Lundi 4 novembre 2024, HR MAKERS reçoit Isabelle Quainon (Chief transformation, engagement and people officer, Water Tech, Veolia Water Technologies) et Jacques Adoue (EVP, Human Resources and Corporate Social Responsability, Edenred Group)
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00:00Bonjour, Hedge Fund Makers épisode n°3. Ces dernières années, les nouvelles organisations
00:18de travail se sont multipliées. Télétravail, flex office, semaine de 4 jours, autant de
00:23dispositifs qui répondent à un besoin présent des salariés de trouver un équilibre entre
00:28leur vie personnelle et leur vie professionnelle. Toutefois, si nous ne travaillons plus comme
00:33avant, si nous ne travaillons plus au sein du même espace et parfois même sur les
00:37mêmes tranches horaires, comment est-ce que l'on continue à collaborer ensemble ?
00:42En bref, l'entreprise est-elle encore le lieu du vivre ensemble ? C'est la question
00:46que je pose aujourd'hui à mes deux invités, Isabelle Quénon, directrice de la transformation
00:52de l'engagement et des ressources humaines chez Veolia Water Technologies et Jacques
00:57Haddou, directeur général ressources humaines et responsabilités sociétales chez Edenred
01:03Group. Bonjour à tous les deux, merci beaucoup d'avoir accepté cette invitation. Faisons
01:09le point pour commencer. Une étude réalisée par l'Ipsos et le cabinet Qali social révélait
01:15en début d'année que 53% des salariés français se déclaraient désengagés au
01:21travail. On le sait, la santé mentale et la santé physique aussi des salariés n'a
01:27jamais autant alerté alors qu'on découvre des nouveaux dispositifs. Les RH font preuve
01:34d'énormément d'innovation pour leur apporter davantage de flexibilité. Ma question
01:39est simple, n'aurait-on pas oublié qu'un des facteurs de sens au travail mais aussi
01:44de bonnes conditions de travail est le fait d'appartenir à un collectif ? Isabelle,
01:50Jacques, je vous laisse la parole sur cette première question.
01:53Il y a beaucoup de questions dans votre question. Moi, il me semble que le sujet de la quête
02:06de sens, le sujet du sens au travail est un sujet assez holistique finalement dans lequel
02:12on va pouvoir trouver une multitude de facteurs d'engagement pour les salariés. C'est
02:19la question que vous avez posée en introduction. Finalement, quand on est des RH, on essaye
02:25d'adresser l'ensemble de ces facteurs, non pas de façon séparée, silotée, mais de l'adresser
02:31de façon un petit peu générale. Si on reprend les différents items, je pense que le premier
02:36point, peut-être le plus important, c'est le sens de l'activité de l'entreprise. On entend
02:43très souvent, c'est quelque chose qui m'amuse parce que j'ai parfois des collègues qui me
02:48disent « Pour les jeunes, avoir une activité qui fait sens, c'est très important. » Je réponds
02:54en général assez ironiquement que probablement pour les vieux également. Le sens de ce que fait
03:03l'entreprise, et on le voit bien d'ailleurs, on a eu de multiples exemples récents de désaffection
03:09pour un certain nombre d'activités de la part de jeunes diplômés, par exemple de remise en
03:14cause assez forte, parfois assez sonore, parfois assez radicale aussi. On pourrait, je pense,
03:21pas mal interroger ces remises en cause par rapport à l'activité même de l'entreprise. Il me semble
03:27que vraiment ce qui est fondateur dans l'engagement que les salariés vont avoir vis-à-vis de
03:35l'entreprise, c'est la façon dont la direction de l'entreprise, la RH, etc. vont être capables
03:41de projeter l'utilité de l'activité de l'entreprise pour notre monde, pour la planète,
03:49pour la communauté, etc. Je peux donner en deux mots l'exemple de Veolia. C'est quelque chose
03:57qu'on a considéré comme très important depuis pas mal de temps. On a été parmi les premiers à
04:02se doter d'une raison d'être. Alors maintenant, la raison d'être, c'est très à la mode. Mais
04:08qu'est-ce qu'on met derrière ? Il faut que ce soit très concret en fait. Il faut que ce soit
04:12mesurable. Et donc la raison d'être, c'est en fait ce qu'on va produire comme valeur pour
04:17l'ensemble des parties prenantes de l'entreprise et pas seulement pour les actionnaires. Qu'est-ce
04:22qu'on produit de valeur pour la planète par exemple ? Comment est-ce qu'on adresse nos
04:27sujets de CSR ? Je pense que Jacques va en parler plus dans le détail. Comment est-ce qu'on crée
04:34de la valeur pour nos clients ? Comment est-ce qu'on crée de la valeur pour les communautés
04:37dans lesquelles on agit ? Et puis enfin évidemment, comment on crée de la valeur pour nos employés ?
