Céline Géraud, accompagnée de la rédaction d’Europe 1, propose chaque midi un point complet sur l’actualité suivi de débats entre invités et auditeurs.
Retrouvez "Europe 1 13h" sur : http://www.europe1.fr/emissions/europe-1-midi3
Category
🗞
NewsTranscription
00:00Sur Europe 1, 13h21, Céline Céderp va accueillir vos deux chroniqueurs du jour.
00:03Pour décrypter l'actualité, le chroniqueur politique Olivier D'Artigolle et le journaliste Yvan Rioufol.
00:07Bonjour Yvan, bonjour Olivier, bienvenue à bord.
00:10Ravi de vous retrouver en ce début de semaine et en cette journée du 11 novembre
00:14où la France, vous le savez, commémore les 106 ans de l'armistice, la fin de la Première Guerre mondiale.
00:20Pour les anciens combattants, le 11 novembre c'est ce rappelé, le sacrifice de nos soldats français.
00:25Mais plus de 100 ans après, pour certains, cette date se limite à un jour férié.
00:30Écoutez ce reportage de Noémie Loisel pour Europe 1.
00:32Solène, Léonie, Corentin et Lilian ont 25 ans et pour eux, le 11 novembre, c'est un souvenir d'école.
00:37J'ai dû le savoir, ouais, mais là, je ne sais plus.
00:39Est-ce que vous savez, vous ?
00:40Oui, c'est l'armistice d'une guerre mondiale, je ne sais plus, la première ou la deuxième.
00:44Carole, à 52 ans, elle aussi hésite à l'évocation du 11 novembre.
00:47La guerre d'armistice 39-45 ? Non, 14-18, tu dis, toi ?
00:53Face à la disparition des derniers témoins et à mesure que le temps passe,
00:56Carole a oublié certains passages de l'histoire.
00:59Ça touche des générations qui sont beaucoup plus anciennes que nous.
01:03Je pense que la mémoire collective, plus ça va, moins on a la mémoire des choses qui ont pu se passer.
01:08Carole admet aussi qu'elle ne sera pas touchée par les commémorations.
01:12Peu d'habitants se rendront au Monument aux Morts, mais Florence, 51 ans, y tient.
01:15Mon arrière-grand-père avait fait la guerre, ma grand-mère m'a raconté.
01:19C'est pour moi le jour où il faut pouvoir repenser à tous les morts,
01:22aux millions de morts qui sont décédés pendant cette guerre qui a été une boucherie.
01:25C'est à travers le récit de nos aînés, et souvent à l'école,
01:28que ce devoir de mémoire se transmet à Lyon.
01:30Des lycéens participeront aux commémorations.
01:32Lyon, Noémie Loisel, Europe 1.
01:34Voilà, reportage à Lyon, Noémie Loisel.
01:36Alors, 1,4 million, c'est le nombre de soldats français tués,
01:394 millions de blessés de guerre, en moyenne pendant les 4 années de guerre.
01:42Ces chiffres, 900 jeunes français mourraient chaque jour sur les champs de bataille.
01:45Et le 22 août 1914, c'est tout simplement la journée la plus meurtrière de cette guerre
01:51et de l'histoire de France, avec 27 000 morts.
01:54Olivier Dartigold, vous êtes professeur d'histoire, je me tourne donc vers vous.
01:57On a la mémoire qui flanche, à qui la faute ?
02:00Jusqu'à l'armistice, moi je pense souvent aux derniers morts,
02:04avant ces 11 heures du 11ème jour du 11ème mois, la fin.
02:11Bon, ça date pas d'aujourd'hui, cette distance.
02:18Mais oui, ça s'aggrave, peut-être que ça s'aggrave.
02:22Alors, est-ce qu'il y a plusieurs raisons ?
02:24Je pense que les profs d'histoire jouent au fond leur mieux possible.
02:27Il y a aussi toute la responsabilité parentale, l'environnement familial.
