• avant-hier

Tous les vendredis, samedis et dimanches soirs, Pascale de La Tour du Pin reçoit deux invités pour des débats d'actualités. Avis tranchés et arguments incisifs sont aux programmes de 19h30 à 20h00.
Retrouvez "Ça fait débat" sur : http://www.europe1.fr/emissions/les-grandes-voix-du-weekend

Category

🗞
News
Transcription
00:00Europe 1 Soir Week-end, 19h21, Pascal Delatorre Dupin.
00:04Nous sommes toujours dans ce studio avec Charlotte Dornela, journaliste au JDD,
00:08Adrien Matou, chef du service politique à Marianne.
00:10On évoquait effectivement ce nouveau drame lié au trafic de drogue.
00:15Donc, un jeune homme, Nicolas, qui est mort à la sortie d'une boîte de nuit la nuit d'Halloween.
00:21Il a été pris dans une fusillade. A priori, il a pris une balle perdue, comme on dit.
00:25Il n'y a pas de lien. Pour l'instant, l'enquête révèle qu'il n'y a pas de lien,
00:29qu'il n'avait pas de lien avec ce règlement de comptes.
00:31Et ce Nicolas faisait partie du même club de rugby que Thomas,
00:35tué à coups de couteau à Crépole, à la sortie d'un bal populaire.
00:39C'était il y a un an. Nous étions avec la mère, il y a quelques instants,
00:43de Romand-sur-Isère, qui nous parlait un peu, qui nous tirait,
00:47qui nous faisait un état d'élu un peu de la situation.
00:49Romand-sur-Isère, ville moyenne, qui, elle aussi, subit les conséquences du trafic de drogue.
00:56Alain Bauer était tout à l'heure mon invité, et Alain Bauer disait la chose suivante,
01:01et je voudrais qu'on en parle ensuite, après, à Charlotte et à Adrien.
01:05Il disait qu'en fait, on ne découvre rien.
01:08Ce qui se passe aujourd'hui, c'est la conséquence d'années de laxisme.
01:10On a laissé faire depuis 2012.
01:12Au cours des cinq à dix dernières années, la police judiciaire était très étonnée
01:17que beaucoup des mules, c'est-à-dire des porteurs de stups venus de Guyane,
01:21allaient à Poitiers ou à Niort. Et ils le font évidemment dans les endroits,
01:26à la fois les moins visibles et les plus susceptibles de permettre cela,
01:31parce qu'il y a moins de concurrence.
01:33Donc, ce que vous signalez est un phénomène qui s'est développé
01:37avec une intensité exceptionnelle depuis 2012.
01:40Nous avons un seul indicateur très fiable pour le faire,
01:43ce sont les homicides et les tentatives d'homicides.
01:46L'augmentation a été exceptionnelle,
01:48puisque nous étions au plus bas de notre histoire statistique en 2012,
01:52avec 700 homicides et très peu de tentatives.
01:54Et nous sommes au plus haut des 50 dernières années en 2023.
01:57Voilà, et 2024 s'annonce être malheureusement un, passez-moi l'expression, un très bon cru.
02:03Et ce que disait en substance Alain Bauer dans la foulée derrière cette interview,
02:09il disait, voilà, on a laissé faire, on n'a pas voulu voir.
02:13Et aujourd'hui, il va falloir des années pour essayer de rétablir une situation.
02:16Charles, t'as raison, la justice ne va pas aussi vite que les narcotrafiquants.
02:19La justice n'est pas aussi flexible, l'État n'est pas aussi flexible.
02:23C'est une situation qui est vraiment compliquée, peut-être, Adrien Matou.
02:28Oui, tellement compliquée que je ne sais pas trop comment...
02:31Il n'y a pas de solution miracle, je pense.
02:34Pourquoi on n'a pas voulu voir, en fait ?
02:35Georges Fenech rappelait aussi qu'aux Etats-Unis, ils ont pris le dossier à bras-le-corps,
02:40qu'ils ont créé effectivement des instances,
02:43les DEA, des instances spécifiques consacrées à la lutte contre le trafic de drogue.
