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Manuel Valls, ancien Premier ministre et ancien ministre de l’Intérieur, répond aux questions de Romain Desarbres au sujet de l'explosion du déficit budgétaire, d'une augmentation des impôts de 20 milliards d'euros, du projet de loi immigration, de l'insécurité et de la réaction d'Israël.

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00:008h13, bienvenue à tous, c'est la grande interview avec ce matin Manuel Valls.
00:12Bonjour Manuel Valls.
00:13Bonjour.
00:14Merci d'être avec nous, ancien Premier ministre, évidemment, et ancien ministre de l'Intérieur.
00:18On va parler des questions d'immigration, on va parler des questions de sécurité,
00:20on va parler du budget.
00:21Évidemment, c'est parti pour l'examen du budget à l'Assemblée Nationale.
00:25Un budget qui prévoit 60 milliards d'efforts budgétaires, sans effort, le déficit exploserait
00:32encore un peu plus en France.
00:33À cause de qui la France se retrouve-t-elle dans cette situation ?
00:37C'est la vraie question, et au fond la question c'est de savoir comment a pu-t-on en arriver
00:42là.
00:43Il y aura des commissions d'enquête de l'Assemblée Nationale et du Sénat, je ne suis pas là
00:48pour dresser des budgets, désigner des poteaux, mais je suis là pour essayer de comprendre
00:57ce qui s'est véritablement passé.
00:58Vous avez été Premier ministre, vous connaissez parfaitement les arcanes de l'État, vous
01:03avez une idée de ce qui a pu se passer ? C'est une simple erreur, c'est de l'incompétence
01:07de Bercy qui n'a pas prévu ?
01:08Il peut toujours y avoir, non seulement des erreurs, mais des changements de prévision,
01:14les rentrées des recettes de la TVA ou de l'impôt sur les sociétés sont moindres,
01:21donc il faut rectifier.
01:22Mais le Premier ministre, le ministre des Finances et du Budget, le président de la
01:29République, bref, l'exécutif a tous les moyens au quotidien pour comprendre comment
01:35les choses peuvent se passer entre la Banque de France, la Cour des comptes, l'INSEE,
01:41évidemment la direction du Trésor, celle du Budget, vous avez tous les éléments pour
01:48suivre, contrôler les dérapages.
01:51Or cela vient sans aucun doute de loin, avec des rentrées fiscales moindres et des dépenses
01:57avec le quoi qu'il en coûte qui n'ont pas cessé d'augmenter.
02:00Donc si je vous suis, tout le monde le savait ?
02:02On le sait puisque j'ai vu beaucoup d'articles, je ne suis pas parlementaire, je ne suis pas
02:07au gouvernement, je ne suis pas informé sinon, et c'est déjà très bien, par la presse.
02:11Et donc il y a plusieurs notes, il y a déjà un an, qui avisaient des dérapages possibles.
02:19Donc au-delà de ce constat, la question est de savoir comment on fait pour faire face
02:24à ce dérapage qui est lourd et qui est grave, qui est sans équivalent dans notre histoire
02:30budgétaire, même si nous vivons depuis des années avec des déficits et de la dette,
02:35mais pas à ce niveau-là.
02:36Quand nous avons quitté le pouvoir en 2017, le déficit était à moins de 3%.
02:42Il faut toujours le rappeler.
02:4460 milliards d'efforts budgétaires, 20 milliards de hausses d'impôts, 40 milliards de dépenses
02:49publiques en moins, de réduction des dépenses publiques.
02:51Certains proposent de vendre une partie des bijoux de famille, comme on dit, des participations
02:55de l'État dans des grandes entreprises, Orange, La Française des Jeux.
02:59Qu'est-ce que vous en pensez ?
03:00Moi, n'étant pas parlementaire, je viens de le dire, ce qui m'intéresse, c'est le
03:05moyen et long terme, parce que de toute façon, pour faire bouger le Tanquer France, le budget,
03:12il faut du temps.
03:13Évidemment, je dirais que le ratio entre la baisse de la dépense publique et l'augmentation
03:21des impôts, en soi, me paraît assez juste.
03:23Deux tiers concernant les dépenses publiques, un tiers concernant la fiscalité.
03:27Mais nous savons tous que pour faire baisser les dépenses publiques, pour réformer l'État,
03:31il faut du temps, sachant que nous avons des priorités, la défense, la justice, la sécurité
03:38dans un monde difficile et incertain, la recherche et l'innovation, l'école, parce que nous
03:44savons de toute façon, c'est un budget particulièrement lourd et important.
