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Mercredi 18 décembre 2024, SMART IMPACT reçoit Jean-Luc Stanek (Fondateur, Hace wave) , Sylvain Breuzard (PDG et fondateur, Norsys) , Caroline François-Marsal (Responsable Europe, Réseau Action Climat) et Frédéric Delloye (Président, Anaik)

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00:00Bonjour, bonjour à toutes et à tous, bienvenue, c'est Smart Impact, l'émission de celles et ceux qui font de la transformation environnementale et sociétale un axe fort de leur stratégie et voici notre sommaire.
00:19Mon invité c'est Sylvain Brezard, le président fondateur de Norcis, entreprise de services numériques, il vient de faire entrer la nature au conseil d'administration de son entreprise, il va nous expliquer.
00:31Dans notre débat, on fera le bilan des 5 ans du Green Deal, que reste-t-il des ambitions du pacte vert européen, le nouvel équilibre politique du Parlement, peut-il le remettre en cause ? Réponse tout à l'heure.
00:41Et puis dans notre rubrique start-up, je vous présenterai les turbines houlot-motrices de HazeWave ou comment l'innovation se met au service d'une énergie décarbonée.
00:50Voilà pour les titres, on a 30 minutes pour les développer, c'est parti !
00:54L'invité de Smart Impact c'est Sylvain Brezard, bonjour.
01:05Bonjour.
01:06Bienvenue, vous êtes le président fondateur de Norcis, entreprise de services numériques, vous publiez également la Perma-Entreprise, un modèle viable pour un futur viable inspiré de la permaculture, c'est aux librairies Erol.
01:18Peut-être avant de parler de ce concept, présentez-nous Norcis.
01:22Norcis, donc une entreprise dite de services numériques, on développe des logiciels sur mesure pour des entreprises, que ce soit grand groupe ou de taille intermédiaire, et autour des nouvelles technologies qu'il ne faut que changer depuis 30 ans.
01:35Voilà, donc on est particulièrement actif dans le domaine de la protection sociale, dans le domaine de la transition écologique, pour être aligné avec notre vision d'entreprise notamment, et ça fait 750 salariés en France et au Maroc.
01:48D'accord, et vous venez d'annoncer, vous l'avez mentionné je crois il y a quelques semaines, au mois de novembre, que la nature devient actionnaire de votre groupe. Je lis ça, je trouve l'idée géniale, mais enfin ça veut dire quoi ?
02:00En fait, on développe et on fait évoluer l'entreprise dans ce concept que j'ai inventé qui s'appelle la Perma-Entreprise, qui pousse à préserver notamment la planète, et l'idée c'était d'aller plus loin.
02:11C'est de dire comment faire en sorte pour que cette nature soit présente constamment dans l'entreprise et dans le temps. Et en fait, le plus simple à faire c'est de la rendre actionnaire, puisqu'un actionnaire par définition il est là, il est dans son conseil d'administration, et il y reste si on veut le sortir, et c'est lui qui va devoir dire je sors.
02:33Bon, donc ça c'est le principe, mais ensuite il faut choisir quelqu'un qui forcément va incarner la nature dans ce conseil d'administration.
02:39Voilà, alors là, évidemment, il faut que ça soit quelqu'un externe à l'entreprise, on s'entend bien, donc nous on a fait le choix de quelqu'un qui a fait des travaux de recherche pendant 4 ans, justement sur la nature et son droit dans le monde, et il a identifié quelques expériences sur une rivière, Nouvelle-Zélande, etc.
02:59Et finalement, son projet c'est de faire évoluer les gouvernances d'entreprise, donc on s'est dit qu'il était parfaitement adapté pour être monsieur nature actionnaire de Norsys.
03:09Et alors, il y a d'autres postes de pilotage ou d'influence qui de la même façon, vous allez faire essaimer l'idée dans l'entreprise ?
03:17Oui, c'est cela, parce que, bon, la nature est actionnaire, mais moi j'aime bien les équilibres, et donc je souhaitais que les salariés soient eux-mêmes plus en prise, eux-mêmes peut-être plus de pouvoir face à la défense de la nature.
03:31Et donc c'est ça qui nous fait expérimenter ce qu'on a appelé le conseil social économique et nature, le CSEN, et donc en établissant des prérogatives pour cette équipe du dialogue social qui soit autant environnementale que sociale.
03:43Ça veut dire que, vous le faisiez déjà d'une certaine façon, sauf que maintenant c'est statutaire, c'est-à-dire qu'avant toute décision, vous allez vous dire, voilà, est-ce qu'on a un impact positif ? Est-ce que ce qu'on fait est destructeur ou pas pour l'environnement ?