04:43Donc, cette notion de partie prenante, cette notion d'arriver à avoir, pardon pour l'anglicisme,
04:49une guidance, c'est-à-dire un cadre dans lequel l'entreprise prend des engagements et la façon
04:57dont elle est capable de mesurer ces engagements parce qu'encore une fois pour moi, tout ça n'est
05:02pas du tout une affaire de concept et uniquement une affaire de mesure. Je pense que c'est complètement
05:08clé pour l'engagement, c'est le numéro un. C'est le numéro un. Pour vous aussi Jacques ? Je crois
05:14que par rapport à votre question, ce qu'il faut arriver à distinguer, c'est le sens du travail et
05:19l'environnement de travail qui sont pour moi deux choses tout à fait différentes. Au sein d'Enered,
05:25nous avons beaucoup de chance puisque l'ensemble des produits que nous développons améliorent la
05:31vie, le quotidien et le bien-être des salariés. Donc, il n'est pas difficile de convaincre les
05:37collaborateurs de nous rejoindre, en tout cas pas trop, puisqu'ils voient bien qu'ils arrivent
05:43dans un environnement positif où effectivement nous cherchons à améliorer le quotidien des
05:48travailleurs et ce, dans plus de 46 pays dans le monde. Nonobstant, il faut quand même, donc le
05:56sens est là. Il faut qu'ils vivent au quotidien aussi. Tout à fait et donc il faut qu'ils vivent
06:01au quotidien, mais quand vous parliez de la raison d'être, nous en avons aussi développé une il y a
06:07quelques années, mais je crois que les collaborateurs, les salariés d'Enered savent, sentent et vivent au
06:13quotidien l'engagement de l'entreprise. Après, à côté de ça, il y a l'environnement de travail
06:17qui va permettre de vivre cet engagement et c'est là où l'évolution a été forte ces dernières
06:24années, parce que même si on a matérialisé la raison d'être il y a quelques temps, ça fait des
06:32années que nous vivons ça. Comme cela fait des années que Veolia aussi améliore le quotidien
06:38de millions de personnes dans le monde à travers ses activités. Mais le Covid a été, a bouleversé
06:44et si je prends là aussi l'exemple d'Enered, nous pendant le Covid, plus de 95% de nos salariés
06:50ont été en télétravail. Et d'ailleurs, ça a été une très bonne, enfin de ce côté-là, ça a montré la
06:57capacité de l'entreprise à pouvoir se mobiliser d'une matière extrêmement forte, puisqu'en 48 heures,
07:01tout le monde était en place et l'entreprise a pu continuer son activité sans, je dirais,
07:07difficulté pour ses millions de clients. Donc, après le Covid, c'est là où s'est vraiment posé la
07:15question, doit-on changer les choses, etc. Et je pense qu'il faut se méfier des mouvements de
07:20balancier. Après cette période-là, tout le monde ne jurait que par le télétravail, c'était génial
07:27finalement, rester chez soi toute la journée. Et puis, quatre ans après, on est presque en train
07:35de dire non mais attendez, il faut que tout le monde revienne. Je crois qu'il faut raison garder
07:40la solution se situe dans l'équilibre. Oui, je pense qu'effectivement, cette période tout à fait
07:48spécifique du Covid a profondément bouleversé le mode de travail. Néanmoins, le vivre ensemble
07:54reste fondamental. Et la vraie question aujourd'hui, c'est est-ce qu'on souhaite encore avoir des
07:59environnements où les salariés ont plaisir à venir, ont plaisir à se retrouver et à développer
08:06de la créativité, de l'engagement ou est-ce qu'on veut un monde de freelance ? Complètement,
08:11est-ce qu'on veut un monde de freelance ? Isabelle, vous parliez aussi, c'est vrai,
08:16il y a beaucoup de présupposés concernant la fameuse Gen Z. Et justement, les études montrent
08:22qu'on a souvent cru qu'il souhaitait absolument travailler pour une entreprise qui va sauver la
08:27planète. Mais qu'en réalité, un des facteurs qui les fait venir au travail, c'est le collectif,
08:32c'est les bonnes relations avec leurs collègues, avec leurs managers. On sait aussi que quand on
08:40quitte un job, généralement, c'est qu'on quitte son manager. Les études le montrent aussi.
