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Avec Randall Schwerdorffer, avocat pénaliste, auteur de "La loi, juste la loi, pas la morale" (Editions Hugo Doc)

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##LA_VERITE_EN_FACE-2024-10-24##

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Transcription
00:00Mon invité qui est Randall Schwertdorfer, bonjour, vous avez co-écrit un livre, La Loi, juste la loi, pas la morale, c'est aux éditions Hugo Doc.
00:13C'est intéressant parce que, bon, on va revenir je disais sur le procès Pellicot, mais sur un tas d'affaires, d'où vous est venue l'idée de ce livre ?
00:21C'est-à-dire que vous avez l'impression que finalement la justice est rendue davantage dans les médias que dans les tribunaux, c'est ça en quelque sorte ?
00:29En partie. Pour moi, ça m'évoque immédiatement l'affaire Gérard Depardieu, qui est très souvent pointé du doigt comme étant déjà un pré-coupable.
00:38Ça m'évoque aussi, et c'est pour ça que j'ai choisi ce titre, tous les courants moraux qu'on a dans la société.
00:46Faut pas confondre la loi et la morale, pourquoi ? Parce que la morale, il y a des morales en France, et que certaines morales sont totalement contraires à la loi.
00:56Je prends le cas du jeune Sam Selim qui a été tué, au nom d'une certaine morale, certains ont pensé qu'ils avaient le droit de le tuer parce qu'il avait des relations sexuelles, ou des relations amoureuses avec leur sœur.
01:08Ça c'est une morale. La loi elle est très claire, elle est la même pour tous. Les morales, il y a différentes morales, certaines morales sont très dangereuses, certaines morales sont très toxiques,
01:17et sont fluctuantes, alors que la loi, elle est toujours la même pour tous, elle ne change pas.
01:22— Certains disent parfois que la loi, elle est un peu trop compliquée ou trop déconnectée aujourd'hui de ce que l'on vit dans notre société. Vrai ou pas ?
01:31— Alors, ça peut arriver. C'est pour ça qu'on a une Assemblée nationale, c'est pour ça que les lois peuvent évoluer, c'est pour ça que nos députés doivent voter des lois qui sont en cohérence par rapport aux attentes des citoyens.
01:41Et je pense que c'est plutôt nos députés qui sont parfois très déconnectés de la réalité de nos citoyens. Vous parliez des trafics de stupéfiants, des points de deal, de l'impossibilité.
01:51Certains de nos citoyens même ont laissé sortir leurs enfants dans les quartiers. Je vous rappelle que Nicolas Sarkozy, par exemple, avait sorti une loi pour interdire le squat dans les cages d'escalier, par exemple, des immeubles.
02:01— Oui, c'est vrai. — Mais c'était adapté à la situation au moment. En fait, il faut des lois qui sont du concret, du réel, qui changent la vie des citoyens et qui les améliorent.
02:09— Alors est-ce que les lois et la loi peuvent évoluer aussi à travers des affaires et des procès ? Je pense au procès actuel des viols de Mazan. Gisèle Pellicot, la victime, elle dit qu'elle veut à travers ce procès son témoignage, bien sûr, et tout ce qu'elle a vécu.
02:25C'est un procès hors normes, quand même, qu'elle veut changer la société. — Alors la difficulté, c'est qu'il est très spécifique, le procès de Gisèle Pellicot.
02:34C'est-à-dire que c'est le procès de la soumission chimique. Elle a été victime de soumission chimique de la part à l'initiative de son mari, n'importe qui quand même, pendant des années et des années.
02:46Et c'est le jugement des procédés de M. Pellicot. Or, ce sont... — M. Pellicot, et puis aussi de complices.
02:56— De complices qui sont ceux qui avaient conscience qu'elle était en état de soumission chimique. Je vous précise quand même que certaines personnes qui sont mises en cause dans ce dossier
03:04estiment que pour eux, c'était un jeu sexuel et qu'il s'agissait en réalité d'un jeu sexuel dans lequel ils n'avaient pas conscience que Mme Pellicot était en état de soumission chimique.
03:16C'est la défense de certaines personnes. Le dossier est compliqué. Et c'est très difficile de rentrer dans le détail.