03:57Voilà, il y a deux approches pour notre monsieur actionnaire nature, c'est que, évidemment, dans un conseil d'administration, on analyse plutôt les choses à poste et a priori, les résultats de l'entreprise, ses projets, etc.
04:08Donc il le fera, mais ce qu'on lui a aussi donné comme liberté, c'est de pouvoir, à tout moment, par rapport à des projets que voudrait mener l'entreprise, des projets d'ordre stratégique, de dire, stop, je veux l'étudier.
04:19Donc faire un travail, là, a priori, avant qu'on l'entame, pour justement analyser les impacts.
04:24Une étude d'impact, en fait.
04:25Une étude d'impact.
04:26C'est vraiment ça, quoi.
04:27Et qui fasse qu'on trouve les bons ajustements à faire par rapport au développement d'entreprise.
04:31Est-ce que ça peut vous aider aussi à ne pas prendre la mauvaise direction ?
04:36Parce que moi, je reçois pas mal de chefs d'entreprise qui se disent, on veut améliorer, on veut peut-être changer le modèle économique de notre entreprise.
04:42On veut trouver le moyen d'avoir un impact, déjà limiter notre impact, d'avoir un impact positif.
04:47Ils disent, mais je ne sais pas quoi choisir, quelle direction prendre.
04:50Voilà.
04:51Et ça, c'était mon constat en 2019, c'est que je voyais des entreprises qui avaient envie de bouger un peu les lignes, mais qui ne savaient pas comment s'y prendre.
04:57C'est ce qui m'a fait créer ce modèle de développement qu'on appelle la perm'entreprise, avec une méthodologie complète qu'on a donnée, en bien commun, pour que tout le monde s'en apprenne.
05:05Et fasse que ces gens-là puissent dire, oui, ça y est, j'ai trouvé la vision, la perm'entreprise, et j'ai trouvé la méthodologie pour le faire.
05:12Mais c'est vrai que c'est extrêmement important, parce que les dirigeants, je crois, de plus en plus sont lucides, notamment sur les problèmes planétaires.
05:23Et il ne faut pas oublier que les problèmes sociaux sont liés à ça, et de plus en plus, d'ailleurs.
05:29Donc, il y a une volonté de bouger les lignes, mais comment faire ?
05:33Donc, c'est vraiment le modèle perm'entreprise qu'on déploie.
05:36Alors, rentrant un peu dans le détail, perm'entreprise, donc inspiré de la permaculture.
05:41Évidemment, c'est quoi une perm'entreprise ?
05:43En fait, une perm'entreprise, c'est une entreprise qui va articuler son projet, son projet, son développement.
05:49C'est vraiment un modèle de développement autour de trois principes étifs.
05:53Prendre soin des femmes et des hommes, préserver la planète, se fixer des limites et redistribuer équitablement les richesses.
05:59Alors, on va reprendre ces trois piliers, si vous voulez bien.
06:01Prendre soin des humains.
06:03Concrètement, quelles actions, vous, vous avez mises en place dans une entreprise comme la vôtre ?
06:08Alors, prendre soin des humains, c'est dans l'entreprise et à l'extérieur de l'entreprise, déjà.
06:12Et on est dans une vue globale.
06:14Donc, nous, on l'a traduit par un enjeu qui nous guide sur plusieurs années,
06:20qui est de dire comment faire pour que les collaborateurs, collaboratrices soient en énergie positive de manière permanente,
06:25en s'appuyant sur des leviers de qualité de vie.
06:27Alors, ça veut dire quoi ?
06:29Ça veut dire qu'en premier lieu, il faut développer une culture du management,
06:33qui soit une culture de dialogue, d'accompagnement.
06:35Ça, c'est fondamental.
06:37En deuxième lieu, il faut se préoccuper de, finalement, l'employabilité de tous les collaborateurs, de leur évolution.
06:43Il faut se préoccuper de l'équilibre vie professionnelle et vie personnelle.
06:47Il faut se préoccuper des conditions de travail.
06:51Et, vous voyez, la dernière idée qui est née par les salariés de Norsis,
06:55et qui l'ont poussée, c'est d'être reconnectés à la nature pendant leur travail.
06:58Tout cela, c'est des facteurs d'énergie positive.
07:01Donc, c'est très concret.
07:03Effectivement, je vois ça. Deuxième pilier, préserver la planète.
07:06Alors, là, je ne parle pas de Norsis, mais est-ce que ça veut dire, on a commencé à l'aborder,
07:12jusqu'à changer de modèle économique, et avec tout ce que ça suppose pour une entreprise ?