08:44Concernant précisément la question du télétravail, vos indications et concrètement,
08:51qu'est-ce que vous avez fait chez Veolia ? Est-ce que vous avez quand même senti que la cohésion
08:55d'équipe avait été un petit peu mise à mal par le télétravail ? Ou pour l'instant...
09:02En tout cas, on y prête une grande attention. En préambule, je voudrais quand même dire une
09:08chose. Je souscris 100% à ce qui a été dit par Jacques. La question, c'est l'équilibre.
09:14La question, c'est l'équilibre. Ce n'est pas le tout télétravail. Ce n'est pas le zéro télétravail.
09:19C'est comment est-ce qu'on arrive à avoir quelque chose dans lequel... Parce que nous,
09:23les DRH, on veut tout. On veut le beurre et l'argent du beurre. On veut des salariés
09:28épanouis heureux. On veut de l'efficacité au travail. On veut de la créativité ensemble. On
09:35veut du travailler ensemble. On veut du vivre ensemble. Et on veut que les gens soient contents.
09:39Donc, on veut tout. Je pense que c'est un petit peu la définition du DRH. C'est même un petit
09:44peu sa croix, si vous le permettez. Mais je voudrais revenir sur le COVID pour dire que
09:54je considère que pendant le COVID, on n'a pas fait de télétravail, en fait. Ce n'était pas du
09:59télétravail. C'était un transfert forcé du bureau à la maison. Ce n'est pas exactement la même
10:05chose quand même. Souvenons-nous que pendant le COVID, et bien sûr qu'il faut saluer la
10:11flexibilité qu'ont eues toutes les entreprises, j'ai envie de dire du jour au lendemain, on s'est
10:15retrouvés à pouvoir continuer à travailler, à maintenir l'activité de nos entreprises,
10:20à les sauver pour la plupart. Ça, c'est un exploit. Mais pour les salariés, c'était le transfert
10:27forcé du bureau à la maison. Et vous m'interrogez sur la Gen Z. Dans la Gen Z, qu'est-ce qu'on a
10:34eu ? On a eu des jeunes collaborateurs qui se sont retrouvés dans 15 mètres carrés, du matin au
10:39soir, à faire de la visio toute la journée. On s'est retrouvés avec des jeunes couples et des
10:46jeunes parents qui se retrouvaient avec les enfants dont il fallait s'occuper, à qui il fallait
10:52faire les devoirs toute la journée quand on continuait à bosser. Je ne sais pas si on mesure
10:56bien la schizophrénie du truc quand même, compliqué. Et donc, je pense que pour la plupart
11:01de nos salariés, alors pour certains d'entre eux, probablement, ça a été une bonne période. Je
11:05pense que pour la plupart de nos salariés, ça n'a pas été une période formidable. Ça a été une
11:11période qui avait ses avantages et ça a été une période aussi un peu pénible du point de vue des
11:17conditions de travail. Donc, il faut bien se garder ça en tête. Donc après, la question,
11:21c'est effectivement comment est-ce qu'on arrive à avoir un petit peu tout le monde mobilisé dans
11:29le cadre des nouvelles attentes qui sont celles notamment des jeunes. Alors les jeunes, comme
11:35vous dites, moi, je pense que le critère numéro un, ça reste le sens. Ça reste l'activité de
11:43l'entreprise. J'en veux pour preuve. Enfin moi, dans ma pratique, en tout cas, c'est ce que je
11:49constate. C'est ce que je constate. C'est important. C'est un critère numéro un. Dans le critère
11:55numéro deux, il y a exactement ce que vous dites. C'est la qualité du lien managérial et la qualité
12:02des interactions avec l'équipe. Pourquoi ? Parce qu'on a tous dans notre entourage, je pense,
12:09des jeunes qui ont commencé leur carrière un petit peu avant ou pendant le Covid et qui vous
12:14disent qu'ils ont vécu l'enfer. Pourquoi ? Au-delà de leur 15 mètres carrés, au-delà de ça, ces
12:21jeunes, ils savent très bien. Il y a eu des études là-dessus. Il y a une étude de l'université
12:25Léonard de Vinci là-dessus qui montrait l'appétence des jeunes pour venir au boulot, pour venir au
12:31boulot. Certainement pas cinq jours par semaine, mais ils pourraient venir une partie de la semaine.
