Mathieu Meffre, Directeur Général de LEADERS LEAGUE revient sur la thématique des politiques de diversité en temps de crise avec les intervenants du panel Que deviennent les politiques de diversité en temps de crise ?, qui s'est déroulé le 13 novembre au Pavillon d'Armenonville à Paris lors du Private Equity Exchange.
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00:00Bonjour à tous, nous continuons ces interviews sur le plateau de BeSmart4Change à la 23ème
00:11édition du Private Equity Exchange.
00:13A l'instant, on parlait de Mathieu Blanc à ma gauche, co-head chez RAISE.
00:17Bonjour Mathieu.
00:18Bonjour.
00:19Michaël Oana, tout à ma droite, CEO d'Alumni Executive Search.
00:23Bonjour.
00:24Bonjour.
00:25Et Claire Chabrier, juste à ma droite, managing partner au sein d'Amundi Private Equity
00:29ex-présidente de France Invest.
00:31Bonjour Claire.
00:32Bonjour Mathieu.
00:33Merci d'être avec moi.
00:34Vous aviez un sujet pas épineux, mais en tout cas un sujet important à évoquer sur
00:38scène.
00:39On parlait de diversité et notamment des politiques de diversité en temps de crise.
00:42Ces moments où les engagements sont confrontés parfois au court terme, à la rapidité d'exécution
00:50et ainsi de suite.
00:51Cette transformation profonde de l'industrie sur le segment de la diversité.
00:55Alors le but c'est de passer ensemble un moment pour voir ce que vous venez de dire.
00:59Michaël, toi qui es au contact d'énormément de candidats, notamment et de tes clients,
01:03comment tu vois évoluer cette demande du côté des fonds et également cette diversité
01:08au sein même des profils que tu vas pouvoir réunir autour de toi, avant qu'on donne
01:11la parole à ces deux patrons de fonds autour de nous ?
01:14Merci Mathieu.
01:15Donc la question de la diversité, elle se pose en temps de crise.
01:18Moi, je suis parti d'un constat empirique qui est que les demandes des clients en 2021
01:23et 2022 étaient de féminiser les équipes à travers des recrutements très nombreux,
01:30exclusivement féminins pendant cette période, en tout cas pour notre activité, et que 2023
01:37a marqué une rupture et qui s'est confirmée en 2024 puisque ces demandes ne sont plus
01:43d'actualité.
01:44On a des recrutements qui sont redevenus des recrutements mixtes, qui répondent à des
01:49besoins business.
01:50C'est beaucoup des recrutements de remplacement, contrairement aux recrutements de croissance
01:53qu'on avait vécu en 2021-2022, et dans ce contexte, on observe que le critère de
02:01genre n'est plus un critère pré-requis, obligatoire, comme il l'a été.
02:08Merci Mickaël.
02:09Claire, Mathieu, même lecture.
02:11Mickaël parle à l'instant de remplacement, donc peut-être des équipes fatiguées.
02:16Comment vous vous vivez en tant que manager ? Et sur le point de la diversité, est-ce
02:20que vous, de votre côté, vous avez réussi à emmener l'organisation vers un niveau
02:26de maturité diversity qui vous permet aujourd'hui tout simplement de recruter mixtes ? Ou est-ce
02:31que les fonds regardent ailleurs maintenant ?
02:32Nous, de notre côté, on a une grande chance, c'est qu'on a été paritaires depuis l'origine,
02:40en 2013.
02:41C'est vrai que Clara et Gonzague, c'était déjà une équipe paritaire.
02:45Exactement.
02:46On est entreprise à mission, ça fait partie de nos engagements de mission, et c'est une
02:50grande chance aujourd'hui puisque la difficulté, on l'a vu ces dernières années, des fonds
02:56à recruter des femmes, on n'y a pas été confrontés pour deux raisons.
02:59La première, c'est qu'étant paritaires, on n'a pas eu de rééquilibrage à faire,
03:04parce qu'on était à 50-50 depuis l'origine.
03:06Et la deuxième, c'est qu'étant une organisation paritaire, on attire assez naturellement des
03:12femmes qui, dans une logique de rôle modeling, se disent « c'est une organisation qui est
03:18« accueillante » pour nous, et donc on aura plus de facilité à s'intégrer, à concilier
03:25différentes vies.
03:26Donc on a objectivement une chance qui n'est pas forcément celle de tous nos concurrents
03:32et de tous nos confrères qui doivent assurer, et Clara en parlera, cette logique de rééquilibrage
03:37de leurs équipes.
03:38Merci Mathieu.
03:39Clara, de votre côté ?