02:48C'est vrai que nous on fait ça contre le terrorisme islamiste,
02:51et ça a l'air de, entre guillemets, bien marcher,
02:53puisqu'il y a beaucoup d'attentats qui sont déjoués chaque année.
02:57Ce qui est sûr, c'est qu'il faut rompre avec une forme d'angélisme,
03:00mais je pense que la société française n'en est plus vraiment là.
03:03Mais en tout cas, pour la plus grande majorité,
03:06peu de gens osent dire encore qu'il n'y a que seulement un sentiment d'insécurité,
03:12que tout ça c'est du fantasme, etc.
03:14Puisque maintenant, même les chiffres officiels montrent qu'il y a une explosion de ces faits-là.
03:18Après, je pense qu'il faut, encore une fois,
03:21et là ce n'est pas du tout de l'angélisme,
03:22mais je pense qu'il faut admettre que c'est un problème complexe,
03:25que les dynamiques sont extrêmement nombreuses,
03:28que le trafic de drogue n'existerait pas,
03:32ne se développerait pas sans les incitations immenses
03:35pour une partie de la population à le faire,
03:38qu'il ne suffit pas de mettre plein de policiers dans la rue
03:41pour penser que ça va se résoudre.
03:43On entend souvent, parfois, de gens un petit peu énervés
03:46qui ne réfléchissent pas trop, dire qu'il faut envoyer l'armée.
03:49Je pense que, typiquement, ce genre de grandes phrases...
03:50Alors si jamais on envoie l'armée, là, ce sera très très grave, là.
03:53Je crois qu'on n'en est pas là.
03:55Ça sera la mexicanisation aboutie.
03:57Ah oui, la mexicanisation aboutie.
03:59Tout ça pour dire qu'il faut des moyens,
04:02une détermination sans faille, pas d'angélisme,
04:04mais il ne faut pas sombrer dans le simplisme,
04:07il faut analyser très précisément les mécanismes du trafic de drogue.
04:10Pardon, mais a-t-on encore le temps d'analyser ?
04:13Pardon, mais on n'a plus le temps, il faut agir, là.
04:16C'est vrai, je vous pose la question.
04:20Agir sans analyser serait la plus grande des catastrophes,
04:22mais je pense que les analyses sont faites, en réalité.
04:25Il parlait de point de bascule, Bruno Retailleau, hier.
04:30Oui, il parle de point de bascule, parce qu'on le voit.
04:32C'est-à-dire que là, on a l'impression, ces derniers jours,
04:34parce que Bruno Retailleau a fait un déplacement,
04:36on a l'impression que c'est particulier, ces derniers jours.
04:38L'année dernière, Beauvau recense 418 sur l'année 2023.
04:42418 règlements de compte, qu'ils soient réussis ou non,
04:45parce que certains ne ressortent que blessés avec trois balles dans la jambe.
04:48Et d'autres sont bien morts.
04:50Mais 418, ça fait plus d'un par jour, si je sais bien compter.
04:53Donc, c'est extrêmement récurrent.
04:55Là, on a l'impression, on se dit, Poitiers, Rennes,
04:57qu'est-ce qui se passe en ce moment ?
04:58Mais en fait, il se passe, c'est simplement qu'on n'y porte pas la même attention.
05:01Évidemment, quand le ministre de l'Intérieur ne se rend pas sur les lieux
05:05et ne fait pas une communication sur ce sujet.
05:07Les analyses, en effet, elles sont faites par les professionnels.
05:11Ce que disait Alain Bauer est parfaitement vrai.
05:13Vous écoutiez les policiers des stups, ça fait des années et des années
05:16qu'ils vous expliquent que les mules arrivent de la gare de l'Est
05:18et que quand ils les attrapent, il y en a qui partaient pour New York,
05:21pour Poitiers, pour toutes ces villes où aujourd'hui,
05:23on voit en effet des règlements de comptes.
05:25Et là, tout à coup, tout le monde tombe des nus.