03:24Mais pour eux... — Voilà, oui. Attendez. Non mais il y avait quand même... En fait, c'était un viol. Donc ils voient la personne qui est devant eux, quoi. C'est pas non plus...
03:34— Moi, j'ai eu accès à ces images, j'ai eu accès à ces vidéos. Il y a des moments qui sont équivoques et qui font l'objet d'ailleurs de beaucoup de discussions devant la cour d'assises,
03:46tendues même parfois. On se rappelle qu'il y a eu quand même un certain nombre de clashs entre la défense, l'accusation et les partis civils, parce qu'ils pointaient du doigt
03:54un certain nombre d'enregistrements vidéo, un certain nombre de photos sur lesquelles certains accusés disent « Mais moi, je suis de bonne foi. Pour moi, c'était un jeu sexuel.
04:02Je n'avais pas pour moi une personne en état de soumission chimique. J'avais pour moi une personne qui participait à un jeu sexuel ». C'est une des discussions du procès.
04:10Certaines personnes disent clairement qu'ils se sont rendus compte, eux, par contre, qu'elle était en état de soumission chimique et qu'ils en ont profité. Et là, effectivement, il n'y a pas de consentement.
04:18On est dans le viol et ça ne pose pas de difficulté. Mais tous les cas ne sont pas les mêmes. Il est compliqué, ce dossier de Mazan. Il est très intéressant.
04:26Il est très complexe aussi, parce que toutes les positions des accusés ne sont pas les mêmes.
04:31– « Tout n'a pas émergé », vous voulez dire, encore des débats, peut-être ? – C'est en cours.
04:36– Alors vous, je précise, vous avez eu accès, pourquoi ? Parce que vous êtes avocat ?
04:42– J'ai été choisi par une personne qui est impliquée, mise en cause dans le dossier, mais je n'ai pas pu intervenir pour cette personne,
04:52dans les délais dans lesquels j'ai été choisi, ça ne me permettait pas de m'organiser pour assister à un procès de 4 mois. C'était impossible.
04:58On verra par la suite, mon intervention est réservée pour cette personne, on verra par la suite ce qui se passera et la décision qui sera prise par la Cour d'assises d'Avignon.
05:08Mais c'est un procès que je connais, j'ai regardé, et je vous le dis, c'est un procès qui est plus complexe que la présentation très linéaire
05:15qui en est faite parfois par certains journalistes qui éludent les difficultés de ce procès.
05:21– Mais Gisèle Pellicot, elle s'exprime, elle raconte, et puis il y a quand même les vidéos, ce que vous avez dit.
05:27– Il y a des vidéos qui sont plus ambiguës, c'est ce que vous dites.
05:31– En tout cas, il y a des vidéos qui prêtent à interprétation, ça a été la difficulté pendant le procès de Mazan à certains moments,
05:39c'est pour ça qu'à des moments ça a été public, ensuite ça n'a plus été public, c'était à huis clos.
05:43Certains avocats sont montés au créneau, avocats de la défense, sur ces vidéos, ont même malmené Gisèle Pellicot sur un certain nombre de vidéos.
05:51Il y a une vraie discussion, il faut accepter qu'il y ait une discussion dans un procès, et puis ensuite il y a une décision.
05:57Si les avocats de la défense ne peuvent pas critiquer, ne peuvent pas contester, ne peuvent pas remettre en cause,
06:04ils ne peuvent pas faire leur travail, il n'y a pas de procès.
06:07Pour qu'il y ait un procès équitable, il faut qu'il y ait un procès contradictoire, et après il y a une vérité judiciaire.
06:11Et nous, avocats, même si on se bat parfois contre l'accusation, on est capables d'accepter la vérité judiciaire.
06:16Donc il y a des discussions, il y a des faits parfaitement reconnus, puis il y a des faits qui sont contestés.
06:21Ça n'enlève rien à la qualité de victime de Mme Pellicot, pas du tout.
06:28Et au fait qu'elle dit qu'elle veut changer la société, ça ramène quand même justement un peu à votre livre, La loi, juste la loi, pas la morale.
06:37Elle a changé il y a très longtemps la société. La société, elle a changé déjà au début des années 2000.
06:44Le patriarcat, ça fait très longtemps qu'on a quitté la société du patriarcat.
06:48Vous êtes sûr ? Dans tous les milieux, dans tous les secteurs ?