03:40Alors nous aussi, on a beaucoup travaillé avec conviction, et aujourd'hui on n'est
03:45pas loin des objectifs de la charte Parité France Investe.
03:49Alors je vais plutôt parler de la parité pour le moment Mathieu, parce qu'on a parlé
03:52de diversité au sens large, il y a plusieurs piliers dans la diversité.
03:55Si on regarde la parité, je vais rappeler pour tout le monde les objectifs que la profession
04:00s'est donnée sur la parité.
04:0240% de femmes dans les équipes d'investissement à horizon 2030, la charte a été signée,
04:07la charte France Investe Parité a été signée par 85% des sociétés de gestion adhérents
04:13France Investe en 2020.
04:15En 2019, on était à 23%.
04:17Donc on voit que la profession a progressé, si je puis dire, à marche un peu forcée.
04:21C'est pour ça qu'on a beaucoup entendu parler de ces sujets.
04:23Les sociétés de gestion se sont emparées de politiques de diversité et notamment de
04:27parité, avec un progrès certes mesurable, puisqu'on est à 29%.
04:31En revanche, on voit qu'on est à 1% de progression par an.
04:35Donc on voit que ça va être difficile d'atteindre les 40% en 2030.
04:40On sera plutôt, si on continue sur ce rythme-là, à 36%.
04:44Et on peut se dire que dans le contexte actuel, qui est un contexte plus difficile, effectivement,
04:49il faut avoir une grande vigilance, puisqu'on est dans des moments un peu chahutés de lever
04:55de fond.
04:56Donc les recrutements de croissance sont plus faibles.
04:59Donc on va faire venir naturellement un petit peu moins de femmes.
05:02Donc il y a des sujets qui sont nos sujets de quotidien, à la fois d'attractivité
05:08des femmes dans la profession et de rétention, dans un moment qui est assez chahuté.
05:13Et le score s'améliorera en diversité, que ce soit parité ou diversité même sociale,
05:21diversité de profils, diversité de savoirs, diversité de knowledge, ça améliorera au
05:26fur et à mesure des années.
05:27Aussi parce qu'on arrive à créer des vocations.
05:28Aussi parce que le private equity parlera à de plus en plus de gens.
05:32C'est absolument pas, je ne citerai pas l'école de commerce dans laquelle j'étais, qui est
05:36dans le top 5.
05:37Mais je n'avais pas beaucoup entendu parler de private equity en programme de grande école.
05:40C'était il y a 15 ans, bon d'accord.
05:42Mais est-ce que du coup les actions sont menées ? Qu'est-ce que ça évoque chez les candidats
05:49dans les grandes écoles, à l'université, peut-être dans d'autres poches de savoirs,
05:55de talents ? Qu'est-ce que ça veut dire le private equity pour ces gens aujourd'hui ?
05:57Alors ça, c'est ce que j'appelais le premier pilier, c'est-à-dire l'attractivité.
06:03Comment on fait pour faire venir les personnes dans nos équipes d'investissement ?
06:08Déjà, il faut en parler, faire connaître le métier.
06:11Donc on a mis en place des actions, ce qu'on appelle d'outreach, donc de témoignage de
06:16personnes du private equity dans les écoles, pour que les jeunes connaissent notre industrie,
06:20pour qu'ils puissent y postuler.
06:22D'autre part, on voit que c'est une classe d'actifs quand même, dont on va être amené
06:26à parler de plus en plus dans les années à venir.
06:28Alors je fais un peu une digression en parlant de la loi Industrie Verte, mais qui fait rentrer
06:32le capital investissement dans la connaissance des particuliers, et on voit aussi que les
06:37jeunes commencent à s'intéresser à ce placement.
06:39Donc on va parler évidemment de plus en plus de cette industrie, et donc qui va gagner
06:44en connaissance.
06:45Notre enjeu, c'est aussi qu'on arrive à recruter de façon équilibrée entre les
06:49hommes et les femmes.
06:50Après, sur les campus d'écoles de commerce et d'écoles d'ingénieurs, on observe une
06:58notoriété grandissante du private equity.
07:00Nous, via alumni, on a une étude qui est menée tous les ans auprès de plus de 600
07:05étudiants de grandes écoles d'ingénieurs et de commerce, et la proportion se situe
07:11entre 30 et 40% des étudiants qui se disent très intéressés par le private equity sur
07:17un segment d'école qui évidemment concerne ce secteur, qui reste élitiste, très attaché
07:23à son élitisme, malgré les efforts d'outreach, etc.
07:26On a des équipes qui, globalement, dans leur recrutement, sont très conservatrices.
07:31C'est vrai que si tu enlèves le réseau, tu viens d'une école milieu de tableau,
07:37c'est impossible aujourd'hui.