03:48Donc, la proposition, par exemple, de vendre des parts que l'État détient dans un certain
03:53nombre de sociétés pour nous aider, non pas à baisser le déficit, mais à désendetter
03:59le pays, cela me semble une bonne proposition.
04:01Il faut savoir où, comment, mais les trois parlementaires de l'ancienne majorité qui
04:06ont fait ces propositions, elles me paraissent intéressantes.
04:11Mais plus largement, comment on fait en sorte que...
04:14Parce que je crois que nos compatriotes ont peur.
04:18Les commerçants, les entrepreneurs, les...
04:21Cela n'incite pas à dépenser.
04:22Les Français, tout simplement.
04:23Oui, parce que l'effet, même si le gouvernement s'en défend, c'est un risque, bien sûr,
04:29de récession.
04:31L'austérité, la rigueur, prenez le mot que vous voulez, peut provoquer de la récession
04:36et ralentir donc davantage la croissance.
04:38Et si vous avez moins de croissance, vous avez moins d'activité et donc aussi vous
04:42avez moins de recettes fiscales.
04:44Donc moi, ce que j'attends aussi, même si je sais que la situation pour le Premier ministre
04:48actuel est particulièrement difficile, c'est aussi en matière de dépense et de fiscalité,
04:54une certaine vision.
04:55Je pense qu'on s'interdit des propositions, par exemple, intéressantes.
04:59Je pense, par exemple, à l'utilisation de la TVA.
05:02Je sais que ce n'est pas très populaire parce que c'est considéré souvent comme injuste
05:07parce que la part du revenu consommé est plus importante dans les ménages les plus
05:12modestes.
05:13Mais on peut jouer en augmentant la TVA, mais aussi en ne touchant pas aux produits de première
05:16nécessité.
05:17C'est-à-dire ? Mais alors, vous augmenteriez la TVA sur quels produits ? Elle est déjà
05:21à 20 %, la TVA.
05:22Vous l'augmentez à combien sur quels produits ?
05:23On peut l'augmenter d'un ou deux points en préservant les produits de première nécessité.
05:28C'est un exemple précis de produits sur lequel vous parlez.
05:30C'est tout ce qui est les produits de première nécessité dans l'alimentaire, dans la vie
05:35quotidienne de nos concitoyens.
05:38Vous augmenteriez la TVA pour ces produits-là ?
05:39Non, pour tous les autres.
05:41Et ceux-là sont préservés.
05:43Les produits de première nécessité ne sont pas concernés.
05:45Donc, une augmentation de la TVA.
05:46Une augmentation de la TVA.
05:48Mais on peut aller plus loin, avoir une réflexion.
05:51Ça a déjà été fait par Nicolas Sarkozy.
05:53Je l'avais proposé en son temps.
05:55Je crois que Dominique Strauss-Kahn aussi, qu'il y ait l'utilisation de ce qu'on appelle
05:58la TVA sociale.
05:59C'est-à-dire qu'on baisse les cotisations assises sur les salaires, donc c'est bon aussi
06:04pour l'économie, et on augmente la TVA, je viens de le dire, et on l'affecte au financement
06:10de la protection sociale, parce que dans les déficits que nous connaissons, c'est notamment
06:16dans l'assurance maladie, dans la sécurité sociale, pour ce qui concerne le régime des
06:21retraites, que nous avons les déficits les plus lourds et les plus structurés dans le
06:26temps.
06:27En prenant cet exemple, je veux dire tout simplement, je crois qu'il faut, au lieu de passer le
06:31rabot partout, de participer au concours l'épine, comme l'a dit Michel Barnier, il faut avoir
06:37une stratégie, parce que nous n'en sortirons pas uniquement à travers ce budget.
06:42L'effort qui va être demandé aux Français et aux entreprises va être long et difficile.
06:48Premier ministre Manuel Valls, je suis confus de vous le dire, mais les idées pour augmenter
06:54les impôts ne manquent pas, ce qui manque c'est les idées pour réduire les dépenses
06:58publiques, là vous défendez une augmentation de la TVA.
07:01Oui, parce que baisser la dépense publique, je suis favorable, mais j'attends qu'on me
07:06dise où, dans quel secteur précis.
07:09C'est impossible de baisser la dépense publique ou de réduire drastiquement le nombre de
07:14fonctionnaires comme l'avait fait Nicolas Sarkozy.
07:15Il faut le faire, mais il l'avait fait par exemple en touchant à la police et à la
07:20justice, et ça lui a été très justement reproché, et d'ailleurs quand nous sommes
07:24arrivés au pouvoir en 2012, il avait remis des policiers et des juges, oui, mais après
07:32on peut faire des réformes concernant le temps de travail des fonctionnaires, davantage
07:37décentraliser, en finir avec les doublons, mais j'attends aussi un langage de vérité.
