pas une vengeance contre la police ou la justice, je pense plutôt que c'est l'oeuvre des concurrents, qui voient que ceux qui tiennent le point de deal sont déstabilisés,
01:00et qui se disent qu'ils prendraient bien leur place, parce que c'est très, très rémunérateur. Un point de deal à Grenoble, quand ça marche vraiment bien, c'est 30 000 euros de chiffre d'affaires par jour.
01:10Ça fait pas loin de 11 millions d'euros par an, donc c'est des sommes qui sont astronomiques, et qui, évidemment, donnent catégorie au point de deal.
01:19On réagissait, chers auditeurs d'Europe 1, aux chiffres qui ont été donnés par le procureur de la République de Grenoble, Eric Vaillant, vous nous dites, oui, à Marseille, c'est 100 000, mais enfin, 30 000 ou 35 000 euros par jour !
01:33Bien sûr que c'est très impressionnant, mais c'est vrai qu'en comparaison de ce qui se passe déjà à Marseille, Grenoble passerait pour un petit lieu du trafic de drogue, mais déjà sur la bonne voie.
01:44Mais ça fait des années, quand même, que Grenoble est déjà au centre de l'actualité. On sait que, historiquement, ça a toujours été une plaque tournante de la drogue, mais on a franchi, ces dernières années, des caps supplémentaires.
01:58On ne voyait pas des fourgons pris d'assaut en plein jour, on ne voyait pas, sur les marchés, des fusillades. Ça, c'est vraiment quelque chose de nouveau et qui date de ces dernières années, avec une particularité propre à Grenoble.
02:13C'est-à-dire que les cités et les hauts lieux du trafic de drogue à Grenoble sont au cœur de la ville, sont à 5 minutes du centre-ville, à 5 minutes de la mairie.
02:24Ça rend extrêmement anxiogène le fait d'habiter dans un certain nombre de ces quartiers grenoblois.
02:32J'ai une pensée pour Éric Piolle, le maire de Grenoble.
02:36Mais il est peut-être un peu responsable, non ?
02:38Il a sa part de responsabilité.
02:40Il a sa part de responsabilité sur le trafic de drogue.
02:42Surtout, il a sa part de responsabilité à plusieurs niveaux. D'abord parce qu'il a arrêté le programme de vidéosurveillance qui était mis en place par son prédécesseur, Michel Destos, socialiste.
02:53Il a arrêté ce programme. Il n'a pas entretenu son parc de caméras de vidéosurveillance. Il a dit qu'il allait les revendre.
03:02Et il a expliqué longtemps que les problèmes de sécurité n'étaient pas des problèmes importants à Grenoble.
03:08Et que parler de sécurité, c'était de droite, voire d'extrême droite.
03:11J'aimerais qu'il soit un peu moins discret en ce moment, et qu'il explique quand même aux grenoblois, et puis un peu au-delà, ce qu'il compte faire dans une ville qui, comme le disait Raphaël, est devenue et sur la voie
03:23de rejoindre Marseille dans les villes les plus criminelles de France.
03:27Et vous savez quoi, Philippe Guibert ? La correspondante d'Europe 1, donc à Grenoble, l'envoyée spéciale, a eu du mal à recueillir des témoignages parce que les gens ont peur de parler.
03:36Mais c'est la trouille !
03:37En plein centre-ville de Grenoble.
03:39En plein centre-ville de Grenoble.
03:41Est-ce que vous vous rendez compte ? Les gens ont peur.
03:43Ça ne m'étonne pas parce que j'ai eu l'occasion ces dernières années de faire plusieurs reportages sur l'insécurité à Grenoble.
03:50C'était il y a 3-4 ans déjà, on parlait de Little Chicago, c'était les syndicats policiers qui eux-mêmes qualifiaient la ville de Grenoble de cette manière.
04:00Donc ça ne m'étonne pas qu'aujourd'hui les personnes hésitent à témoigner, et si elles le font, la plupart du temps elles le font à visage découvert, sous le couvert d'anonymat,
04:08parce que les questions de sécurité du quotidien sont telles qu'elles craignent pour leur vie.
04:19Parce qu'on a tendance à s'arrêter sur le trafic de drogue, sur ces gros trafics,
04:26mais la sécurité du quotidien à Grenoble a totalement aussi dérapé ces dernières années.