06:51J'en suis pas sûr, j'en suis certain. Et je vais vous dire pourquoi.
06:55On est par exemple à deux doigts d'être gouverné par une femme.
06:58Il ne vous a pas échappé que les plus hautes responsabilités au niveau de l'État sont exercées par les femmes.
07:02À l'intérieur des cellules familiales, il peut toujours y avoir du patriarcat.
07:06Attention, le patriarcat, le problème de la France, c'est que c'est un pays aujourd'hui multiethnique.
07:12Et que je pense que pour ceux qui ont les valeurs de la République chevillées au corps,
07:19qui ont été construits par l'école de la République, construits sur des valeurs républicaines et démocratiques,
07:24il y a eu un changement profond de la place de la femme, y compris au sein du foyer,
07:28dans les sociétés, dans la politique, dans la fonction publique, partout, dans n'importe quelle société.
07:34Après, il y a aussi eu l'effet MeToo 2017.
07:38Alors ça, oui, vous y revenez beaucoup dans votre livre.
07:40J'y reviens parce que là, on est dans les excès.
07:42Mais l'effet bénéfique, par exemple, c'est qu'effectivement, les femmes sont traitées comme des hommes comme les autres.
07:46Oui.
07:47Moi, ça me bat très bien d'avoir des collègues femmes que je considère comme des hommes.
07:51Non mais vous, vous allez plus loin, vous dites qu'il y a du sexisme judiciaire, mais dans l'autre sens.
07:56C'est-à-dire plus en faveur des femmes que des hommes.
07:58Moi, je trouve qu'on est plus dans une société matriarcale aujourd'hui que dans une société patriarcale.
08:04Je sais qu'on n'a pas le droit de dire ça.
08:06C'est pour ça que je dis.
08:08Oui, parce qu'il y en a certains qui vont vous dire le contraire à travers des affaires, la justice, etc.
08:14Pourquoi vous dites ça ?
08:16Parce que MeToo a réussi ce tour de force de faire de la parole de la femme une parole en termes de qualité et en termes de preuve supérieure à la parole d'un homme.
08:28Est-ce que c'est ça ou est-ce que c'est parce que...
08:30Premièrement.
08:31Parce qu'un peu comme pour la parole des enfants, on ne croyait pas en fait aussi certaines choses.
08:35Oui, mais vous...
08:36Et on n'osait pas parler.
08:37Alors vous vous rendez compte que la parole des enfants, effectivement, il y a eu...
08:39Non mais je...
08:40Il y a eu une période, et vous avez raison, il y a eu une période où on ne croyait pas les enfants, on ne les écoutait pas.
08:44Et on peut parder des années 70-80.
08:47Il y a eu une période où on a pris en compte cette parole de l'enfant, les années 90, et puis il y a eu une période où on a, de façon complètement délirante,
08:56on est rentré dans la croyance absolue de ce que disait un enfant.
09:00J'écoutais hier Ségolène Royal qui disait, mais je suis très fier de moi, parce que moi je disais, dès qu'un enfant accuse, il faut le croire.
09:05Ça c'est une barbarie.
09:06Oui.
09:07Non, dès qu'un enfant accuse, il ne faut pas le croire.
09:08Il faut l'écouter.
09:09Oui.
09:10Il faut faire une enquête.
09:11Il faut faire des investigations.
09:13Prendre en compte, quoi.
09:14Il faut prendre en compte.
09:15Ce n'est pas pareil que croire.
09:17Or, aujourd'hui, pour la parole d'une femme, le tour de force de MeToo, c'est qu'on doit la croire.
09:21Et on nous dit sur certains plateaux, quand une femme accuse, il faut la croire.
09:24Et on ne peut pas remettre en cause sa parole.
09:26Et c'est ça que je dénonce devant certains tribunaux, qui ne condamnent que sur la simple parole.
09:30Et c'est très dangereux.
09:31C'est ce qui s'est passé dans Outreau.
09:33On a dit, oulala, en 2002, on arrête.
09:35Parce qu'on a fait, c'est une catastrophe judiciaire de croire la parole.
09:39Les juges et les tribunaux sont payés pour savoir, pas pour croire.
09:43Et c'est une différence profonde.
09:45C'est ça que je dénonce.