12:37Pourquoi ? Parce que tout simplement, ils savent très bien qu'une grosse partie, et surtout en début
12:43de carrière, des informations qu'ils vont capter, ce sont des informations informelles. Ils savent
12:49très bien que ce qu'ils vont capter à la machine à café le matin, ce qu'ils vont capter dans une
12:54conversation informelle avec leur boss, avec leurs collègues, etc., ça va avoir un impact très fort
12:59sur leur capacité à intégrer les codes et les objectifs de l'entreprise. Donc, ça va avoir un
13:07intérêt bien sûr sur leur efficacité, mais aussi sur leur engagement. Je pense que c'est un point
13:13vraiment essentiel. Moi, les gens qui me disent « Maintenant, les jeunes, ils veulent faire tous
13:17du full télétravail », moi, ce n'est pas ce que j'observe. Ce n'est pas du tout ce que j'observe.
13:21Et même au contraire, récemment, j'ai eu une conversation avec un jeune de mon entourage qui
13:28venait de trouver du boulot. Il est sorti d'une excellente école, donc il avait une multitude
13:34d'offres. Et je lui ai demandé « Mais dis-moi, c'était quoi tes critères ? » Et les critères,
13:40pardon, je vais vous les restituer, ça ne va pas être très élégant dans la forme. Il m'a dit
13:44petit 1, que l'entreprise fasse un métier qui me parle, qui ait une utilité sociale, sociétale,
13:50environnementale. Petit 2, que mon patron ne soit pas trop un abruti, pardon pour les mots. Petit 3,
13:57qu'on me permette de faire un certain nombre de journées au bureau. Et j'ai été quand même très
14:04étonnée de ce retour. Mais je pense que c'est un petit peu général. Alors maintenant, évidemment,
14:09chaque personne... Peut-être qu'on y reviendra sur la façon dont on est capable d'individualiser
14:15le télétravail. Parce que c'est une affaire très individuelle. On a tous constaté que tous,
14:20autant qu'on est, on n'aborde pas le télétravail exactement de la même manière. Parce que ça
14:24dépend de notre façon de travailler, de notre historique, de notre personnalité, etc. Mais
14:28quand même, je pense que chez les jeunes, l'appétence, elle n'est pas au full télétravail,
14:32elle est à la flexibilité. Et c'est quand même pas la même chose. C'est pas la même chose. Pour
14:36vous Jacques, est-ce que c'est le même constat que vous avez ? Les vertus de la machine à café
14:41sont-elles préservées ? Je pense qu'il faut démystifier. On a l'impression, entendre ou à
14:49lire certaines choses, que l'ensemble de cette nouvelle génération ne souhaite qu'une seule
14:53chose, c'est travailler chez elle. C'est faux. Edindre est une société jeune, nous avons 37 ans
14:59de moyen âge. Je suis à l'IQ, notre siège social, tous les jours. Je vis entouré de gens extrêmement
15:10jeunes. Et ils sont là. Ils sont là, pourquoi ? D'abord parce qu'effectivement, il y a cette
15:16soif d'apprendre. Et je pense que quand on est sur un lieu de travail, qu'on a un contact permanent,
15:22une interaction permanente avec son équipe, avec son management, la courbe d'apprentissage est
15:27beaucoup plus rapide. Premier point. Deuxième point, il y a du plaisir à être ensemble. C'est
15:33tout simple. Vous arrivez au travail, vous parlez avec des gens. Vous avez des gens qui sont en
15:37plus des équipes. Il peut y avoir, bien sûr, multigénérationnel, mais c'est ce qui fait la
15:43richesse et la force. Et puis voilà, vous allez déjeuner avec des personnes. Le soir, il y a des
15:46after-work, je les vois bien. Ils partent, ils vont boire un verre, même des fois, j'ai l'impression