07:43Par exemple, les mêmes qui aujourd'hui s'opposent à la diminution de la dépense
07:49publique, sont les mêmes qui s'opposent aussi à la nécessité de réformer notre
07:54régime des retraites, parce qu'il y a l'espérance de vie et parce qu'il y a aussi
07:57le déficit dans ce domaine-là.
08:00Donc, il faut aussi dire la vérité aux Français, on ne peut pas revenir sur la
08:03réforme des retraites, même si en fois on corrigeait les éléments injustes, et moi
08:07j'étais favorable d'abord à la retraite par points que proposait notamment la CFDT,
08:11mais là aussi, il faudra travailler davantage, plus longtemps, en intégrant encore une
08:17fois la pénibilité, les carrières hachées, la problématique des femmes, mais en tout
08:21et à tout...
08:22On ne travaille pas assez en France, Manuel Valls.
08:23Il faudra travailler davantage, il faut plus de productivité, vous n'avez pas mauvaise
08:27la productivité dans notre pays, mais l'idée qu'on travaillerait moins est à rebours
08:31de tout ce qui se passe dans le monde et ce dont nous avons besoin.
08:34Et enfin, si nous pensons que nous avons deux grands problèmes à moyen et long terme,
08:39celui de la démographie, nous devons faire plus d'enfants pour dire les choses simplement,
08:44et celui du vieillissement de la population avec un déséquilibre entre actif et inactif,
08:49qui va nous poser là aussi des problèmes de financement en plus de problèmes lourds
08:52de société, c'est-à-dire que ces questions-là, il faut les penser dans le temps, sinon on
08:56agit, le gouvernement n'a pas le choix, dans l'urgence, et quand on agit dans l'urgence,
09:01c'est injuste et ça fait mal.
09:02L'immigration, le projet de loi immigration, Jordan Bardella, qui était à votre place
09:06hier, demande qu'il y ait de vrais changements, il va y avoir une nouvelle loi immigration,
09:11il demande la fin du droit du sol, la fin du regroupement familial.
09:16On a le sentiment, ceci dit, vous allez nous dire votre sentiment à vous, mais que les
09:20lois s'accumulent et qu'aucune ne prend le taureau par les cornes et en réalité,
09:26n'aboutit à une véritable réduction de l'immigration.
09:29Sur ce même plateau, j'ai souvent dit qu'il fallait un changement, une rupture,
09:33vous prenez le mot que vous voulez en matière de politique d'immigration et que toutes
09:36les politiques d'immigration qui ont été menées depuis une quarantaine d'années,
09:39même si certaines ont donné des résultats, ces politiques d'immigration doivent connaître
09:46un changement.
09:47Une rupture, un changement, ça veut dire une immigration réduite, une réduction de l'immigration.
09:53Avec un vrai débat, a-t-on besoin davantage d'immigration aujourd'hui ? Non.
09:57Faut-il mener cette politique au seul niveau national ? Non, il faut le faire au niveau
10:02national, mais d'abord au niveau européen.
10:04Il y a une conjonction aujourd'hui, me semble-t-il, des discours et de l'action qui est en train
10:09de se faire, et c'est une bonne chose, au niveau européen avec la renégociation de
10:13ce qu'on appelle la directive retour et ce que souhaite faire le gouvernement dans notre
10:19pays.
10:20Donc il faut des changements pour réduire l'immigration illégale d'abord, choisir
10:24davantage notre immigration, alors je sais qu'il faut des changements de la Constitution,
10:29donc ce n'est pas facile si on veut une politique de quota, et donner la priorité
10:34avant tout à l'assimilation, parce que je pense qu'il faut d'abord s'occuper de ceux
10:39qui sont sur notre sol.
10:40Alors justement, Othmane Nassrou, qui est secrétaire d'État chargé de la Citoyenneté,
10:44veut rehausser les critères de maîtrise de la langue française et d'acceptation des
10:48valeurs républicaines exigées pour s'installer en France.
10:51Actuellement, il faut assister à des cours de français et non pas maîtriser le français.
10:56En clair, un test, est-ce qu'on est trop laxiste sur ces questions aujourd'hui ? Est-ce
11:01qu'il va dans la bonne direction ?
11:02Je pense que l'apprentissage de la langue, des valeurs communes, la laïcité, l'égalité
11:08entre les femmes et les hommes, le respect de notre culture, de notre histoire, oui,
11:14ça doit être une obligation, bien sûr, bien sûr ! Moi, j'ai appris à être français.
11:18Je l'ai souvent dit, je suis né à l'étranger, j'étais naturalisé français quand j'avais
11:2420 ans, j'ai appris à devenir français, à aimer ce pays.