07:17Oui, en fait, et dans la méthodologie pour qu'on place ce modèle de perm'entreprise,
07:23justement, à un moment donné, on fait travailler sur l'alignement de son offre,
07:28soit produit, soit service, soit les deux, sur ces trois principes éthiques.
07:31Comment je peux mieux aligner ?
07:33Alors, si on prend mon cas, comment je peux faire pour que le développement d'applications, de logiciels,
07:38puissent encore permettre de mieux prendre soin des femmes et des oeuvres,
07:42puissent encore permettre de mieux préserver la planète ?
07:44Et oui, le fait de remettre en question ces offres fait que, finalement, on les fait évoluer,
07:49on prend peut-être de l'avance, on anticipe sur des futures lois et autres,
07:53et ça s'avère finalement être plus performant dans le moyen terme, si ce n'est dans le court terme.
07:58C'est ce qui s'est passé dans notre entreprise et dans d'autres perm'entreprises.
08:01Quand on prend le troisième pilier, se fixer des limites et redistribuer équitablement les richesses.
08:06Alors là, c'est pareil, c'est en interne, la gouvernance, la participation, etc.,
08:12et aussi vis-à-vis des clients, de celles et ceux qui utilisent les produits des entreprises ?
08:18En fait, ma vision des choses, c'est qu'on a en France un certain nombre d'organismes dits publics
08:26qui se préoccupent de la santé, qui se préoccupent de la justice, qui se préoccupent de l'éducation nationale, etc.
08:31Malgré tous ces organismes-là, il y a énormément de difficultés, notamment sociales.
08:36Et qu'est-ce qui fait que ça tient à peu près ? C'est le monde associatif,
08:40qui fait un travail local de territoire extrêmement précis par rapport à tout un tas de problématiques.
08:46Donc ma vision, c'est qu'il faut les soutenir davantage et les soutenir notamment financièrement,
08:51parce qu'encore une fois, c'est un peu le ciment de notre société.
08:54Donc c'est pour ça que dans le redistribuer équitablement les richesses,
08:58je pousse à ce qu'on en redistribue un peu plus au monde associatif.
09:02En plus, il y a des dispositifs fiscaux favorables pour le faire en France.
09:06Donc ne nous privons pas.
09:08Je reviens à la nature au Conseil d'administration.
09:11Est-ce que l'ancien président du Conseil d'administration de Greenpeace France que vous étiez
09:16rêvait de siéger au Conseil d'administration de certaines entreprises ?
09:20Pour être très transparent, la question s'est posée en disant
09:24« Puisqu'on veut faire ça, est-ce que ce n'est pas à toi d'y être, puisque tu as quand même un beau background sur ce sujet-là ? »
09:29Non, non, parce que je ne peux pas être crédible si je suis et dirigeant d'entreprise.
09:35Et c'est représentant nature, puisqu'on en a aussi installé dans notre conseil éthique,
09:41dans notre comité de mission, etc., pour qu'il y ait vraiment un collectif qu'on appelle le Haut conseil de la nature.
09:47C'est très bien qu'il y a soit des personnes externes qui sont expertes dans toutes ces problématiques-là,
09:53et qui vont pouvoir finalement amener de l'idée nouvelle, amener de la perspective.
09:58Voilà ce qui est en train de se passer, comment l'anticiper ? C'est ça qu'on recherche.
10:02Tiens, il nous reste une minute. Vous êtes une entreprise de services numériques.
10:05Quelle place vous donnez à l'intelligence artificielle, et notamment à la nouvelle forme d'intelligence artificielle dans votre vision du futur ?
10:13Alors, question évidemment difficile.
10:18On a à Norsis une équipe qu'on appelle les pirates.
10:21Ce sont des gens qui, justement, cherchent à faire évoluer l'entreprise sur tout un tas de sujets.
10:25Donc, ils se sont emparés de l'intelligence artificielle il y a 18 mois.
10:28Notre conseil éthique aussi.
10:30Et en fait, notre posture finalement, c'est de dire que de toute façon, quelles que soient les technologies, dont l'intelligence artificielle,
10:38ce qui est important, c'est qu'on analyse l'usage qu'on veut en faire.
10:42Et donc, en ce qui nous concerne, Norsis, il y a des usages sur lesquels on n'ira pas,
10:45et il y a des usages sur lesquels on ira.
10:47Des usages qui sont, encore une fois, alignés sur le principe éthique,
10:51qui vont permettre notamment de mieux prendre soin des femmes et des hommes,
10:54mais des usages aussi qui vont être peut-être moins carbonés, moins émetteurs d'émissions que d'autres technologies,
11:00parce que dans l'intelligence artificielle maintenant, il y a des tas d'algorithmes différents et de technologies différentes.