15:50que ça se prolonge un peu plus tard dans la nuit. Et tant mieux. Et tant mieux. C'est ça. Il faut
15:59retrouver le plaisir, non pas juste de travailler, mais d'aller au travail. Et pour ça, ça passe
16:06bien évidemment par un environnement, des bureaux agréables, un espace de travail où les gens
16:12peuvent se côtoyer en ayant quand même un espace qui leur est propre. Et puis ça passe aussi,
16:20on a eu la raison d'insister, sur le management. On a aussi envie, je dirais, d'adhérer à une
16:26politique managériale. C'est pour ça, par exemple, au sein d'Edenred, nous investissons
16:29énormément sur la formation managériale, à la fois pour permettre à tous ces managers,
16:37dont souvent sont jeunes aussi, pour qu'ils prennent leur première fonction de manager
16:42au sein d'Edenred, donc pour les aider dans cette prise de position, parce qu'effectivement,
16:48l'animation d'une équipe est clé dans le plaisir d'être au travail. Donc insister sur le
16:54management, insister sur leur environnement de travail, et puis sur le reste, ce qu'on
16:58appelle les benefits, et qui sont notre métier. Complètement. Alors en effet, la place du manager
17:06est absolument cruciale, indispensable. Et on sait d'ailleurs que beaucoup moins de personnes
17:13souhaitent devenir manager. Il y a des témoignages de « j'ai été promue et je me suis retrouvée
17:18manager et finalement, je ne veux plus jamais revivre cette expérience ». Et c'est vrai que
17:24peut-être qu'également ce qui change au niveau du management, on en parlait tout à l'heure Isabelle,
17:29c'est qu'on sent le besoin d'individualiser les conditions de travail par rapport aux salariés.
17:36Ça donne des très belles choses. On parle beaucoup des salariés dons, des salariés
17:43des jeunes parents. Voilà, il y a énormément de travail qui sont faits autour de cette notion
17:50que chacun a une vie personnelle aussi, qui peut déborder de temps en temps. Comment est-ce que
17:54l'entreprise s'adapte à elle ? Mais est-ce qu'on ne voit pas un risque de trop individualiser les
18:01relations entre le manager et les équipes, entre le DRH et les salariés et perdre justement
18:07cette notion de collectif ? Pour moi, il n'y a pas de risque parce que je pense qu'il y a une
18:13intégration par les managers très forte de ce qui est l'objectif global de l'entreprise et ce que
18:18le collectif doit produire. Et ensuite, je pense que l'évolution sociétale qu'on connaît nécessite
18:25cette individualisation. Moi, je vais assez loin là-dessus. Il me semble que le télétravail même
18:32est une affaire assez individuelle. Et je suis consciente que je ne suis pas en disant ça
18:38complètement alignée avec nos pratiques actuelles parce que nos pratiques actuelles, et c'est tout
18:42à fait normal, elles consistent à discuter avec les représentants du personnel et à trouver des
18:47accords qui sont des accords globaux, qui nous donnent quand même une certaine ligne, un certain
18:55nombre de règles, qui donnent aussi de la visibilité pour les salariés. Et donc, c'est très
18:59important. Mais au-delà de ça, on se rend bien compte parce que tous dans nos équipes, on a des
19:04gens qui abordent le télétravail de façon très différente. On a celui qui adore ça et qui ne fait
19:13que du transactionnel. Et pour lui, on voit bien que si on le laissait en télétravail cinq jours
19:19par semaine en le faisant venir une fois tous les quinze jours au bureau, finalement, ça fonctionne
19:23pas mal. Et puis, on a celle qui a horreur de ça. Pourquoi ? Parce qu'elle se retrouve à la maison,