07:38Tu peux, à travers le jeu des stages, tu peux, à travers des bonnes expériences
07:44professionnelles, te trouver une place.
07:46Je pense qu'aujourd'hui, on est quand même sur un secteur qui a mûri.
07:52Le nombre de recrutements a explosé par rapport à il y a 10 ans.
07:55Il n'y avait pas autant de recrutements juniors.
07:57Donc, on est dans un moment plutôt favorable pour des gens qui voudraient être des outliers
08:03statistiques et sortir de leur prédestination et faire la différence en trouvant un job
08:11en private equity.
08:12Je pense qu'on n'a jamais été mieux qu'aujourd'hui à ce titre.
08:16Pour autant, ça reste très élitiste.
08:19Globalement, si on parle de diversité, le niveau 1 le plus basique, c'est la diversité
08:27des backgrounds.
08:28Il y a très peu de diversité des backgrounds académiques dans le private equity français.
08:33Mathieu, tu évoquais le fait que RAISE était par essence paritaire, par essence extrêmement
08:42active sur la thématique de la diversité côté hommes-femmes.
08:45Est-ce que sur la partie diversité sociale, de background, vous avez réussi à commencer
08:51à poser les échelons pour être un player également sur cet aspect ?
08:54Ce n'est pas facile.
08:55C'est un très gros enjeu effectivement parce que dans notre engagement de mission,
09:01il y a la parité et la diversité.
09:02C'est vrai que la diversité regroupe beaucoup de réalités.
09:06Mickaël évoquait il y a quelques minutes le background académique.
09:10Tu viens d'évoquer le background social, donc déjà deux réalités un peu différentes.
09:15Si je caricature…
09:16Qui malheureusement se traduit d'un côté et de l'autre.
09:18Mais il peut y avoir des candidats boursiers à HEC et à l'inverse, des gens issus de
09:22milieux très favorisés dans une école entre guillemets, je mets bien des guillemets, de
09:26milieu de tableau.
09:27Donc, il y a dans cette notion de diversité, il y a beaucoup de réalités.
09:33La grosse difficulté, je mets de côté le sujet académique où là, entre guillemets,
09:40l'école se lit sur le CV.
09:42La grosse difficulté, c'est d'identifier cette diversité.
09:46C'est très compliqué de demander à quelqu'un quelle est son origine sociale, quelles sont
09:51ses orientations sexuelles, etc.
09:54Puisqu'on parle bien de diversité.
09:56Et donc, il y a un vrai enjeu, contrairement aux pays anglo-saxons où on peut poser la
10:02question et où les gens peuvent tiquer dans un questionnaire, on ne peut pas le faire
10:06en France.
10:07Donc, il y a un vrai enjeu à la fois à travers les entretiens et notamment sur les sujets
10:10d'origine sociale où on s'intéresse par exemple, on regarde est-ce qu'il y a des
10:13candidats boursiers.
10:14On essaye à travers des entretiens d'interagir plus avec les candidats, mais c'est très
10:20difficile de systématiser, contrairement aux gens où là, c'est assez lisible, c'est
10:24très difficile de systématiser, entre guillemets, un rééquilibrage ou une diversification des
10:30profils.
10:31Je pense que le sujet de l'industrie n'est pas de systématiser ou les quotas.
10:36Ce sont des sujets philosophiques où en France, on a nos propres avis qui sont différents
10:40du monde anglo-saxon.
10:41Mais effectivement, déjà, d'arriver à identifier des use-case, je pense que c'est peut-être
10:46une façon d'avancer, des use-case dans lesquels on se rend compte que certaines typologies
10:50de diplômes, même peut-être dans d'autres écoles, dans d'autres formations, peuvent
10:54fitter avec des nouveaux besoins.
10:55Finalement, il y a un énorme appel d'air qui va être fait de la part de toute l'industrie
11:00vers toutes, les fonds vont être amenés à recruter avec cette idée de plateformisation,
11:06de diversification des classes d'actifs, de nouveaux véhicules, d'offres qui deviennent
11:09de plus en plus profondes.
11:10A priori, ça devrait être de plus en plus de nouveaux talents et même de nouvelles
11:13compétences si on devait ouvrir à la diversité des compétences.
11:16Je ne sais pas ce que vous en pensez, moi je parle, mais n'hésitez pas.
11:21Ce sujet de la diversité, déjà, le premier point, c'est qu'on ne peut pas le mesurer
11:27dans nos équipes d'investissement par rapport à la parité.