11:05Bien sûr. Et effectivement, un bilan carbone qui est assez vertigineux.
11:10Si elle se développe aussi vite qu'on le prévoit, ça fait beaucoup de data centers à alimenter.
11:15Vous avez dû entendre certains acteurs américains dire, je veux ma centrale nucléaire,
11:19et pour alimenter mes centres serveurs.
11:21Ils y sont déjà.
11:23C'est très impressionnant et inquiétant quand même au regard de la nature, ça, bien sûr.
11:26Merci beaucoup, Sylvain Brozard.
11:28J'ai appelé votre livre, La perma-entreprise, modèle viable pour un futur viable,
11:32inspiré de la permaculture, à la librairie Érolles.
11:36Merci encore.
11:37C'est moi qui vous remercie.
11:38On passe à notre débat, le bilan du Green Deal, du pacte vert européen.
11:43Retrouvez le débat de Smart Impact avec Veolia.
11:55L'avenir du Green Deal, le pacte vert européen.
11:57Voilà le thème de notre débat avec Caroline François-Marsal.
12:00Bonjour.
12:01Bienvenue.
12:02Vous êtes responsable Europe du réseau Action Climat et Frédéric Deloy.
12:05Bonjour.
12:06Bonjour.
12:08Quelques questions de présentation rapide.
12:10Le réseau Action Climat, en quelques mots.
12:12Oui, c'est une fédération de 27 organisations françaises de la société civile.
12:17On coordonne et de 10 associations locales.
12:20On lutte ensemble contre les causes du dérèglement climatique
12:23en influençant les pouvoirs publics et en produisant de l'expertise
12:27sur les politiques publiques de lutte contre le réchauffement climatique.
12:31Anaïck, quel est votre métier ?
12:33Anaïck, c'est 50 ans d'existence.
12:35Une entreprise que je dirige depuis 26 ans.
12:38Le métier, c'est la conception et la fabrication de cadeaux et coffrets promotionnels.
12:42On est sur deux marchés.
12:43Deux tiers de notre chiffre d'affaires, c'est le marché de la beauté.
12:46Et un tiers, c'est le marché de la distribution.
12:48Et on est présent dans cinq pays.
12:50On réalise un peu plus de 50 millions d'euros de chiffre d'affaires.
12:53Et vous êtes bicorp depuis 2022.
12:552022.
12:56C'est ça.
12:57Donc, ça veut dire que c'est tous les trois ans.
12:58Donc, vous êtes en train de préparer le prochain examen, en quelque sorte.
13:02Absolument.
13:03Vous espérez progresser ?
13:04Oui, on l'est persuadé.
13:05Donc, ça, c'est un vrai engagement.
13:07Le Green Deal, ce pacte vert européen.
13:10Peut-être qu'on peut rappeler son ambition, pour commencer.
13:13Caroline François-Marsal.
13:14Oui, c'est en fait une feuille de route qui a été proposée par la Commission européenne en 2019
13:19pour atteindre la neutralité climatique en 2050 en Europe.
13:23Donc, ça veut dire pour que les pays de l'Union européenne n'émettent pas plus de CO2 qu'ils en absorbent.
13:28Et avec cette feuille de route, du coup, dirigée sur la neutralité climatique,
13:31on a tout un tas d'initiatives, de textes, de lois qui viennent transformer les différents secteurs de l'économie.
13:38Donc, l'énergie, les transports, l'alimentation, l'agriculture, etc.
13:42Et donc, ça positionnait, je suis à l'imparfait, même si on va espérer que ça continue,
13:47l'Europe comme, finalement, le continent le plus ambitieux en la matière.
13:50On peut dire ça ?
13:51À l'époque, oui.
13:52En 2019, l'UE était le premier groupe politique, on va dire,
13:56à se positionner sur cet objectif de neutralité climatique.
13:59Vous avez signé, Frédéric Deloy avec 300 dirigeants et alumnis de grandes écoles, une tribune dans les Échos,
14:06un engagement pour le pacte vert.
14:08Est-ce que vous nous dites aujourd'hui, il y a un risque, il est remis en question ?
14:13Oui, en tout cas, nous, en trois jours, il y a eu 450 signataires, ce qui est quand même assez marquant.
14:21Et en fait, ces jeunes diplômés ou anciens diplômés qui regardent l'avenir
14:27se disent qu'il y a des préoccupations sur le climat.
14:30Et en fait, l'idée est de dire qu'il ne faut pas s'arrêter maintenant.