19:29elle a peut-être ses vieux parents ou bref, elle n'a pas envie d'être chez elle. Et puis, elle aime
19:34le contact. Donc, elle aime venir au travail. Voilà. Je pourrais vous en donner mille des
19:39exemples comme ça, mais ça nous montre bien que finalement, et c'est ce que je disais un peu tout
19:43à l'heure, l'approche qu'on a individuellement du télétravail, elle dépend de qui nous sommes
19:48fondamentalement, de la personne que nous sommes, pas seulement de la façon dont on travaille. Est-ce
19:53qu'on aime les interactions ? Est-ce qu'on les aime pas trop ? Est-ce qu'on est plutôt introverti,
19:57plutôt extraverti ? Chacun, tous autant que nous sommes, on a nos personnalités. Et du coup,
20:03on devrait pouvoir, je pense qu'on devrait laisser la possibilité. Et en réalité, c'est bien souvent
20:09ça qui se passe dans les entreprises. Le manager a un vrai impact sur la façon dont il peut organiser
20:15le télétravail. Il fait des arrangements et c'est très bien comme ça avec ses salariés. C'est
20:20très bien comme ça à condition qu'il respecte l'équité, évidemment, et qu'il n'y ait pas de
20:24sentiment d'inéquité dans son équipe. Je voudrais quand même revenir sur ce que vous avez dit. On
20:29voit des gens qui disent « j'ai été manager et plus jamais ça ». Tout le monde n'est pas fait
20:36pour être manager. Tout le monde n'est pas fait pour être manager. Pour être manager, je pense
20:41qu'il y a un engagement très fort au niveau de la relation et au niveau de l'émotionnel. Cet
20:51engagement, il est nécessaire pour pouvoir appréhender la diversité des profils qu'on va
20:56trouver dans une équipe. Et il est aussi nécessaire parce qu'un manager, c'est quelqu'un d'assez
21:01résilient qui, par définition, va beaucoup se tromper, va faire des erreurs, va les corriger,
21:06va revenir en arrière. Tout le monde n'est pas fait pour être manager et c'est OK. Ce n'est pas
21:11grave. La difficulté qu'on a pu avoir dans les entreprises, les erreurs qu'on a pu faire, c'est
21:17à promouvoir des gens qui sont très bons techniquement dans leur domaine pour en faire
21:22des managers. Je rejoins ce que dit Jacques sur la formation managériale. Au fond, qu'est-ce qu'on
21:27fait quand on forme nos managers ? On travaille sur toutes les compétences transversales, ce qu'on
21:31appelle légalement en français les soft skills, qui vont permettre à un manager d'avoir de
21:36l'efficacité pour piloter son équipe et de l'efficacité, on va dire à la moderne, pas de
21:42l'efficacité de je contrôle, de l'efficacité de je fais grandir, j'organise et je laisse épanouir.
21:51Jacques, sur les managers, justement. D'abord, le sujet n'est pas nouveau.
21:56Non, le sujet n'est pas nouveau. Mais est-ce que cette notion de davantage d'individualiser...
22:02Par contre, je crois que c'est une évolution qu'on a vu ces dernières années et qui a aussi été
22:09progressive. Il faut arrêter de penser que du jour au lendemain, les choses changent. Non,
22:13je crois que... Et ça revient aussi à pourquoi les gens souhaitent rejoindre une entreprise.
22:20On souhaite rejoindre une entreprise parce qu'il y a un sens à ce qu'on veut faire dans la vie. Et
22:25je crois que ce que j'ai constaté ces 15 dernières années, c'est qu'on a une évolution de je veux
22:31faire carrière et une évolution de je veux être heureux. Et cette notion de je veux être heureux,
22:37elle peut passer par la carrière ou pas. Et c'est ça dont on doit aussi tenir compte.