04:31C'est des arrachages de vols à la tire, c'est permanent,
04:39et donc pour la population grenobloise, ils ont vécu un tournant ces dernières années,
04:45et on ne peut pas absolument exonérer le maire Éric Piolle de toute responsabilité dans cette montée de la violence.
04:52D'autant plus s'il risque de prendre une balle perdue en plein centre-ville, ou dans des quartiers pas très éloignés du centre-ville.
04:58C'est plus qu'un sentiment d'insécurité, c'est-à-dire que là, ce n'est pas simplement le risque de se faire voler, c'est le risque de prendre une balle perdue.
05:04Non, c'est le risque de prendre une balle perdue.
05:06Et je voudrais aussi qu'on parle du profil de ces jeunes, puisque on va peut-être écouter ce que disait le procureur de Grenoble à propos de ces jeunes, très jeunes.
05:13Aujourd'hui, ce ne sont plus des jeunes, ce sont des très jeunes, ce sont des prépubères, 12 ans, 14 ans, qui prennent des armes de guerre.
05:19On l'a vu à Marseille.
05:21Exactement. Écoutez ce que disait le procureur de Grenoble à ce sujet.
05:24Des adolescents qui ne se rendent pas compte de ce qu'ils font, qui n'ont aucun sens des responsabilités, bien évidemment,
05:31et qui font ça comme un jeu, et quand on les arrête, qui disent « mais je ne voulais tuer personne », bien évidemment.
05:37Sauf que le risque qu'il tue quelqu'un est réel, et la preuve, il y a eu un mort il y a quelques semaines à Grenoble,
05:46un consommateur qui venait acheter sa drogue sur un point de deal, et qui a pris une balle perdue.
05:51Voilà, vous parlez des balles perdues.
05:52C'est évidemment quand même.
05:53C'est quand même incroyable.
05:55Je voudrais juste qu'on dise un mot de ces jeunes, parce que moi je suis sidéré.
05:58Tout à l'heure on avait Georges Fenech, ancien juge d'instruction, qui s'occupait des mineurs dans sa carrière, notamment à Lyon.
06:03Il disait « mais jamais ! Mais jamais je n'ai vu ça ! »
06:07C'est qui ces gamins qui n'ont pas de repères, évidemment ?
06:11C'est des gamins qui sont en échec scolaire, qui sont en total échec scolaire, qui n'ont pas d'encadrement familial,
06:18et qui trouvent dans le trafic de drogue un moyen de faire de l'argent facile, au risque de leur vie.
06:24Philippe Guivert, ça a toujours existé !
06:26Là on a passé un cran, suivez votre père, des enfants qui étaient paumés, qui n'avaient pas une famille structurée, qui n'allaient pas à l'école,
06:31ça a toujours existé !
06:32Mais la drogue a toujours suscité ça.
06:34Naples, il y a 10-15 ans, était exactement dans la même situation.
06:38C'était raconté dans un bouquin célèbre, Gomorra, qui expliquait que c'étaient des gamins de 13-15 ans qui s'entretuaient.
06:47On est en train de connaître ça en France.
06:49Et donc si on n'a pas une politique spécifique anti-mafia de la drogue, on ne va pas y arriver, parce que ça continuera.
06:55Parce que comme le disait votre procureur, enfin le procureur, monsieur le procureur, il y a tellement d'argent en jeu qu'ils ne vont pas s'arrêter.
07:03Raphaël Astinville, sur le profil de ces jeunes.
07:06Non mais c'est vrai que je pense que ça souligne le basculement, pas seulement de Grenoble ou de Marseille, mais de la France peut-être dans son ensemble,
07:16dans quelque chose qui est de l'ordre du narco-état.
07:20C'est-à-dire que ce ne sont pas seulement des villes aujourd'hui qui sont menacées, mais ce sont des structures qui aujourd'hui sont aussi puissantes
07:27quasiment que l'état français, avec des moyens quasi illimités qui font vivre des familles.
07:35Et à qui on ne dit rien.
07:37Non, en tout cas aujourd'hui, on est totalement impuissant.