05:27Donc, c'est parfaitement vrai.
05:28Sur le travail, en fait, évidemment,
05:30alors là, il y a une chose qui est sûre,
05:32c'est que c'est tellement tentaculaire et tellement compliqué
05:34le trafic de drogue qu'il n'y a pas de solution.
05:37On ne peut pas dire, écoutez, en trois solutions,
05:39à mettre en place demain matin, ça sera réglé dans six mois, ça c'est sûr.
05:42En revanche, il y a beaucoup de points
05:48qui sont abordés et sur lesquels s'entendent
05:50et les policiers et les magistrats
05:52et tous les acteurs, finalement,
05:54qui travaillent sur le trafic de stups,
05:56notamment sur cette question de procédure.
05:58J'y reviens en permanence,
05:59mais si vous empêchez les policiers de faire leur boulot,
06:01premièrement, il y a un problème de vocation.
06:03C'est ce que disait la maire.
06:05Premièrement, il y a un problème de vocation à la police judiciaire.
06:08Ce problème de vocation, il vient du fait que c'est un travail,
06:11évidemment, c'est jour, nuit, le week-end, vous ne travaillez pas,
06:13vous n'êtes pas payé à la hauteur de l'engagement que vous avez
06:16et donc le seul moyen...
06:18Et vous prenez des risques.
06:20Et le seul moyen de contrebalancer
06:22une paye maigre par rapport au travail que vous abattez
06:25et les risques que vous prenez, c'est quoi ?
06:27C'est le sens de votre métier.
06:28Si vous le faites disparaître avec une procédure ubuesque,
06:31des papiers à remplir et qu'à la fin on vous dit,
06:33comme c'est arrivé très récemment,
06:35un trafiquant qui a arrosé toute la Seine-Saint-Denis de cocaïne,
06:38il prend 15 ans de réclusion criminelle au tribunal,
06:41mais il n'est pas là. Pourquoi ?
06:42Parce que son avocat l'a fait libérer pour vice de procédure quelques jours plus tôt.
06:46Un vice de procédure, c'est par exemple, parce qu'il faut bien comprendre,
06:48c'est par exemple la balise que vous aviez mise dans sa voiture
06:51pour savoir où il était,
06:53elle a été mise, mais en fait le juge avait donné son accord la veille,
06:55mais pas pour celle-là, pour une autre.
06:57Et donc sur celle-là, vice de procédure,
06:59parce que vous n'avez pas le bon accord du juge,
07:01il est dehors.
07:03Donc là, le policier qui a bossé pendant 5 ans
07:05pour faire tomber ce mec-là, il fait quoi ?
07:07Un échange de métier en fait.
07:09Oui, c'est vrai, c'est très juste ce que dit Charlotte Dornelas,
07:11on peut comprendre effectivement, il faut aider les policiers aussi
07:13à faire leur travail dans de bonnes conditions.
07:15Et ça par exemple, c'est à moyen constant,
07:17se poser la question de la refondation,
07:19quand je vous disais que la décision
07:21de demander à un magistrat indépendant
07:23pour pouvoir exploiter un téléphone
07:25dans le cadre d'une enquête qui est elle-même déjà extrêmement,
07:27comment dire, extrêmement guidée,
07:29extrêmement normée,
07:31ça, ça a quelques semaines.
07:33Donc on nous dit en permanence, la procédure pénale,
07:35on va la simplifier,
07:37vous avez dit Emmanuel Macron, il avait donné un an à Eric Dupond-Moretti
07:39pour le faire, résultat,
07:41on a le délai de carence de l'avocat
07:43qui a sauté en garde à vue, pendant 2 heures
07:45vous deviez l'attendre, ensuite vous pouviez commencer la garde à vue,
07:47maintenant il faut l'attendre, point barre,
07:49vous n'avez plus de délai. Deuxièmement, vous n'avez plus le droit
07:51de filmer dans les cellules de garde à vue, ça veut dire quoi ?
07:53Sauf exception, avec
07:55autorisation du magistrat, ça veut dire quoi ?