14:33On a appris au niveau de l'Europe un avantage concurrentiel évident.
14:38C'est un avantage concurrentiel.
14:40En tout cas, l'avantage de cette CRD, de mon point de vue en tant que dirigeant d'entreprise,
14:45c'est que ça nous donne de la méthodologie, ça nous donne un cadre.
14:49Et nous, on saisit l'opportunité de ce cadre pour discuter avec toutes nos parties prenantes.
14:54Et de là jaillit un alignement avec nos différents partenaires, jaillit de l'innovation.
15:00Et donc, c'est dans ce sens où la réglementation, c'est quelque chose qui s'impose à nous.
15:05Donc, ne freinons pas.
15:06Au contraire, saisissons toutes les opportunités pour créer de la valeur grâce à la réglementation.
15:13Parce que, quand on est François Marsal, il y a un mouvement pour quoi ?
15:17Revoir, freiner, interrompre ce bilan extra-financier ?
15:22On en parle quasiment tous les jours dans notre émission,
15:24qui s'impose étape par étape à toutes les entreprises européennes.
15:28Alors oui, donc ça, c'est une partie du pacte vert qui adresse la question du reporting financier et financier des entreprises.
15:35Et effectivement, en fait, ce qu'on observe depuis quelques mois, avant les dernières élections européennes de juin,
15:40c'est qu'il y a pas mal d'initiatives de velléité de certains groupes politiques et de certains États
15:45de défaire ce qui a été adopté pendant les cinq ans de la précédente mandature, et donc du pacte vert.
15:51C'est le cas sur la CSRD actuellement, avec notamment des déclarations en France de ralentir la transposition de son texte.
15:59C'est le cas, par exemple, à Bruxelles, avec des velléités d'aller contre le règlement sur la lutte contre la déforestation importée,
16:07qui devait interdire la vente sur notre marché intérieur de produits comme le caoutchouc, le café, etc., issus de cette déforestation.
16:13Et du coup, on est en train, en fait, de décranter tout un tas de victoires obtenues précédemment.
16:18– Vous avez commencé à l'aborder, Frédéric Deloy, mais à quel point cette CSRD, ce bilan extra-financier,
16:24c'est un levier de transformation pour vous ?
16:27– Alors, je vais prendre un exemple qui date de cette semaine.
16:32Nous avions constaté, si on regarde nos émissions de gaz à effet de serre sur le Scope 3,
16:39qui concernent vraiment principalement notre activité, puisque nous, nous concevons,
16:43nous faisons fabriquer en Chine principalement, et nous importons.
16:47On constate que dans le Scope 3, on a trois commandes qui représentent 15% des émissions de fret,
16:56donc trois commandes en fret aérien.
16:59Donc, ça engage une discussion avec nos clients, et on avait un client,
17:03on a constaté un client qui avait l'habitude de toujours pratiquer et de demander du fret aérien.
17:09On a engagé cette semaine une discussion avec une posture qui consistait à dire à notre client,
17:14écoutez, voilà, nous, on est engagé sur une trajectoire émissions de gaz à effet de serre,
17:19conformément aux accords de Paris, donc on ne peut plus pratiquer comme ça.
17:23Qu'est-ce qu'on peut faire ensemble ?
17:25Et donc, on a réussi à construire avec notre client un aménagement de sa planification,
17:30et donc on va l'accompagner pour éviter et pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.
17:36Et je pense qu'en tant que fournisseur, je suis extrêmement fier que mes collaborateurs
17:41aient cette posture vis-à-vis de nos clients, et je trouve que l'énorme avantage pour l'entreprise,
17:47c'est qu'on crée la valeur immatérielle, non financière, et on discute avec nos clients d'autres choses que de prix.
17:53Alors, cette CSRD, on va rester là-dessus, parce qu'on peut quand même se dire qu'on peut la simplifier.
17:59Bon, on va y venir, mais il y a un autre élément, Caroline François-Marsal, que je trouve intéressant,
18:04c'est si on l'interrompt, c'est une prime à ceux qui n'ont rien fait.
18:08Vous voyez ce que je veux dire ? Le message envoyé était quand même, à mon avis, assez calamiteux.
18:13Qu'est-ce que vous en pensez ?
18:14Oui, tout à fait. En fait, le problème de ce qui se passe, c'est que l'Union européenne avait annoncé une ambition très claire,
18:19avec un cap très clair, avec une échéance en 2030 de réduire nos émissions de 55% de gaz à effet de serre,
18:25et en 2050 d'atteindre la neutralité climatique.