09:46C'est-à-dire, je dénonce l'absence de nuance.
09:49Je dénonce l'hystérie.
09:52Dès qu'une femme accuse, regardez l'affaire Mbappé.
09:54Il n'y a pas d'affaire Mbappé.
09:56Il y a une femme qui peut accuser, pourquoi pas qu'il y ait un Mbappé.
09:59Ça peut arriver à n'importe qui d'être accusé.
10:01Ça ne fait pas de vous un coupable pour autant.
10:03Eh bien, dès qu'il y a une accusation aujourd'hui qui est portée, regardez Gérard Depardieu,
10:08il ne peut même pas se défendre.
10:10Il est accablé de tous les côtés.
10:11Tout le monde s'autorise la violation de sa présomption d'innocence.
10:14Il faudrait peut-être attendre son procès.
10:16Parce que je vous rappelle quand même que ce footballeur, M. Mendy,
10:19qui était accusé par sept femmes, six de viol et une d'agression sexuelle,
10:23tout le monde disait, il n'y a pas de fumée sans feu,
10:25si elles sont sept, c'est que c'est forcément vrai.
10:27Il a été acquitté, relaxé de tout.
10:30Il était innocent.
10:31Il faut être capable de l'entendre.
10:32— Mais pour revenir à ce que vous disiez,
10:33c'est-à-dire que ce qui a peut-être changé à travers le mouvement MeToo,
10:37comme à travers des témoignages et des procès
10:39comme celui de Gisèle Pellicot aujourd'hui,
10:41c'est que des femmes ou des victimes,
10:44ça peut être des femmes, mais ça peut être parfois aussi peut-être des hommes,
10:47même si c'est quand même un peu moins peut-être des hommes, c'est vrai,
10:50n'osaient pas parler en fait de leurs affaires.
10:52En se disant, on doit régler ça en famille,
10:54ou je n'en parle pas parce que je vais être menacé, etc.
10:57Vous êtes un habitué des prétoires, de la justice,
11:02vous le voyez en fait aujourd'hui, non ?
11:04C'est pas vrai.
11:05Ça, c'est une idée qu'on essaye de nous mettre dans la tête.
11:07Moi, j'ai prêté serment en 2001.
11:09Je peux vous assurer que des affaires de viol,
11:11d'agression sexuelle sur des femmes,
11:13dans tous les milieux,
11:14mais qu'est-ce que j'en ai vu en 2002, 2003, 2004 ?
11:17Le nombre de procès qu'on a eus.
11:19Je pense que les professionnels de la justice
11:22qui écoutent ce discours-là,
11:23qui est souvent le discours des politiques
11:25ou des associations féministes,
11:27sont désespérés en disant, mais c'est pas vrai.
11:29On travaillait avant.
11:32Et on prenait en compte la parole des faits.
11:35Il travaillait en eux, mais c'était peut-être les victimes
11:37qui ne venaient pas se plaindre,
11:39déposer plainte par exemple, etc.
11:41Mais pas toutes.
11:42Il y a beaucoup de témoignages.
11:44Mais vous savez, il y a aussi des victimes
11:45qui ne le sont pas,
11:46qui pensent qu'elles sont victimes,
11:47qui s'imaginent qu'elles sont victimes.
11:49Non, non, non.
11:51Vous savez, la sémantique est importante.
11:52Moi, je ne parle jamais de victime.
11:54Et je pense que c'est un écueil.
11:55Et c'est aussi un écueil de Me Too.
11:56Il y a des plaignantes.
11:57Il ne faut pas confondre le mot plaignant et le mot victime.
12:00On est dans une société qui confond les deux.
12:02Dès qu'une femme porte plainte, elle est victime.
12:04Non, non.
12:05Ou une personne, quelle qu'elle soit.
12:07On est dans la société des victimes.
12:09Moi, je trouve ça catastrophiquement.
12:11Il n'y a pas de victime.
12:12Il y a des plaignants.
12:13Il y a des processus judiciaires.
12:14Ce que je dénonce aussi,
12:16c'est qu'on fait fi du processus judiciaire aujourd'hui.
12:19C'est-à-dire qu'on va dans tous les raccourcis.
12:21On est dans l'émotionnel.
12:23Et on condamne sur une simple accusation
12:25qui n'est qu'une plainte.