02:31On peut tous, vous savez ces monuments aux morts, 36 000 monuments aux morts,
02:35qui ont été érigés au lendemain de cette première guerre mondiale,
02:38ils sont à l'échelle de nos villages, avec des résonances de noms de familles,
02:43vraiment le témoignage direct, souvent les mêmes, de cette jeunesse fauchée.
02:48Vous parliez justement du dernier mort,
02:50juste une petite digression pour vous dire qu'il s'appelle Augustin Trébuchon,
02:53et qu'il est mort à 10h50 ce jour-là.
02:56D'ailleurs, Edouard Philippe lui avait rendu un hommage vibrant il y a quelques années.
02:59Les travaux historiques, on en trouvait un ou deux autres,
03:01mais c'est en effet Trébuchon.
03:03Donc on peut tous faire cette démarche d'aller devant le monument aux morts.
03:10Et est-ce que nous ne sommes pas en train de l'immédiateté,
03:13du zapping permanent, où des grands repères sont effacés
03:17dans ce monde de l'instantanéité, de l'oubli très rapide ?
03:22Bon, il y a un gros travail à faire, mais à l'échelle des localités,
03:25des villages, des communes, il y a beaucoup de choses qui se font aujourd'hui.
03:28Il faut saluer les acteurs locaux qui nourrissent cette mémoire sous des formes diverses.
03:34Alors est-ce que le devoir de mémoire est bien fait ?
03:36La France a subi, c'est vrai, des bouleversements considérables.
03:40Il y a eu les Trente Glorieuses.
03:42Est-ce qu'on n'a pas écrasé au fil du temps ce glorieux passé ?
03:46Nous vivons effectivement à un grand trou de mémoire,
03:49alors qu'il n'y a rien de plus émouvant, je suis tout à fait d'accord avec ce qui vient d'être dit,
03:52que d'aller voir, que d'aller à la rencontre de ces morts
03:56qui sont sur les monuments, avec souvent les mêmes familles qui se répètent.
04:00Parce que les poilus ont tous disparu aujourd'hui.
04:02Des frères se sont succédés dans les mêmes familles.
04:06C'est en fait une guerre qui est très proche et déjà très lointaine.
04:09Elle est très proche parce que moi j'ai eu la chance,
04:11mes deux grands-pères ont fait la guerre de 1914,
04:13il y en a un que je n'ai pas connu parce qu'il est mort très jeune
04:15des suites des gaz moutardes,
04:17mais j'ai vécu la bataille de la Somme en 1916 si je puis dire,
04:22là où un de mes grands-pères avait été gravement blessé.
04:25Donc j'ai été le témoin très direct de cette guerre-là.
04:30Donc c'est une guerre très proche et en même temps c'est une guerre aujourd'hui très lointaine en effet
04:33parce qu'elle est prise dans une sorte d'indifférence générale
04:36due malgré tout à l'école et à son défaut de transmission
04:40et puis due aussi aux valeurs qui étaient alors celles des poilus,
04:43celles de ces jeunes gens qui avaient 18-20 ans
04:45et qui défendaient des frontières,
04:47qui défendaient une identité,
04:49qui défendaient une nation,
04:51qui défendaient une fierté,
04:53qui défendaient ceci jusqu'à la mort.
04:55Et donc ce sont des valeurs aujourd'hui
04:57qui sont repoussantes même
04:59pour tous ceux qui estiment
05:02que la paix est primordiale par rapport à tout,
05:05qu'on ne doit pas désigner l'ennemi pour ce qu'il est
05:07et que les frontières n'ont plus d'importance.
05:09Il y a un peu tout ceci aussi
05:11qui vient en toile de fond
05:13et qui explique que la transmission
05:15ne se fait plus sinon par les familles.
05:17C'est vrai qu'il y aurait une urgence
05:19de la part de l'école amnésique
05:21à retrouver sa mémoire
05:23et singulièrement cette mémoire
05:25qui a bouleversé beaucoup de familles françaises.