11:29On avait abordé, quand j'étais présidente de France Invest, j'avais voulu pousser les
11:34feux sur ce sujet-là, dans la profession, et on avait travaillé une boîte à outils
11:39en l'abordant à travers trois piliers, le handicap, la diversité sociale et culturelle
11:44et toutes les questions LGBTQI+, avec l'idée de donner des outils aux sociétés de gestion
11:52adhérentes de France Invest, de comment s'emparer de ces thématiques-là, comment commencer
11:56un chemin avec la conviction derrière que plus on est divers autour de la table, plus
12:00on pourra créer dans les années à venir de la performance.
12:05Finalement, cette boîte à outils, je crois qu'elle aurait pu être plus exploitée,
12:10mais elle le sera certainement dans les années à venir.
12:12L'appel est lancé.
12:13Oui, et j'explique cela par la taille de nos sociétés de gestion.
12:17En réalité, on est encore, et de façon absolument pas péjorative, un métier de
12:22boutiquier.
12:23La taille moyenne d'une société de gestion en France de private equity, c'est une quinzaine
12:28de personnes.
12:29Aujourd'hui, on a des préoccupations qui sont assez court-terme, comme tu le disais
12:34Mathieu, on vient de lever, comment on recrute ? Il faut aller vite, il faut être opérationnel
12:38rapidement.
12:39Et ce sujet de diversité vient un peu en second rang et il est évidemment plus mis
12:45en avant dans les grandes sociétés de gestion et celles qui ont, comme le disait Michaël,
12:49des LP anglo-saxons.
12:50Oui, ce marché à plusieurs vitesses, cette réalité à plusieurs vitesses existe dans
12:56tellement de marchés que ce n'est pas anormal de le retrouver dans le private equity par
12:59ailleurs.
13:00Il nous reste une minute pour avancer sur le sujet, Mathieu, Michaël.
13:03Tu disais, on retrouve ces problèmes un peu partout.
13:09Je pense qu'il y a une américanisation des grilles de lecture dans le secteur, qui est
13:18liée à l'influence des LP américains, qui ne colle pas du tout avec notre cadre réglementaire
13:26et notre cadre culturel, où on ne peut pas poser un certain nombre de questions et où
13:32même, et je pense que là, on a une différence majeure, les gens ne veulent pas rentrer dans
13:37des cases et être recrutés pour cocher telle ou telle case.
13:41Et donc ça, c'est assez fort.
13:43On le voit notamment sur les recrutements féminins, qui ont beaucoup eu lieu en 21-22,
13:49sur lequel j'ai de nombreuses candidates qui me demandaient s'il s'agit d'un recrutement
13:52mixte ou d'un recrutement purement féminin, auquel cas ça me dérange.
13:56On avait un désamour des recrutements purement féminins.
14:01Ce n'est pas un désamour, c'est que le talent à l'échelle individuelle veut être recruté
14:05pour sa compétence, il ne veut pas être recruté pour autre chose que sa compétence.
14:10Et ça, je pense que c'est très différent du monde anglo-saxon, où chacun a plein d'étiquettes,
14:17avec même des forums de recrutement spécifiques en fonction des étiquettes de chacun, des
14:22orientations sexuelles, des minorités ethniques, etc.
14:26Des forums de recrutement dédiés à ces gens-là, et où les gens sont très confortables
14:31dans leur identité réduite à cette étiquette.
14:34En France, il y a un vrai désaccord avec cette vision des choses.
14:39Le mot de la fin, Mathieu ?
14:41Pour autant, je pense que si on est convaincu que la parité et la diversité sont sources
14:47de performances, nous c'est notre conviction depuis l'origine, par rapport à la question
14:53de la table ronde qui était, est-ce que ça doit évoluer en temps de crise, et comment
14:56ça évolue en temps de crise, on pense qu'au contraire ça doit s'accélérer.
15:00C'est-à-dire que si on est dans une période plus difficile, si c'est plus difficile de
15:04convaincre des LDLP, si c'est plus difficile de convaincre des candidats, cette ouverture
15:10entre guillemets vers des profils différents doit être renforcée.
15:12On va regarder, on fera le point l'année prochaine, on regardera les indices, on regardera
15:19les études, on regardera les outils de France Investe, on regardera, Mickaël, ce que toi
15:22tu fais au quotidien, et Mathieu, vous viendrez pour nous annoncer peut-être de nouvelles
15:26mesures encore, vous qui êtes finalement un acteur historique sur la thématique de
15:31la diversité.
15:32Absolument.
15:33Merci infiniment à tous les trois.
15:34Merci.
15:35L'événement continue, on se retrouve dans quelques instants pour la suite des interviews
15:37sur ce plateau Bsmart4Change, sur le Private Equity Exchange pour sa 23ème édition, à
15:42tout de suite.