12:26On va poursuivre avec vous, Randall Schwerdorfer,
12:29avec votre livre « La loi, juste la loi, pas la morale ».
12:32Qu'est-ce qu'on pourrait changer, justement, face à cela ?
12:35Qu'est-ce que cette déferlante, souvent, qu'il y a dans les médias ?
12:39C'est ce qu'on va voir dans un instant.
12:41Et puis, les auditeurs qui vont pouvoir réagir à ce que vous avez dit,
12:430826-300-300, tout de suite, sur Sud Radio.
12:52La vérité en face avec mon invité.
12:54Vous pourrez réagir, bien sûr, sur ce sujet,
12:57autour du procès Pellicot et de la loi des procès.
13:00Puisque, Randall Schwerdorfer, mon invité, avocat,
13:04qui a co-écrit ce livre,
13:06« La loi, juste la loi, pas la morale ».
13:09Qui revient sur toutes ces affaires
13:11qui sont avant tout traitées dans les médias.
13:13Bien avant, évidemment, de passer devant la justice.
13:17Et parfois, les condamnations ont lieu avant.
13:19Il y a un truc qui est assez interpellant dans votre titre.
13:23Qu'est-ce que la morale ?
13:25D'ailleurs, parce que c'est vrai, la loi, juste la loi,
13:28et je le disais tout à l'heure, on en a débattu,
13:31la loi, elle est faite aussi pour évoluer, bien sûr.
13:33Elle est faite évoluer aussi peut-être en fonction de la morale,
13:36de certaines valeurs, quoi, non ?
13:38Parfois, oui, évidemment.
13:40Et ensuite, elle s'uniformise pour s'appliquer à tout le monde.
13:44Sans distinction de morale des uns et des autres.
13:46Sans distinction de religion des uns et des autres.
13:48Souvent, la religion est une source profonde de la morale.
13:51Comme la philosophie.
13:52Oui, auparavant, et puis même dans notre société, c'était le cas.
13:55La morale, elle est multiple.
13:57La morale, elle est en fonction de divers courants de pensée,
14:01idéologiques, politiques, éducatifs, religieux, philosophiques.
14:06Elle est multiple.
14:07Et il y a des comportements qui sont moraux dans certaines communautés,
14:11et qui sont immoraux dans d'autres communautés.
14:13Je pense, par exemple, à la communauté des gens du VIH,
14:15qui a toujours eu beaucoup de mal, par exemple, avec l'homosexualité.
14:18Ça, c'est leur position morale.
14:21Vous avez travaillé sur des procès, en fait,
14:23à un mélange des gens du VIH.
14:25Il y a un procès que vous racontez dans votre livre,
14:27qui est particulièrement intéressant.
14:28C'est saisissant, parce qu'on a quelqu'un de la communauté des gens du VIH
14:30qui dit que chez nous, ça ne se fait pas.
14:32Ça, c'est sa morale.
14:33Mais chez nous, en France, ça c'est la loi.
14:36Ça ne se fait pas.
14:38C'est que c'est la norme.
14:39C'est que c'est tout à fait légal.
14:41Et c'est que dire le contraire est illégal.
14:44Eh bien, on a certaines personnes qui préfèrent prendre des positions illégales
14:48et qui estiment que leur morale doit s'appliquer au détriment de la loi.
14:51C'est là où c'est dangereux dans une société.
14:53C'est là où une société devient clanique.
14:55— Mais alors, tout de même, même si, évidemment,
14:58la justice parfois se rend dans les médias,
15:00ensuite, ça passe quand même devant les tribunaux.
15:04Nicolas Bedos, par exemple, qui vient d'être condamné
15:07à un an de prison avec sursis et six mois de mise à l'épreuve.
15:11— Bracelet électronique.
15:13— Bracelet électronique.
15:14C'est ça.
15:15Puisqu'il a déjà subi un traitement, suivi un traitement, etc.
15:19Bon.
15:20Son procès avait eu lieu dans les médias.
15:22Et là, il a eu lieu devant la justice.
15:24Donc la justice, est-ce qu'elle est quand même sereine, malgré tout, après,
15:29pour prendre son jugement ?
15:31— Parfois, elle essaie de l'être,
15:33mais qu'elle n'est pas hermétique au climat social.