05:27Et à mots justement, puisque vous parlez de mémoire,
05:29une tranchée à ciel ouvert longue de 110 mètres
05:31ouvrira pour la première fois au public
05:33au musée de la Grande Guerre
05:35l'occasion pour Jean-François Copé,
05:37maire de cette ville de mots,
05:39de rappeler le devoir de mémoire sur France Inter.
05:41On a la mémoire qui flanche tout simplement
05:43et le rôle des hommes politiques
05:45des responsables politiques justement
05:47c'est d'avoir cette culture historique.
05:49C'est ce qui fait que j'ai toujours pensé
05:51que la différence entre un responsable politique
05:53banal et un homme d'Etat
05:55c'était la culture historique.
05:57On ne doit pas accepter la concurrence des mémoires,
05:59on ne doit pas accepter la déconstruction
06:01des contextes historiques,
06:03on doit la partager avec les jeunes générations,
06:05c'est notre devoir premier.
06:07Voilà, la culture historique est-ce qu'elle n'est pas
06:09peut-être en berne du côté
06:11de certains de nos responsables politiques ?
06:13Je suis d'accord avec ce qui vient d'être dit,
06:15ce qui fait l'épaisseur
06:17d'un responsable politique
06:19et au final ce qui construit un homme d'Etat
06:21c'est un rapport
06:23singulier à notre histoire,
06:25un rapport charnel
06:27avec la manière
06:29dont au cours
06:31des derniers siècles
06:33les choses se sont construites.
06:35On peut bien sûr avoir une réflexion historiographique,
06:37ça c'est bien évidemment
06:39de l'ordre du débat.
06:41Je suis passionné par les débats historiographiques
06:43mais on doit attendre
06:45de chaque responsable politique
06:47une connaissance parfaitement maîtrisée
06:49de la frise historique,
06:51de la géographie.
06:53C'est pas le cas, on peut le dire.
06:55Il y a plein de raisons qui se trouvent ici
06:57à décrire mais vous savez,
06:59il y a eu dans des formations de gauche
07:01des écoles au cours des
07:03dernières décennies qui formaient
07:05des cadres ouvriers à des responsabilités
07:07politiques. Tout ça ne pouvait
07:09pas s'improviser en quelques clics
07:11sur internet pour devenir
07:13au gré d'une circonstance favorable
07:15député en peu de mois.
07:17On a le sentiment
07:19que ces guerres-là ne peuvent
07:21plus exister, que ce sont des guerres d'antan,
07:23des guerres antiques. Or, ce que vous voyez
07:25aujourd'hui en Ukraine est précisément ce qu'ont
07:27connu ceux de
07:291914, cette grande guerre.
07:31En Ukraine, par exemple, ce sont
07:33pareillement des guerres
07:35de tranchées, des guerres de positions,
07:37des guerres horribles, des guerres qui font
07:39des milliers de morts, paraît-il,
07:41de part et d'autre, du côté russe et du côté
07:43ukrainien, avec les mêmes
07:45images qui reviennent de ces
07:47images du début du
07:49XXe siècle. Et donc il ne faut pas croire que
07:51ces guerres-là sont des guerres qui sont terminées,
07:53sont des guerres qui peuvent revenir et
07:55qui reviennent naturellement avec toute
07:57l'horreur qui avait été celle de Naguer
07:59et à laquelle nous ne sommes pas préparés.
08:01Mais on peut très bien, du jour au lendemain,
08:03recommencer à repartir pour...
08:05En plus, ici, nous avons à
08:07défendre une patrie, à défendre
08:09des frontières, à repartir comme en 1914.
08:11L'histoire se répète. Yves-Henri Aufol,
08:13vous restez avec nous, Olivier Dertigolles. Bien sûr,
08:15l'antisémitisme d'atmosphère
08:17aussi ravivé par les attaques violentes
08:19contre des supporters israéliens à Amsterdam,
08:21un antisémitisme attisé aussi
08:23par la France insoumise. On va en parler, à tout de suite.
08:25Il est 13h29, vous écoutez Céline Giraud sur Europe.