18:28Et là, les discours, en fait, les décisions politiques sont brouillées à Bruxelles,
18:34et du coup, ça apporte de l'incertitude, de l'instabilité aux entreprises,
18:38qui, pour celles qui ont commencé à se transformer en particulier, est très dommageable, en fait.
18:44Oui, 800 pages quand même.
18:46Oui, on peut dire que c'est extrêmement complexe, on est d'accord.
18:49Après, moi, je fais confiance aux entreprises leaders.
18:53D'ailleurs, l'enjeu essentiel pour nous, en tant qu'entreprise, petite entreprise ou de taille intermédiaire,
19:01c'est le recueil de la data.
19:03Et donc, je pense que c'est le frein principal,
19:05où là, les entreprises vont dire, j'ai autre chose à faire, le contexte économique n'est pas favorable,
19:09je n'ai pas les ressources, ça coûte cher, etc.
19:13Moi, je fais confiance aux législateurs dans l'application des textes,
19:18mais personnellement, je pense que compte tenu des enjeux,
19:22il ne faut pas sanctionner les entreprises qui sont avancées,
19:25il faut maintenir et communiquer nos convictions,
19:28et c'est certaines entreprises leaders qui vont se mettre en mouvement,
19:32certains groupes leaders qui vont emmener tout leur écosystème,
19:36qui fait qu'on va pouvoir commencer à transformer notre économie,
19:39ou accélérer dans la transformation de notre économie,
19:41créer de la valeur en Europe,
19:43à contrario d'autres continents qui, eux, ne sont pas suffisamment raccordés à ces préoccupations climatiques.
19:51Je vais vous poser la même question à tous les deux.
19:53Je commence avec vous, Frédéric Deloy,
19:55quand on voit que les patrons de Total Energy et d'EDF
19:59disent que les lourdeurs réglementaires freinent les investissements en France
20:03et plombent les efforts de réindustrialisation et de décarbonation.
20:06Vous dites quoi ? Il faut les entendre ? Ils ont en partie raison ?
20:11Je dis que ces deux entreprises, ces deux patrons d'entreprises,
20:14ont une vision beaucoup plus globale que la mienne,
20:18et ont une capacité avec leur comité exécutif
20:23à intégrer les différents composants dans les stratégies de leurs entreprises.
20:28C'est plus facile pour eux que pour une entreprise comme la vôtre ?
20:30Absolument, mais d'autre part, je pense que leur responsabilité,
20:36compte tenu du fait qu'ils ont plus de moyens, qu'ils ont une vision beaucoup plus globale,
20:42leur responsabilité n'est pas d'opposer les choses,
20:46mais au contraire d'intégrer ces investissements-là
20:50et ne pas opposer tel investissement par rapport à tel autre.
20:54Vous savez, quand j'ai démarré dans ma carrière, on ne parlait pas de digital,
20:58on ne parlait pas de RSE, et je n'ai pas résisté à ça.
21:01Au contraire, j'ai voulu saisir les opportunités pour faire progresser et avancer mon entreprise.
21:06Je pense que la responsabilité d'un grand groupe, c'est de regarder l'avenir,
21:10c'est de construire l'avenir, non pas seulement de son entreprise, mais aussi de la société.
21:15Quand il dit ça, est-ce qu'il participe au mouvement qui consiste à dire
21:21« appuyons sur le frein » par rapport à l'ambition du Green Deal au niveau européen,
21:26ou est-ce qu'ils ont quand même, et d'ailleurs les deux ne sont pas totalement antinomiques,
21:30en partie raison, c'est-à-dire qu'il y a peut-être une surtransposition de normes,
21:34un peu trop de complexité dans les normes environnementales imposées ?
21:37Votre avis ?
21:38En fait, ça pose vraiment le débat de la valeur ajoutée de la norme environnementale européenne.
21:43Je pense qu'il faut vraiment aborder ce débat rationnellement et en regardant les faits.
21:48On voit beaucoup aujourd'hui que la norme environnementale, c'est un problème pour la compétitivité européenne,
21:52pour justement la force des entreprises en Europe.
21:56Si on regarde un petit peu les chiffres, on voit par exemple que la Commission européenne a constaté
22:01que la politique environnementale représente seulement 1% de la charge administrative des entreprises en Europe.
22:07Donc ce n'est pas forcément l'aspect à pointer uniquement.
22:11Et par ailleurs, il faut aussi comprendre que ces normes environnementales,
22:15en fait, il y a un enjeu de mise en œuvre qui est clair.
22:17Il y a une difficulté des États, des territoires, des entreprises à mettre en œuvre.
22:20Et l'Union européenne peut être là pour les accompagner davantage, pour améliorer la mise en œuvre sur le terrain.