15:36Elle n'est pas hermétique aux ondes radio.
15:38Elle n'est pas hermétique à la télévision.
15:40Elle n'est pas hermétique au débat.
15:42La justice se durcit.
15:43C'est ce que dénonçait l'avocat d'ailleurs de M. Bedos en disant.
15:47Mais les peines sont excessives quand elles sont prononcées
15:51parce qu'on sait qu'elles sont scrutées par l'opinion publique.
15:54Elles sont scrutées par les médias.
15:56Et que si la peine n'est pas suffisamment sévère,
15:59eh bien tout le monde va considérer que le message du tribunal est
16:02« Faites ce que vous voulez. »
16:04On ne prend pas en compte, par exemple,
16:06les plaintes des femmes qui se plaignent de comportements
16:09tels que celui qui a été jugé.
16:11C'est ça le risque.
16:13Cet écueil, c'est d'être mal jugé.
16:15D'être mal jugé parce que le juge est sensible à l'opinion publique,
16:19parce qu'il est sensible aux médias.
16:20Et c'est vrai.
16:21Et ça arrive.
16:22Et ce n'est pas normal que des juges soient sensibles à cette morale
16:26comme certains juges sont sensibles à la morale véhiculée par MeToo.
16:30Vous avez des juges, et j'en ai déjà vu,
16:32qui vous disent « Mais quand une femme accuse, il faut la croire. »
16:35Et là, vous avez juste envie de lui dire
16:37« Mais si les juges sont formés pour croire et payés pour croire,
16:40il n'y a pas besoin de les former trois ans à l'ENM. »
16:42Il suffit de prendre n'importe quel citoyen dans la rue
16:44et lui dire « Alors, vous croyez qui ? »
16:46« Celle qui accuse ou celle qui se défend ? »
16:48C'est-à-dire ce qui se passe dans les assises avec les jurés.
16:51Mais parfois, oui, il y a des écueils.
16:53Moi, je vois des condamnations qui sont prononcées
16:55sur la simple croyance de la parole d'une femme.
16:58Et c'est toujours terrifiant de constater que ça peut arriver.
17:00Quel est le niveau d'une justice qui condamne sur la simple parole ?
17:03Moi, le premier élément que je dis, c'est « Est-ce qu'il y a des preuves ? »
17:06Alors, certains vont dire « Non, mais il n'y a jamais de preuves dans ces affaires. »
17:08Ce sont des menteurs, ce n'est pas vrai.
17:10Il y a souvent des preuves, il y a souvent des éléments médico-légaux, etc.
17:13Alors après, il y a des preuves aussi.
17:15Parfois, il peut y avoir des interprétations des preuves.
17:17On parlait du procès Pellicot.
17:19Il y a des vidéos.
17:21Donc ensuite, les vidéos, normalement, sont parlantes.
17:24Mais elles peuvent être ambiguës, c'est ce que vous disiez tout à l'heure ?
17:27Naturellement.
17:28Il y a des discussions sur certains enregistrements
17:31qu'ont soulevé certains avocats de la défense
17:33qui ont donné lieu à de très fortes tensions
17:35comme s'ils n'avaient pas le droit de soulever ces points-là
17:37alors que c'est leur travail fondamental, essentiel.
17:40Et certaines vidéos ont été qualifiées d'équivoques.
17:43Certaines images ont été qualifiées d'équivoques en termes de soumission chimique.
17:47Moi, j'ai eu accès notamment aux éléments médico-légaux, toxicologiques.
17:51Et il y a des questions qui se posent.
17:53Et on doit se les poser.
17:54Et si les avocats ne peuvent pas les poser à un procès,
17:56là, on est vraiment, effectivement, dans un État qui n'est que moral
17:59et pas un État de droit.
18:00Bon, vous n'êtes pas élu politique, vous êtes avocat, en tout cas, pour l'instant.
18:04– Je ne peux pas avoir tous les défauts.
18:06– Voilà, c'est ça, la loi, juste la loi, pas la morale.
18:08Mais alors, comment faire ?
18:10Parce qu'aujourd'hui, et vous-même, les avocats,
18:12vous utilisez beaucoup les médias pour sortir des affaires.
18:15– Bien sûr, évidemment.
18:17– Une fois qu'elles sont sur la place publique,
18:20on peut prendre toutes les précautions d'usage, mais…
18:22– Comment faire ?