22:43Il y a des personnes qui nous disent ok, c'est pas la peine de forcer quelqu'un à devenir manager,
22:49mais encore faut-il être capable d'analyser pourquoi. Est-ce que c'est de la crainte de
22:54ne pas être au niveau ou est-ce que c'est tout simplement non, je ne me sens pas les qualités.
22:59Et à ce moment-là, pouvoir l'aider pour l'amener dans une position parce qu'on considère qu'effectivement,
23:07au-delà de ces qualités techniques qui sont nécessaires, il a cette appétence humaine à
23:12embarquer des personnes. Mais pour ça, encore faut-il qu'ils soient là. Parce que s'ils sont
23:17effectivement chez eux, ce sera beaucoup plus difficile. Et c'est là où il faut donner du
23:22sens à l'équipe. Et on revient à ce que vous disiez par rapport à la personnalisation. Oui,
23:27bien sûr, il faut de temps en temps personnaliser, mais je crois que l'équité est fondamentale. Vous
23:32pouvez pas avoir au sein d'une équipe, quelqu'un qui dit tu fais ce que tu veux et toi tu es là
23:36tous les jours. D'abord, il faut laisser la liberté. Par exemple, on a décidé une politique mondiale,
23:41deux jours de télétravail par semaine. Mais celui qui veut venir 5 jours, il doit pouvoir venir.
23:47Quand vous commencez à empêcher les gens de venir, là je crois que c'est un problème parce que vous
23:53êtes dans la contrainte, vous n'êtes plus dans l'adhésion. Donc, il faut que toutes les
23:56personnes qui veulent être au bureau tous les jours puissent le faire. Et puis après, il faut
24:02aussi être intelligent. Bien sûr, il y a les règles, il y a les accords, mais il faut laisser
24:07place un peu à l'intelligence situationnelle. Au sein d'une équipe, vous parliez des aidants
24:12tout à l'heure. Si vous avez quelqu'un qui a une situation familiale particulière, qu'il faut
24:18que peut-être pendant une semaine, quinze jours, il puisse se rendre auprès de ses parents ou de
24:22ses grands-parents pour les aider. Et qui vous dit, j'aurais besoin de faire du télétravail pendant
24:25quinze jours. Alors que cette même personne, peut-être elle est là tous les jours. Il faut
24:28lui dire, vas-y, bien sûr, les technologies le permettent, donc vas-y, fais-le. Je crois peut-être,
24:35sortons des règles et des cadres trop strictes et puis revenons un peu d'intelligence, revenons un
24:41peu de sens du collectif et les choses iront beaucoup mieux. Et la clé, c'est la confiance.
24:47Tout à fait. C'est la confiance parce que finalement, à partir du moment où on fait ce que
24:55dit Jacques, c'est-à-dire qu'on décide de confier des tâches managériales à des gens dont on sent
24:59qu'ils ont l'appétence pour le faire, dont on sent qu'ils vont être capables d'en marquer. Le corollaire,
25:04c'est de leur donner cette confiance, c'est-à-dire de leur laisser la possibilité de s'échapper quand
25:10ils le jugeront utile. Évidemment, parce qu'on a confiance dans le fait qu'ils vont respecter
25:15cette fameuse équité dont on a besoin, de leur donner la confiance de s'échapper du carcan. Pour
25:20moi, tout repose sur la confiance. Très bien. On va terminer sur ces mots. Nous n'avons plus
25:26beaucoup de temps. Merci beaucoup pour vos éclairages. Isabelle, je rappelle que vous
25:31êtes directrice de la transformation de l'engagement et des ressources humaines chez
25:35Veolia Water Technologies et Jacques Haddou, vous êtes directeur général ressources humaines et
25:40responsabilités sociétales chez Eden Red Group. Merci beaucoup. Merci à vous. À la semaine prochaine
25:48où nous nous questionnerons sur l'impact de l'IA génératif sur la formation professionnelle. Merci.