22:28Mais il faut aussi voir que les législations environnementales sont là pour une raison,
22:32c'est aussi pour protéger les entreprises au long terme.
22:35Puisque si on prend par exemple les coûts liés aux catastrophes climatiques ces dix dernières années,
22:40on voit qu'on est à 26 milliards d'euros par an annuellement.
22:45Donc il faut bien prendre tout ce qu'apporte cette norme et pas seulement pointer la difficulté du Reparty.
22:55Dernière question, en cas assez politique, les élections européennes ont abouti avec un Parlement,
23:02avec un axe de gravité un peu plus vers la droite, avec des partis d'extrême droite, nationalistes, populistes,
23:10qui sont souvent climato-sceptiques ou qui en disent en appuyant sur le frein.
23:14On ne peut pas faire comme si ces électeurs européens n'avaient pas voté ?
23:18Je comprends très bien.
23:20Moi en fait, en dirigeant cette entreprise avec mon équipe, je me concentre avec mes parties prenantes,
23:26mes fournisseurs, mes collaborateurs, mes clients, sur ce que nous on maîtrise.
23:32On est, vous l'avez rappelé tout à l'heure, on est une entreprise bicorp,
23:35on est entreprise à mission depuis 2020.
23:37Donc en fait, on a vraiment inscrit dans notre projet d'entreprise et dans les statuts de nos entreprises
23:41comment nous voulons nous servir de notre activité pour contribuer au bien commun, la planète et les personnes.
23:46Et donc, dans cet environnement brouillé que vous décrivez, il y a des tensions.
23:53Je connais dans notre activité ces tensions sur les différents continents où on opère.
23:58Et en fait, on a toujours réussi à traverser, à nous adapter, à être agile en gardant le cap.
24:04Moi, ce que je dis et ce que je souhaite, c'est qu'on garde le cap.
24:08Parce que le monde actuel, qui est tellement bouleversé, a besoin d'un cap clair.
24:14Et je pense qu'au niveau de l'Europe, il faut qu'on garde ce cap, cette direction.
24:18Mais qu'après, on soit assez souple et tolérant dans la mise en œuvre.
24:21Parce que, compte tenu de toutes ces contraintes, effectivement, il faut qu'on soit tolérant sur le fait
24:27que telle entreprise n'a pas pu produire son rapport de durabilité à temps ou quoi.
24:31Merci beaucoup.
24:32Et ça repose la question de l'acceptabilité, évidemment, de cette transformation.
24:36Merci à tous les deux.
24:37C'était très intéressant de vous avoir sur le plateau de BeSmart for Change.
24:40On passe à notre rubrique Startup tout de suite.
24:49Smart Ideas avec Jean-Luc Stanek, le fondateur de Ace Wave.
24:52Bonjour, bienvenue.
24:53Bonjour.
24:54On va parler de houlot moteur.
24:55Déjà, commençons par comprendre de quoi on parle.
24:57C'est quoi ?
24:58C'est un moteur qui fonctionne avec la houle.
25:00En bref, on récupère l'énergie de la houle pour en faire de l'énergie électrique.
25:03Ok.
25:04Alors ça, c'est l'idée de départ et ce n'est pas si simple à mettre en œuvre.
25:08Combien d'années de recherche et développement de brevets pour aboutir à une solution qui
25:14commence à être opérationnelle aujourd'hui ?
25:1720 ans, une soixantaine de brevets, plusieurs grandes écoles d'ingénieurs qui nous suivent.
25:21D'accord.
25:22Ce pouvoir de la houle, quand, comment vous en avez pris conscience en fait ?
25:27En plongée.
25:28J'ai été passionné de plongée.
25:29Je voyais au palier de grands bateaux qui se faisaient secouer.
25:32Je me disais, c'est dommage de ne pas profiter de cette énergie.
25:35J'ai vu les souffleurs à la Réunion.
25:37Les souffleurs, c'est quoi ?
25:38Les souffleurs, c'est l'eau qui rentre dans des cavités formées par des tubes de volcans,
25:43des tubes de lave.
25:45Et ça souffle et on voit l'air comprimé qui sort.
25:48Et c'est un vieux copain, il y a 2200 ans, Archimède, qui a eu la première fois cette idée.
25:53Il a montré qu'en posant un tube dans l'eau, lorsque l'eau passe, l'eau monte et descend
25:56dans les tubes, ce qui crée une grosse pompe à vélo.
25:58Donc, on fait des grosses pompes à vélo sur l'eau.
26:00Donc, on a bien compris l'idée, on a bien compris le potentiel.
26:06Vous en êtes où aujourd'hui du développement de Ace Wave ?