18:23Le cas de M. Malouf, par exemple, ce musicien.
18:26– Ibrahim Malouf, qui a été poursuivi.
18:29– Qui a été poursuivi, qui a été effectivement reconnu non-coupable
18:32et donc innocent des faits pour lesquels on l'a poursuivi.
18:35La morale, ça c'est la loi, la morale l'a condamné.
18:40C'est-à-dire qu'il est interdit par les festivals.
18:45Il est interdit dans certaines manifestations
18:47parce qu'il a été accusé, et c'est scandaleux, c'est inadmissible.
18:50C'est là où la société dysfonctionne,
18:53c'est-à-dire que les gens qui décident
18:55de qui a le droit de jouer de la musique en public
18:57ou pas de qui peut être invité à un festival
18:59doivent respecter la loi, pas leur morale est ridicule.
19:01De dire, vous avez été accusé, monsieur, on ne vous invite pas.
19:04Ça c'est la morale, et c'est une morale toxique et détestable
19:07parce que c'est une fausse morale d'ailleurs
19:09de gens qui sont dans l'apparence plus que dans autre chose,
19:11il y a très peu de fond derrière.
19:12Mais la réalité c'est que moralement vous sanctionnez quelqu'un
19:15qui légalement a été déclaré innocent.
19:17C'est extrêmement grave en réalité, c'est très violent
19:20et ça crée deux sociétés.
19:21– Parce qu'on est plus dans la présomption aujourd'hui
19:23d'accusation que d'innocence quoi.
19:25Quand il y a des affaires qui sortent, non ?
19:27– Présomption de culpabilité.
19:29Comme si la parole avait toujours plus de valeur
19:31quand la parole accusait quelqu'un
19:33que la parole qui dédouane quelqu'un de sa culpabilité.
19:35Après quand quelqu'un est coupable, qu'on soit très clair,
19:38ça ne pose aucune difficulté qu'il soit condamné,
19:41y compris sévèrement condamné.
19:42Mais pour qu'il soit correctement condamné,
19:44il faut qu'il ait un procès équitable.
19:46C'est comme l'affaire de l'abbé Pierre où on juge un mort.
19:49Or on ne juge pas les morts parce qu'ils ne peuvent pas se défendre.
19:52Et ça c'est la morale, juger un mort.
19:55– Sur cette histoire, c'est complexe quand même,
19:58puisque des personnes n'ont pas à témoigner de son vivant,
20:02et elles témoignent après.
20:04Elles ont eu raison de parler ?
20:06– Qu'elles parlent, elles ont tout à fait raison.
20:08Que leur parole soit relayée d'une certaine façon,
20:10c'est autre chose.
20:11Et puis que les conséquences de cette parole
20:13aboutissent à un jugement moral
20:15qui est celui de détruire et de supprimer
20:18complètement le nom de l'abbé Pierre
20:20dans toute l'histoire de France.
20:22Alors que c'est un type qui a fait des choses extraordinaires,
20:24notamment dans les années 40, dans les années 50, et ailleurs.
20:28– Il peut faire des choses extraordinaires
20:31et puis en même temps commettre aussi des erreurs.
20:34– Bien sûr, l'homme est paradoxal,
20:36mais ce n'est pas parce qu'il y a des erreurs
20:38qui sont commises ou qui ont été commises,
20:40voire même qu'il ait pu être coupable de certaines choses,
20:42que ça enlève ce qu'il a fait de bien,
20:44ou l'homme de bien qu'il a été.
20:45Par contre, si on est dans une société
20:47où on commence à juger les morts,
20:49moi je veux bien être l'avocat d'un mort,
20:51de lui demander sa position et de se défendre,
20:53il ne va pas dire grand-chose.
20:54Et ça, on est vraiment dans la morale.
20:56La loi elle dit qu'on ne juge pas un mort.
20:58– Pour répondre au défi que l'on disait tout à l'heure,
21:01c'est-à-dire que la justice ne soit pas rendue dans les médias
21:05mais dans les tribunaux,
21:07il faudrait accélérer les procédures peut-être ?
21:09Ce serait le moyen d'aller plus vite ?
21:11Parce que souvent ça traîne pendant des années.