11:27Donc, j'y reviens, le secrétaire d'État, le ministre délégué, le dit très bien
11:31dans son entretien, l'assimilation, ça fait partie de notre histoire et donc, il
11:37faut l'imposer, il faut l'intégrer dans la manière dont nos politiques publiques
11:41sont menées pour que nous ayons de nouveau cette capacité à partager ensemble un destin
11:47commun.
11:48Manuel Valls, ancien Premier ministre, ancien ministre de l'Intérieur, invité de la
11:52grande interview CNews Europe 1 ce matin, je voulais parler également de l'activité
11:56internationale avec vous, Manuel Valls.
11:58Le leader du Hamas, Yahya Sinwar, a été tué.
12:01Benjamin Netanyahou dit que c'est le début de la fin de la guerre à Gaza, comment est-ce
12:05que vous analysez la situation en Israël actuellement ?
12:07Moi, je pense qu'Israël est en train de gagner cette guerre, contrairement à ce que
12:12beaucoup avaient dit il y a un an.
12:15La guerre contre le Hamas ?
12:16La guerre contre le Hamas, c'est difficile, parce qu'il y a évidemment les drames provoqués
12:20par la guerre, il y a des milliers de morts civiles, des femmes, des enfants, des personnes
12:25âgées, il y a des réfugiés, il y a une souffrance, bien sûr, des populations civiles
12:29palestiniennes.
12:30Mais Israël mène une guerre qui est légitime, Israël a le droit et le devoir de se protéger,
12:36évidemment de ramener les otages à la maison et d'en finir avec une organisation terroriste,
12:43le Hamas.
12:44Et c'est la condition préalable pour toute paix, pour toute solution politique, dont
12:49le travail doit être mené jusqu'au bout, en éradiquant l'appareil militaire et terroriste
12:56du Hamas.
12:57De ce point de vue-là, j'espère qu'Israël y arrivera le plus tôt possible, et incontestablement,
13:02ces derniers jours, ces dernières semaines, des progrès ont été accomplis dans ce sens.
13:05Mais nous savons que c'est une guerre globale, qu'il y a la guerre au nord aussi, face
13:09au Hezbollah, et que derrière, il y a l'Iran qui, demain, peut avoir la bombe atomique.
13:12Donc nous sommes dans un de ces moments difficiles, et les dirigeants occidentaux doivent comprendre
13:17qu'Israël est en première ligne face à l'islamisme, et que s'y joue aussi, d'une
13:20certaine manière, notre destin.
13:21Comment qualifieriez-vous la position d'Emmanuel Macron vis-à-vis d'Israël ?
13:26Emmanuel Macron, qu'on a parfois du mal à suivre sur cette question.
13:29Incompréhensible, j'ai dit d'une certaine manière, mon incompréhension, mon indignation
13:35même vis-à-vis de certaines prises de position du Président de la République.
13:39Ça va, je n'assiste pas à une manifestation pour la République et contre l'antisémitisme
13:43parce que je ne veux pas diviser les Français, on ne divise pas sur la question cruciale
13:47de la lutte contre la haine des juifs.
13:50Le fait qu'on ne livrerait pas d'armes à Israël, on n'en livre pas, alors que ce
13:56pays ami, allié et démocratique est en première ligne, je viens de vous le dire, sur plusieurs
14:02fronts, face au terrorisme islamique.
14:05Des déclarations rapportées, je le sais bien, du conseil des ministres qui prouvent
14:10une incompréhension, je crois, sur l'histoire du sionisme d'Israël et la sensibilité
14:16dans le monde juif aujourd'hui.
14:17Beaucoup de Français aujourd'hui ne comprennent pas ces prises de position, ce zigzag permanent.
14:23Et c'est dommage parce que du coup, la France ne peut pas y avoir d'équidistance entre
14:28d'un côté le Hezbollah et le Hamas, des organisations terroristes qui ont tué des
14:33Français, et Israël qui est un pays démocratique et allié.
14:36On peut toujours critiquer un gouvernement, mais les Israéliens le font très bien puisque
14:40c'est une démocratie.
14:41Et nous devons être impeccables dans le soutien à Israël, et par exemple, je suis indigné
14:45qu'on interdise à Israël de présenter ses armes dans des salons militaires, hier
14:51à Satori, demain dans un salon naval, c'est incompréhensible, ça brouille notre parole
14:56et ça faiblit la France.
14:57Manuel Valls était l'invité de la grande interview CNews Europe 1, merci beaucoup d'être
15:01venu ce matin sur le plateau de CNews et d'Europe 1, bonne journée à vous.

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