26:09Tout est prêt jusqu'au process industriel qui est totalement prêt.
26:13Maintenant, il ne manque plus que des fonds.
26:15Nous sommes en train de rechercher.
26:16Principalement à l'étranger, c'est plus simple.
26:18Mais récemment, Bouygues Energy Service est notre nouveau partenaire.
26:22Donc, on espère qu'on va faire quelque chose sur le port de Marseille.
26:26Donc, on commence à rentrer dans un projet beaucoup plus compris.
26:30Il y a un démonstrateur qui existe déjà ?
26:33Deux démonstrateurs ont fonctionné en mer et ont prouvé, avec moins de 3% d'écart
26:38par rapport aux simulations, que toutes nos prévisions sont justes.
26:41Comment ça fonctionnerait ?
26:43Ça ressemble à quoi d'ailleurs ?
26:45Qu'est-ce qu'on installerait ?
26:47Ça ressemble à un grand tube posé sur l'eau.
26:50Et dessous, imaginez un immense bac à glaçons.
26:54Chaque portion du bac à glaçons est une pompe à vélo
26:58qui amène de l'air comprimé et qui alimente nos turbines révolutionnaires
27:01qui produisent l'électricité.
27:03Donc, l'électricité est produite directement sur l'eau motrice en mer,
27:09pas trop loin des côtes quand même ?
27:11C'est quoi l'idée ?
27:12Vous voulez, du moment que l'eau est agitée,
27:14sur le lac Léman, on fonctionnerait encore 50% du temps.
27:17On a prouvé qu'on fonctionnait avec des vagues comme ceci,
27:19ce qui est essentiel pour l'hydrogène vert.
27:21Et donc, on pourrait produire 4-5 fois l'électricité de la planète
27:24si on le désirait rapidement.
27:26Avec un avantage, parce qu'on va vous comparer à d'autres énergies renouvelables,
27:31évidemment, si je prends l'éolien maritime, l'éolien offshore,
27:35il y a un avantage qui me semble évident, c'est l'effet visuel.
27:40C'est-à-dire que ce que vous, vous installez,
27:42on ne le voit pas du large ou quasiment pas ?
27:45On n'arrive pas à le trouver lorsqu'on arrive sur place.
27:48Donc, par rapport à l'éolien, on est très complémentaires.
27:52On est très compétitifs, à moins de 2 centièmes du kWh.
27:55Et ça permet d'installer très vite quelque chose
27:58qui va permettre d'avoir un mix énergétique
28:00avec toutes les autres énergies renouvelables
28:02qui permettent d'être totalement en totale parité réseau.
28:04Alors ça, c'est intéressant. Pourquoi vous êtes complémentaires ?
28:07Parce que vous tournez à des moments où les autres tournent moins ?
28:12Nous, on tourne tout le temps.
28:14On tourne plus fort le soir et en hiver.
28:17Donc, on est vraiment en parité réseau.
28:20L'humanité a besoin de toutes les énergies.
28:23On n'a pas une seule qui est meilleure que les autres.
28:25Simplement, le mix énergétique et les câbles
28:28qui sont déjà posés pour l'éolien
28:30permettraient de lisser l'énergie des éoliens
28:33et donc de rendre leur énergie plus acceptable pour le réseau.
28:37On peut imaginer...
28:39Parce que moi, ce que je vous entends, je me dis
28:42l'idée, elle est géniale, le démonstrateur, il y en a deux, etc.
28:46Qu'est-ce qui coince ?
28:48En France ?
28:50On ouvre le parapluie, on aime bien ce qui marche déjà.
28:53On ne finance l'innovation que lorsque c'est déjà fait
28:56depuis 3 ou 4 ans. Donc, ce n'est plus de l'innovation.
28:59D'accord. Et donc, vous allez pas mal vous financer à l'étranger ?
29:02On a beaucoup de projets à l'étranger, en Afrique du Sud, au Maroc.
29:05Nous sommes partenaires de l'université de Fès
29:08avec les écoles d'ingénieurs dans les métiers français
29:10pour développer l'hydrogène vert marin au Maroc
29:12puisque c'est la solution pour développer
29:14de l'hydrogène extrêmement compétitif
29:16qui sera moins cher que le carburant fossile.
29:18Merci beaucoup d'être venu nous présenter S-Wave.
29:21Voilà, c'est la fin de ce numéro de Smart Impact.
29:23Je vais aller très vite pour remercier Alexis Mathieu,
29:25Marie Billa à la programmation.
29:27Le réalisateur, c'est Xavier Sanchez.
29:29Et Thibaut Goury-Lafond au son.
29:31Belle journée.