07:57Qu'il faut des policiers devant les cellules, parce qu'il faut quand même les surveiller,
07:59les prisonniers, surtout quand ils sont potentiellement
08:01dangereux. Donc vous avez des policiers
08:05parce qu'on ne peut plus les filmer, et ensuite
08:07vous avez ce que je viens de vous dire
08:09sur l'exploitation des téléphones. Donc tout se
08:11complexifie en permanence, vous remplissez
08:13des papiers, vous ne faites plus votre travail d'enquête
08:15et après on se dit, oh mon dieu, on n'a plus de vocation
08:17de policier
08:19judiciaire, et donc ça devient
08:21difficile de faire tomber les réseaux. Je t'explique,
08:23c'est pas très compliqué. Non, non, c'est aberrant
08:25ce que raconte Charlotte Dornelas-Adrien.
08:27On est plus à 100% d'accord,
08:29maintenant je pense que sur le...
08:31là on est à 100% d'accord, moi je pense que la question
08:33la plus politique qui va se poser maintenant en France,
08:35c'est la question du consommateur.
08:37Alors justement, Alain Bauer...
08:39Et là l'angélisme est encore...
08:41Oui, oui, mais Alain Bauer disait tout à l'heure,
08:43je ne sais pas, on n'a pas le temps malheureusement d'écouter
08:45Alain Bauer, mais Bauer disait tout à l'heure,
08:47ce que dit Bruno Retailleau quand il dit on va taper le consommateur
08:49au portefeuille, ça n'a pas fonctionné.
08:51En fait les consommateurs sont des gens malades,
08:53il faut les soigner. Je vous jure, il a dit ça.
08:55Je résume.
08:57Ça, ça va être le grand débat en France,
08:59parce que le consommateur... Ça va faire beaucoup de gens à soigner,
09:01ça n'a pas arrangé les finances de la Sécurité sociale.
09:03Non, mais c'est surtout qu'avant d'être malade,
09:05pardon,
09:07avant d'être malade, il y a une première consommation,
09:09on ne n'est pas addict à la drogue,
09:11il y a une première consommation qui, elle, est juste délictueuse.
09:13Oui, oui, exactement.
09:15La grande difficulté,
09:17c'est que les chiffres de consommation
09:19de drogue sont tels en France, que
09:21contrairement aux trafiquants, le consommateur
09:23c'est notre ami, notre voisin, notre collègue,
09:25etc. Et donc là, la question
09:27va se poser, moi perso
09:29je suis plutôt pour, est-ce qu'il faut
09:31lancer des grandes campagnes de communication
09:33de l'État pour culpabiliser les consommateurs
09:35et leur dire, ben voilà, vous participez, en fait,
09:37vous avez l'impression que vous fumez juste un joint,
09:39mais en fait, non, vous participez à des fusillades,
09:41vous participez à les créer,
09:43vous contribuez à un trafic
09:45qui ruine la vie de centaines de milliers de personnes,
09:47et moi je pense que c'est ce débat-là
09:49qu'il faut ouvrir aussi aujourd'hui. Il ne faut pas tout
09:51faire reposer sur le consommateur,
09:53mais quand même lui faire prendre conscience qu'il a une responsabilité.
09:55Je trouve ça très malin, déjà.
09:57C'est-à-dire qu'on nous parle de continuum de violence
09:59toute la journée. Bon, ben là, s'il y en a un qui est très clair,
10:01c'est celui-là. Parce que moi, entre une blague
10:03dans la rue ou un regard de travers et
10:05un meurtre sur conjoint,
10:07je ne fais pas forcément le lien. Mais là, le lien
10:09entre l'achat de la drogue et l'alimentation
10:11d'un réseau qui devient de plus en plus
10:13violent, là, le lien, il est en effet
10:15très facile à tracer, on pourrait au moins s'entendre sur celui-là, oui.
10:17Merci beaucoup, Charlotte Dornelas,
10:19Adrien Mathieu, merci d'avoir été avec nous
10:21ce soir sur Europe 1.

Recommandations