21:13– Oui, et parfois ça traîne pour rien, c'est vrai.
21:15Il faudrait effectivement accélérer les procédures d'instruction criminelle
21:20qui parfois perdent beaucoup de temps.
21:22Mais il faut plus de magistrats,
21:24et Éric Dupond-Moriti a beaucoup travaillé là-dessus,
21:26on va voir ce que ça va donner.
21:28Il faut aussi passer une procédure un peu plus accusatoire.
21:30On est dans une procédure un peu trop empoulée,
21:32un peu trop vieille, un peu trop poussiéreuse.
21:36La justice française, vous savez, c'est un mix
21:38entre la justice d'avant la Première République
21:41et d'après la Première République.
21:43Je pense qu'il faut un peu la moderniser.
21:46Et vous avez raison, elle est trop lente.
21:48Parfois, je vois l'affaire de M. Péchier par exemple,
21:50ça fait 8 ans que ça dure.
21:52– Oui, on rappelle, c'est l'anesthésiste.
21:54– 8 ans, donc c'est une destruction pour l'accusé,
21:56c'est une destruction pour les partis civils.
21:598 ans, le délai raisonnable…
22:01– Les enquêtes peuvent aller plus vite.
22:03Vous disséquez d'ailleurs dans votre livre des affaires,
22:06et notamment des enquêtes avec parfois,
22:08quand ça va trop vite, parfois on bâcle un peu les choses.
22:12Vous revenez sur une affaire justement de home-checking,
22:15où il y a eu, c'est très intéressant effectivement à lire,
22:17où parfois dans les procédures, si on va vite,
22:19on peut commettre aussi des erreurs.
22:21– Oui, on peut commettre parfois aussi des erreurs,
22:23et c'est pour ça qu'il y a des protections,
22:25notamment les enregistrements vidéo, les auditions, etc.
22:28Et c'est pour ça qu'il y a tout un travail aussi de défense,
22:31qui consiste à remettre en cause, aussi à vérifier,
22:33à analyser, à réfléchir sur les éléments de preuve.
22:36On se rend compte parfois que les preuves
22:38ne sont pas de la qualité sincère suffisante
22:40et doivent être remises en cause.
22:42Et c'est aussi pour ça qu'il faut garder sa raison
22:45et toujours accepter qu'il y ait une contradiction.
22:47Vous voyez, dans l'affaire Pellicot, ce que je regrette,
22:49c'est que dès qu'un avocat émet une contradiction,
22:51on lui tape dessus.
22:52Comment osez-vous ?
22:53Comment osez-vous remettre en cause ?
22:54Comment osez-vous analyser la vidéo ?
22:56C'est peut-être son travail.
22:57– Oui, c'est ce que…
22:58– Tout simplement son travail.
23:00– Merci Randall Schwarderfer, ce livre qui est passionnant.
23:04La loi, juste la loi, pas la morale, aux éditions Hugo Doc.
23:07C'est un bon éclairage, bien sûr.
23:09Merci d'être venu sur ce Dordi.
23:10Vous voulez réagir sur ce qui vient d'être dit,
23:13justement, comment rendre la loi, la justice ?
23:17Est-ce qu'il faut l'accélérer ?
23:19Est-ce que ces affaires doivent être portées dans les médias
23:21ou alors est-ce qu'on devrait verrouiller les médias ?
23:23Alors ça, c'est autre chose, c'est impossible.
23:25En fait, aujourd'hui, bien sûr,
23:27et dans le cadre du procès des viols de Mazan,
23:30la victime Gisèle Pellicot voudrait changer la société
23:33à travers son témoignage.
23:34Qu'est-ce que vous en pensez ?
23:35Et sur toute l'actualité aussi, bien sûr,
23:37on peut revenir sur l'interview tout à l'heure de Jean-Philippe Tanguy,
23:41le rassemblement national, rôle d'arbitre incontestablement
23:45sur le budget 2025.
23:46Nous en parlons aussi.
23:47Vous réagissez sur toute actualité
23:49et on fera un détour par les États-Unis.
23:51Nous sommes à moins de deux semaines maintenant.
23:53Trump, Kamala Harris,
23:55les sondages qui bougent
23:57et on va voir quelles questions sont abordées.
23:59On y va dans la vérité en face jusqu'à 10h.

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