07:40J'ai déjà eu l'occasion de le rappeler, mais l'appel des magistrats lorsqu'ils étaient auditionnés par la commission d'enquête sénatoriale des magistrats marseillais
07:51qui expliquait que cette guerre, on était en train de la perdre, que la puissance financière de ces narcotrafiquants était telle qu'aujourd'hui ils avaient les moyens de sous-doyer
08:02à la fois des gardiens de prison, et même si on en est encore au tout début en France, mais c'est déjà le cas.
08:08C'est-à-dire que c'est vraiment une nouveauté.
08:10On est en train, année après année, de monter des échelons et là où il était exagéré de dire que la France était en train de ressembler
08:19à l'Amérique du Sud, au Mexique, c'est progressivement en train de s'installer.
08:26Ce sont les mêmes codes, les mêmes gangs, les mêmes habitudes de groupes qui font que ces gamins sont embrigadés très jeunes.
08:34Vu l'argent qui circule, il est bien évident que le risque de corruption d'agents publics ou privés, gardiens des institutions, augmente, voire des élus locaux.
08:44À un moment donné, ça va nous tomber dessus.
08:46Parce que les moyens sont tellement considérables, les moyens financiers de ces trafiquants sont tellement considérables que c'est presque inéluctable
08:53si on ne met pas des coups d'arrêt très très rapidement.
08:56C'est quoi mettre des coups d'arrêt, Philippe Guibert ?
08:58On attend les moyens.
09:00On attend les moyens.
09:02On avait un débat très intéressant il y a une semaine sur les mots de M. Retailleau sur l'état de droit.
09:08Je pense que c'est un domaine, la lutte anti-drogue, où on pourrait faire évoluer l'état de droit.
09:13Et prendre modèle sur, non mais pour une raison très simple, prendre modèle sur ce qui a été fait en Sicile, qui est un des rares succès.
09:20Pourtant d'un état, l'Italie, qui est moins puissant, a priori, que l'état en France.
09:25Mais qui a mis en place une politique de repentis, de présomption de culpabilité, qui a mis des très gros moyens en place pour, il y a 30 ans, venir à bout de la violence de Cosa Nostra.
09:36Ils n'ont pas supprimé Cosa Nostra, mais Cosa Nostra est beaucoup moins violent aujourd'hui.
09:40Et la Sicile est redevenue vivable.
09:42Donc il y a un moment où il faudra qu'on en vienne à des choses comme ça, sans quoi il faudra envoyer l'armée à un moment.
09:48Et Philippe Guillet a évoqué la possibilité de créer un parquet spécial.
09:53C'était dans les projets d'ailleurs d'Eric Dupond-Moreno et qui avaient été annoncés.
09:58Je pense qu'il est effectivement urgent de mettre le paquet sur cette question du narcotrafic.
10:04Et je m'étonne même que les partis politiques aujourd'hui soient très en retrait.
10:09Et n'aient pas fait de cette question de la drogue et des trafics et des moyens illimités qui sont alloués finalement à ces narcotrafiquants,
10:20un sujet et une priorité pour nombre d'entre eux.
10:23Ça devrait être une cause nationale consensuelle.
10:27Consensuelle, oui.
10:28Ah oui, parce que si on n'est pas d'accord pour lutter contre les trafics de drogue, c'est pas la peine si j'ose dire.
10:33Les partis seraient-ils capables de se mettre...
10:35Et bien ce n'est pas évident, figurez-vous, parce que...
10:38Non mais ce n'est pas évident parce que nombre d'entre eux pensent que la solution, c'est de dépénaliser un certain nombre de drogues.
10:48Ils le disent de moins en moins fort.
10:50Mais ils le disent quand même, ils continuent à le soutenir.
10:52Et quand on voit l'exemple des Pays-Bas, l'exemple belge, on aurait tort de penser que c'est la voie à privilégier.
11:01Aujourd'hui, la Belgique et les Pays-Bas sont des états qui sont quasiment des narco-états,
11:07avec des ministres qui sont menacés quotidiennement par les trafiquants.
11:11On ne va pas souhaiter ça chez nous, moi j'allais voir la comète je crois.
11:15En Seine-et-Marne.
11:17En Seine-et-Marne, en Seine-et-Marne.
11:18Merci beaucoup en tout cas Raphaël Stainville, directeur adjoint de la rédaction du JDD, Philippe Guibert, journaliste, politique, chroniqueur politique d'avoir été avec nous.
11:25Il est 20h58 là, météo, Anthony Kazmarek.

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